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Le régime du Tax Shelter: Aspects de droit civil, fiscal, comptable et financier
Le régime du Tax Shelter: Aspects de droit civil, fiscal, comptable et financier
Le régime du Tax Shelter: Aspects de droit civil, fiscal, comptable et financier
Livre électronique500 pages5 heures

Le régime du Tax Shelter: Aspects de droit civil, fiscal, comptable et financier

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À propos de ce livre électronique

Le régime du Tax Shelter, tel qu’il a été introduit en droit belge en 2002, a été profondément réformé suite à l’adoption de la loi du 12 mai 2014.

Cette réforme induit un véritable chamboulement de la réglementation applicable en matière de Tax Shelter.

Le législateur a en effet entendu mettre fin à un certain nombre de dérives, qui étaient de nature à compromettre la pérennité du système.

L’ouvrage analyse ainsi le nouveau régime du Tax Shelter, à la fois dans une perspective historique, mais également dans une approche civiliste, fiscale, comptable et financière.

Il est susceptible d’intéresser aussi bien les comptables, les fiscalistes, les juristes et les professionnels de l’audio-visuel.
LangueFrançais
Date de sortie2 mars 2015
ISBN9782804480219
Le régime du Tax Shelter: Aspects de droit civil, fiscal, comptable et financier

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    Aperçu du livre

    Le régime du Tax Shelter - Patrick della Faille

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    Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée pour le Groupe Larcier. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique.

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    © Groupe Larcier s.a., 2015

    Éditions Larcier

    Rue des Minimes, 39 • B-1000 Bruxelles

    Tous droits réservés pour tous pays.

    Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

    ISBN : 9782804480219

    Dans la même collection :

    CIC :

    M. BUYDENS, La protection de la quasi-création, 1993

    M. ISGOUR et B. VINCOTTE, Le droit à l’image, 1998

    M. BUYDENS, Droit des brevets d’invention et protection du savoir-faire, 1999

    P. NIHOUL, Droit européen des télécommunications. L’organisation des marchés, 1999

    J.-J. EVRARD et Ph. PÉTERS, La défense de la marque dans le Benelux, 2e édition, 2000

    F. BRISON, Het naburig recht van de uitvoerende kunstenaar, 2001

    T. VERBIEST et E. WÉRY, Le droit de l’internet et de la société de l’information. Droits européen, belge et français, 2001

    A. CRUQUENAIRE, L’interprétation des contrats en droit d’auteur, 2007

    S. DUSOLLIER, Droit d’auteur et protection des œuvres dans l’univers numérique. Droits et exceptions à la lumière des dispositifs de verrouillage des œuvres, 2007

    A. BERENBOOM, Le nouveau droit d’auteur et les droits voisins, 4e édition, 2008

    E. CORNU (coord.), Bande dessinée et droit d’auteur - Stripverhalen en auteursrecht, 2009

    D. GERVAIS (avec collab. I. SCHMITZ), L’Accord sur les ADPIC, 2010

    B. MOUFFE, Le droit à l’humour, 2011

    M. MARKELLOU, Le contrat d’exploitation d’auteur. Vers un droit d’auteur contractuel européen. Analyse comparative des systèmes juridiques allemand, belge, français et hellénique, 2012

    O. PIGNATARI, Le support en droit d’auteur, 2013

    E. RICBOURG-ATTAL, La responsabilité civile des acteurs de l’internet, 2013

    G. JULIA, L’œuvre de magie et le droit, 2014

    M. CLÉMENT, L’œuvre libre, 2014

    D. VOORHOOF, P. VALCKE, Handboek Mediarecht, 4e édition, 2014.

    CIC pratique :

    J.-C. LARDINOIS, Les contrats commentés de l’audiovisuel, 2007

    J.-C. LARDINOIS, Les contrats commentés de l’industrie de la musique 2.0, 2e édition, 2009

    S. CARNEROLI, Marketing et internet, 2011

    S. CARNEROLI, Les contrats commentés du monde informatique, 2e édition, 2013

    Sommaire

    REMERCIEMENTS

    PRÉFACE

    CHAPITRE 1. Introduction

    CHAPITRE 2. Évolution du cadre légal du Tax Shelter

    CHAPITRE 3. Parties intervenantes

    CHAPITRE 4. Concept d’œuvre éligible

    CHAPITRE 5. Convention-cadre

    CHAPITRE 6. Prospectus

    CHAPITRE 7. Dépenses de production et d’exploitation

    CHAPITRE 8. Avantage fiscal conféré par l’article 194ter

    ANNEXE – ARTICLE 194TER DU C.I.R. 1992

    TABLE DES MATIÈRES

    Remerciements

    À toutes les personnes dont l’aide a pu contribuer à la publication de cet ouvrage, en particulier Geneviève, Benoît et Alain-Gilles, de la société Scope Invest.

