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À cause d'eux
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À cause d'eux
Livre électronique519 pages6 heures

À cause d'eux

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À propos de ce livre électronique

Sophie-Anne Saint-Jean file le parfait bonheur avec son âme sœur, Sébastien Moreau. Dans la trentaine, sportive et à la tête d’une entreprise de technologies biomédicales, tout semble lui sourire… ou presque.

L’existence de Sophie-Anne bascule lorsqu’un membre de sa famille doit faire face à un grand combat. Et puis, la maladie la guette à son tour. À la suite d’un test génétique, acceptera-t-elle de vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête ou voudra-t-elle éradiquer tout risque, quitte à perdre une partie importante d’elle-même?

Un amour interdit se dévoile alors qu’elle est vulnérable. Elle doit donc affronter ses sentiments indéniables cet homme qui la fait tant vibrer et duquel elle n’aurait jamais dû s’éprendre.

Sophie-Anne se retrouve bien malgré elle au milieu d’une tempête émotionnelle. Saura-t-elle se sortir de la situation impossible que son destin a tracée pour elle et trouver un sens à cette éprouvante aventure?
LangueFrançais
ÉditeurLes Éditions de l’Apothéose
Date de sortie15 sept. 2020
ISBN9782897753733
À cause d'eux
Auteur

Marie-Hélène Cyr

Marie-Hélène Cyr est ingénieure de formation et possède un intérêt marqué pour la médecine. Elle s’est fait plaisir en écrivant ce roman unissant ces deux branches de la science afin de livrer une histoire à la fois touchante et remplie d’amitié… et d’amour.

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    Aperçu du livre

    À cause d'eux - Marie-Hélène Cyr

    Chapitre 1

    Je me laisse choir sur ma chaise en revenant d’une réunion difficile avec de nouveaux clients pour mon entreprise, BioMontréal. Je déteste ces contacts initiaux froids où le lien de confiance n’est pas encore établi avec mon équipe! Je crois beaucoup en notre recherche, nos produits et leur potentiel de commercialisation, mais je voudrais que ces premiers pas se fassent dans une plus grande légèreté. Mon téléphone cellulaire vibre dans ma poche de veston et me fait sursauter.

    — Sophie? me dit rapidement maman au bout du fil.

    Elle semble un peu inquiète et ce n’est pas dans ses habitudes de m’appeler en plein jour, en semaine.

    — Oui, que puis-je faire pour toi?

    — Pourrait-on se voir ce midi?

    — Euh…

    — Je veux dire, pourrais-tu venir à l’hôpital pour dîner avec moi?

    — Probablement, laisse-moi vérifier mon horaire. Oui, ça pourrait être possible, mais seulement à partir de treize heures, est-ce correct?

    — Oui, parfait, je suis en planification cet après-midi. Ça me donnera un peu de temps libre au cas où je prends du retard lors des consultations de ce matin.

    — OK, je te rejoins à treize heures. Bye, maman!

    — Bye mon chaton.

    Je me demande bien ce qui l’a poussée à employer ce mot doux datant de l’époque où mes deux frères, Olivier et David, et moi étions jeunes. Elle l’utilise rarement maintenant que nous sommes des adultes. Je préfère qu’elle ait voulu me voir à son lieu de travail pour éviter qu’elle m’enlève toute crédibilité en me nommant ainsi devant mes collègues.

    Lorsque j’arrive au département de radio-oncologie de l’hôpital du centre-ville de Montréal où maman pratique, je m’annonce à une des adjointes et demande à parler à la « docteure Faubert ».

    — Belle Sophie, votre mère vous attend. Vous connaissez le chemin, allez-y.

    Maman m’emmenait souvent à son boulot quand j’étais petite, soit pour venir chercher des dossiers, signer des requêtes ou simplement parce qu’elle était fière de me montrer à ses collègues. J’ai donc toujours eu un bel accueil de la part du personnel ayant assez d’expérience pour m’avoir vue grandir.

    Je passe à travers la salle d’attente et je me dirige vers les bureaux des médecins dans l’étroit corridor à droite. Je n’ai pas besoin de frapper, car la porte est entrouverte. Tante Sylvie s’y trouve avec maman.

    — Ma tante, que fais-tu ici? Quelle belle surprise!

    — Tu es toujours aussi jolie avec tes magnifiques yeux bleus, ma cocotte, me répond-elle en se levant, ses bras grands ouverts.

    Tante Sylvie me donne deux bisous sur les joues tout en arborant son plus beau sourire. Elle semble sincèrement contente de me voir. Je n’ai pas l’occasion d’être avec elle très souvent depuis plusieurs années, ce qui contraste avec l’époque des tournois de volleyball de plage, où elle faisait le taxi quand maman et papa travaillaient, presque toujours en fait. J’appréciais sa présence à mes côtés, elle est si douce et m’a dorlotée à souhait lorsque j’étais jeune.

