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Les Montagnes de l'Antarctique : guide complet: Guide de voyage
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Livre électronique431 pages4 heures

Les Montagnes de l'Antarctique : guide complet: Guide de voyage

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À propos de ce livre électronique

Pour la première fois, les montagnes et sommets de l'Antarctique sont réunis dans un livre unique !

Un magnifique ouvrage destiné non seulement aux alpinistes et mordus de montagne, mais aussi aux amateurs de voyages lointains, avides de découvrir les rares contrées encore méconnues de notre planète.

Grimper en Antarctique est une expérience unique. C'est un rêve auquel seuls de rares alpinistes ont eu le privilège d'accéder à ce jour. Un rêve que vous pourrez aujourd'hui carresser, grâce à ce très beau livre abondamment illustré et remarquablement documenté.

Damien Gildea vous entraînera dans la riche histoire de l'aventure alpine en Antarctique, depuis les premières explorations au dix-neuvième siècle jusqu'aux exploits des grimpeurs extrêmes d'aujourd'hui. Il vous conduira au coeur des montagnes les plus impressionnantes et les plus reculées du pôle Sud...

Découvrir les incroyables montagnes de l'Antarctique émergeant de l'immensité blanche laissera plus d'un lecteur véritablement sans voix... Difficile d'imaginer que l'on est encore sur Terre !

Un livre de référence indispensable dans toute belle bibliothèque de voyage ou de montagne !

A PROPOS DE L'AUTEUR

Alpiniste et explorateur polaire, Damien Gildea a mené avec succès sept expéditions dans les plus hautes montagnes de l'Antarctique, de 2001 à 2008. Il est l'auteur du livre Antarctic Mountaineering Chronology, paru en 1998, et de cartes topographiques approfondies de l'île Livingston (2004) et du massif du Vinson (2006). Ses articles et photos ont été publiés dans de nombreuses revues du monde entier, tels l'American Alpine Journal ou le magazine américain Alpinist. Il a également guidé une expédition à ski vers le pôle Sud et participé à plusieurs expéditions en Himalaya, au Karakorum et dans les Andes. Lorsqu'il n'est pas en expédition, Damien Gildea vit en Australie.

EXTRAIT

Introduction

Grimper en Antarctique est une aventure unique. Elle marque toujours fortement ceux qui ont la chance fabuleuse de la vivre. Dans l’histoire de l’homme au pôle Sud, elle a pendant des années été essentiellement réservée à ceux qui travaillent à des programmes scientifiques gouvernementaux et nationaux sur l’Antarctique, disposant de moyens logistiques et financiers énormes. Cependant, et cela va de soi, jusqu’il y a quelques années, l’aspect purement « alpin » de ces explorations restait marginal. L’alpinisme n’était qu’un moyen au service de la science. L’escalade « récréative », elle, était mal vue et le plus souvent ignorée. Dans les pages qui suivent, j’espère préserver la mémoire de certaines de ces ascensions, souvent plus importantes pour ceux qui les ont réalisées qu’elles ne le paraissent au travers des comptes-rendus scientifiques officiels. En tout état de cause, l’alpinisme fait partie intégrante de la riche histoire de l’homme en Antarctique, qui se doit d’être écrite pour le profit du plus grand nombre.

Les visiteurs – et en Antarctique nous sommes tous des visiteurs – ne sont que les tout petits pions d’une vaste machine scientifique et politique. Incroyable envergure, admirable qualité du travail accompli jusqu’ici et aujourd’hui encore dans ces recherches ! Elles nous apportent une vision critique non seulement de l’Antarctique, mais aussi de notre monde.
LangueFrançais
ÉditeurNevicata
Date de sortie4 mars 2015
ISBN9782511031285
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    Aperçu du livre

