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La lutte contre le blanchiment en droit belge, suisse, français et italien: Incrimination et confiscation, prévention, entraide judiciaire
La lutte contre le blanchiment en droit belge, suisse, français et italien: Incrimination et confiscation, prévention, entraide judiciaire
La lutte contre le blanchiment en droit belge, suisse, français et italien: Incrimination et confiscation, prévention, entraide judiciaire
Livre électronique964 pages12 heures

La lutte contre le blanchiment en droit belge, suisse, français et italien: Incrimination et confiscation, prévention, entraide judiciaire

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À propos de ce livre électronique

Cet ouvrage, destiné aux usages universitaires et professionnels, présente le cadre légal de la lutte contre le blanchiment d’argent en vigueur en Belgique, en France, en Italie et en Suisse, ainsi que le cadre normatif supranational qui régit cette matière. Après avoir présenté le développement et la portée des principaux instruments de lutte contre le blanchiment internationaux et européens, les auteurs analysent les incriminations relatives au blanchiment et les dispositifs de confiscation, ainsi que les dispositions imposant un devoir de vigilance aux professionnels des secteurs financiers ou qui pratiquent différentes formes d’intermédiation financière (dont les avocats et les notaires, mais aussi les gérants de casinos ou les agents immobiliers). L’ouvrage se penche aussi sur le développement de l’entraide judiciaire en tant qu’outil de lutte contre un phénomène qui traverse les frontières nationales.
LangueFrançais
ÉditeurBruylant
Date de sortie15 mai 2013
ISBN9782802743033
La lutte contre le blanchiment en droit belge, suisse, français et italien: Incrimination et confiscation, prévention, entraide judiciaire

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    La lutte contre le blanchiment en droit belge, suisse, français et italien - Bruylant

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    Éditions Bruylant

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    Tous droits réservés pour tous pays.

    Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

    ISBN 978-2-8027-4303-3

    Les auteurs

    Maria Luisa Cesoni, professeur à la Faculté de droit et de criminologie de l’Université catholique de Louvain, ancienne avocate au Barreau de Milan.

    Damien Vandermeersch, professeur à la Faculté de droit et de criminologie de l’Université catholique de Louvain et aux Facultés universitaires Saint-Louis, avocat général à la Cour de cassation.

    Ursula Cassani, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Genève, juge à la Cour d’appel du pouvoir judiciaire de Genève, avocate.

    Georgios Pavlidis, docteur en droit de l’Université de Genève, avocat à Drama (Grèce).

    Geneviève Giudicelli-Delage, professeur à l’Université Paris I, Panthéon-Sorbonne.

    Aurélie Binet-Grosclaude, docteur en droit, chargée de cours à la Faculté libre de droit de Lille.

    Juliette Tricot, docteur en droit, chargée de cours à l’Institut d’Études Judiciaires Jean Domat, Université Paris I, Panthéon-Sorbonne.

    Alberto di Martino, professeur à la Scuola Superiore Sant’Anna et à l’Université de Pise.

    Sommaire

    Introduction

    CHAPITRE I. – La construction supranationale de la lutte contre le blanchiment (Maria Luisa CESONI)

    1. – Le développement et la portée des instruments supranationaux

    2. – L’incrimination du blanchiment

    3. – Les dispositifs de confiscation

    4. – Le dispositif à caractère préventif

    5. – Le cadre international de l’entraide

    6. – Remarques conclusives

    7. – Bibliographie

    CHAPITRE II. – La lutte contre le blanchiment en Belgique (Maria Luisa CESONI et Damien VANDERMEERSCH)

    1. – L’incrimination du blanchiment et la confiscation

    2. – Le dispositif à caractère préventif

    3. – L’entraide judiciaire en droit interne

    4. – Bibliographie

    CHAPITRE III. – La lutte contre le blanchiment en Suisse (Ursula CASSANI et Georgios PAVLIDIS)

    1. – Les infractions pénales et la confiscation

    2. – Le dispositif à caractère préventif

    3. – L’entraide judiciaire en droit interne

    4. – Remarques finales

    5. – Bibliographie

    CHAPITRE IV. – La lutte contre le blanchiment en France (Aurélie BINET-GROSCLAUDE et Juliette TRICOT, sous la supervision de Geneviève GIUDICELLI-DELAGE)

    1. – L’incrimination du blanchiment et la confiscation

    2. – Le dispositif à caractère préventif

    3. – L’entraide judiciaire en droit interne

    4. – Bibliographie

    CHAPITRE V. – La lutte contre le blanchiment en Italie (Alberto di MARTINO)

    1. – L’incrimination du blanchiment et la confiscation

    2. – Le dispositif à caractère préventif

    3. – L’entraide judiciaire en droit interne

    4. – Bibliographie

    ANNEXE. – Sites législatifs, organismes de traitement des informations financières et autorités de contrôle des marchés financiers

    Introduction

    Les activités que l’on appellera plus tard « blanchiment » de l’argent d’origine criminelle semblent avoir commencé à être perçues comme des activités socialement dangereuses à partir des années 1960 aux États-Unis(1), qui auraient donné la première définition légale indépendante de cette activité délictueuse dans une loi de 1986(2). Ce n’est donc pas étonnant de découvrir que la nouvelle incrimination de blanchiment – ou, plus précisément, de substitution des profits issus de certaines infractions – fait l’une de ses premières apparitions européennes en 1978 en Italie(3), pays dont le droit est souvent inspiré du droit fédéral américain, et qu’elle se diffuse d’abord au travers d’un instrument international – la Convention de Vienne de 1988 – adopté dans l’un des domaines conventionnels (en matière pénale) les plus fortement influencés par les États-Unis : le trafic de stupéfiants.

    En dépit – ou en raison – d’un secret bancaire encore bien protégé, le gouvernement suisse met en exergue la « problématique du blanchissage d’argent » en 1989 et propose d’adopter non seulement une incrimination ad hoc, mais aussi un système de prévention fondé sur la vigilance des institutions financières. Le phénomène est considéré comme strictement lié au trafic de stupéfiants et au développement de la criminalité organisée au niveau international, phénomènes qui ont alerté l’opinion publique(4).

    À la différence de la grande criminalité traditionnelle, dont « la règle voulait que les auteurs se partagent le butin et – pour éviter sa découverte – le remettent peu à peu en circulation durant une certaine période et chacun de son côté »(5), les activités de la criminalité organisée s’installent dans la durée et requièrent de travailler quotidiennement avec des sommes d’argent considérables. Dès lors, la saisie et la confiscation de ces fonds devraient s’avérer bien plus efficaces que l’arrestation d’un membre du milieu.

    Dans la première moitié des années 1990, les quatre pays étudiés dans cet ouvrage sont engagés dans la lutte contre le blanchiment. De nouvelles infractions de blanchiment de portée générale sont adoptées en 1990 en Belgique, Suisse et Italie, et en 1996 en France (qui en connaissait toutefois, depuis 1987, une version limitée au trafic de stupéfiants). Quant aux premières législations instaurant un dispositif de prévention, elles ont été introduites en 1990 en France, en 1991 en Italie, en 1993 en Belgique et en 1997 en Suisse, ce pays ayant, cependant, déjà incriminé en 1990 le défaut de vigilance en matière d’opérations financières.

    En 1992 pourtant, dans l’un des premiers états des lieux sur les connaissances scientifiques en matière d’économie de la drogue – i.e. de son trafic illicite –, on pouvait lire à propos du blanchiment de ses profits : « force est de constater que cette question posée comme centrale, depuis quelques années, par les chefs d’État des plus grands pays industrialisés, reste la plus mal connue dans l’ensemble des pays »(6), dont les États-Unis et les pays européens. On y remarquait, par ailleurs, que si le Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI) avait produit une bonne connaissance des mécanismes de blanchiment, on avait peu de connaissances précises sur les mouvements réels de ces capitaux.