    En jetant un coup d’œil à maman pour la saluer à son tour, je vois une expression plus grave qu’à l’habitude sur son visage.

    — Si j’avais su que tante Sylvie était ici, je…

    — Sophie, viens t’asseoir, OK?

    Mon cœur se serre; quelque chose cloche, juste par la façon dont elle se comporte. Je prends place sur une des chaises d’invité.

    — Mon chaton, tante Sylvie n’est pas là pour me visiter, elle avait un rendez-vous ce matin avec un de mes collègues oncologues. Sophie, elle… euh, devra se faire opérer pour une masse au sein.

    — Une tumeur?

    — Un cancer.

    Un silence envahit la pièce. Le hamster dans ma tête commence à tourner frénétiquement. Pour une des rares fois de ma vie, je ressens une peur au plus profond de mes tripes qui se propage rapidement dans toutes mes cellules. Pas tante Sylvie! Pas elle! Elle n’a jamais voulu de mal à quiconque.

    Je jette un regard en direction de la malade et j’aperçois dans ses yeux qu’elle craint la suite. Je me dois d’être forte pour elle, quitte à pleurer toutes les larmes de mon corps lorsque je serai de retour au travail.

    — Ma tante, promets-moi que tu te battras pour montrer à ce cancer qu’il s’est attaqué à la mauvaise personne!

    — Oh, ma belle cocotte, je n’ai pas l’intention de le laisser gagner. Si tu pensais le contraire, tu me connais très mal.

    En l’entendant dire cela, je me lève et me lance dans ses bras, incapable de me retenir. Elle se redresse rapidement et je la serre ensuite contre moi comme si ma vie en dépendait. Je me surprends à vouloir lui donner du courage par la pression que j’exerce autour de son cou. Elle laisse couler quelques larmes qui viennent tomber sur mon veston bleu marine. Maman se met debout à son tour et vient nous caresser doucement le haut du dos. Tante Sylvie s’éloigne après de longues secondes, s’essuie les yeux et se rassoit sur la chaise à proximité de la table de travail du bureau.

    En regagnant sa place, maman m’explique que le pronostic de tante Sylvie est bon, car aucune métastase n’a été découverte ailleurs dans son corps. De plus, la tumeur est bien localisée, ce qui permettra de la retirer plus facilement. Cependant, elle perdra ses deux seins, même si un seul est atteint, pour minimiser les chances de récidive.

    — Quelque chose me dit que tu as autre chose à me dire, maman.

    — On ne peut pas te cacher grand-chose, avoue-t-elle en regardant sa sœur pendant un instant. Tu n’as pas connu grand-papa Faubert, mais tu te souviens qu’il est mort du cancer du cerveau?

    — Oui, quel est le rapport?

    — Tante Sylvie est aussi atteinte du cancer. Au niveau médical, ce serait mieux qu’on subisse tous un dépistage génétique.

    — Pis si ça ne me tente pas, moi, de savoir que j’ai un plus grand risque d’en développer un?

    — Sophie, je ne te demande pas de décider maintenant. Prends le temps d’y penser.

    — Je doute que je change d’idée. Je ne suis pas aussi anxieuse que toi sur cela, m’man!

    — Mon chaton, ce n’est pas de l’anxiété, c’est seulement pour s’assurer qu’on ne passe pas à côté de quelque chose qui peut être dépisté.

    — Et pourquoi est-ce que je suis la seule ici aujourd’hui? Pourquoi est-ce qu’Olivier et David ne sont pas là?

    — Je contacterai tes deux frères plus tard. Je sais que tu as toujours eu une relation spéciale avec tante Sylvie…

    — Ma tante, tu viens d’apprendre que tu as le cancer et j’agis en égoïste. Excuse-moi.

    — Ben non, cocotte, ce n’est pas grave. Tu es sous le choc, c’est tout.

    — Maman, est-ce qu’on peut se parler plus tard? J’ai une réunion importante cet après-midi et…

    — Oui, oui, bien sûr.

    — Ma tante, on se rejase bientôt, OK? C’est vraiment plate que ma nouvelle technologie ne soit pas tout à fait prête, nous sommes en train de faire des percées sur la culture de tissus mammaires. Quelle coïncidence quand même!

    — Je sais que tu fais du bon travail, ma belle cocotte. À mon âge, même si je ne fais pas remplacer mes seins, je vais survivre, pourvu que le cancer soit enlevé.

    — Je le souhaite de tout mon cœur!