    Sans oublier mes proches, qui ont toujours eu la patience de me permettre de satisfaire mon besoin d’écrire des livres. Je pense en particulier à Armelle, Arthur, Aurélie et Nicolas.

    Qu’ils soient ici très sincèrement et très chaleureusement remerciés.

    Québec, Cape Town, Bruxelles, Décembre 2014

    Préface

    Chère lectrice, cher lecteur,

    Vous allez découvrir ici un ouvrage complet sur la technique fiscale du Tax Shelter. En tant qu’initiateur de la mesure en 2002, c’est un plaisir pour moi de vous décrire mon expérience personnelle sur ce sujet passionnant qui, n’ayons pas peur des mots, a permis, non seulement de sauver le cinéma belge, mais également de faire de la Belgique une plateforme importante de la production de films européens et internationaux.

    Nous nous demandions à l’époque de quelle manière il pouvait être possible de remettre le secteur sur des rails solides pour lui permettre de se diriger vers un destin concret et réel. Le défi était de trouver un moyen d’ancrer le cinéma belge dans le 21ème siècle et lui assurer une certaine pérennité. Pour cela, il fallait être capable de faire se rencontrer des investisseurs non avertis et les professionnels concernés. L’outil fiscal était idéal pour jouer ce rôle. L’effet fut saisissant et l’engouement incroyable. Des milliers d’emplois, à l’époque plutôt précaires, ont été stabilisés dans un secteur jusque-là en déclin, en dehors de quelques productions certes exceptionnelles, mais trop peu nombreuses. Le Tax Shelter est en outre une véritable vitrine de la Belgique à l’étranger. Je pense aux nombreuses présentations effectuées par exemple à Cannes ou Los Angeles, et aux nombreuses rencontres qui en ont découlé, avec comme résultat un cinéma belge encore plus reconnu et crédible. On ne compte plus les acteurs internationaux qui ont participé à des productions dans notre pays.

    De sa naissance à l’année 2014, on estime à plus d’un milliard d’euros le total des fonds levés en faveur du cinéma grâce au Tax Shelter, soit presque dix fois plus que tous les autres systèmes régionaux ou communautaires de soutien au cinéma belge.

    Depuis sa création, le système a été souvent critiqué et remis en question, mais comme toute idée novatrice, il a dû faire ses maladies de jeunesse. Certaines modifications ont été nécessaires, d’autres, par chance, ont pu être évitées. Je me souviens d’ailleurs de débats relativement agressifs en commission à La Chambre des Représentants sur les dérives potentielles du système, mais ayons l’honnêteté de l’avouer, nous avons réussi le défi que nous nous étions lancé : celui de participer au développement du cinéma belge.

    Le succès de cette mesure permettant d’attirer des investisseurs non avertis au milieu du cinéma pourrait même un jour être élargi à d’autres domaines, comme celui des arts de la scène ou de la recherche scientifique. Mais il faudra toujours garder à l’esprit l’essentiel, à savoir que l’État fédéral continue à jouer là le rôle d’entremetteur entre des investisseurs et des demandeurs de fonds qui n’auraient a priori jamais eu l’opportunité de se rencontrer. Tant que le rendement d’une telle mesure sera nettement supérieur à son coût, elle restera beaucoup plus intéressante qu’un subside direct. Et pour effectuer cette comparaison, il faut considérer les gains dans leur ensemble, à savoir le soutien direct mais aussi le soutien indirect que représentent la création d’emplois et le développement d’une expertise internationalement reconnue dans les métiers du cinéma.

    Bonne lecture,

    Didier REYNDERS

    Vice-Premier ministre et ministre

    des Affaires étrangères et européennes

    Chapitre 1.