    En 1999, Ursula Cassani remarquait que, si l’idée de s’attaquer aux profits du crime n’était pas nouvelle, elle n’était devenue un enjeu important de politique criminelle que depuis une dizaine d’années, en raison de l’énormité des profits amassés par certaines activités, dont notamment le trafic illicite de stupéfiants(7).

    À partir de 1990, en effet, un dispositif articulé de lutte contre le blanchiment est conçu au niveau international, dans le cadre du Conseil de l’Europe notamment, qui adopte la première convention internationale entièrement consacrée à ce phénomène.

    Dès le départ, la lutte contre le blanchiment se structure autour de deux objectifs : réprimer les auteurs, mais aussi – voire surtout – les priver des produits de leurs activités illicites(8). Le volet pénal, représenté par l’incrimination, s’accompagne ainsi de dispositifs de saisie et de confiscation. Parallèlement, un volet préventif est développé, au sein de l’Union européenne tout particulièrement, visant à détecter et à bloquer les opérations de blanchiment grâce à la coopération imposée, d’abord, aux banques et institutions financières et, ensuite, à d’autres types d’intermédiaires financiers et de professions indépendantes. Les opérations de blanchiment étant le plus souvent internationales, la coopération judiciaire développée en matière de saisie et confiscation représente le quatrième volet d’un dispositif qui constitue désormais une véritable politique criminelle en matière de lutte contre le blanchiment.

    On pourra constater, dans le déroulement de cet ouvrage, que cette politique criminelle vise, en priorité, à s’attaquer aux profits des activités illégales et, pour atteindre cet objectif, à mettre en place un système efficace de coopération internationale. De ce point de vue, l’incrimination du blanchiment – c’est-à-dire de « l’acte qui est destiné à soustraire l’argent de provenance criminelle à la confiscation »(9) – apparaît jouer un rôle instrumental : elle est mobilisée moins en tant qu’instrument normatif destiné à punir les coupables qu’en tant que définition légale permettant d’identifier et de circonscrire le champ d’action du système de coopération mis en place aux fins de la confiscation(10).

    Van Den Wyngaert et Stessens ont souligné, ainsi, que le développement de l’entraide internationale en matière de blanchiment, qui porte notamment sur les dispositifs d’identification, de gel, de saisie et de confiscation des produits d’activités criminelles, a attribué un second objectif à l’entraide en matière pénale(11). Celle-ci, traditionnellement destinée à assurer à la justice les coupables d’infractions pénales, avait comme objet des individus à neutraliser ; désormais, elle porte aussi sur des biens. Cela, non plus seulement afin de détenir les preuves des activités illégales, mais aussi dans le but spécifique de la neutralisation des biens eux-mêmes.

    Ce sont ces différents dispositifs que nous nous sommes attelés à présenter dans cette étude, en prenant en compte aussi bien la multitude de dispositions qui existent désormais en droit conventionnel et européen que les dispositions correspondantes en droit interne.

    Après avoir présenté l’évolution du cadre normatif supranational en matière d’incrimination du blanchiment, de saisie et confiscation, de prévention et d’entraide judiciaire internationale portant sur la saisie et la confiscation (I), nous examinerons successivement la législation belge en vigueur dans ses volets répressif et préventif, ainsi que les dispositions nationales en matière d’entraide internationale, surtout en ce qui concerne les dispositifs de saisie et de confiscation (II) ; les mêmes aspects seront systématiquement traités en droit helvétique (III), en droit français (IV) et en droit italien (V).

    Le choix des pays provient du cadre d’une recherche précédente portant sur les nouvelles incriminations relatives à l’organisation criminelle, qui amorçait une analyse de l’évolution de la législation en matière de lutte contre la criminalité organisée dans les pays concernés par le présent ouvrage, dont le blanchiment – notamment en ce qui concerne la Suisse(12). Cette recherche nous a amenés à vouloir approfondir l’analyse de divers instruments de lutte contre la criminalité organisée, en matière de blanchiment actuellement, mais aussi, précédemment, de nouvelles méthodes d’enquête, de confiscation élargie et de certains dispositifs à caractère procédural (témoignage anonyme, protection des témoins, vidéoconférence, collaborateurs de justice)(13).

    L’importance et la diversité des dispositions supranationales relatives à la matière traitée dans cet ouvrage nous empêchent d’en développer une analyse approfondie. Cependant, nous avons considéré comme opportune une présentation systématique de ces dispositions, afin de montrer l’évolution et l’amplification progressives des dispositifs légaux de lutte contre le blanchiment et de permettre de mieux situer l’évolution du droit interne par rapport aux contraintes extérieures.

    Quant aux dispositions nationales, nous avons pris soin de présenter les dispositifs étudiés de manière aussi complète que possible. Certes, un ouvrage portant sur plusieurs pays ne peut pas approfondir chaque thématique comme ce serait le cas dans une monographie nationale. Il permettra, cependant, d’appréhender l’essentiel des législations nationales, et pourra constituer à la fois une base de travail pour des recherches ultérieures et un outil pour les praticiens. Il s’agit d’un work in progress, destiné à s’étendre à d’autres pays dans de futures éditions.

    Après avoir été considérée comme un moyen efficace de lutter contre la criminalité organisée, un quart de siècle plus tard, la lutte contre les flux de capitaux d’origine illicite est devenue l’une des pièces maîtresses de la lutte contre le terrorisme. Nous ne traiterons cependant pas des instruments supranationaux, ni généralement des dispositions nationales, consacrés spécifiquement à la lutte financière contre ce phénomène. En effet, bien que l’intervention normative se fonde partiellement sur une logique similaire à celle qui a mené à l’incrimination du blanchiment et aux mesures de confiscation – priver les organisations criminelles, puis les organisations terroristes, des fonds leur permettant de continuer leurs activités, voire de se renforcer –, la lutte contre le terrorisme, avec les incriminations et les mesures spécifiques qui la caractérisent, constitue un champ normatif spécifique, qui dépasse largement le thème de ce volume. Nous nous limiterons ainsi, pour l’essentiel, à relever l’applicabilité des dispositifs de prévention du blanchiment au financement du terrorisme.

    Nous ne traiterons pas non plus des problèmes corrélés au développement des instruments de lutte contre le blanchiment. Le dispositif préventif et les enquêtes patrimoniales permettent l’accumulation d’une quantité conséquente d’informations concernant non seulement des délinquants prétendus ou avérés, mais plus généralement de tout citoyen adulte qui n’est pas aux marges de la société. Ces informations sont prêtes à être utilisées, le cas échéant, dans le cadre d’une enquête administrative (cellule de renseignement financier) ou pénale (autorité judiciaire). Ce faisant, cette législation participe d’un processus diffus d’instauration de dispositifs de prévention et surveillance fondés sur l’évocation de menaces graves, mais qui s’appliquent de manière bien plus étendue et mettent, ainsi, constamment à l’épreuve le respect des droits fondamentaux. Notons, aussi, que l’évolution normative allant dans le sens de l’allègement de la charge de la preuve de l’élément psychologique de l’infraction, et du renversement de la charge de la preuve en matière de confiscation, met en danger le socle même de la protection des justiciables, établi en matière pénale, qui réside dans le principe de légalité et dans la présomption d’innocence.

    Enfin nous n’avons pas homogénéisé la terminologie employée dans les différents pays ; le lecteur se trouvera ainsi confronté, par exemple, aux termes infraction principale, primaire ou préalable pour indiquer l’infraction dont proviennent les biens qui font l’objet de l’activité (et de l’infraction) de blanchiment.

    Par ailleurs, les facettes de la matière que nous traitons sont multiples et leur évolution constante. Disposant de l’indication précise de toutes les bases légales analysées dans cet ouvrage, le lecteur pourra aisément vérifier leurs modifications ultérieures (voy. les indications relatives aux sites legislatifs, en annexe).

    Maria Luisa Cesoni

    1 C.

    Van Den Wyngaert

    et G.

