Le Portail
Par JT Lawrence
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À propos de ce livre électronique
Ne faites qu’une bouchée des courtes histoires variées et à l’humour noir de cette collection de l’auteure JT Lawrence qui s’est hissée dans les meilleurs vendeurs de USA Today. Ce livre comprend :
ÉVASION
Un bébé suicidaire sait qu’il est né dans la mauvaise vie. Il doit faire preuve de créativité pour corriger l’erreur, ce qui terrorise sa mère.
LA DÉMANGEAISON
Une démangeaison intense, incontrôlable et inexplicable pousse une femme aux limites de sa santé mentale.
LE PORTAIL
Dans cette histoire touchante, une jeune fille tente de se rapprocher de son père absent par un échange de lettres. Elle ne fait pas grand cas de la façon prétentieuse dont il corrige son orthographe, et découvre lentement qu’il est loin d’être lui-même parfait.
LA CROQUEUSE QUI S’IGNORE
Une femme empoisonne graduellement son mari, pour éviter de lui briser le cœur.
***
★★★★★ « Lawrence sait faire compter chaque mot. Elle raconte chacune des histoires avec élégance et émotion. » — Patsy Hennessey
★★★★★ « JT Lawrence est la reine des nouvelles. » — Dora Bona
★★★★★ « Chaque histoire est magistralement construite… Avec humour, émotion, bizarrerie, mais par-dessus tout, ces histoires sont divertissantes, cette collection est superbe. » — Tracy Michelle Anderson
***
Si vous aimez Roald Dahl ou Gillian Flynn vous adorerez ces histoires troublantes et inattendues.
Êtes-vous prêts à ne pas fermer l’œil de la nuit avec JT Lawrence, classée dans les meilleurs vendeurs de USA Today ?
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Aperçu du livre
Le Portail - JT Lawrence
À PROPOS DE L’AUTEUR
––––––––
JT Lawrence est une auteure, dramaturge et libraire dont les œuvres sont dans les meilleurs vendeurs sur Amazon. Elle vit à Parkview, Johannesburg, dans une maison à porte rouge.
––––––––
www.jt-lawrence.com janita@pulpbooks.co.za
facebook.com/JanitaTLawrence twitter.com/pulpbooks
amazon.com/author/jtlawrence bookbub.com/profile/jt-lawrence
Ce livre est dédié à Julia-Ann Malone, ma sainte patronne des nouvelles
LE PORTAIL
VOLUME 1
TABLE DES MATIÈRES
À propos de l’auteure
LE PORTAIL
Le portail
La démangeaison
La croqueuse qui s’ignore
Sac de voyage
La robe
C’est elle
Magie grise
Les pigeons
Le petit carnet rose
À côté de la plaque
Doigts collants
Évasion
1
LE PORTAIL
her papa,
Maman m’a dit que je pouvais t’écrire. Je lui ai demandé quand j’allais te revoir et elle m’a dit qu’elle n’était pas certaine. Je lui ai dit que je voulais t’appeler, mais elle m’a dit que tu ne pouvais pas prendre d’appels ces jours-ci. Elle m’a dit que tu ne répondrais peut-être pas à ma lettre non plus, mais que je pouvais tenter ma chance.
L’adresse est « Le Portail », mais je ne sais pas ce que ça veut dire. On dirait le nom d’une auberge. Est-ce que tu es dans une auberge ?
Le problème avec une lettre est que je ne sais pas vraiment quoi écrire. Si on pouvait se parler, je pense que je saurais quoi dire, mais écrire c’est différent. C’est comme parler à une pièce vide.
Maman m’a dit de te parler de l’école. L’école, ça va. J’aime bien l’anglais, mais je déteste la géographie. Dans le cours d’anglais, on lit Shakespeare et c’est dur à comprendre, mais j’aime ça quand même, surtout Macbeth. L’an prochain on va étudier Roméo et Juliette. J’ai hâte.