    Les Montagnes de l'Antarctique - Damien Gildea

    Title page

    Introduction

    Grimper en Antarctique est une aventure unique. Elle marque toujours fortement ceux qui ont la chance fabuleuse de la vivre. Dans l’histoire de l’homme au pôle Sud, elle a pendant des années été essentiellement réservée à ceux qui travaillent à des programmes scientifiques gouvernementaux et nationaux sur l’Antarctique, disposant de moyens logistiques et financiers énormes. Cependant, et cela va de soi, jusqu’il y a quelques années, l’aspect purement « alpin » de ces explorations restait marginal. L’alpinisme n’était qu’un moyen au service de la science. L’escalade « récréative », elle, était mal vue et le plus souvent ignorée. Dans les pages qui suivent, j’espère préserver la mémoire de certaines de ces ascensions, souvent plus importantes pour ceux qui les ont réalisées qu’elles ne le paraissent au travers des comptes-rendus scientifiques officiels. En tout état de cause, l’alpinisme fait partie intégrante de la riche histoire de l’homme en Antarctique, qui se doit d’être écrite pour le profit du plus grand nombre.

    Les visiteurs – et en Antarctique nous sommes tous des visiteurs – ne sont que les tout petits pions d’une vaste machine scientifique et politique. Incroyable envergure, admirable qualité du travail accompli jusqu’ici et aujourd’hui encore dans ces recherches ! Elles nous apportent une vision critique non seulement de l’Antarctique, mais aussi de notre monde.

    En règle générale, les premières ascensions en Antarctique furent réalisées sur la Péninsule, la partie la plus accessible du continent et, aujourd’hui encore, la plus populaire, où de splendides montagnes s’élèvent face à la mer. Puis, les activités humaines se sont étendues aux autres régions du continent et l’on érigea des stations scientifiques, qui devinrent des bases pour explorer les sommets alentour, comme les immenses Montagnes Transantarctiques avec les bases Scott et McMurdo, sur l’île de Ross. Enfin, avec l’avènement dans les années 1980 de voyages privés vers l’intérieur du continent, d’autres régions suscitèrent un intérêt purement alpin. La plus haute montagne de l’Antarctique, le Mont Vinson, dans la chaîne des Sentinelles, est ainsi devenue une destination commerciale annuellement profitable. Quant aux stupéfiantes tours rocheuses de la Terre de la Reine Maud, elles sont aujourd’hui visitées presque régulièrement. Il y a également des sommets intéressants dans d’autres régions : ainsi dans les Transantarctiques du Sud, où se trouvent les plus hautes montagnes encore vierges de l’Antarctique, ou sur l’île Alexandre, avec ses chaînes encore relativement peu explorées, car trop loin de la Péninsule pour être rejointes à la voile et pas assez populaires pour justifier des rotations d’avion. Dispersés partout autour du continent, les objectifs d’envergure ne manquent pas, telles les grandes parois rocheuses de la chaîne de l’Ohio et des Monts Sarnoff, ou les sommets lointains de la Terre de Mac Robertson, ou encore ces géants de roche et de glace, balayés par les tempêtes, qui s’élèvent au dessus de la mer en Géorgie du Sud.

    STEPHEN CHAPLIN, HAUT SUR LA FACE OUEST DU MONT CRADDOCK, chaîne des Sentinelles, Montagnes d’Ellsworth. En dessous, la jonction sud du glacier Bender et du glacier Nimitz. Au-delà, les petits sommets de la chaîne Bastien.

    Non tant qu’il y ait en Antarctique quelque montagne ou paroi plus haute, plus longue, plus difficile ou plus verticale que toute autre montagne ou paroi sur un autre continent ! Mais leur situation unique – là est toute la différence. Il n’y a qu’UN Antarctique. Grimper en Antarctique se rapproche au mieux de ce que la plupart d’entre nous pourraient ressentir en grimpant sur une autre planète – sur Terre, mais pas de la Terre. Marcher sur le plateau sommital du Mont Vinson, c’est comme marcher sur la pointe des pieds sur le toit d’un grand vaisseau, voguant à la dérive sur une mer blanche sans fin, comme suspendu au-dessus de tous les autres éléments du continent. En Antarctique, jamais vous ne partez pas à pied d’un village ou d’une route, comme en Himalaya ou en Alaska, jamais vous ne rentrez chez vous à pied !

    JED BROWN SUR UN SOMMET SANS NOM AU-DESSUS DU GLACIER EMBREE.

    Au fond, la dangereuse face nord-est du Mont Anderson, chaîne des Sentinelles, Montagnes d’Ellsworth.