    Stessens

    , « Mutual legal assistance in criminal matters in the European Union », in C.

    Fijnaut

    , J.

    Goethals

    , T.

    Peters

    et L.

    Walgrave

    (ed.), Changes in society, crime and criminal justice in Europe, Anvers, Kluwer Law International, 1995.

    2 M.

    Zanchetti

    , Il riciclaggio del denaro proveniente da reato, Milano, Giuffrè, 1997, pp. 140 et s.

    3 Art. 648bis C. pén., inséré par le D.L. nº 59 du 21 mars 1978.

    4 Pour une présentation de l’évolution de la législation helvétique, voy. U. 

    Cassani

    , « L’internationalisation du droit pénal économique et la politique criminelle de la Suisse : la lutte contre le blanchiment d’argent », Revue de droit suisse, nº 127, II, 2008, pp. 227-398.

    5 Conseil fédéral suisse, Message concernant la modification du Code pénal suisse (Législation sur le blanchissage d’argent et le défaut de vigilance en matière d’opérations financières), FF 1989 II, p. 963.

    6 M.

    Schiray

    , « Approche internationale : évaluation des connaissances des marchés interdits de la drogue en Europe, avec un regard sur les États-Unis », in M. 

    Schiray

    (dir.), Penser la drogue penser les drogues, II. Les marchés interdits de la drogue. Évaluation européenne des connaissances, Paris, Éd. Descartes, 1992, p. 38.

    7 U.

    Cassani

    , « Combattre le crime en confisquant les profits : nouvelles perspectives d’une justice transnationale », in S.

    Bauhofer

    , N.

    Queloz

    et E.

    Wyss

    , Criminalité économique, Zürich, Ruegger, 1999.

    8 Voy. W. C.

    Gilmore

    (ed.), International efforts to combat money laundering, Cambridge, Grotius publ., 1992 ; C. 

    Van Den Wyngaert

    et G.

    Stessens

    , op. cit.

    9 U.

    Cassani

    , « Combattre le crime en confisquant les profits... », op. cit., p. 258.

    10 Nous avons mis en évidence un rôle instrumental similaire caractérisant les nouvelles incriminations adoptées en matière d’organisation criminelle (voy. M. L. 

    Cesoni

    , « Conclusions générales », in M. L. 

    Cesoni

    (dir.) Criminalité organisée : des représentations sociales aux définitions juridiques, Genève, Georg, Bruxelles, Bruylant, Paris, LGDJ, 2004.

    11 C.

    Van Den Wyngaert

    et G.

    Stessens

    , op. cit., p. 172.

    12 M. L.

    Cesoni

    (dir.) Criminalité organisée : des représentations sociales aux définitions juridiques, op. cit.

    13 M. L.

    Cesoni

    (dir.), Nouvelles méthodes de lutte contre la criminalité : la normalisation de l’exception, Bruxelles, Bruylant, Paris, LGDJ, 2007.

    Chapitre I

    La construction supranationale de la lutte contre le blanchiment

    Maria Luisa CESONI

    Sommaire

    1. – Le développement et la portée des instruments supranationaux

    2. – L’incrimination du blanchiment

    3. – Les dispositifs de confiscation

    4. – Le dispositif à caractère préventif

    5. – Le cadre international de l’entraide

    6. – Remarques conclusives

    7. – Bibliographie

    « Indeed, the large majority of clients are not money launderers. »

    Commission staff document SEC(2006) 1793, p. 34.

    Destiné initialement à lutter contre le trafic de stupéfiants, le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux d’origine illicite se structure d’emblée au niveau international à partir de la fin des années 1980. Ce dispositif vise, tout particulièrement, à lutter contre la criminalité organisée et, depuis une dizaine d’années, le terrorisme, mais aussi contre des phénomènes illicites particuliers, tels que la corruption par exemple. Il semble cependant destiné à connaître des développements visant à prendre en compte, plus largement, la criminalité financière et l’évasion fiscale. Dans le programme de Stockholm du 4 mai 2010, le Conseil européen considère que l’accroissement des moyens d’investigation financière, le développement de l’échange d’informations entre les cellules de renseignement financier en matière de blanchiment, et l’amélioration de l’efficacité de l’identification et de la saisie des avoirs illicites sont des instruments privilégiés de la lutte contre la criminalité économique et la corruption(1). Dans sa résolution du 25 octobre 2011, le Parlement européen demande aux institutions européennes de lancer un signal fort dans la lutte contre toutes les formes de blanchiment d’argent au travers des marchés financiers(2).

    Le dispositif de lutte contre le blanchiment actuellement en vigueur se compose de trois axes principaux : un contrôle pénal par l’incrimination du blanchiment de l’argent et autres biens d’origine illicite, l’élargissement progressif de dispositifs de saisie et de confiscation, ainsi que l’instauration d’un contrôle préventif de type civil-administratif, consistant en l’imposition de devoirs de contrôle aux institutions financières et assimilées. Le cadre pénal a été surtout développé au sein des Nations unies et le régime préventif au sein de l’Union européenne, alors que les dispositifs de saisie et de confiscation ont été développés à la fois par le Conseil de l’Europe et l’UE(3). Complément incontournable des mesures adoptées, la coopération internationale a aussi constitué un objectif prioritaire.

    Parmi les actes fondateurs de la matière que nous allons étudier, nous trouvons la Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 19 décembre 1988 (dite Convention de Vienne), qui fixe, aujourd’hui encore, les contours des infractions de blanchiment.

    Il faut mentionner, par ailleurs, les quarante recommandations du groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux(4) (GAFI) visant à offrir « un ensemble complet de contre-mesures couvrant le système de justice pénale et l’application des lois, le système financier et sa réglementation ainsi que la coopération internationale »(5). Émises en 1990 et révisées en 1996, 2003(6) et 2012(7), elles ont exercé une influence internationale remarquable(8) car, en dépit de leur caractère non contraignant, la force de pression de cet organisme est conséquente. Elle est d’autant plus efficace que le GAFI effectue un suivi constant des progrès réalisés par les pays membres dans la mise en œuvre de ses recommandations(9) et identifie régulièrement, et plus généralement, les pays non coopératifs et ceux qui présentent des risques particulièrement élevés de blanchiment. On assiste, ainsi, à une sorte de percolation normative, qui traverse les conventions onusiennes et oriente les instruments normatifs européens(10).

    Avant de présenter les différents volets de la politique internationale de lutte contre le blanchiment adoptés dans les trois enceintes supranationales étudiées (Nations unies, Conseil de l’Europe et Union européenne) : incrimination (2), saisie et confiscation (3), dispositif de prévention (4) et entraide judiciaire en matière de saisie et confiscation (5), il convient de se pencher d’abord sur les instruments internationaux étudiés et leur portée (1).

    1. – Le développement et la portée des instruments supranationaux

    Eu égard à la multiplication des dispositions supranationales, nous nous limiterons à la présentation des instruments juridiques conventionnels et européens dotés de force contraignante(11). L’intensité de cette force est toutefois différente selon le type d’instrument concerné. C’est ainsi au sein de l’Union européenne que nous trouvons le degré le plus élevé d’intégration avec le droit interne, directement et par la mise en place progressive du principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires.

    1.1. – Panorama historique

    L’incrimination du « blanchiment » de l’argent « sale » d’origine criminelle, qui représente la référence de tout le système de prévention, de contrôle, d’identification, de gel et de confiscation établi au niveau international, trouve son origine dans la convention destinée à lutter contre le trafic de stupéfiants, adoptée en 1988 dans le cadre des Nations unies. Les éléments constitutifs de l’infraction de blanchiment définis par cette convention ont été, en effet, reproduits dans les instruments juridiques supranationaux successivement adoptés, aussi bien à l’intérieur qu’en dehors des frontières de l’Union européenne. Plus tard, toujours dans le cadre des Nations unies, la Convention du 15 novembre 2000 sur la criminalité transnationale organisée, dite Convention de Palerme, a inscrit la lutte contre le blanchiment parmi les stratégies de lutte contre la criminalité organisée(12).