Moi et Sarah-Jayne (c’est ma meilleure amie) on s’est coupé les cheveux très courts l’autre jour ! Maman était fâchée, mais ce sont mes cheveux et je pense que je peux faire ce que je veux avec ? J’ai 11 ans maintenant donc c’est pas comme si j’étais encore une petite fille. Mais bon, c’était pas très joli donc la mère de S-J nous a emmenées chez sa coiffeuse pour les arranger et là c’est mieux. Maman était contente. La mère de S-J dit que je suis une mauvaise influence sur S-J, mais maman dit que c’est le contraire. C’est comme sa les mères ! La coiffeuse dit que j’ai moins l’air chimo-chic et que je ressemble plus à une elve insolente maintenant, mais je ne sais pas ce que ça veut dire. Je ne sais pas ce que c’est chimo ou elve.
Je vais arrêter d’écrire et mettre cette lettre à la poste. J’espère que tu vas la recevoir. J’espère que tu vas répondre. C’est bizarre de savoir qu’on a un père quelque part, mais qu’on ne peut pas le voir. C’est un peu comme si tu étais mort.
Réponds stp !
Bisous, Em.
––––––––
Chère Émilie,
J’ai inclus la lettre que tu m’as envoyée dans cette enveloppe. Tu verras que j’ai fait quelques corrections lorsque ton orthographe ou ta grammaire étaient incorrectes. J’espère que tu en prendras bonne note. Plus spécifiquement, j’aimerais porter ton attention sur la phrase qui contient « moi et Sarah-Jayne ». Il aurait plutôt fallu écrire « Sarah-Jayne et moi ». Il faut aussi savoir faire la différence entre le « ça » démonstratif et le « sa » possessif. Dans le cas de « C’est comme ça les mères » le ça est démonstratif et s’écrit avec un ç. Tu fais aussi un usage exagéré des points d’exclamation. Tout comme les insultes, les points d’exclamation ne devraient être utilisés que lorsque c’est absolument nécessaire.
J’imagine que par « elve » tu voulais dire « elfe », qui est une créature mythologique. J’imagine aussi que « chimo » voulait dire « chimio », qui est un traitement contre le cancer qui peut faire tomber les cheveux (et qui ne devrait pas être traité à la légère, surtout par une coiffeuse).
J’espère que ces renseignements t’éclairent.
Cordialement,
Ton père.
––––––––
Cher papa,
J’étais tellement contente de recevoir ta lettre, merci !! J’ai lu tes corrections et je vais essayer de ne pas refaire les mêmes erreurs. J’aime ton crayon rouge. Où l’as-tu pris ? J’en ai un semblable, mais il est rose et il sent bon et il y a des brillants à l’intérieur.
Sarah-Jayne et moi on s’est disputé pour savoir qui est la meilleure danseuse (de nous deux), mais on est redevenues amies. Sa mère était vraiment contente quand on ne se parlait plus et là elle ne l’est plus parce qu’on se reparle ! On est redevenues des meilleures amies. La mère de S-J a un drôle d’air maintenant quand je vais chez elle. Elle ressemble à un vieux chien qui n’a plus de dents et qui veut sourire, mais qui ne peut pas. De toute façon, on est mieux chez moi ! Maman travaille tout le temps alors on peut faire ce qu’on veut. On regarde American Idol et on mange du maïs soufflé ou des céréales pour dîner. Ou des sandwiches si on a envie de cuisiner. Il y a rarement beaucoup de nourriture dans le frigo, mais il y a toujours du pain et du fromage.
Toi, qu’est-ce que tu manges là où t’habites ?
Bisous, Em.
P.-S. Désolée pour toutes les ratures. J’utilise des points d’exclamation et puis je me souviens de ce que tu as dit et puis je les retire.
––––––––
Chère Émilie,
J’ai de nouveau inclus ta plus récente lettre dans cette enveloppe. Je constate que ton orthographe s’améliore. Mais ta grammaire a encore besoin d’un peu de travail. Tu ne devrais pas écrire « et puis et puis et puis », mais utiliser plutôt la ponctuation et les conjonctions appropriées. Dans ce cas particulier, je te recommande d’écrire plutôt : « J’utilise des points d’exclamation, mais je me souviens ensuite de ce que tu as dit et je les retire. »
Les textes écrits devraient toujours être clairs et éloquents, et non ressembler à un marathon de téléréalité de danse qui t’essouffle.
Le repas de ce soir était un hachis parmentier. Il y avait quelques petits pois aussi, mais ils étaient gris et je ne les ai pas mangés.
Cordialement,
Ton père.