    Sur ce, je donne la bise à maman et à tante Sylvie. Je retourne chez BioMontréal, juste à temps pour ma rencontre, le ventre vide, tout ébouriffée et ébranlée par ce « dîner » avec elles. La concentration n’y est pas. Je décide ensuite d’aller m’aérer l’esprit par une petite marche de santé dehors. J’en profite pour regarder le calendrier de mon cellulaire. Ce sera un défi de trouver le temps pour aller faire ce dépistage.

    Chapitre 2

    Je soupire profondément en passant la porte d’entrée de la maison après cette journée complètement folle. La marche de quinze minutes du bureau à notre demeure sur le Plateau Mont-Royal n’a pas réussi à m’apaiser. Je suis rassurée de voir mon beau Sébastien, sur la terrasse du rez-de-chaussée, en train de faire cuire des morceaux de viande sur le barbecue. Les bruits de grillade me parviennent aux oreilles par la porte-fenêtre entrouverte. J’en salive déjà. Il est passé maître dans l’art de la cuisson sur le gril. Je traverse l’immense pièce à aire ouverte constituée de l’entrée, du salon à gauche, de la cuisine et de la salle à manger au fond pour aller le rejoindre.

    — Oh là là que ça sent bon, Sébastien!

    Il lève la tête, se retourne et me sourit avec ses dents blanches en m’apercevant à travers la vitre. Je remarque sa chemise fleurie et son bermuda bleu foncé qui lui donnent un look décontracté. Il me fait craquer! J’enlève mes sandales, traverse la porte et pose mes pieds nus sur le plancher en fibre de verre du patio. Je m’approche de la petite table bistro sous un grand parasol vert et je m’assois sur un des deux fauteuils extérieurs brun et rouge. Une coupe de vin rosé m’y attend déjà. Je l’empoigne et en prends une lampée.

    — Ça va? me demande-t-il en se retournant et en fronçant les sourcils.

    — Ouin… Euh, non. Ma tante Sylvie a appris aujourd’hui qu’elle a le cancer du sein.

    — Ah non! rétorque-t-il en contournant d’un pas rapide le barbecue pour se diriger vers moi et me faire un câlin.

    — C’est correct, ils l’ont trouvé à temps, elle va se faire opérer prochainement.

    — Tant mieux! Comment te sens-tu?

    — Bof… J’ai peur pour elle… et pour moi.

    Sébastien dépose ses mains sur mes épaules et déplie les bras pour s’éloigner et m’observer. Il m’interroge du regard. Je lui explique alors l’idée de maman de passer un test génétique. Son air s’assombrit. En silence, il m’enlace encore pendant de longues secondes et me gratifie d’une salve de bisous à la base de ma chevelure, au-dessus de mon front. Je souris par réflexe et j’enroule mes bras autour de son tronc pour me garder pressée contre lui. Une fois l’étreinte terminée, il prend mes poignets et me fixe de ses yeux verts.

    — Ça va aller, Sophie.

    Il retourne près du gril pour se concentrer sur la viande avant qu’elle calcine. Je continue de boire de plus petites gorgées de mon vin. Je l’ai toujours trouvé tellement séduisant lorsqu’il prépare le souper. Je me délecte de la scène en observant ce bel homme aux cheveux bruns qui partage ma vie depuis tant d’années.

    Trop submergée dans mes pensées, je suis de piètre compagnie pendant le repas consommé à l’extérieur. Sébastien me propose de rentrer et de passer au salon pour manger de la crème glacée au caramel écossais à même le pot, mon péché mignon pour me remonter le moral. Il apporte deux cuillères et le contenant du dessert alors que je m’installe sur le divan en cuir brun. Je lui souris à pleines dents et m’assois contre lui en tassant ma crinière blonde sur le côté. Il soulève un bras pour que je puisse m’y réfugier et tient le récipient de son autre main. Je plonge mon ustensile dedans et soupire en me délectant de ce dessert sublime.

    — Te souviens-tu de la journée où nous nous sommes rencontrés?

    — Comment oublier cela? ricane-t-il en tirant la langue.

    Je lui assène un coup du revers de la main, car je sais qu’il aime me taquiner. Lui et moi nous connaissons depuis le milieu de la quatrième année du secondaire après que ses parents et lui ont déménagé à Montréal. Nos regards se sont croisés dans la grande salle commune dès la première journée au retour du congé des Fêtes, après la récréation matinale. Je me revois debout, hypnotisée et incapable de bouger par ce garçon aux cheveux bruns parfaitement coiffés et au visage allongé et symétrique. Il s’était approché de moi.

    — Salut! Comment t’appelles-tu?

    — Euh, Sophie-Anne. Je pense…

    — Tu penses? Tu es drôle! s’est-il esclaffé. C’est un très joli nom, je ne l’ai pas entendu souvent.