    La première convention dédiée à la lutte contre le blanchiment a été toutefois adoptée au sein du Conseil de l’Europe.

    1.1.1. – Au sein du Conseil de l’Europe

    Le Conseil de l’Europe s’est intéressé de manière précoce(13) aux transferts des profits d’origine illicite et sa démarche aurait inspiré, des années plus tard, celle du GAFI(14). La Recommandation nº R(80)10 du Comité des ministres du 27 juin 1980, « relative aux mesures contre le transfert et la mise à l’abri des capitaux d’origine criminelle », mettait en exergue le rôle central que les établissements bancaires pouvaient jouer, tant au niveau préventif qu’en collaborant à la répression des infractions(15).

    La Convention nº 141 du Conseil de l’Europe (dite Convention de Strasbourg) relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, adoptée à Strasbourg le 8 novembre 1990, vise surtout à imposer une obligation d’entraide internationale. Elle établit les fondations du système de coopération internationale visant à lutter contre le blanchiment, auquel elle dédie 29 de ses 45 articles(16). Elle est destinée à lutter contre la criminalité grave par « l’emploi de méthodes modernes et efficaces au niveau international » (préambule). Dans la conception du groupe d’experts qui l’a élaborée, l’incrimination du blanchiment (imposée par l’article 6 de la convention) semble, en effet, être instrumentale à l’égard de l’effectivité des mesures de confiscation des produits du crime : l’objectif de la convention est d’introduire dans les droits nationaux « des mesures efficaces [...] pour combattre la criminalité grave et priver les criminels du produit de leurs activités illicites »(17), en réduisant notamment les écarts considérables constatés entre les systèmes nationaux de confiscation (p. 10).

    Notons qu’une telle dynamique, consistant dans le rapprochement des législations matérielles – ou assimilées – dans le but de favoriser la coopération internationale, devient de plus en plus caractéristique de l’élaboration des conventions internationales conclues depuis la Convention de Vienne, et sera plus tard reprise par l’Union européenne. Faisant prédominer le but de l’efficacité dans un contexte caractérisé par la recherche d’un compromis acceptable pour toutes les parties potentiellement impliquées, elle risque cependant de réduire la qualité et la pertinence des modèles proposés.

    En 2001, l’adoption de mesures plus larges, tant en termes de contrôle du secteur financier que de portée de la saisie et de la confiscation, ainsi que l’introduction de formes d’investigation plus adéquates à l’égard des avoirs d’origine illicite, étaient préconisées par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, dans le but de renforcer la lutte contre le crime organisé(18).

    Dans un contexte caractérisé par les effets des attentats du 11 septembre 2001, les travaux de mise à jour de la convention de 1990, que l’on voulait « de grande ampleur »(19), ont débouché en 2005 sur l’adoption de la Convention nº 198 (dite Convention de Varsovie) relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme(20). En accélérant l’accès aux renseignements financiers ou patrimoniaux, la convention vise à déstabiliser les organisations criminelles ou terroristes en s’attaquant à leurs actifs. Il s’agit, notamment, de « tenir compte du fait que le terrorisme n’est plus uniquement financé par le blanchiment d’argent, mais qu’il peut également l’être par des activités légitimes »(21).

    Outre le fait qu’elle précise ou complète certaines dispositions de la convention précédente (qui reste en vigueur), la nouvelle convention introduit plusieurs éléments nouveaux.

    Tout d’abord, les dispositions adoptées au niveau national en application de la convention, ainsi que les mesures de coopération internationale, y compris entre les cellules de renseignement financier, s’appliquent au financement du terrorisme (art. 2.1), tel que défini par l’article 2 de la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme(22). Des mesures adaptées doivent aussi être adoptées, dès lors que chaque Partie doit être en mesure d’identifier, geler, saisir et confisquer « les biens, d’origine licite ou illicite, utilisés ou destinés à être utilisés de quelque façon que ce soit, en tout ou en partie, pour le financement du terrorisme, ou les produits de cette infraction » (art. 2.2).

    Ensuite, la convention prévoit la création d’organismes spécialisés de renseignement financier, la mise en place d’un dispositif préventif, ainsi que l’exclusion de l’invocation du secret bancaire.

    Entrée en vigueur le 1er mai 2008, cette convention semblait incontournable. En effet, le droit de l’Union européenne et celui des pays membres ayant déjà substantiellement intégré à la convention de 1990(23), il paraissait logique, voire inévitable qu’ils adhèrent à la nouvelle convention. Celle-ci a d’ailleurs retenu certaines dispositions de la décision-cadre européenne du 26 juin 2001 (voy. ci-dessous), tant en matière de confiscation que d’incrimination du blanchiment(24), afin d’assurer la compatibilité avec les dispositions adoptées au sein de l’Union européenne préconisée par la Commission(25). Toutefois, seuls vingt-trois pays ont actuellement ratifié la Convention de Varsovie, contre quarante-huit pour la Convention de Strasbourg.

    1.1.2. – Au sein de l’Union européenne

    En effet, un certain nombre d’instruments visant à lutter contre le blanchiment ont été adoptés au sein de l’Union européenne(26), où la Convention d’application de l’accord de Schengen(27) avait déjà prévu la mise en œuvre de mesures de saisie et de confiscation, mais seulement à l’égard des profits du trafic illicite de stupéfiants (art. 72). Notons que les instruments européens examinés et actuellement en vigueur ont été adoptés avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009, bien qu’ils aient parfois été modifiés après cette date.

    1.1.2.1. – Incrimination, gel et confiscation, entraide

    Les matières relatives à l’incrimination du blanchiment, aux mesures conservatoires et à la confiscation, ainsi qu’à la coopération entre les États membres dans ces domaines, ont été réglementées sur la base du Titre VI du traité sur l’Union européenne(28), c’est-à-dire de l’ancien « troisième pilier ». Quatre décisions-cadres ont été adoptées entre 2001 et 2006, dont deux visent à harmoniser les dispositions nationales et deux visent à établir une reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires. Ces instruments européens renvoient, parfois, aux conventions établies dans le cadre du Conseil de l’Europe et des Nations unies. Le domaine est ainsi quadrillé.

    Une action commune du 3 décembre 1998(29) visait déjà à rendre compatibles les pratiques nationales, afin d’améliorer l’efficacité de la coopération européenne destinée à détecter et confisquer les avoirs illicites. Le Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999 avait ensuite préconisé, entre autres, une harmonisation des législations nationales en matière d’infractions et de procédures destinées à lutter contre le blanchiment, fondées sur un panel d’infractions principales suffisamment large(30). Une décision-cadre concernant le blanchiment d’argent, l’identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la confiscation des instruments et des produits du crime a été ainsi adoptée, le 26 juin 2001(31), sur initiative de la France.

    Cette décision-cadre, qui reproduit pour l’essentiel certaines dispositions de l’action commune de 1998 en les rendant obligatoires, vise à lutter contre des phénomènes relativement disparates, bien que parfois connexes : la fraude fiscale, la criminalité financière et la criminalité organisée, phénomènes qu’elle résume, dans son premier article, sous une seule notion de criminalité organisée.

    La décision-cadre vise, surtout, à obtenir que les États membres s’engagent à fournir « une pleine entraide judiciaire » dans les affaires pénales concernant la criminalité économique grave – notamment en ce qui concerne les aspects liés aux taxes et droits d’accises – et à harmoniser, dans un premier temps, des incriminations ayant trait au secteur de la criminalité financière. Des mesures concrètes visent à « éradiquer partout où il existe » le blanchiment de l’argent, qui est « au cœur même de la criminalité organisée » (considérants 3, 5 et 6).

