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Le Queyras: Promenade dans les Alpes
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Le Queyras: Promenade dans les Alpes
Livre électronique85 pages1 heure

Le Queyras: Promenade dans les Alpes

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À propos de ce livre électronique

Partez à la découverte d'une région magnifique et paisible.

Patrice Favaro, auteur de livres pour la jeunesse, grand voyageur, amoureux de l’Himalaya, rend ici un bel hommage aux montagnes du Queyras qui l’ont chaleureusement accueilli avec sa compagne. Il a trouvé dans ces lieux calmes et puissants une certaine paix de l’âme grâce à la tranquillité de ses habitants.

Dans un récit bref et élégamment écrit, l'auteur fait honneur aux splendides paysages du Queyras.

EXTRAIT

Le Queyras est une île. Tu me l’as souvent répété : dans toute île, tôt ou tard, on finit par tourner en rond. Trop longtemps, j’ai repoussé le moment de reprendre le large. À présent, je m’apprête à fermer la porte du Lieu Sûr. J’ai fait le vide. Notre chalet est nu. Il va s’assoupir pour un temps. Demain, d’autres que nous viendront y abriter leurs rêves. Dehors, l’automne a ressorti sa palette : vieil or, topaze, platine, safran sur les mélèzes. Ce soir, je dormirai près de toi, retour aux basses terres : amandiers et oliviers.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Patrice Favaro, né le 4 septembre 1953 à Nice1, est un écrivain voyageur. Depuis près de 25 ans, il partage son temps principalement entre la France et l’Asie.

LangueFrançais
Date de sortie31 janv. 2018
ISBN9782350744810
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    Le Queyras - Patrice Favaro

    LE QUEYRAS EST UNE ÎLE

    Tu me l’as souvent répété: dans toute île, tôt ou tard, on finit par tourner en rond. Trop longtemps, j’ai repoussé le moment de reprendre le large. À présent, je m’apprête à fermer la porte du Lieu Sûr. J’ai fait le vide. Notre chalet est nu. Il va s’assoupir pour un temps. Demain, d’autres que nous viendront y abriter leurs rêves. Dehors, l’automne a ressorti sa palette : vieil or, topaze, platine, safran sur les mélèzes.

    Ce soir, je dormirai près de toi, retour aux basses terres : amandiers et oliviers.

    Les fenils sont remplis, les étables à nouveau pleines, les celliers bien garnis. Quelques flocons papillonnent dans un ciel de toile grise. En montagne, on a pour habitude, dès la première neige, de mesurer avec soin tout ce que l’on a engrangé durant le bel été. Je m’arrête un instant sur le seuil de notre demeure pour un dernier regard en arrière. Le temps est venu de dresser l’inventaire de ce que j’ai observé, entendu, goûté, ressenti, pensé, imaginé, rêvé, pendant cette longue escale en ces vallées. Un fourre‐tout, un baluchon, ma table des matières. J’y jetterai pêle-mêle tous les secrets de ces alpages, le murmure des torrents, les plaintes de la bise, le silence des pierres ; je serai ton guide vers des sommets que tu n’as jamais gravis, sur des sentiers trop escarpés pour toi ; mes mots te porteront – à pleins bras s’il le faut – à travers adrets et ubacs, combes profondes et lignes de faîte. Voici mon Inventerre. Le présent que je te fais pour avoir partagé ces dix courts et lumineux étés et autant d’hivers que tu trouvais sans fin.

    Le Queyras est une île en haute terre.