    Introduction

    1

    L’industrie européenne du cinéma et de l’audiovisuel, et l’industrie belge en particulier, souffre d’un problème structurel de sous-financement(1). Ce sous-financement s’explique principalement par l’hégémonie du cinéma américain (à l’échelon mondial, la part de marché du cinéma américain atteint près de 80 %(2), ne laissant que des « miettes » aux producteurs européens, dont le cinéma ne s’exporte pratiquement pas au-delà de ses frontières), la non-rentabilité de la majorité des productions européennes (laquelle est due non seulement à la suprématie du cinéma américain, mais également au manque d’homogénéité du public européen, un Espagnol, par exemple, allant rarement voir un film allemand, et vice versa), la sous-capitalisation des entreprises de production européennes, qui résulte de ce manque de rentabilité des productions européennes, et le fait que les spectateurs européens vont relativement peu au cinéma (en Belgique francophone, 80 % des habitants vont au cinéma moins d’une fois par mois, et parmi les 20 % restants, 14 % n’y vont qu’une fois par mois)(3).

    2

    Les pouvoirs publics, à l’initiative du ministre des Finances, ont pris la décision d’intervenir pour soutenir financièrement le secteur de la production et de la création cinématographique belge. La marge de manœuvre de l’État était toutefois relativement étroite, dans la mesure où il ne pouvait être question d’une quelconque forme déguisée de subside, les finances de l’État étant ce qu’elles sont, et où il ne pouvait être question d’empiéter sur les compétences des Communautés, seules compétentes en matière culturelle en vertu de l’article 4 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles(4). Il a dès lors été opté pour la mise sur pied d’un incitant fiscal à l’investissement privé dans la production et la création cinématographique belge(5), en l’occurrence le « Tax Shelter » (littéralement, « abri fiscal »). Ce régime du Tax Shelter repose sur le principe de l’octroi à l’investisseur privé d’un avantage fiscal, en échange de l’acquisition par ce dernier de droits aux recettes résultant de la mise en exploitation de l’œuvre financée(6). Il ambitionne de se positionner en complément des différents instruments de soutien au secteur audiovisuel existant au niveau européen, communautaire et régional(7). « Ainsi, par exemple, l’investisseur pourrait prendre une participation dans le capital de la société de production. Ce mode de financement est tout à fait permis, mais il ne sera pas pris en compte pour l’octroi de l’avantage fiscal »(8).

    3

    Ainsi, au travers de l’article 128 de la loi-programme du 2 août 2002(9), le législateur a complété les dispositions relatives à l’impôt des sociétés, contenues au Titre III, Chapitre II, Section III du Code des impôts sur les revenus 1992, par une Sous-section IV intitulée « Entreprises investissant dans une convention-cadre destinée à la production d’une œuvre audiovisuelle », en ajoutant un article 194ter (ci-après, « l’article 194ter »). Comme indiqué ci-avant, l’objectif poursuivi par le législateur, en adoptant cette réglementation en matière de Tax Shelter, était de soutenir financièrement l’industrie audiovisuelle en Belgique. Plus accessoirement, l’ambition de cette réglementation était également :

    – d’encourager la production d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques belge et développer le potentiel créatif existant en Belgique, ceci pour tous les types d’œuvres audiovisuelles produites en Belgique, qu’il s’agisse de téléfilms, de courts métrages, de longs métrages, de films d’animation ;

    – de structurer, professionnaliser, internationaliser et améliorer le know-how du secteur audiovisuel. Cette mesure a ainsi notamment été adoptée « afin d’aider les producteurs belges à trouver des partenaires étrangers. Il fallait permettre d’élargir les liens avec d’autres pays, européens en particulier »(10) ;

    – de diversifier la production audiovisuelle, fort du constat que « ces dernières années, un certain nombre de produits cinématographiques ont obtenu des prix importants. Cette réussite ne coïncide cependant pas nécessairement avec un succès dans les salles, qui seul peut générer des recettes importantes »(11) ;

    – d’augmenter la création d’emplois par le développement du secteur de la réalisation audiovisuelle et cinématographique(12), en favorisant l’essor « d’une industrie belge de qualité, potentiellement créatrice d’emplois et futur moteur économique de certaines régions ou sous-régions du pays »(13).