    Le Conseil européen avait affirmé, cependant, que le gel des avoirs d’origine criminelle en vue de leur confiscation avait la plus haute priorité requérant la mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle(32). Deux décisions-cadres successives, adoptées en 2003 et 2006, établissent alors un système de coopération et d’entraide bien plus complet que celui prévu dans le cadre conventionnel. Après le mandat d’arrêt européen, adopté en 2002(33), elles visent à mettre progressivement en œuvre, entre les États membres, le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires, « appelé à devenir la pierre angulaire de la coopération judiciaire en matière tant civile que pénale au sein de l’Union »(34).

    La décision-cadre relative à l’exécution des décisions de gel de biens ou d’éléments de preuve, du 22 juillet 2003(35), a été adoptée sur initiative de la France, de la Suède et de la Belgique. Ce projet était destiné, dès le départ, à servir de « test de faisabilité pratique »(36) du principe de la reconnaissance mutuelle en matière pénale. Fondée à nouveau sur les priorités affirmées par le Conseil de Tampere, la décision-cadre vise à appliquer ce principe aux décisions précédant la phase de jugement et, notamment, à celles permettant aux autorités judiciaires compétentes d’agir rapidement pour saisir des biens faciles à transférer (considérant nº 2).

    La décision-cadre du 6 octobre 2006 est intervenue pour assurer l’exécution des décisions de confiscation provenant des autres États membres(37). Adoptée à l’initiative du Royaume de Danemark et en application du programme du Conseil du 30 novembre 2000, elle instaure une obligation de reconnaissance et d’exécution immédiate des décisions de confiscation prononcées par un tribunal pénal d’un autre État membre et limite les motifs de refus de l’exécution.

    Cette décision-cadre complète, ainsi, les dispositifs établis par celles adoptées le 22 juillet 2003 et le 24 février 2005 (voy. ci-après). Grâce à la combinaison de ces instruments, tous les éléments permettant d’assurer la conservation et de confisquer les produits des activités criminelles sont en place au sein du cadre législatif européen.

    Une décision-cadre portant sur les règles relatives à la confiscation en droit interne(38) a été, en effet, adoptée en février 2005 par le Conseil sur initiative du Danemark et conformément à la recommandation 19 du plan d’action « Prévention et contrôle de la criminalité organisée : une stratégie pour le prochain millénaire »(39), adopté par le Conseil JAI le 27 mars 2000.

    Cet instrument vise à renforcer l’harmonisation des législations nationales, dont la disparité est supposée entraver les dispositifs visant à s’attaquer aux produits du crime. On constate, en effet, que les instruments existants n’ont pas assuré une coopération efficace, dès lors que tous les pays ne sont pas en mesure – malgré les obligations dérivant de la décision-cadre du 26 juin 2001 – de confisquer les produits de toutes les infractions passibles d’une peine privative de liberté d’une durée supérieure à un an(40) (considérant nº 9). À l’égard d’un certain nombre d’infractions, parmi lesquelles le blanchiment, la décision-cadre impose l’adoption de mesures de confiscation élargies. Elle vise, en effet, « à garantir que tous les États membres disposent d’une réglementation efficace en matière de confiscation des produits du crime, notamment en ce qui concerne la charge de la preuve quant à l’origine des avoirs détenus par une personne reconnue coupable d’une infraction liée à la criminalité organisée »(41).

    1.1.2.2. – Le dispositif de prévention

    C’est le législateur communautaire qui a réglementé le dispositif « anti-blanchiment ». Depuis 1991, des directives successives ont mis en place un système de surveillance à caractère préventif, partiellement inspiré par le processus d’autorégulation des banques helvétiques, dont le destinataire a initialement été le secteur bancaire et, ensuite, un nombre croissant d’organismes et professions.

    Un bref aperçu de son origine permet de constater qu’un tel dispositif repose, au départ, sur le consensus de ses premiers destinataires. Il en ira autrement quinze ans plus tard, lorsque l’insertion des avocats parmi les destinataires des obligations de vigilance suscitera une forte opposition de la part de cette catégorie professionnelle.

    Si l’on considère que la réglementation internationale anti-blanchiment se propose (entre autres) de protéger les institutions financières et leur renommée(42), il n’est pas étonnant de constater que le secteur bancaire suisse a joué un rôle précurseur dans l’élaboration de règles sectorielles de conduite(43). En 1977 déjà, une Convention relative à l’obligation de diligence des banques (CDB) a été négociée par l’Association suisse des banquiers et la Banque nationale suisse. Elle visait à « préserver le renom du système bancaire suisse sur les plans national et international »(44) – ainsi qu’à assurer une gestion irréprochable des relations d’affaires. En raison de l’originalité de son dispositif, qui imposait l’identification des clients et de leurs ayants droit et d’autres mesures de précaution, elle a suscité un grand intérêt au niveau international, inspirant notamment la Recommandation nº R(80)10 du Conseil de l’Europe(45).

    Le 12 décembre 1988, une déclaration de principe élaborée par la Banque des règlements internationaux, dite Déclaration de Bâle, était adoptée par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, composé par les Gouverneurs des banques centrales du Groupe des Dix(46). Cette déclaration cherchait à maintenir un équilibre entre la nécessité de mettre en place un système de vigilance des banques à l’égard des opérations douteuses, notamment par l’identification de l’identité des clients (règle know your customer ou KYC), et le respect du devoir de confidentialité à l’égard de ces derniers(47). En dépit de son caractère non contraignant, cette déclaration a exercé une influence certaine sur le développement du dispositif de prévention(48).

    Ce système de contrôle à caractère préventif a été repris, puis développé, par le législateur européen.

    La directive du 10 juin 1991 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux peut être considérée comme la première étape de la lutte contre le blanchiment au sein de l’Union européenne. Mettant pour l’essentiel en œuvre les recommandations du GAFI, cette directive vise à atteindre plusieurs objectifs : éviter que les blanchisseurs ne profitent de la libéralisation des mouvements des capitaux, bien sûr, et qu’ils ne mettent pas en danger la stabilité des institutions financières, mais aussi garantir la fiabilité du système financier auprès du public, et éviter que les États membres ne soient amenés, pour protéger leur système financier, « à adopter des mesures qui risqueraient d’être incompatibles avec l’achèvement du marché unique »(49).

    La directive introduit des éléments de jonction entre le dispositif de prévention et le dispositif répressif. Considérant que l’approche pénale ne doit pas être la seule stratégie utilisée, cet instrument communautaire vise à mettre en place un système de détection et d’information relatif aux transactions pouvant constituer des actes de blanchiment, au sein du système bancaire essentiellement. L’on suppose, en effet, que ce dernier est largement utilisé par les blanchisseurs et qu’il peut, par conséquent, jouer un rôle très efficace dans la lutte contre le blanchiment.

    La portée de cette directive a été élargie en 2001, notamment en ce qui concerne le type de destinataires et l’étendue des infractions principales du blanchiment(50). Elle est désormais supplantée par la directive du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme(51). Cette dernière directive précise et élargit, une fois de plus, le champ d’application du dispositif de surveillance, et l’articule en fonction du risque plus ou moins élevé de blanchiment présenté par les transactions financières. Elle est complétée par une directive de la Commission qui précise, d’une part, la notion de « personnes politiquement exposées » (qui présentent un risque plus élevé d’implication dans des activités de blanchiment) et, d’autre part, la mise en œuvre des obligations simplifiées et des exemptions de vigilance(52).

    La directive de 2005, dénommée aussi troisième directive, a été modifiée à plusieurs reprises entre 2007 et 2010, mais de manière marginale, afin notamment de renforcer l’information et la coopération entre États membres et de prendre en compte l’évolution du paysage institutionnel européen (information des et coopération avec les nouvelles autorités européennes de surveillance(53)).