    ALPINISTES À LEUR CAMP DE BASE, chaîne des Orvinfjella, Terre de la Reine Maud.

    Ce serait une erreur aussi d’envisager l’avenir du continent au travers du seul prisme de la science, ou en utilisant uniquement le langage émotionnel des mouvements écologistes d’aujourd’hui, ou encore en ne considérant que les arguments des aventuriers et des sportifs. Si l’Antarctique ne doit pas être le fief politique des diplomates, il n’est pas non plus un simple laboratoire géant. Pour assurer son avenir, il faut davantage que de simples programmes scientifiques. Nous sommes tous concernés par l’Antarctique – l’enjeu est trop important pour ne pas l’être.

    Faire de l’alpinisme en Antarctique reste un luxe, nullement essentiel à l’humanité. Mais c’est aussi un magnifique moyen de voir, de comprendre et d’être en phase avec un continent si important pour le reste du monde. En ouvrant le passé et le futur de ces montagnes antarctiques lointaines à un large public, j’espère que bien des hommes seront amenés à aimer cette terre et, partant, à s’en préoccuper.

    Car l’Antarctique représente pour nous un défi – il nous faut agir d’une manière plus responsable avec l’environnement naturel, auquel nous appartenons, mais que nous ne dominons pas. Ne détruisons pas la base de notre survie. Utilisons-la, mais sans la détruire. Partageons-la, mais sans nous battre. Nos choix nous déterminent, comme le fera notre gestion de l’Antarctique.

    Le meilleur de la montagne, c’est le désir, la passion, l’amitié, l’engagement, l’excellence et puis la joie. L’Antarctique ne mérite pas moins que tout cela.

    1. Chaîne des Sentinelles

    2. Chaîne de l’Héritage

    LES MONTAGNES D’ELLSWORTH

    Les montagnes d’Ellsworth sont constituées de deux chaînes principales: la haute chaîne des Sentinelles au nord et la chaîne plus basse de l’Héritage au sud, toutes deux séparées par le glacier Minnesota, qui s’étend d’est en ouest.

    LA CHAÎNE DES SENTINELLES

    Les Sentinelles s’étirent sur presque deux cents kilomètres et forment comme une longue épine dorsale dentelée. De nombreuses arêtes rocheuses hérissent le versant qui descend d’un jet sur le plateau glaciaire : espacées avec régularité, ces arêtes prennent alors un aspect uniforme inhabituel. Entre celles-ci, de nombreux couloirs et de grandes parois s’élèvent parfois jusqu’à deux mille mètres au-dessus du plateau glaciaire, qui s’étale d’est en ouest.

    Avec ses 4892 mètres d’altitude, le Mont Vinson¹ est le sommet le plus élevé du massif du même nom. Ce massif, grand ensemble tout blanc d’environ quinze kilomètres de long sur quinze de large, est situé à peu près au milieu de la chaîne des Sentinelles, le Mont Vinson se trouvant à l’extrémité sud de la partie la plus élevée. Le massif est surmonté de nombreux petits sommets situés tout autour d’un haut plateau de glace vive, balayé par les vents. Au-delà, plusieurs longues arêtes descendent jusqu’aux glaciers environnants. Comme souvent dans d’autres chaînes du reste du globe, la plus haute montagne présente plusieurs versants relativement faciles d’accès. Mais le Mont Vinson offre également des faces plus raides et des arêtes effilées. Passé le Mont Shinn, la chaîne se rétrécit d’une manière spectaculaire, pour former les crêtes aériennes de l’Epperly, du Tyree et du Shear. Elle se prolonge ensuite jusqu’à son extrémité nord, au-delà du Long Gables et de l’Anderson. Un col élevé relie le sud du massif du Vinson à celui du Craddock, plus petit, mais avec des arêtes plus raides et plusieurs sommets élevés. L’extrémité sud de ce massif achève de manière superbe la ligne des Sentinelles. La face sud plonge directement sur le glacier Severinghaus puis, partant de là et jusqu’au pôle Sud, plus rien ne dépasse les 4000 mètres d’altitude.

    DAMIEN GILDEA

    près du sommet du Mont Anderson.