    4

    Plus de dix ans plus tard, le succès du Tax Shelter est incontestable. On estime ainsi que, depuis sa création en 2002, près de 750 millions d’euros ont été investis dans le secteur cinématographique en Belgique, soit une augmentation de près de 300 % des moyens financiers mis à la disposition du secteur audiovisuel(14). Ainsi, à titre d’exemple, « en 2004, les investissements dans le secteur s’élevaient à 10 millions d’euros et, en 2007, ils passaient à 50 millions d’euros pour atteindre 150 millions d’euros en 2011 »(15). Le tableau ci-dessous illustre ainsi la manière dont le cinéma belge a été financé en 2012, distinguant les différentes sources de financement mis à la disposition des producteurs belges dans le financement de la part belge des coproductions internationales(16) :

    5

    Cette croissance a également eu « un effet positif sur l’emploi, étant donné que la moitié de l’investissement est affectée aux ressources humaines. L’emploi dans le secteur audiovisuel a progressé de 23 %. Les films belges sont 2,5 fois plus nombreux, tandis que les rémunérations pour le secteur cinématographique belge ont augmenté de 49 % »(21). De même, les entreprises du secteur audiovisuel ont enregistré une hausse de 75 % de leur marge brute(22). Tout ceci sans léser les caisses de l’État, des études menées tant par l’U.C.L.(23) que par le cabinet d’audit Deloitte(24) ou par le Centre national du cinéma et de l’image animée à Paris(25) ayant mis en évidence le fait que le Tax Shelter a eu un impact positif sur le budget de l’État(26). En effet, « pour un euro dépensé, le return pour l’État [impôts sur les revenus, cotisations sociales, etc.] peut atteindre 1,3 euro »(27). Ce succès est tel qu’il a donné des idées à d’autres secteurs d’activité, et des propositions ont ainsi vu le jour en vue de favoriser l’investissement dans le secteur de l’industrie du jeu(28), de l’industrie musicale(29), du spectacle, du design, de la mode, de la biotechnologie(30), des arts plastiques, des arts de la parole(31), et même de l’achat de réserves naturelles, leur gestion et leur entretien par les associations de défense de la nature(32), etc.

    6

    Des systèmes similaires existent ailleurs en Europe et dans le monde, notamment en Irlande, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Hongrie, au Luxembourg, en Allemagne ou en France. Le Tax Shelter belge est toutefois probablement le système le plus efficace. En effet, « le montant collecté chaque année par le système belge tourne actuellement autour des 180 millions d’euros et augmente encore chaque année, malgré la crise. À titre de comparaison, en Allemagne, les aides à la production de l’État fédéral et des entités fédérées s’élèvent à environ 100 millions d’euros, alors que le montant perçu par les SOFICA françaises pour l’année 2012 s’élève à 61 534 700 euros »(33). De même, « au Luxembourg, grâce à la mesure fiscale préférentielle, le budget annuel du secteur audiovisuel avoisine les 50 millions d’euros, soit plus du double des montants que l’on y consacre en Belgique, qui compte pourtant vingt-cinq fois plus d’habitants »(34).

    7

    Sur le plan qualitatif, on ne peut que constater qu’il n’y a jamais eu à ce jour autant d’œuvres audiovisuelles produites en Belgique, et ce dans tous les domaines (courts métrages, longs métrages, téléfilms, films d’animation, etc.). On assiste par ailleurs à une multiplication des coproductions internationales, qu’il s’agisse de films « majoritaires » (soit des films dont la part belge est majoritaire) ou de films « minoritaires » (soit des films dont la part belge est minoritaire). « Depuis 2004, année de l’instauration du système Tax Shelter, il y a eu trois fois plus de productions [le nombre de productions par an en Belgique est désormais égal à celui du Royaume-Uni]. On estime à 8, le nombre de films produits par million d’habitants. La Belgique est donc le pays le plus dynamique d’Europe […]. La Belgique se situe dans le top 3 des pays européens produisant le plus de films majoritaires [après la France et l’Espagne] »(35). Parmi ces productions, on trouve désormais des films amitieux ou des films à vocation internationale. On observe par ailleurs qu’il est aujourd’hui plus facile pour un producteur belge de trouver des coproducteurs étrangers, et ce même pour un film local et majoritaire(36). De même, de plus en plus de productions étrangères viennent tourner en Belgique et font appel au talent d’équipes techniques belges, contribuant à améliorer le know-how de l’industrie belge. « Enfin, le Tax Shelter visait aussi à offrir un cinéma belge attractif pour les publics belge et étranger. Aujourd’hui, les films à destination du public local sont plus nombreux mais la Belgique développe également des films ayant une ambition internationale »(37).

    (1) Voy. P.-A. Simon, À qui profite le Tax Shelter, mémoire projet, U.C.L., année académique 2009-2010, p. 2.

    (2) Voy. www.cinergie.be/article.php?action=display&id=27

    (3) A. Lorfèvre, « Autopsie du public francophone belge », La Libre Belgique, 12 janvier 2010.