    Le dispositif institutionnel a aussi fait l’objet de décisions européennes. Dans le but de rendre plus efficace la coopération entre les États membres, la décision 2007/845/JAI(54) a imposé la création ou la désignation de bureaux nationaux de recouvrement des avoirs. Ces organismes sont censés constituer les points de contact nationaux pour toutes les activités de confiscation et doivent être dotés des compétences adéquates et d’un canal de communication sécurisé(55). L’objectif visé par l’Union était, en effet, de permettre à la fois une coopération étroite et la communication directe entre ces organismes nationaux, afin de faciliter le dépistage et l’identification des produits du crime pouvant faire l’objet de gel, de saisie ou de confiscation (art. 1er).

    Enfin, deux règlements sont à mentionner.

    Un règlement d’octobre 2005(56) a établi un dispositif de coopération douanière destiné à contrôler la circulation de l’argent liquide au travers des frontières de l’Union. Il visait, ainsi, à compléter les directives susvisées et à mettre en œuvre la recommandation spéciale IX du GAFI du 22 octobre 2004. Les autorités européennes avaient relevé, en effet, que la mise en place du dispositif de contrôle des transactions risquait de conduire à un accroissement des mouvements d’argent liquide à des fins illicites, et que seuls quelques États membres avaient prévu des contrôles sur ces flux d’argent. Ils en déduisaient la nécessité d’harmoniser les législations nationales, au moins en ce qui concerne les sommes qui franchissent les frontières extérieures de la Communauté(57).

    Quant au Règlement nº 1781 de 2006(58), il impose des obligations de vigilance dans le cadre des virements d’argent électroniques. En février 2013, la Commission a déposé une proposition visant à le réviser(59).

    1.1.2.3. – De futurs développements

    Dès 2008, la Commission avait émis des réserves sur l’efficacité de la réglementation européenne existante, en raison d’un certain manque de clarté ou de cohérence, ainsi que de sa mise en œuvre lacunaire(60). En octobre 2011, le Parlement européen avait invité la Commission à proposer de nouveaux textes législatifs sur la confiscation, notamment en matière de confiscation en l’absence de condamnation, de confiscation des avoirs transférés à des tiers, ainsi que d’allégement de la charge de la preuve de l’origine des biens en possession d’un condamné pour infraction grave(61). La Commission a effectivement lancé un processus d’examen du cadre législatif européen(62) et a commencé à préparer de nouveaux textes législatifs. En 2012, elle a proposé l’adoption d’une nouvelle directive en matière de gel et de confiscation, visant notamment à renforcer le dispositif de confiscation élargie et à faciliter le recouvrement des avoirs et leur confiscation auprès de tiers(63). En 2012, la Commission avait aussi envisagé une révision de la troisième directive anti-blanchiment, sur la base notamment de la dernière révision des recommandations du GAFI(64). Elle a déposé, en février 2013, un projet de nouvelle directive qui vise à renforcer l’harmonisation des dispositions nationales tout en garantissant une certaine souplesse, et à mieux centrer les règles sur les risques. Elle est destinée à remplacer et intégrer à la fois la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission, afin d’améliorer l’accessibilité et l’intelligibilité du cadre juridique européen(65).

    1.2. – Portée des instruments supranationaux

    La multiplicité des instruments supranationaux existant en matière de blanchiment pose le problème de leur éventuelle superposition. Le paysage international se caractérise également par une diversité du degré de force contraignante des dispositions applicables(66).

    1.2.1. – La question de la superposition normative

    Les instruments supranationaux susvisés, dont nous allons examiner le contenu dans les chapitres qui suivent, se recoupent(67). Ils conservent néanmoins des champs d’application indépendants, dès lors qu’ils concernent des enceintes territoriales différentes. Lorsqu’ils entrent en concurrence, diverses hypothèses peuvent être envisagées(68), mais la question du concours de normes et de l’instrument applicable n’a pas nécessairement de solution univoque(69). Cela, d’autant plus que ces instruments peuvent – ou non – contenir des dispositions visant à régler le conflit de normes(70).

    Tout d’abord, dans les relations entre pays membres de l’Union européenne, les dispositions des instruments adoptés par les autorités européennes devraient remplacer ou rendre inapplicables celles contenues dans les instruments conventionnels antérieurs.

    En ce qui concerne le droit communautaire, ce principe s’applique de manière plus évidente lorsque la convention lie uniquement les États membres(71). On peut ainsi considérer que si des concours de normes incompatibles devaient se manifester, en matière d’entraide par exemple, les dispositions de la directive du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme remplaceraient celles de la Convention du 29 mai 2000 relative à l’entraide judiciaire en matière pénale. Notons, par ailleurs, que dans ce cas, le principe de spécialité pourrait conduire au même résultat.

    Un principe similaire devrait valoir aussi pour les décisions-cadres, actes législatifs relevant du droit de l’Union européenne (ancien Titre VI TUE) et adoptés à l’unanimité. En cas d’incompatibilité, les dispositions de celles-ci devraient, ainsi, remplacer les dispositions incompatibles contenues dans des accords précédemment établis entre les mêmes États(72). Une fois une décision-cadre adoptée, les États membres auraient dû, en principe, s’abstenir de conclure entre eux de nouveaux accords incompatibles avec celle-ci.

    Dans les relations entre un État membre et un État qui n’est pas membre de l’Union européenne, l’article 307 TCE et actuellement l’article 351 TFUE prévoient que les droits et obligations résultant de conventions conclues, avant l’adhésion à l’Union (ou antérieurement au 1er janvier 1958), entre des États membres et des États tiers ne sont pas affectés par les dispositions des traités européens. La question pourrait se poser, ainsi, de savoir si un État membre peut refuser de respecter une obligation découlant du droit européen en raison de son incompatibilité avec un traité conclu avec un État tiers avant son adhésion à l’Union. Cette question n’a toutefois pas de relief pour la Belgique, la France et l’Italie, dès lors que la première convention que nous prenons en compte date de 1988.

    Notons que le droit européen peut influencer la portée des dispositions non contraignantes d’une convention, comme le fait, par exemple, la décision-cadre du 26 juin 2001, qui impose aux États membres de l’UE certaines modalités de mise en œuvre de la Convention nº 141 du Conseil de l’Europe(73).

    En matière de blanchiment, la concomitance de dispositions internationales et européennes ne devrait pas engendrer de problèmes majeurs. Les dispositions en vigueur au sein de l’Union européenne ont été, en effet, fortement inspirées par les conventions internationales existantes, et inversement ; les principes de l’ensemble normatif qui en résulte sont, ainsi, relativement cohérents. Le législateur communautaire a affirmé, d’ailleurs, que les mesures arrêtées par la Communauté en matière de lutte contre le blanchiment « devraient être compatibles avec toute autre action engagée dans d’autres enceintes internationales », y compris les recommandations du GAFI(74).

    Les dispositions conventionnelles adoptées dans le cadre du Conseil de l’Europe et des Nations unies seront parfois concurrentes, lorsqu’elles entrent en jeu entre deux pays ayant ratifié les deux types de conventions (y compris, le cas échéant, entre États membres de l’UE). En cas de contradiction entre dispositions, et en absence de dispositions particulières dans les conventions(75) ou d’accord entre les Parties, les dispositions du traité antérieur ne s’appliqueront que si elles sont compatibles avec celles du traité postérieur(76).

    Enfin, suivant l’état des ratifications, il peut y avoir concurrence entre les deux conventions du Conseil de l’Europe relatives au blanchiment. Lorsqu’un État a ratifié les deux conventions et l’autre État l’une de celles-ci seulement, c’est cette dernière qui sera d’application(77) (ce sera le cas pour les pays étudiés, dont seule la Belgique a ratifié la nouvelle convention). Cependant, la Convention nº 198 non seulement ne remplace pas la Convention nº 141, mais prévoit expressément que les États parties à la Convention nº 141 ne peuvent ratifier ou adhérer à la suivante sans se considérer, à tout le moins, liés par les dispositions correspondant à celles de la convention de 1990 (art. 49.5 conv. nº 198). Quant aux pays qui sont parties aux deux conventions, ils appliqueront la Convention nº 198 entre eux, et la Convention nº 141 avec les États qui seront parties à celle-ci mais pas à la nouvelle convention (art. 49.6 conv. nº 198).