    Je voulais disparaître de son champ de vision. Je me sentais rougir comme une tomate au soleil. C’était la première fois que je me faisais complimenter par un si beau jeune homme. J’ai bégayé en lui demandant son nom.

    — Sébastien Moreau.

    J’étais incapable d’aligner deux pensées dans ma tête. J’étais paralysée par la peur de faire une bien mauvaise première impression. Je ne voulais pas paraître idiote et lui donner le goût de se sauver en courant! Il m’a confié être intimidé de se retrouver dans une nouvelle école et m’a demandé s’il pouvait se joindre à moi à l’heure du midi. J’ai accepté tout de suite, il avait l’air très sympathique.

    Il m’avait déjà envoûtée à la fin de cette journée. Je ne semblais pas la seule à qui il faisait cet effet. Il paraissait très peu conscient de son pouvoir d’attraction chez la gent féminine.

    Lui et moi sommes devenus inséparables en un rien de temps. J’avais l’impression de l’avoir toujours connu. Il était charmant, drôle et très séduisant avec ses lèvres pulpeuses, ses dents alignées et son toupet tenu en place par du gel.

    L’été suivant l’année scolaire, tante Sylvie nous a initiés au volleyball de plage. Elle en raffolait et nous a transportés en voiture pour nous faire participer à des tournois amateurs mixtes. Notre esprit de compétition et notre engagement envers la victoire faisaient de nous un duo redoutable. Notre complicité nous permettait d’anticiper les mouvements de l’autre et d’être très efficaces pour déjouer l’équipe adverse.

    Je voulais à tout prix éviter de gâcher ma relation avec Sébastien en tombant amoureuse de lui. J’avais peur de le perdre si mes sentiments n’étaient pas partagés. Je me suis finalement éprise de lui au début de ma cinquième année du secondaire et j’étais terrifiée à l’idée de lui avouer.

    Sentant probablement mon intérêt pour lui, Sébastien m’a invitée pour un souper seule avec lui un samedi soir d’octobre. Pendant que nous nous délections d’une délicieuse pizza à croûte mince dans un restaurant italien, je me suis esclaffée en discernant comme musique d’ambiance un classique de Bon Jovi. Mon ami, perplexe, m’a demandé pourquoi je riais. Je lui ai expliqué que maman était maniaque de ce groupe. Il m’a souri avant de me confier qu’elle avait un énorme point en commun avec sa mère. Nous avons alors commencé à chanter les paroles de la chanson en cours, nous attirant des regards contrariés des autres clients.

    Une fois de retour chez lui après être allés au cinéma, nous nous sommes retrouvés seuls. Ses parents se sont volatilisés sous prétexte qu’ils voulaient écouter la télévision dans leur chambre. En m’assoyant sur le divan du salon à côté de Sébastien, je me suis rapprochée de lui jusqu’à sentir la chaleur de sa cuisse gauche contre la mienne. J’ai soutenu son regard pendant de longues secondes, mal à l’aise et incapable de lui avouer mes sentiments. J’ai fini par appuyer ma tête dans le creux de son cou et j’ai fermé les yeux. Après un moment, je me suis résignée à me lever et j’ai pris sa main pour l’entraîner vers moi.

    — Je devrais retourner à la maison, il commence à être tard.

    Je me suis perdue dans ses yeux remplis de tendresse. Il a saisi ma taille de ses mains et m’a rapprochée de lui. Nos lèvres se sont rapidement soudées ensemble. Mon premier vrai long baiser était à la hauteur de mes attentes; j’en avais rêvé si longtemps. Sébastien a mis fin à cette expérience sublime et a caressé mes flancs pendant plusieurs secondes en me souriant. Il paraissait inconfortable, ne sachant pas quoi faire d’autre.

    — Je vais te raccompagner. Je n’aime pas que tu sois seule dans les rues de Montréal à une heure pareille.

    Lorsque nous sommes arrivés à la maison, il s’est contenté de me donner quelques bisous rapides sur le front. Son geste m’a fait éclater de rire. J’ai enroulé mes bras autour de sa taille et je me suis serrée contre lui pour humer encore sa fragrance enivrante. J’ai levé ma tête vers lui et nous nous sommes une fois de plus embrassés. C’est avec un pincement au cœur que je me suis décollée avant de passer seule la porte.

    Je me sentais privilégiée d’être en couple avec lui. Il était patient, galant, attentionné et tellement séduisant. Il me donnait souvent une salve de bisous sur la tête, provoquant toujours une réaction d’euphorie de ma part. J’adorais qu’il me montre son affection de cette manière!