    (4) Le Conseil d’État a été spécialement attentif à cette problématique lors des débats sur l’adoption de l’article 194ter et a estimé que le texte de loi qui lui était soumis en projet ne portait pas atteinte à l’exercice des compétences attribuées aux Communautés en matière audiovisuelle (Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2001-2002, n° 1823/001, pp. 164-166). Le Conseil d’État a ainsi souligné que « la compétence fiscale […] doit être distinguée de la compétence matérielle. Contrairement à la compétence matérielle que l’on dit exclusive, la compétence fiscale n’est pas liée à des matières. La compétence fiscale est autonome par rapport à la compétence matérielle. Ainsi, les Régions peuvent taxer des matières qui entrent au plan matériel dans les compétences étatiques. Inversement, l’État peut taxer ou avantager fiscalement un comportement qui matériellement ressortit à la compétence des Régions » (Avis du Conseil d’État n° 33.342/1/3/4, Doc. parl., Ch., 2001-2002, n° 1823/001, p. 164). La Cour constitutionnelle a quelque peu nuancé cette affirmation, soulignant que le législateur, lorsqu’il exerce ses compétences fiscales, ne peut viser principalement un effet que les compétences qui lui ont été attribuées ne lui permettaient pas de rechercher, au point de réglementer une matière qui ne lui est pas attribuée (Arrêts nos 31/92 du 23 avril 1992, 2/94 du 13 janvier 1994 et 10/98 du 11 février 1998). Et lorsque la mesure peut avoir une influence sur la politique communautaire ou régionale, cet effet doit rester indirect et aléatoire de sorte qu’il ne puisse être reproché au législateur de rendre impossible ou exagérément difficile l’exercice des compétences d’autres autorités (Arrêt n° 4/95 du 2 février 1995). Le Conseil d’État a toutefois estimé « qu’il ne paraît pas établi que [l’article 194ter] porte atteinte à l’exercice des compétences communautaires en matière audiovisuelle ou qu’il rende cet exercice impossible ou particulièrement difficile » (Avis du Conseil d’État n° 33.342/1/3/4, Doc. parl., Ch., 2001-2002, n° 1823/001, p. 165). Les travaux préparatoires de l’article 194ter précisent par ailleurs que le législateur « a voulu éviter d’entrer en concurrence avec la technique des commissions de sélection de films et l’octroi de subsides par les communautés » (Doc. parl., Ch., 2001-2002, n° 50-1823/15, p. 15).

    (5) Ainsi, dès l’origine, il était prévu que le Tax Shelter ne serait « pas un subside ni un crédit d’impôt pour le secteur audiovisuel. Il s’agit d’un incitant pour les investissements privés dans [le] secteur [audiovisuel] » (Auditions sur la réforme du système du Tax Shelter, rapport fait au nom de la Commission des finances et du budget par M. Ph. Lacroix, 19 avril 2013, Doc. parl., Ch., 2012-2013, n° 2762/001, p. 16).

    (6) « En fait, le législateur a adapté un mécanisme qui existait déjà pour les entreprises qui exploitent des gisements d’hydrocarbures liquides ou gazeux [art. 194 du C.I.R. 92] ! » (A. Joachimowicz, « Cinéma et Tax Shelter », A. & M., 2003/1, p. 37).

    (7) « Le cinéma, en Belgique et dans tous les pays qui ont un secteur cinématographique développé, est financé à partir de trois sources publiques : des systèmes fiscaux [en Belgique, le Tax Shelter dépendant de l’État fédéral], des systèmes d’ordre culturel [c’est-à-dire des aides sélectives octroyées en fonction de critères d’ordre culturel] et des fonds régionaux [dont le but est davantage d’ordre économique, notamment le développement d’emploi]. C’est l’ensemble de ces trois sources de financement qui permettent à une industrie de se développer. Ces aides sont donc complémentaires » (Auditions sur la réforme du système du Tax Shelter, rapport fait au nom de la Commission des finances et du budget par M. Ph. Lacroix, 19 avril 2013, Doc. parl., Ch., 2012-2013, n° 2762/001, pp. 12-13).

    (8) C. Gillot, « Le financement de la création cinématographique en Communauté française de Belgique (cadre communautaire et relais fédéral : le Tax Shelter) », Rev. dr. ULg, 2005/4, p. 631.

    (9) M.B., 29 août 2002 – errata M.B., 4 octobre 2002, 13 novembre 2002 et 7 avril 2003.