    Chaîne des Sentinelles

    1. Mont Wyatt Earp 2370 m

    2. Mont Morgensen 2790 m

    3. Mont Ulmer 2775 m

    4. Mont Washburn 2727 m

    5. Mont Crawford 2637 m

    6. Mont Malone 2460 m

    7. Mont Sharp 3359 m

    8. Mont Dalrymple 3600 m

    9. Mont Goldthwait 3813 m

    10. Mont Schmid 2430 m

    11. Mont Hale 3546 m

    12. Mont Press 3760 m

    13. Mont Bentley 4137 m

    14. Mont Anderson 4144 m

    15. Long Gables 4059 m

    16. Mont Giovinetto 4074 m

    17. Mont Jumper 2890 m

    18. Mont Levack 2751 m

    19. Mont Ostenso 4085 m

    20. Mont Bearskin 2850 m

    21. Mont Gardner 4573 m

    22. Mont Tyree 4852 m

    23. Mont Epperly 4508 m

    24. Mont Shinn 4660 m

    25. Mont Waldron 3217 m

    26. Mont Vinson 4892 m

    27. Mont Tuck 3588 m

    28. Mont Mohl 3604 m

    29. Mont Rutford 4477 m

    30. Mont Benson 2184 m

    31. Mont Craddock 4368 m

    32. Mont Allen 3248 m

    33. Mont Southwick 3087 m

    À LA RECHERCHE DU « VINSON »

    Difficile à croire aujourd’hui : les plus hautes montagnes de l’Antarctique étaient presque inconnues jusque dans les années 1950 ! En 1935, l’aviateur américain Lincoln Ellsworth avait survolé la chaîne (qui plus tard portera son nom), mais elle était ce jour-là presque entièrement cachée par les nuages. Seul apparaissait un petit sommet. Ellsworth ne pouvait alors savoir que les plus hautes montagnes du continent se trouvaient juste sous lui. Il donna à ce sommet de 2775 mètres le nom de sa femme, Mary Louise Ulmer, sommet appelé donc aujourd’hui Mont Ulmer.

    Jusqu’en 1959, la position exacte du point le plus élevé du continent resta inconnue. On lui avait donné le nom provisoire de « Vinson », d’après Carl G. Vinson, sénateur de l’État de Géorgie et depuis longtemps fervent défenseur des opérations américaines en Antarctique. En 1959, on pensait encore que ce « Vinson » serait situé dans la zone des grands volcans de la Terre de Marie Byrd plutôt que dans la Terre d’Ellsworth². Ce doute serait venu d’un vol effectué par Richard Byrd et Paul Siple lors de l’opération Highjump pendant la saison 1946–1947. Ils avaient alors vu des formes d’une montagne rocheuse plus haute que leur avion qui volait à 3000 mètres. Siple et d’autres passagers du vol estimèrent l’altitude de la montagne à plus de 5000 mètres ! En fait, il s’agissait d’une erreur due à l’angle de vol de l’avion passant au-dessus d’un des plus hauts sommets de la chaîne de l’Executive Committee (sommets au demeurant connus de Byrd dès 1934). Cette erreur se voyait renforcée par des vols précédents, qui avaient pris le Mont Sidley pour l’improbable « Vinson ». L’US Air Force avait même publié une carte montrant un sommet élevé près du 77°S 124°O, que l’on pensait être soit le « Vinson », soit le « Nimitz », autre sommet dont l’existence restait à prouver.

    « … Selon la carte, le Vinson devrait être sur notre gauche à environ 4300 mètres au-dessus du niveau du plateau glaciaire… Mais rien, nous devons avoir dépassé le point où le Mont Nimitz est supposé se trouver… Toujours rien… Les montagnes plus loin doivent être les sommets de la chaîne de l’Executive Committee. »³

    John Pirrit escaladera jusqu’à 3650 mètres l’un de ces sommets, plus tard connu sous le nom de Mont Sidley – avec ses 4285 mètres, le plus haut de la chaîne de l’Executive Committee. Il fera aussi l’ascension, puis la cartographie, de trois sommets moins élevés au nord. Mais toujours pas de « Vinson » !

    VUE VERS LE SUD DU SOMMET DU MONT BENTLEY.