    Cette insularité, on peut la vivre de deux manières : en s’y sentant à l’abri ou à l’étroit. Pour entrer et sortir d’ici, il faut nécessairement passer une barre de brisants ou s’engager dans un chenal étroit ; franchir un col ou traverser des gorges. L’alternative est conditionnée par les saisons. Les deux seuls cols routiers du Queyras, l’Agnel et l’Izoard, sont impraticables une bonne partie de l’année. L’Agnel, 2744 mètres, est le plus obstiné, le plus tenace ; il se refuse à la circulation durant sept, voire neuf mois entiers. Le temps de sa gestation hivernale au secret sous quelques mètres de neige compactée. Les gorges du Guil, pour leur part, restent ouvertes tout au long de l’année, mais ce n’est qu’une déclaration de principe. Les emprunter ressemble à certains moments au parcours du combattant. Au fond de la combe, la route tutoie la rive droite du Guil ; la chaussée est large et belle, mais il n’est pas rare qu’il pleuve des pierres par là. Un violent orage, le gel, ou pire encore, un brusque dégel, et ça mitraille de tous côtés. Il arrive parfois qu’un énorme bloc de roche de plusieurs tonnes, ou bien une coulée de boue, envahisse le terrain, le plus souvent entre le torrent de la Valette et le pont de Bramousse. En temps de paix, on doit s’appliquer à slalomer pour éviter les cailloux épars même si le chasse‐pierres de l’Équipement passe deux fois par jour. Quand sa lame racle le bitume, elle soulève des feux d’artifice.

    Les gorges commencent lorsque, quittant l’axe Gap‐Briançon, on roule vers l’est en contournant Guillestre, un gros bourg niché dans un fond de vallon. On rejoint alors la départementale 902; en laissant sur la droite la route qui conduit au col de Vars, on s’engage à l’opposé dans les gorges du Guil. Au tout début, la chaussée est taillée en corniche dans un décor abrupt de falaises aux couleurs vigneronnes – du clair rosé au lie‐de‐vin. On appelle improprement cette roche « marbre de Guillestre ». En vérité, c’est un calcaire noduleux riche en fossiles de mollusques marins, les ammonites. Il y a cent soixante millions d’années, le bassin du Guil était submergé par un océan. Le Queyras est bien une terre insulaire.

    C’est aussi un isolat.

    Dans l’aube pâle, j’ouvre la marche : le tour du mont Viso par des sentiers peu courus – mois d’août oblige, surfréqentation touristique. Tu as préféré rester au Lieu Sûr : la randonnée est trop longue, ton souffle trop court. Gilbert et Cathy, un couple d’amis, randonnent avec moi. Notre chemin est pareil au brin d’une tresse qui passe et repasse sur le fil de la frontière franco‐italienne. À l’extrémité est du département des Hautes‐Alpes, le Queyras forme un coin qui s’enfonce dans l’arc alpin jusqu’au flanc ouest du Viso. La séparation de biens entre les deux pays est récente à l’échelle de l’histoire ; une frontière en pointillés qui fut longtemps propice à la contrebande. Une frontière trouée également par l’étroit tunnel de la Traversette. Durant plus de cinq siècles, hommes et bêtes l’ont emprunté, à presque 2900 mètres d’altitude, pour circuler entre le Haut‐Guil et l’ancienne cuvette glaciaire de Pian del Re, côté italien, là où le Pô prend sa source. La langue elle‐même ne constitue pas une barrière, comme c’est souvent le cas, entre ces deux territoires frontaliers. Dans les vallées du Queyras, on peut entendre quelques rares anciens parler entre eux la même langue nord‐occitane qui est toujours en usage dans la Val Varaita, la Val Pô ainsi que dans une dizaine d’autres vallées, dites « occitanes », situées sur le versant piémontais entre Suza au nord et Limone au sud.

    Le sentier est étroit, caillouteux, détrempé par la rosée. Mon attention est attirée par un objet de petite taille, quelqu’un a dû le laisser tomber au milieu du chemin. Sa couleur m’intrigue : un noir brillant comme un carré de Zan. Je m’approche : une salamandre de Lanza. Le minuscule amphibien s’agrippe à une touffe d’herbe humide coincée entre les pierres. À peine plus de dix centimètres de long, un corps au relief annelé, entièrement noir ; au bout des pattes, des doigts lilliputiens. Un bijou antédiluvien taillé dans l’onyx. Une broche vivante épinglée au manteau brumeux des pentes du Viso : une parure que je t’offre en photo. Elle te plaira, j’en suis sûr et elle ne risque

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