    (10) Auditions sur la réforme du système du Tax Shelter, rapport fait au nom de la Commission des finances et du budget par M. Ph. Lacroix, 19 avril 2013, Doc. parl., Ch., 2012-2013, n° 2762/001, p. 4.

    (11) Doc. parl., Ch., 2001-2002, n° 50-1823/15, p. 15.

    (12) Exposé des motifs, Doc. parl., Ch., 2001-2002, n° 1823/001, p. 57.

    (13) Doc. parl., Ch., 2003-2004, nos 51-0473/15 et 51-0474/15, p. 137.

    (14) Auditions sur la réforme du système du Tax Shelter, rapport fait au nom de la Commission des finances et du budget par M. Ph. Lacroix, 19 avril 2013, Doc. parl., Ch., 2012-2013, n° 2762/001, p. 3.

    (15) Discussion générale, Doc. parl., Ch., 2013-2014, n° 3490/003, pp. 6-7. Rien qu’en Communauté française, on estimait, en avril 2013, que les sommes investies via le Tax Shelter, dans 558 œuvres audiovisuelles, s’élevaient à 532 281 000 euros, avec la répartition suivante par année : 1 075 000 euros en 2003 ; 8 934 000 euros en 2004 ; 14 625 000 euros en 2005 ; 32 449 000 euros en 2006 ; 55 253 000 euros en 2007 ; 62 067 000 euros en 2008 ; 81 418 000 euros en 2009 ; 91 389 000 euros en 2010 ; 91 361 000 euros en 2011 et 93 710 000 euros en 2012 (chiffres provisoires). Source : Auditions sur la réforme du système du Tax Shelter, rapport fait au nom de la Commission des finances et du budget par M. Ph. Lacroix, 19 avril 2013, Doc. parl., Ch., 2012-2013, n° 2762/001, p. 12.

    (16) Voy. C. Gillot, « Le financement de la création cinématographique en Communauté française de Belgique (cadre communautaire et relais fédéral : le Tax Shelter) », op. cit., 2005/4, pp. 608 et s.

    (17) La Commission du film du Centre de l’audiovisuel de la Communauté française octroie des avances sur recettes (remboursables), auxquelles contribuent les câblodistributeurs wallons par une redevance pour la production audiovisuelle.

    (18) Wallimage est un fonds d’investissement régional wallon, qui finance des œuvres audiovisuelles produites en Wallonie.

    (19) Eurimages est le fonds européen du Conseil de l’Europe pour le soutien à la coproduction, à la distribution et à l’exploitation des longs métrages et documentaires européens. Tout projet réunissant au moins deux producteurs de deux pays différents peut obtenir une avance sur recettes (remboursable) de maximum 700 000 euros et ne dépassant pas 15 % du coût de la production.

    (20) Les télévisions ont l’obligation de soutenir la création audiovisuelle via des coproductions ou des commandes de programmes qui doivent représenter 2,2 % de leur chiffre d’affaires annuel.

    (21) Discussion générale, Doc. parl., Ch., 2013-2014, n° 3490/003, pp. 6-7.

    (22) Auditions sur la réforme du système du Tax Shelter, rapport fait au nom de la Commission des finances et du budget par M. Ph. Lacroix, 19 avril 2013, Doc. parl., Ch., 2012-2013, n° 2762/001, p. 5.

    (23) P.-A. Simon, À qui profite le Tax Shelter, op. cit.

    (24) Cette étude de Deloitte, datant de janvier 2012, a fait apparaître qu’un euro investi par l’État générait un produit de 1,21 euro pour l’État (voy. Auditions sur la réforme du système du Tax Shelter, rapport fait au nom de la Commission des finances et du budget par M. Ph. Lacroix, 19 avril 2013, Doc. parl., Ch., 2012-2013, n° 2762/001, p. 44).

    (25) Le rapport « Étude comparative des systèmes d’incitation fiscale à la localisation de la production audiovisuelle et cinématographique » réalisé par le Centre national du cinéma et de l’image animée à Paris s’est penché notamment sur le régime du Tax Shelter et a conclu que la Belgique enregistrait 102 euros de recettes fiscales pour 100 euros investis, sans compter les autres avantages indirects (Auditions sur la réforme du système du Tax Shelter, rapport fait au nom de la Commission des finances et du budget par M. Ph. Lacroix, 19 avril 2013, Doc. parl., Ch., 2012-2013, n° 2762/001, p. 5).