    La face nord du Mont Tyree est la grande paroi rocheuse évidente à gauche du centre de la photo et le sommet du Mont Shinn est juste visible à sa gauche. Le sommet du Mont Gardner est à droite du Tyree.

    LA CHAÎNE DES SENTINELLES VUE DU NORD-EST,

    avec, de gauche à droite, les Monts Vinson, Shinn, Tyree, Gardner, Giovinetto et Anderson.

    En janvier 1958, un vol de l’aéronavale des États-Unis, parti de la station Byrd, aperçut de hautes montagnes plus à l’est, dans la Terre d’Ellsworth⁴. Au cours de la saison 1958–1959, d’autres cartographes se déplacèrent à l’aide de véhicules à neige Tucker et découvrirent dans cette zone un grand massif montagneux, qui semblait avoir un point plus élevé que tous ceux connus jusqu’alors en Antarctique. Enfin, on l’avait trouvé, le Vinson ! L’un des membres de cette équipe était un jeune glaciologue, Bill Long, qui sept ans plus tard en fera l’ascension. D’autres équipes scientifiques se rendirent dans la zone au début des années 1960 et y firent même quelques escalades mineures. En décembre 1961, deux géologues américains, Trevor Bastien et John Splettstoesser, furent les premiers à faire une ascension dans la chaîne en gravissant les sommets secondaires des Howard Nunataks (1800 mètres environ) puis le Mont Wyatt Earp (2370 mètres).

    Pendant la saison 1963–1964, une équipe de l’université du Minnesota effectua également des travaux dans cette zone et John Evans, l’un de ses membres, jeune géologue et grimpeur enthousiaste, se vit offrir un vol en hélicoptère jusqu’au sommet du Mont Vinson. Il déclina l’offre… Mais Evans, à l’instar de Long, étaient destinés à revenir.

    POLITIQUE ET PROJETS

    Le Vinson était donc désormais classé plus haute montagne de l’Antarctique. Son ascension allait immanquablement susciter l’intérêt. Particulièrement aux États-Unis, où deux groupes d’alpinistes expérimentés, l’un basé sur la côte Est et l’autre sur la côte du Pacifique, projetèrent de le gravir. Mais ces projets restèrent sans suite, car l’obstacle majeur était l’énorme effort logistique nécessaire pour pénétrer à l’intérieur du continent. Les autorités américaines pour l’Antarctique avaient déjà édicté ce qui restera une règle permanente : les ressources, le personnel et les capacités logistiques étaient destinés exclusivement à la science, et non au sport. Et pourtant, heureusement, un événement inattendu allait leur forcer la main.

    En 1962, Woodrow Wilson Sayre, un Néo-Zélandais aux amis très influents et petit-fils de l’ancien président des États-Unis, fit une tentative audacieuse sur l’Everest lors d’une expédition légère. Ayant obtenu un permis pour gravir le Gyachung Kang (7952 mètres) dans la région de l’Everest, Wilson, ses trois compagnons et leurs sherpas entrèrent au Tibet par le col du Nup La, puis déroutèrent l’expédition de son objectif en descendant vers l’est, jusqu’au glacier ouest du Rongbuk. Voyageant légers et se partageant les charges, ils atteignirent rapidement le glacier principal du Rongbuk, puis sa branche est, pour se retrouver au camp de base utilisé par toutes les expéditions britanniques d’avant-guerre à l’Everest, qui passaient alors par l’arête nord. Ils durent renoncer au col nord et revinrent sans dommage par le même chemin. Toutefois, leur aventure ne fut guère appréciée par les autorités népalaises. Elle provoqua un incident diplomatique, dont l’expédition américaine à l’Everest, planifiée pour faire en 1963 la première ascension de l’arête ouest, faillit faire les frais. Le raid de Sayre, raconté plus tard dans le livre Four Against Everest, fut temporairement caché par les autorités, mais pas oublié !