    Nous étions également reconnus pour tenir des conversations animées, peu importe si nous étions d’accord ou non. Certains professeurs nous entendaient venir de loin dans les corridors lorsque nous nous obstinions. Ils arboraient déjà un grand sourire avant même que nous foulions le seuil de la porte de la classe.

    Nous sommes retournés dormir chez lui après notre bal des finissants. Il m’a séduite par son romantisme avec quelques chandelles aromatisées qui ont créé une atmosphère idéale pour m’abandonner à lui. Il faut dire qu’il avait grandi avec trois sœurs plus âgées qui ont tôt fait de lui apprendre ce que les filles aimaient, ce qu’il devait leur dire et comment se comporter avec elles. Faire l’amour avec lui pour la première fois a été une expérience merveilleuse; j’étais si bien dans ses bras!

    — Coudonc, que signifie ce magnifique sourire, Sophie? On dirait que tu es perdue dans tes pensées depuis plusieurs minutes.

    — Ah! Je me remémorais notre premier rendez-vous galant, notre premier baiser, le volleyball de plage avec tante Sylvie et notre fin de soirée après le bal des finissants.

    Il me taquine en me traitant de grande romantique. Je lui fais un câlin et monte pour aller au lit.

    Chapitre 3

    Le test génétique

    Ce matin, un mois après avoir reçu son diagnostic, tante Sylvie est au bloc opératoire pour l’ablation de sa tumeur maligne au sein droit.

    Maman a réussi à me convaincre de consulter en oncogénétique. Grand-papa Faubert et tante Sylvie ont développé leur cancer à un âge avancé. Les risques qu’ils aient été causés par une prédisposition génétique sont plus faibles. Cependant, je ne pouvais pas me soustraire à ce dépistage, selon elle. Je me suis donc pliée à sa volonté et me voilà ici, dans une salle d’attente, pour mon premier rendez-vous avec une infirmière spécialisée.

    J’ignore si je suffoque en raison de ma nervosité de rencontrer la conseillère en génétique ou du chaud soleil de la fin août. En fait, je suis au bord de la crise de panique. Depuis le début, je m’oppose à en savoir plus sur mes gènes, car ils pourraient me révéler des informations que j’ai peur de connaître. Mon souffle est court. Le pire scénario est bien enclenché dans ma tête. Mon petit hamster produit de la fumée tellement il roule vite. Je me vois déjà dans mon cercueil, rongée par le cancer.

    Une voix douce et rassurante appelle mon nom et désigne la salle où me présenter. Je me lève d’un bond, rajuste mon chemisier rose, essuie mes paumes moites sur ma jupe noire et me dirige vers l’endroit indiqué. Je suis accueillie par une femme en uniforme bleu assise derrière une petite table de travail sur laquelle trône un ordinateur portable. Elle me sourit et m’invite à prendre place en face d’elle.

    Elle commence par vérifier mon identité et la raison de ma consultation. Puis, nous passons en revue mon historique que j’avais soumis par courriel deux semaines auparavant. Mes deux frères Olivier et David, ainsi que maman, l’ont déjà rencontrée. Elle est donc au courant des détails entourant notre situation familiale.

    Elle m’indique ensuite que le dépistage génétique confirmera si je suis plus à risque de développer un cancer. J’apprends que des mutations des gènes BRCA1 et BRCA2 causent plus fréquemment des cancers dits « héréditaires », car elles peuvent entraîner une incapacité à supprimer des tumeurs qui apparaissent naturellement dans le corps. Même si un de mes gènes possède une telle mutation, je ne souffrirai pas nécessairement de la maladie. Cependant, j’aurai un facteur de risque supplémentaire que je ne pourrai pas négliger.

    Ayant mûri ma décision avant même de franchir le seuil de son bureau, je lui demande de faire la prise de sang sur le champ. Rien ne sert de faire perdre du temps à quiconque.

    — C’est fait, madame Saint-Jean, annonce la professionnelle de la santé après avoir retiré l’aiguille. J’envoie le tout au labo et je vous rappelle d’ici quelques semaines, que ce soit positif ou négatif.

    — Et si j’ai une mutation génétique défavorable, j’imagine qu’il y aura plusieurs options qui s’offriront à moi?

    — Oui. Nous pourrons en discuter lorsque nous aurons les résultats en main.

    Peu rassurée, je lui souris et la remercie avant de quitter son bureau.

    ***

    Deux semaines plus tard, maman me contacte pour me faire savoir que les tests de mes deux frères n’ont révélé aucun problème. Cependant, elle m’indique que tante Sylvie et elle possèdent une mutation du gène BRCA1. Le temps s’arrête et un haut-le-cœur s’empare de moi.

    — C’est certain que je l’ai moi aussi.