––––––––
Cher papa,
Je ne me souviens pas de la dernière fois où j’ai mangé du hachis parmentier ! Miam ! Tu es chanceux. Je m’ennuie de la cuisine de maman. Je ne me souviens pas t’avoir déjà vu cuisiner. Est-ce que tu as déjà cuisiné ? Peut-être que tu étais le meilleur cuisinier, mais que j’étais trop petite pour m’en rendre compte. Ou ça fait trop longtemps pour que je m’en souvienne. Mais bon, je sais que maman doit travailler beaucoup pour nouer les deux bouts. Au moins elle habite encore ici. Enfin, disons... Je veux dire, elle n’est pas souvent à la maison, mais même quand elle y est, elle semble être ailleurs. Comme si elle était ici, mais pas vraiment. Comme si elle s’imaginait dans une autre pièce, ou une autre maison.
La mère de Sarah-Jayne est encore pire qu’avant. Et son père est parti pendant quelque temps (comme toi), mais il est revenu. La mère de S-J dit qu’il est un bon à rien et un c’est-les-rats. Je n’ai aucune idée ce que c’est un c’est-les-rats, mais elle l’a laissé revenir dans leur maison et depuis elle a toujours son air de chien battu.
J’aimerais que tu reviennes. Quand je demande à maman si un jour tu vas revenir, elle me lance son regard-qui-tue. Le Regard-Qui-Tue est quand tu regardes quelqu’un avec des gros yeux et un air fâché jusqu’à ce que la personne comprenne que ce qu’elle a fait n’est PAS correct.
Je vais avoir 12 ans samedi, alors je suis presque une adulte. Maman voulait faire une fête à la maison, mais je lui ai dit que les fêtes c’est pour les bébés et que je veux seulement aller patiner avec S-J et Murray, puis aller manger des gaufres au Palais des Glaces.
Est-ce qu’il y a une patinoire à ton auberge ?
Bisous, Em.
––––––––
Chère Émilie,
Tu trouveras comme d’habitude ta plus récente lettre dans l’enveloppe.
Un scélérat est un voyou, une crapule, une canaille.
L’expression est « joindre les deux bouts » et non pas « nouer les deux bouts ».
Ta grammaire s’est améliorée, mais on dirait que ton orthographe s’est détériorée. Tu devrais peut-être utiliser un dictionnaire. J’en avais un dans mon bureau à la maison, mais j’imagine que mon bureau n’existe plus. Ta mère sait peut-être où il se trouve. Demande-le-lui, si tu n’as pas trop peur de recevoir un autre Regard-Qui-Tue.
On n’a pas de gaufres ni de patinoire ici. Mais ça ne me manque pas.
Qui est Murray ?
Sincèrement,
Papa
––––––––
Cher papa,
J’ai parlé de ton dictionnaire à maman et elle est juste sortie en trombe de la pièce, comme si j’avais dit quelque chose de mal. Elle dit que j’ai un problème d’attitude, mais je crois que c’est elle qui ne gère pas bien sa colère. Bien gérer sa colère c’est quand on est vraiment fâché, mais qu’on le garde à l’intérieur puis qu’on le laisse sortir d’une façon constructive, par exemple dans des cours de kickboxing, ou au tir de pigeon d’argile, ou quelque chose comme ça. Elle dit que je suis « un cauchemar » depuis que j’ai 13 ans. Je trouve que ce n’est pas très gentil.
Murray et Sarah-Jayne et moi on est des meilleurs amis maintenant. On fait toujours tout ensemble. S-J m’emprunte du vernis à ongles et des boucles d’oreilles (est-ce que je t’avais dit que je me suis fait percer les oreilles ?) et Murray m’emprunte des livres. Des livres vraiment intéressants qui ouvrent mon esprit.
J’ai cherché ton dictionnaire partout et je suis tombée sur de vieilles photos de toi et maman quand vous étiez jeunes. Je ne savais pas que vous aviez déjà été aussi heureux. C’était étrange de les voir, ça me rendait heureuse et triste en même temps. Je n’ai rien dit à maman. Je n’aime pas la voir pleurer, même quand elle est méchante. Je ne peux pas m’empêcher de penser que tu es parti à cause de moi.
Comment c’est, où tu es ? Qu’est-ce que tu fais de tes journées à l’auberge ? C’est difficile de t’imaginer là-bas parce que je ne connais pas du tout l’endroit.
Bisous, Em.