    Deux ans plus tard, Sayre projeta de gravir le Vinson. Il aurait même, semblait-il, trouvé un avion et recruté un pilote pour y aller ! Le gouvernement américain eut vent de ses plans et décida d’intervenir. Dans un premier temps, il refusa toute autorisation à Sayre ainsi qu’aux autres candidats ayant un objectif similaire. Le célèbre alpiniste autrichien Heinrich Harrer planifiait également une expédition au Vinson et s’était informé de l’aide logistique qu’il pourrait obtenir, lorsqu’en 1961, il fut invité à la base McMurdo.

    Les autorités américaines proposèrent à l’American Alpine Club de soutenir une équipe d’alpinistes américains pour l’ascension du Vinson. L’American Alpine Club contacta alors les deux groupes qui avaient montré de l’intérêt pour cet objectif. Pour éviter tout conflit, l’on choisit un chef d’expédition ne faisant partie d’aucun des deux groupes. Ce fut Nicholas Clinch. Avocat californien, il avait auparavant dirigé avec succès deux expéditions américaines majeures. En 1958, il avait été à la tête d’une équipe sur le Gasherbrum I (Hidden Peak), dans la chaîne du Karakoram, au Pakistan. Andy Kaufmann et Pete Schoening en réussirent le sommet – le premier sommet de 8000 mètres gravi par des Américains. En 1960, Clinch était retourné au Pakistan, à la tête d’une équipe pour la première ascension du Masherbrum (7821 mètres), le 26ème sommet le plus haut du monde.

    La politique des autorités américaines consistait à « dévaloriser le trophée », comme le dira Clinch plus tard. Ainsi, personne d’autre ne voudrait essayer d’aller en Antarctique gravir le Vinson. Par ailleurs, un officiel de haut rang de la marine américaine, voyant des photos du Mont Tyree, le trouva si impressionnant qu’il pensa qu’aucun alpiniste au monde ne résisterait à l’envie d’en faire l’ascension. Il suggéra donc qu’en plus du Vinson, l’équipe américaine sélectionnée le gravisse aussi, juste par précaution ! Ainsi, non seulement l’expédition de 1966 réussira l’ascension du Vinson, mais elle réussira aussi à ce qu’aucun alpiniste non agréé par le gouvernement américain n’y mette les pieds, et cela pendant près de dix-sept ans !

    Malgré les expéditions scientifiques au début des années 1960 aux Sentinelles inférieures, le Vinson en tant qu’objectif alpin restait donc totalement inconnu en 1966, alors qu’à la même date, tous les 8000 avaient été gravis, dont l’Everest à lui seul par vingt-quatre alpinistes, au cours de cinq expéditions et par trois voies différentes, soit bien plus d’alpinistes au seul sommet de l’Everest que dans toute la chaîne des Sentinelles !

    UN DES FANIONS DE L’EXPÉDITION ALPINE AMÉRICAINE EN ANTARCTIQUE DE 1966–1967.

    Placé au sommet du Mont Gardner en janvier 1967 et emporté par Mugs Stump en 1989.

    1966 – LA PREMIÈRE ASCENSION DU MONT VINSON

    L’équipe de Clinch était forte et expérimentée. John Evans, qui était déjà allé dans la chaîne des Sentinelles comme géologue en 1961–1962 avec un groupe de l’université du Minnesota, était sans doute plus connu pour avoir fait la première ascension de la stupéfiante arête Hummingbird sur le plus haut sommet du Canada, le Mont Logan (5995 mètres), en 1965. Evans fut aussi l’un des premiers à gravir le Nose sur El Capitan, dans le Yosemite. Plus tard, il fera partie d’expéditions majeures, sur la face sud-ouest de l’Everest en 1971, ou, plus malheureuse, à la Nanda Devi (7816 mètres) en 1976. Il ouvrira également une nouvelle voie sur la face ouest d’un magnifique sommet de l’Alaska, le Mont Huntington (3731 mètres). Le glaciologue Bill Long, enseignant alors en Alaska, avait également travaillé en Antarctique, dans la zone du Vinson et fait en 1958 la première ascension du Mont Glossopteris (2865 mètres), dans la lointaine chaîne de l’Ohio. Les fossiles de feuilles trouvés là-bas étayèrent les théories des plaques tectoniques, leur association avec la dérive des continents et l’existence du supercontinent Gondwana. Brian Marts – à 23 ans, le plus jeune de l’équipe – et Barry Corbet étaient tous deux guides de haute montagne. Corbet avait été membre de la fameuse expédition américaine de 1963 qui avait fait la première de la difficile arête ouest de l’Everest. Peter Schoening, originaire de Seattle, était déjà célèbre dans le monde alpin pour son ascension de l’Hidden Peak, pour sa voie nouvelle sur le Mont Logan, et surtout pour avoir sauvé la vie de ses compagnons sur le K2 (8611 mètres) en 1954, lorsqu’il bloqua leur chute sur l’immense éperon sud-est avec son seul piolet comme ancrage. Sam Silverstein, le médecin de l’équipe, et Charles Hollister avaient participé à l’expédition de 1954 qui fit la première ascension de l’énorme éperon sud-ouest du Mont McKinley (6194 mètres), en Alaska. Il y avait enfin Eiichi Fukushima et Richard Wahlstrom, tous deux moniteurs d’escalade à l’université George Washington à Seattle.