    (26) Pour des statistiques quant au montant annuel des recettes fiscales « perdues » par les autorités sur la base du Tax Shelter, voy. Question parlementaire n° 317 de M. P. Logghe du 14 mars 2013, Q.P., Ch., 2013-2014, Q.R.V.A. n° 53/154 du 31 mars 2014, p. 247.

    (27) Auditions sur la réforme du système du Tax Shelter, rapport fait au nom de la Commission des finances et du budget par M. Ph. Lacroix, 19 avril 2013, Doc. parl., Ch., 2012-2013, n° 2762/001, p. 16.

    (28) Voy. Parlement flamand, Stuk 1735 (2007-2008), 9 juillet 2008, n° 3.

    (29) Voy. Parlement flamand, Stuk 1390 (2011-2012), 14 décembre 2011, n° 3.

    (30) Auditions sur la réforme du système du Tax Shelter, rapport fait au nom de la Commission des finances et du budget par M. Ph. Lacroix, 19 avril 2013, Doc. parl., Ch., 2012-2013, n° 2762/001, p. 16.

    (31) Question parlementaire n° 317 de M. P. Logghe du 14 mars 2013, Q.R., Ch., 2013-2014, Q.R.V.A. n° 53/154 du 31 mars 2014, p. 247.

    (32) Question parlementaire n° 694 de M. P. Vanvelthoven du 9 janvier 2014, Q.R., Ch., 2013-2014, Q.R.V.A. n° 53/148 du 17 février 2014, p. 315.

    (33) Auditions sur la réforme du système du Tax Shelter, rapport fait au nom de la Commission des finances et du budget par M. Ph. Lacroix, 19 avril 2013, Doc. parl., Ch., 2012-2013, n° 2762/001, p. 16.

    (34) Doc. parl., Sén., 2004-2005, n° 50-1284/1, p. 3.

    (35) Auditions sur la réforme du système du Tax Shelter, rapport fait au nom de la Commission des finances et du budget par M. Ph. Lacroix, 19 avril 2013, Doc. parl., Ch., 2012-2013, n° 2762/001, p. 51.

    (36) « Sur les 37 longs-métrages reconnus comme belges en 2012, un était strictement belge, 36 étaient coproduits [dont 25 avec la France]. Dans ces 36 coproductions, 10 films étaient belges majoritaires et 26 minoritaires » (ibid., p. 13).

    (37) Ibid., p. 4.

    Chapitre 2.

    Évolution du cadre légal du Tax Shelter

    Section 1.

    Article 194ter selon la loi-programme du 2 août 2002

    8

    Le régime du Tax Shelter est né suite à une proposition de loi du Sénateur Philippe Monfils déposée le 23 mars 2001(1). Depuis son origine, ce régime requiert la conclusion d’une convention-cadre entre, d’une part, une société belge de production audiovisuelle et, d’autre part, une société investisseuse, qui revendique le bénéfice de l’exonération fiscale conféré par le régime du Tax Shelter. Ce choix de recourir à une convention-cadre, dont le contenu est largement laissé à la discrétion des parties, plutôt qu’à une structure juridique donnée (telle que, par exemple, la structure des SOFICA en France(2)), présentait l’avantage d’être plus souple que les systèmes concurrents au niveau européen, « laissant aux opérateurs économiques concernés […] le soin de faire converger leurs intérêts respectifs dans un cadre juridique et fiscal donné »(3).

    9

    Pour le surplus, la philosophie générale de l’article 194ter était que l’investisseur, en contrepartie de l’avantage fiscal conféré par cet article (en l’occurrence, une exonération fiscale portant sur 150 % de ses bénéfices investis), devait participer à « la production audiovisuelle et cinématographique »(4) d’une œuvre audiovisuelle donnée, ceci en acquérant des droits dans la production de l’œuvre audiovisuelle en question. L’idée étant qu’il « appartient aux investisseurs de décider s’ils souhaitent ou non encourager à leurs propres risques la production d’œuvres qui, au départ, présentent davantage de risques d’échec que de réussite »(5). L’avantage fiscal était toutefois tel que, « grâce au Tax Shelter, l’investisseur peut réaliser un profit même si le film n’atteint pas une rentabilité commerciale suffisante : c’est là le principal attrait du système »(6).