    — Ne dis pas cela, chaton. Ni Olivier ni David ne l’ont.

    Une boule désagréable se forme dans le fond de ma gorge. Je tente de l’avaler, mais j’éclate en sanglots. Maman essaie tant bien que mal de me rassurer, mais mon hamster est encore en train de surchauffer dans mon crâne. Que j’aimerais qu’il arrête de s’en faire avant même de connaître les faits! Je suis maintenant impatiente de recevoir mon appel.

    Chapitre 4

    Mon cellulaire sonne pendant que je suis en pleine analyse de rapports financiers à mon bureau, deux jours après ma dernière conversation avec maman. Au bout du fil, l’adjointe du département d’oncogénétique me demande si je suis disponible pour venir rencontrer ma conseillère en génétique jeudi de cette semaine à dix heures.

    — Oui. Les nouvelles sont-elles bonnes ou mauvaises?

    — Malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous dévoiler les résultats des tests médicaux au téléphone.

    La femme me salue et raccroche. Je suis stressée depuis ma prise de sang, car je ressens une épée de Damoclès suspendue au-dessus de ma tête. Les quarante-huit heures qui me séparent de mon rendez-vous sont interminables et je souffre d’insomnie la nuit. Je ne peux pas chasser cette intuition que ma vie changera. J’ai toujours eu maille à partir avec cette anxiété paralysante face à l’inconnu. Je réalise qu’un jour ou l’autre, je devrai consulter un professionnel de la santé mentale pour y voir plus clair.

    ***

    Une fébrilité malsaine s’empare de moi quand je pénètre au département d’oncogénétique à l’heure de mon rendez-vous. L’infirmière m’invite à prendre place sur la chaise à côté d’elle lorsque j’entre dans son bureau. J’essuie discrètement mes paumes sur les côtés de mon pantalon capri bourgogne.

    — Madame Saint-Jean, j’ai reçu vos résultats de test, dit-elle avec un petit sourire compatissant. Malheureusement, vous avez une mutation du gène BRCA1. Je suis désolée.

    Je baisse la tête et fixe mes cuisses, incapable de parler. Elle s’avance pour prendre mes mains crispées qui reposent sur la table devant moi. Le choc est aussi pénible que si elle m’avait annoncé que j’avais un cancer. Que va-t-il m’arriver maintenant? Pourquoi moi? Pourquoi pas mes deux frères? Je bouillonne.

    — Vous avez peur, n’est-ce pas?

    — Je ne sais pas trop. Peut-être… Est-ce normal? J’ai juste envie de crier et de fuir…

    — Votre réaction est tout à fait normale, madame Saint-Jean. Je suis là pour vous expliquer vos options. Vous pourrez prendre une décision éclairée dans le confort de votre foyer avec votre conjoint ou votre famille par la suite. Il n’y a pas de date d’expiration pour choisir l’une ou l’autre des options, vous savez.

    Je sais qu’elle essaie de désamorcer mon angoisse face au verdict des résultats de ma prise de sang, mais je l’écoute à peine. Ça y est, mon hamster me transporte jusque dans mon cercueil. Je me jure alors de trouver un moyen de le surprendre un de ces jours et de lui faire tellement peur qu’il mourra d’une crise cardiaque dans sa roue et me libérera de son emprise!

    La conseillère en génétique commence à me décrire les différentes avenues que je peux considérer. La première étant de ne subir aucune opération. Cependant, je dois accepter de me plier à plusieurs tests fréquents, car mon risque de développer un cancer du sein avec une mutation du gène BRCA1 est augmenté et peut varier de quarante à quatre-vingt-sept pour cent au cours de ma vie. Au menu : un examen clinique une à deux fois par année, une imagerie en résonance magnétique (IRM) tous les ans et une mammographie annuelle à partir de la trentaine. À trente-trois ans, je réalise que cette batterie de tests commencerait dès maintenant. Cette option ne m’enchante pas du tout pour le temps perdu à me promener de salle en salle à l’hôpital au moins tous les douze mois.

    Un autre choix est la prise d’agents protecteurs qui diminueraient les chances d’apparition de tumeurs malignes. Les effets à long terme ne sont pas bien connus et cette avenue me semble un peu dangereuse malgré sa légitimité.

    Selon l’infirmière, l’option la plus sécuritaire consiste à subir une ablation préventive des seins. En enlevant ces glandes de façon prophylactique, je réduis d’environ quatre-vingt-quinze pour cent le risque de développer un cancer à cet endroit. Ce n’est pas négligeable!

    — Ça ne me tente pas de perdre cette partie de mon corps, vous savez.

    — Comme je vous l’ai expliqué il y a quelques instants, vous avez à votre disposition deux autres options, madame Saint-Jean.