    Tous s’envolèrent donc pour Christchurch en Nouvelle-Zélande, base américaine pour les programmes dans l’Antarctique, d’où partent les vols jusqu’à McMurdo sur l’île de Ross et plus loin encore jusqu’au pôle Sud. À Christchurch, ils constituèrent leurs provisions, avec l’aide appréciable de Norman Hardie, l’alpiniste qui avait fait en 1955 la première ascension du Kangchenjunga, troisième sommet du monde (8586 mètres), et qui avait dirigé la base néo-zélandaise sur l’île de Ross. Un court arrêt à McMurdo, puis l’équipe alla directement en avion jusqu’à la chaîne des Ellsworth. Elle ne put atterrir à cause de la faible visibilité et fut déroutée à la station Byrd, où elle attendit dix heures. Le 8 décembre, atterrissage du LC–130 équipé de skis sur le plateau glaciaire, à environ vingt kilomètres à l’ouest des sommets principaux. À partir de là, les alpinistes utilisèrent un engin à neige pour rapprocher leurs vivres de la montagne, puis durent faire du portage eux-mêmes sur la dernière petite partie de leur approche, car l’essence pour l’engin, larguée lors d’un vol précédent, n’avait pu être localisée.

    Sam Silverstein avait identifié une brèche étroite sur l’arête descendant au sud-ouest du Mont Shinn, qui pourrait permettre d’accéder aux pentes du Vinson proprement dites. Les alpinistes arrivèrent rapidement à cette brèche, nommée désormais col de Sam, et installèrent des cordes fixes pour faciliter le portage des charges nécessaires à la suite. Traversant la partie supérieure du bassin du Branscomb, l’équipe remonta la face jusqu’au col appelé maintenant col Goodge et y installa un camp. Le 18 décembre, Barry Corbet, John Evans, Bill Long et Pete Schoening atteignirent rapidement le sommet, d’où ils prirent des photos avec les drapeaux, placés en cercle, des douze nations signataires du Traité Antarctique. Le reste de l’équipe gravit le sommet les deux jours suivants. Succès de la politique pour « dévaloriser le trophée » ! Quelques jours avant Noël, l’équipe s’intéressa au Mont Shinn qu’elle gravit en trois groupes sur trois jours.

    PETE SCHOENING ET JOHN EVANS

    au sommet du Mont Vinson, le 8 décembre 1966.

    BARRY CORBET

    au sommet du Mont Tyree, deuxième plus haut sommet de l’Antarctique, le 6 janvier 1967.

    BARRY CORBET

    haut sur l’arête nord-ouest du Mont Tyree lors de la première.

    BRIAN MARTS

    haut sur l’arête sud-ouest du Long Gables pendant la première, janvier 1967.

    Tout le groupe se rendit ensuite au nord pour tenter l’ascension d’un couloir évident, à l’extrémité nord de la longue face ouest du Mont Gardner. Les alpinistes installèrent des cordes fixes dans le couloir, établirent un camp sur une plate-forme rocheuse près du sommet, puis traversèrent le vaste plateau vallonné pour établir un second camp à environ 4100 mètres sur les pentes supérieures du versant est du Gardner. De là, le jour de l’an, Evans

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