––––––––
Chère Émilie,
Ta dernière lettre est incluse. Lis-la attentivement. Lorsque tu empruntes quelque chose, c’est que quelqu’un te prête cette chose. Donc, Sarah-Jayne te prête son vernis à ongles et Murray te prête ses livres. Tu empruntes le vernis à ongles et les livres à tes amis.
Le dictionnaire doit bien être quelque part, cherche-le encore.
Ce que je fais ici ? J’étudie et je jardine et j’essaie de survivre. C’est à peu près tout.
Sincèrement,
Papa
P.-S. Je ne suis pas parti à cause de toi.
––––––––
Cher papa,
J’aime Murray. Je n’arrête pas de penser à lui et je passe tout le cours de géographie à écrire mon prénom et son nom de famille comme si on était mariés. Je pense à des noms pour les bébés qu’on aura ensemble un jour. Je sais que j’ai seulement 14 ans, mais j’aimerais qu’on puisse se marier. Si on vivait au temps de Roméo et Juliette on pourrait. Mon professeur d’anglais l’a dit.
Je cherchais ENCORE ton dictionnaire l’autre jour (je fais ça parfois quand je me promène dans la maison) et maman a explosé (elle ne gère clairement pas bien sa colère) et elle m’a avoué que quand tu es parti elle a mis la plupart de tes trucs dans des sacs qu’elle a donnés à une œuvre de charité. Je n’en revenais pas ! J’espère que tu n’es pas trop fâché. J’ai gardé quelques trucs qui t’appartenaient (de ce qu’il en restait) et les ai cachés dans ma chambre pour qu’elle ne les donne pas aussi. Je sais qu’elle fouille dans mes choses par contre, donc je ne peux pas promettre que je pourrai les garder pour toujours.
Quel genre de jardinage fais-tu à l’auberge ?
Bisous, Em.
––––––––
Chère Émilie,
Tu utilises trop de parenthèses. C’est une mauvaise habitude. Essaie de t’en départir avant qu’il ne soit trop tard.
N’en veux pas trop à ta mère. Je suis certain qu’elle fait de son mieux. Ce n’est pas facile pour elle.
J’aménage en ce moment un jardin de roses. Il faut creuser beaucoup et mes mains sont lacérées à cause des épines. Cela ferait mal dans la douche, si on avait parfois de l’eau chaude ici. Le Portail n’est pas une auberge.
À propos de Roméo et Juliette, prends ton temps. Souviens-toi comment se termine cette histoire. On a notre propre pièce de Shakespeare ici, en quelque sorte. Mais au lieu des Montagues et des Capulets, ce sont les Cols Blancs et les Poings d’Acier. Même si je n’approuve pas cette division et que je ne veux pas y prendre part, je suis perçu comme un Col Blanc. J’essaie de ne pas m’en mêler et de m’occuper seulement des choses importantes, comme les roses. D’expérience, rien de bon n’arrive quand on prend parti.
Ne t’en fais pas pour mes choses, j’ai tout ce dont j’ai besoin ici. Garde ce que tu veux et jette le reste.
Smith dit toujours que plus on a d’objets, moins on a d’énergie, parce que cela prend de l’énergie pour posséder des choses. Le bonheur est dans la simplicité. Parfois je pense que Smith se la joue — il lit trop —, mais je suis d’accord avec lui sur ce point. Même si Smith collectionne les bananes et les cache sous son lit. Étrangement, il ne semble pas penser que ça s’applique aux bananes.
Sincèrement,
Papa
––––––––
Cher papa,
Je déteste Murray et Sarah-Jayne. Tu vois les marques sur le papier ? Ce sont des larmes. Mon cœur est brisé en mille morceaux. J’ai essayé d’en parler à maman, mais tout ce qu’elle dit c’est « bon débarras », comme si elle se foutait complètement de mon cœur brisé. Je la déteste. Et je déteste Sarah-Jayne. J’aimerais détester Murray, mais quand je pense à lui mon cœur se tord. J’ai besoin de toi, papa. Est-ce que tu peux venir passer un peu de temps ici, stp ? Tu pourras dormir dans ma chambre et je dormirai sur le sofa plein de bosses dans le salon, je m’en fous.
Bisous, Em.
P.-S. Je ferai attention d’utiliser moins de parenthèses.
––––––––
Chère Émilie,
La