    — Ouais… Elles ne me parlent pas du tout non plus! La chirurgie est la moins pire, mais je ne suis pas certaine d’être prête.

    — Je ne vous demande pas de l’être non plus. Le choc des résultats est déjà très déstabilisant. La première étape serait de rencontrer un chirurgien-oncologue pour en discuter. Mais avant, j’aimerais apporter une précision. Malheureusement, ce type de mutation augmente aussi de seize à soixante-huit pour cent votre risque de développer un cancer des ovaires. Je vous conseille d’aborder la question avec le médecin qui vous suivra. Il ou elle recommandera peut-être de vous les enlever, réduisant ainsi de près de cent pour cent vos risques.

    — Ça veut dire que je ne pourrai pas avoir d’enfants?

    — Pas nécessairement. Il est souvent possible d’attendre d’avoir fondé une famille avant de subir l’opération, vers quarante ans.

    — Alors, si je comprends bien, dis-je avec la voix vacillante, je dois me mutiler presque tout le corps pour diminuer mes risques de tomber malade de cette cochonnerie? Pas très attrayant tout cela!

    Tout se déroule trop rapidement dans ma tête. Je ne veux pas souffrir d’un cancer et mes chances sont très élevées si je ne fais rien. En revanche, je ne tiens pas à perdre cette partie importante de ma féminité. Mon hamster tourne à folle allure dans mon cerveau, au point où il me provoque un vertige soudain. Je vois de moins en moins clair autour de moi et mon rythme cardiaque est effréné.

    — Je ne me sens pas très bien.

    — Madame Saint-Jean, vous êtes bien pâle. Attendez!

    Elle se lève rapidement et accourt à mes côtés. Elle soulève mes jambes, les appuie sur son bureau et m’invite à pencher le haut de mon corps vers l’arrière afin d’éviter que je m’évanouisse sur la chaise. Je respire profondément et après quelques instants, je me sens reprendre des forces. L’infirmière s’agenouille et touche mon bras droit. J’aperçois une lueur de compassion dans ses yeux.

    — Madame Saint-Jean, je sais que tout cela peut être bien stressant, mais ne vous inquiétez pas, des solutions existent.

    — Ouais… Mais ça m’aurait arrangée que le test soit négatif.

    — Malheureusement, ce n’est pas le cas. Vous sentez-vous un peu mieux?

    — Je pense que oui.

    Je regrette alors d’être venue seule à ce rendez-vous. Après que j’ai repris mes esprits, la conseillère en génétique s’enquiert de mon état mental. Quelque peu rassurée, elle me souhaite une bonne journée et m’indique de prendre rendez-vous avec un chirurgien-oncologue de l’hôpital pour discuter de l’unique option viable à mes yeux. Je marche alors vers le département de radio-oncologie en espérant que maman soit à son bureau. Je salue poliment l’adjointe qui m’informe que la docteure Faubert est libre. Je la remercie et me dirige vers sa porte. Elle est entrouverte. J’inspire et je frappe doucement. Maman vient m’accueillir; elle arbore un air inquiet.

    — Chaton, qu’est-ce qu’il y a?

    — Je te dérange, m’man?

    — Non, tu sembles dans tous tes états. Entre!

    Elle me tire vers elle à l’intérieur et referme la porte.

    — J’ai eu mes résultats de tests ce matin.

    — Et je comprends par ton air dépité que tu as découvert être porteuse d’une mutation malencontreuse?

    — Ouin… BRCA1.

    — Je suis désolée, Sophie, murmure-t-elle en s’approchant pour me faire un gros câlin. Ça va aller, tu sais. On est dans le même bateau, toi et moi.

    — Que vas-tu faire, toi?

    — Ma décision a été facile à prendre quant au traitement à suivre. Rendue à mon âge, j’ai penché du côté de la surveillance assidue. Les risques du cancer du sein croissent en vieillissant chez les personnes ayant la mutation du gène BRCA1, mais je suis prête à espérer que je ne fasse pas partie des statistiques.

    — Maman! Tu ne peux pas faire cela!

    — Bien sûr que je le peux. Dans ton cas, c’est différent, malheureusement. Tu es si jeune!

    — Mais tu n’as pas été malade, toi!

    — Non, mais j’aimerais que tu ne joues pas avec le feu comme cela. Tu pourrais ne pas avoir la même chance que moi.

    — J’ai peur. Je ne veux pas perdre mes seins. C’est cliché, mais je n’aurais pas l’impression d’être autant femme sans eux.

    — Je sais. Mais tu es née sous une bonne étoile. Je te l’ai toujours dit. Elle sera là pour toi ces temps-ci, j’en suis convaincue.