    1.2.2. – Application directe et force contraignante

    En ce qui concerne les conventions internationales étudiées, signalons tout d’abord que les dispositions concernant les incriminations et les sanctions (y compris la confiscation en tant que peine accessoire) ne peuvent pas connaître d’application directe. C’est donc uniquement sur la base des infractions adoptées en droit interne que l’entraide aura lieu, que celles-ci aient été adoptées ou adaptées en application d’une convention ou qu’elles aient existé auparavant.

    Au contraire, les dispositions en matière d’entraide et de coopération peuvent, le cas échéant, être directement invoquées par chaque pays lié par une convention, même en l’absence de dispositions nationales. Lorsqu’un pays impose l’existence d’une loi de transposition, cependant, celle-ci peut avoir une incidence dans le cadre de la coopération internationale.

    Afin de laisser une certaine liberté aux pays parties à l’égard de dispositions qui ne sont pas consensuelles, la réserve relative aux principes fondamentaux du système juridique national et/ou aux principes constitutionnels est parfois invoquée. Notons que la notion de « concepts fondamentaux » d’un système juridique comprend nécessairement les principes constitutionnels pertinents. D’ailleurs, le Rapport explicatif(78) relatif à la Convention nº 198 (§ 203) se réfère, quant à la notion de principes fondamentaux de l’ordre juridique, « aux lois constitutionnelles ou autres normes fondamentales » et précise que « l’observation de ces principes fondamentaux sous-tendant la législation interne constitue pour chaque État une obligation primordiale à laquelle il ne peut se soustraire ; il est en conséquence du devoir de l’État [...] de veiller à ce que cette condition soit satisfaite dans la pratique ».

    Les conventions prévoient souvent une clause affirmant que les États parties restent libres d’adopter des prescriptions plus strictes ou plus sévères (voy. par exemple l’article 34.3 de la Convention de Palerme). Dans le domaine étudié, la liberté des États membres est cependant limitée dans leurs rapports intracommunautaires, dès lors que les dispositions en matière de blanchiment pourraient entraver le principe communautaire de la libre circulation des capitaux. Ainsi, le système de prévention mis en place par les directives européennes répond, entre autres, à l’exigence d’éviter que les États membres « n’adoptent pas, pour protéger leurs systèmes financiers respectifs, des mesures incompatibles avec le fonctionnement du marché intérieur et avec les règles de l’État de droit et de l’ordre public communautaire »(79).

    En droit européen, pour les instruments précédant le traité de Lisbonne, il faut distinguer les divers instruments et, notamment, la portée des directives de celle des décisions-cadres.

    Les règlements communautaires sont applicables directement et de plein droit.

    En revanche, tant les directives que les décisions-cadres doivent être transposées en droit interne, et lient les États membres quant au résultat mais non quant aux moyens utilisés(80). Le contenu de ces deux types d’instruments est cependant différent, tout comme leur portée.

    Une applicabilité directe partielle des directives a été reconnue par la Cour de justice. Certaines dispositions peuvent ainsi être directement invoquées, par les particuliers qui y ont intérêt, à l’encontre d’un État membre (ou devant ses autorités) qui n’a pas transposé la directive ou l’a transposée de manière non conforme, mais seulement une fois le délai de transposition révolu et à condition que les dispositions invoquées remplissent les conditions de l’applicabilité directe, à savoir la clarté, la précision et le caractère inconditionnel. En revanche, une directive non transposée ne peut être invoquée à l’égard des particuliers(81).

    Les directives ne pouvaient pas imposer aux États membres l’adoption d’incriminations ou de peines(82). Certaines dispositions de droit communautaire pouvaient néanmoins, le cas échéant, avoir un impact sur le libellé de certaines incriminations, voire les rendre caduques(83). Une telle question ne s’est pas posée, cependant, dans la matière étudiée, dès lors que tous les instruments supranationaux se réfèrent à une même définition (à quelques détails près) du blanchiment.

    Les décisions-cadres permettaient, en revanche, d’imposer un rapprochement des législations nationales en ce qui concerne les éléments constitutifs des infractions et des sanctions pénales (art. 31.1.e TUE ancien), y compris donc la peine de confiscation. Cependant, par une interprétation extensive du traité, le Conseil de l’Union européenne a eu aussi recours à ces instruments afin d’harmoniser les règles relatives aux mesures conservatoires, dont le TUE ancien ne permettait, en principe, que d’assurer « la compatibilité »(84).

    En ce qui concerne les futurs instruments destinés à lutter contre le blanchiment, il faut relever que le Traité de Lisbonne, en insérant les politiques de lutte contre la criminalité dans le cadre ordinaire des politiques législatives de l’Union(85), a éliminé l’instrument de la décision-cadre, dont les fonctions sont désormais assumées par les directives(86). Ces dernières (art. 288 TFUE) sont l’instrument privilégié de la coopération judiciaire en matière pénale. Elles permettent le rapprochement des dispositions pénales matérielles (art. 83, §§ 1 et 2 TFUE) et procédurales (art. 82.2 TFUE). Leur effet reste toutefois toujours limité, car elles lient les États membres uniquement quant au résultat. En ce qui concerne la coopération policière, le traité se limite à se référer à la procédure législative ordinaire (art. 87.2 TFUE), tout en introduisant une procédure spéciale (requérant l’unanimité du Conseil) pour la coopération opérationnelle (art. 87.3 TFUE).

    Le règlement (art. 288 TFUE) reste obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre. S’il est destiné notamment aux institutions européennes à caractère pénal (Eurojust – art. 85 et 86 TFUE – et Europol – art. 88 TFUE), il peut intervenir plus largement dans des matières non pénales ; nous en verrons quelques exemples.

    Par ailleurs, l’application du traité de Lisbonne va bientôt accroître la force contraignante des décisions-cadres. En effet, un recours en manquement peut être introduit devant la Cour de justice(87) contre les États qui n’ont pas transposé un instrument de droit dérivé relevant de l’espace de liberté, sécurité et justice (ELSJ), et pourra entraîner l’imposition du paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte (art. 258-260 TFUE). Or, jusqu’au 1er décembre 2014, les décisions-cadres (qui restent en vigueur après le nouveau traité) sont soumises aux dispositions des précédents traités européens. Mais à partir de cette date, les États membres qui omettent de les transposer pourront être sanctionnés sur la base des articles 258-260 TFUE, ce qui n’était pas le cas auparavant(88).

    Rappelons, enfin, que les instruments adoptés au sein de l’Union européenne étaient et sont soumis au respect des droits et principes fondamentaux établis par la Convention européenne des droits de l’homme(89) et par la Charte des droits fondamentaux de l’Union, laquelle a désormais la même valeur juridique que les traités (art. 6 TUE).

    1.3. – Le principe de reconnaissance mutuelle

    Le Conseil européen de Tampere, qui a consacré en 1999 le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires en matière pénale(90), considérait qu’il devait faciliter tant la coopération entre les autorités nationales que la protection judiciaire des droits individuels(91). Notons que ce principe, impulsé par la Grande-Bretagne, visait à pallier la résistance des États membres à l’égard d’une harmonisation des procédures nationales(92). Supposé s’appliquer tant aux décisions finales qu’aux décisions pré-sentencielles, il implique la soustraction de l’entraide judiciaire à toute forme de contrôle politique.

    Dans son acception la plus radicale, ce principe permet de « procurer à une décision, prise par une autorité judiciaire en conformité avec le droit de l’État dont elle relève, un effet plein et direct sur l’ensemble du territoire de l’Union, de sorte que les autorités compétentes de tout autre État membre prêteront leur concours à l’exécution de cette décision, comme elles le feraient d’une décision émanant d’une autorité judiciaire de leur propre État »(93).

