Les Français sont passés maîtres dans l’art d’ausculter les géants de glace. Une épopée scientifique utile au monde entier
Au XIXe siècle, les glaciers descendaient aux portes de Chamonix, au point d’engloutir les chalets. Les habitants y voyaient un assaut du diable
De notre envoyée spéciale à Chamonix Karen Isère
Certains sont venus en tongs, mais qu’importe ! Chamonix, Mecque de l’alpinisme, affiche sa mansuétude envers les néophytes et leur déroule le tapis rouge. Ou plutôt un train à crémaillère qui les hisse au Montenvers : 1 913 mètres d’altitude et un panorama mythique. Une foule planétaire se précipite sur le promontoire. Silence ébahi. Sous les yeux des Américains en bob et des Saoudiennes en niqab, la Mer de Glace a le cœur à marée basse. Reste une vallée beigeasse dont la palette évoque les oueds du Sahara. Le glaciologue Luc Moreau s’efforce de conjurer cette vision d’apocalypse : la star gît en dessous, à l’abri des cailloux.
Les glaciers alpins se sont longtemps nimbés de mystère, quand seuls les cristalliers en quête de quartz se risquaient en altitude. Comme l’écrit Samivel : « En ce temps où les messieurs n’avaient pas inventé de grimper sur les pics […], ces grands espaces flottaient sur les lacs brillants de l’aurore comme un rêve pas encore rêvé, une pensée de Dieu pas encore comprise. » Hérissée de pics et de crocs, déchirant les nuages, la haute montagne