    — M’man, arrête cela, s’il te plaît! Je suis condamnée à perdre ma poitrine. Je n’ai pas encore quarante ans. Et mes ovaires! Et quoi d’autre?

    — Sophie, plein de femmes se la font enlever et continuent de vivre convenablement. Je suis certaine que Sébastien t’appuiera dans ta démarche. Il t’aime tant!

    Maman prend mes mains dans les siennes et les serre bien fort. Elle me dit que je peux décider de ne rien faire, comme elle. Elle émet cependant un bémol : si un des examens décèle une anomalie, je ferai face à la même situation que maintenant, la peur d’y laisser ma peau en prime. Je rétorque qu’à la barre d’une entreprise, je ne peux pas m’absenter aussi souvent et me stresser à cause de cela.

    — C’est certain que je m’assurerai que tu ne manques aucun suivi médical si tu fais ce choix. Tu sais, tu devrais bien plus craindre d’avoir cette épée de Damoclès au-dessus de ta tête que de subir un traitement préventif qui te garantirait presque en totalité de ne pas souffrir d’un cancer du sein ou de l’ovaire.

    — Je dois prendre un rendez-vous avec un chirurgien-oncologue pour une première consultation. Lequel me conseilles-tu?

    — Demande à voir Mark. Attends, je vais appeler pour toi, je pense pouvoir t’obtenir ce rendez-vous rapidement.

    Elle pianote un numéro sur son téléphone et discute avec l’adjointe des disponibilités de ce « Mark ». Au bout d’un petit moment, elle me propose le vendredi dans deux semaines à treize heures. Je vérifie mon horaire sur mon cellulaire et je hoche la tête en guise de confirmation. Elle raccroche après les salutations d’usage.

    Je lui fais un dernier câlin en la remerciant d’être là pour moi. Elle me raccompagne à l’entrée du département, les mains dans les poches de son sarrau.

    Chapitre 5

    Je retourne chez BioMontréal le cœur gros après un avant-midi mouvementé. J’ai l’impression qu’un petit nuage noir me suit partout. Maman a une mutation du gène BRCA1, mais pas Olivier ni David. Maudite cochonnerie qu’est le cancer! Et il fallait que ça tombe sur moi.

    « Je suis née sous une bonne étoile. » Pff, je ne sais pas, mais je pense qu’elle s’est éteinte il y a longtemps et m’a maintenant abandonnée!

    Quelqu’un frappe doucement à la porte de mon bureau. Je veux être seule, mais je me résigne à répondre. J’ai encore les yeux un peu rougis et j’espère que ça ne paraît pas trop. Je ne suis pas prête à annoncer la mauvaise nouvelle à quiconque, sauf peut-être à celui qui partage ma vie. J’ai si hâte d’être avec lui tout à coup!

    — Eh, ça va? Je viens de t’apercevoir dans le corridor avec un air que je n’ai pas trop aimé.

    J’agrippe Sébastien par le cou comme si ma vie en dépendait immédiatement après avoir refermé la porte derrière lui.

    — Wo, que se passe-t-il, Sophie? Voyons, tu trembles!

    Ses bras savent exactement comment me réconforter. Je sanglote bruyamment sans qu’aucune parole ne puisse sortir de ma bouche. Au bout d’un moment, il répète sa question.

    — Tu sais que je t’aime, hein?

    — Oui, mais habituellement, tu n’es pas si enthousiaste dans ton amour à me pleurer dans les bras comme cela. J’apprécie beaucoup!

    Il éclate de rire, fier de sa blague.

    — Arrête, je suis sérieuse! Assois-toi, j’ai besoin de te confier quelque chose. Mais promets-moi de ne pas en parler tout de suite.

    Je lui raconte alors le déroulement de mon avant-midi. Son air devient grave et je vois de l’inquiétude dans ses yeux. Il se lève et me prend à nouveau dans ses bras. Cette fois-ci, il a compris qu’il doit demeurer sérieux. Il me caresse doucement les cheveux.

    — Tu as averti tes frères?

    — Non. J’ai peur. Je ne me sens pas prête.

    — Tu as besoin de leur soutien, Sophie.

    — Je ne peux pas sortir d’ici avec un tel air.

    — Je vais arranger cela.

    Sébastien compose l’extension d’Olivier à partir du téléphone sur ma table de travail. Mon frère ne répond pas, alors un message est laissé sur sa boîte vocale. Il tente ensuite de contacter David. Par chance, il décroche le combiné à la troisième sonnerie et se fait dire de se présenter à mon bureau. Il frappe à la porte quelques minutes plus tard. À peine sommes-nous assis sur le petit canapé dans le coin de la pièce que l’aîné de la famille se joint à

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