    Cependant, la reconnaissance mutuelle prend des formes diverses ; son étendue « dépend étroitement de l’existence et du contenu de certains paramètres qui conditionnent l’efficacité de l’exercice »(94).

    Ainsi, en dépit de la préférence émise par le Conseil de Tampere pour une application intégrale de ce principe, les dispositions adoptées ne garantissent pas un effet plein et direct. Cela aurait impliqué la suppression de toute procédure intermédiaire, y compris la procédure d’exequatur, et l’exécution directe de la décision étrangère originale(95). Or, actuellement, une autorité judiciaire de l’État requis doit intervenir pour entériner cette décision en ordonnant son exécution et peut, dans certains cas, refuser de le faire. Puisqu’il ne s’agit pas d’une simple vérification de la part de l’autorité – éventuellement administrative – chargée d’exécuter la décision juridictionnelle étrangère, mais qu’une autorité judiciaire doit reconnaître sa validité formelle, même si elle n’a aucun pouvoir de contrôle quant au fondement de la décision étrangère, un tel type de dispositions « conduit à édulcorer le principe de la reconnaissance mutuelle »(96) ; cela est encore plus évident en cas de non-reconnaissance ou non-exécution fondée sur des motifs relevant de principes généraux du droit pénal ou du droit interne du pays requis.

    Notons, cependant, qu’un tel contrôle introduit un minimum de garanties dont on ne saurait pas faire l’économie à l’égard, notamment, du respect du droit au procès équitable. De ce point de vue, les décisions-cadres qui introduisent une procédure de reconnaissance mutuelle des décisions de l’autorité (pénale) étrangère supprimant tout système de conversion de la décision en une décision nationale présentent, en effet, une certaine faiblesse. C’est d’ailleurs ce que montre la décision-cadre du 26 février 2009(97), qui est intervenue pour modifier cinq décisions-cadres précédentes, dont les solutions apportées n’étaient « pas satisfaisantes dans les cas où la personne n’a pu être informée de la procédure » (considérant nº 3). Le principe de reconnaissance repose, en effet, sur la confiance mutuelle des États membres. Dans le considérant nº 9 de la décision-cadre du 6 octobre 2006, on peut lire que « la coopération entre les États membres [...] repose sur la certitude que les décisions à reconnaître et à exécuter sont toujours rendues dans le respect des principes de légalité, de subsidiarité et de proportionnalité », et que les droits des parties et des tiers de bonne foi sont préservés.

    Or, on a souligné que les divergences importantes des procédures nationales, accrues par l’élargissement de l’Union aux nouveaux membres, conjuguées avec les effets insuffisants des contrôles de la Cour européenne des droits de l’homme, permettent de questionner le bien-fondé de l’existence d’un socle commun suffisant à garantir cette confiance(98). Par conséquent, « la mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle comporte le risque de contraindre certains États à participer à l’application de procédures pénales étrangères moins protectrices en termes de droits fondamentaux »(99). Un parlementaire européen relevait, ainsi, que la question fondamentale des garanties protégées, en tant que mesure de la fiabilité des systèmes juridictionnels européens, devra être posée tout au long du processus de mise en œuvre de la reconnaissance mutuelle en matière pénale(100). Dans le dernier plan relatif à l’ELSJ, le programme de Stockholm(101), le Conseil européen, tout en affirmant que des progrès considérables ont été accomplis en matière de reconnaissance mutuelle, souligne ainsi que l’instauration de la confiance mutuelle est l’un des principaux défis à relever.

    2. – L’incrimination du blanchiment

    2.1. – Nations unies

    Introduite d’abord en 1988, par la Convention de Vienne, mais avec un champ d’application limité, l’incrimination du blanchiment a été reprise en 2000 par la Convention de Palerme, qui a élargi sa portée.

    2.1.1. – La Convention de Vienne de 1988 : trafic de stupéfiants et blanchiment

    L’obligation internationale en matière d’incrimination du blanchiment de biens d’origine illicite, introduite dans la Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et substances psychotropes, adoptée à Vienne le 19 décembre 1988(102) (Convention de Vienne), a joué un rôle fondateur, comme nous allons le voir. Elle découle du constat que « le trafic illicite est la source de gains financiers et de fortunes importantes qui permettent aux organisations criminelles transnationales de pénétrer, contaminer et corrompre les structures de l’État, les activités commerciales et financières légitimes et la société à tous les niveaux », constat menant à la résolution de « priver ceux qui se livrent au trafic illicite du fruit de leurs activités criminelles et à supprimer ainsi leur principal mobile »(103).

    L’article 3 de la Convention de Vienne définit, ainsi, trois types d’infractions intentionnelles. La première infraction consiste à convertir ou transférer des biens(104) provenant d’un trafic illicite de stupéfiants, dans le but d’en dissimuler ou déguiser l’origine illicite ou d’aider toute personne impliquée dans le trafic à échapper aux conséquences juridiques de ses actes (art. 3.1.b.i), tandis que la deuxième incrimination vise le fait de dissimuler ou déguiser la nature, l’origine, l’emplacement, la disposition, le mouvement ou la propriété de ces biens ou de droits y relatifs (art. 3.1.b.ii) – sous la condition, dans les deux cas, que l’auteur de ces actes sache que les biens en question proviennent « d’une des infractions établies conformément à l’alinéa a) du présent paragraphe(105) ou d’une participation à sa commission ».

    La troisième infraction consiste dans le simple fait d’acquérir, détenir ou utiliser ces biens en ayant connaissance de leur origine illicite(106) (art. 3.1.c.i). Plus large que les précédentes, cette disposition est assortie d’une formule qui nuance l’obligation faite aux États parties à la convention de la transposer en droit interne, transposition que chaque pays effectuera « sous réserve de ses principes constitutionnels et des concepts fondamentaux de son système juridique ».

    Quant à l’élément moral, la convention précise que tant l’intention que la connaissance de l’origine illicite des biens peuvent être déduites de circonstances factuelles objectives (art. 3.3). Selon Hérail et Ramael, cependant, non seulement le lien de l’argent blanchi avec l’activité illicite devra être établi, mais la preuve du trafic de drogue lui-même devra être également rapportée, pour que l’infraction de blanchiment soit considérée comme réalisée(107).

    Sous réserve des principes de l’ordre juridique national, le caractère d’infraction pénale devra, en outre, être attribué à l’incitation à commettre les infractions visées par l’article 3 de la convention (dont le blanchiment), ainsi qu’à la participation à ces infractions et à toute forme d’aide ou de conseils en vue de sa commission (art. 3.1.c.iii et iv).

    La convention prévoit, toutefois, que les infractions qu’elle vise ne peuvent pas être considérées comme relevant des infractions fiscales ou politiques aux fins de la coopération internationale(108) (art. 3.10).

    Dans le respect du principe de légalité des incriminations, elle exclut explicitement le caractère self-executing de l’article 3 : « aucune disposition du présent article ne porte atteinte au principe selon lequel la définition des infractions qui y sont visées et des moyens juridiques de défense y relatifs relève exclusivement du droit interne de chaque Partie et selon lequel lesdites infractions sont poursuivies et punies conformément audit droit » (art. 3.11).

    Les sanctions doivent tenir compte de la gravité des infractions. Un certain nombre de circonstances aggravantes doivent être prévues, telles que la participation à une organisation de malfaiteurs ou à d’autres activités criminelles internationales organisées ou, encore, le fait que l’infraction soit liée à la charge publique de l’auteur (art. 3.5).

    Notons que les infractions de blanchiment(109) devront être incluses parmi celles permettant l’extradition dans tout traité conclu par les Parties. La Convention de Vienne pourra, en outre, servir de base légale de l’extradition en l’absence de traités spécifiques d’extradition (art. 6.2 et 3).

    2.1.2. – La Convention de Palerme de 2000

    La Convention de Palerme de 2000 sur la criminalité transnationale organisée, adoptée le 15 novembre 2000 dans le cadre des Nations unies(110) et entrée en vigueur

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