    10

    Les droits en question étaient généralement un pourcentage des recettes nettes part producteur (R.N.P.P.) de l’œuvre financée, soit un pourcentage des recettes liées à l’exploitation de l’œuvre telles que celles-ci étaient définies dans la convention-cadre(7). Ce pourcentage était déterminé contractuellement par les parties, en considération des sommes investies par l’investisseur en exécution de la convention-cadre. « Ces droits [étaient] des droits incorporels sui generis donnant directement à l’investisseur un droit aux recettes liées à l’exploitation de l’œuvre pour une période de [cinq](8) ans »(9). Aux fins de permettre à l’investisseur de percevoir ses droits, il lui était transmis périodiquement un « décompte d’exploitation »(10). On relèvera que ces R.N.P.P. étaient taxables dans le chef de l’investisseur à l’impôt des sociétés. Le Service des décisions anticipées (S.D.A.) a par ailleurs considéré que le versement de ces R.N.P.P. résultait, à l’instar du versement d’un dividende à un actionnaire, de la simple détention de droits aux recettes afférents à l’œuvre financée, et qu’il ne représentait donc pas la contrepartie d’une opération visée par le Code de la T.V.A.(11).

    11

    Pour limiter les risques de l’opération, l’article 194ter permettait à l’investisseur de réaliser une partie de son investissement sous la forme de prêts, pour autant que le total des prêts accordés à l’occasion de la conclusion ou de l’exécution de la convention-cadre n’excède pas 40 % de l’ensemble des sommes affectées à l’exécution de celle-ci(12), ceci afin que « 60 % des montants investis aboutissent directement dans la production [de l’œuvre] »(13) (cette partie de l’investissement étant qualifiée erronément d’investissement en « equity », alors qu’il est évident que celle-ci ne constituait en aucune manière des fonds propres au sens comptable du terme pour la société de production). Pour respecter la condition de l’affectation effective visée par l’article 194ter, § 4, le S.D.A. exigeait que « la libération de l’investissement à risque [intervienne] avant la date de remboursement de l’investissement sous forme de prêt »(14).

    12

    Pour assurer le soutien de l’industrie audiovisuelle et cinématographique en Belgique, l’article 194ter imposait à la société de production d’effectuer des dépenses de production et d’exploitation en Belgique dans un délai maximum de dix-huit mois à partir de la date de conclusion de la convention-cadre, et ce à concurrence de minimum 150 % des sommes investies par l’investisseur en equity. De cette manière, l’État s’y retrouvait aussi puisque « ces dépenses génèrent à leur tour des taxes et des cotisations de sécurité sociale, de sorte qu’en termes de finances publiques, l’effet de la mesure est généralement considéré comme neutre »(15). De la même manière, en imposant que le montant total des sommes affectées à l’exécution de la convention-cadre soit limité à maximum 50 % du budget des dépenses globales de l’œuvre financée pour l’ensemble des investisseurs, l’article 194ter assurait « un parfait équilibre entre la part des investissements bénéficiant de l’exonération fiscale via la conclusion d’une convention-cadre [50 %], et la part des investissements réalisés aux propres risques de la société [de production] [50 %] »(16).

    13

    Enfin, l’article 194ter prévoyait que l’immunité que conférait l’article 194ter n’était maintenue que si les bénéfices immunisés restaient comptabilisés à un compte distinct au passif du bilan de l’investisseur. Cette obligation comptable était imposée sans limitation dans le temps, même après l’achèvement de l’œuvre financée par l’investisseur et la fin de son exploitation. L’immunisation n’était donc jamais définitivement acquise à l’investisseur. Par ailleurs, l’article 194ter énonçait que les droits de créance (prêt) et de propriété (R.N.P.P.) obtenus par l’investisseur, aux termes de la convention-cadre, devaient rester affectés à l’exercice de l’activité professionnelle de l’investisseur en Belgique(17). Cette contrainte légale avait pour conséquence que les droits en question étaient incessibles, et ce sans la moindre limitation dans le temps.

    Section 2.

    Notification du régime du Tax Shelter à la Commission européenne

    14

    Le régime du Tax Shelter constituant une forme d’aide d’État, la Belgique ne pouvait mettre en exécution celui-ci sans que la Commission européenne ne donne son aval quant à celui-ci(18). Aussi, en application de l’article 87, § 3, du Traité C.E., la Belgique a notifié à la Commission européenne le régime du Tax Shelter visé par l’article 194ter. Les services de la Commission européenne ont aussitôt fait savoir au gouvernement belge que le régime qui lui avait été notifié constituait bien une

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