Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Première période
Première période
Première période
Livre électronique228 pages3 heures

Première période

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Les frères Lavoie se détestent. La seule
chose qui les rapproche, c’est le hockey.
Mais la vie d’un sportif ambitieux n’a rien
de simple. À 12 ans, Charles ne devrait pas
encore faire partie des Bantams… C’est du
moins ce que pense Simon.

Les frères Lavoie sont comme le jour et
la nuit: Simon déteste son poste de gardien
et cultive les problèmes, tandis que Charles
préfère les résoudre et adore être ailier.

Lorsqu’une espèce de tueur à gages russe
remplace leur entraîneur peu compétent, les
deux frères sont forcés de s’allier pour mener leur équipe à la victoire.
LangueFrançais
Date de sortie8 janv. 2018
ISBN9782897862299
Première période

En savoir plus sur Rébecca Mathieu

Auteurs associés

Lié à Première période

Titres dans cette série (3)

Voir plus

Livres électroniques liés

Pour les enfants pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Première période

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Première période - Rébecca Mathieu

    d’inspiration.

    Il fusa du banc des joueurs, prêt à gagner.

    Ce n’était pas la première fois, et ce ne serait certainement pas la dernière. Tout en ayant conscience de rêver, le garçon glissa vers le centre de la patinoire, son bâton bien en main. Ses patins auraient pu faire partie de son corps tant il les contrôlait bien. Rien n’aurait pu l’obliger à quitter la glace ; rien. Il prit rapidement position face au centre de l’équipe adverse.

    L’arbitre lâcha la rondelle. Dans les gradins, les crécelles hurlaient de concert avec les enfants et les parents. Le garçon sourit en cueillant une passe éclair, évitant aisément l’ailier droit tout en muscles qui s’apprêtait à lui couper le chemin.

    Un défenseur massif suivit. Dans les rêves du garçon, les joueurs de l’équipe adverse étaient toujours plus larges et plus costaux que dans la réalité. Dans ses rêves, il se déplaçait aussi beaucoup plus vite, comme s’il avait une fusée accrochée au dos. Il plia les genoux, vira sec…

    – Et c’est le but !

    Tous les matins, c’était la même chose.

    D’abord, éteindre le réveil. À l’exception du dimanche, la journée importait peu : à 7 h tapantes, Charles était tiré du sommeil par une sonnerie désagréable qui le convainquait sur-le-champ de descendre manger.

    Dans la chambre au fond du couloir, son frère Simon préférait se réveiller à la vitesse d’un escargot en panne avec sa musique. Enfin, « musique »… Charles ne parvenait toujours pas à comprendre en quoi cette cacophonie d’instruments (pour ne pas dire ce vomissement de notes) pouvait être de la musique. Simon, lui, ne jurait que par cela depuis l’année dernière. C’était aussi à cette époque qu’il avait commencé à avoir de la difficulté à se lever le matin. Mais la règle était claire : 7 h, six jours par semaine.

    Plus affamé qu’épuisé à cette heure, Charles avait le temps de déjeuner, de s’habiller, de préparer son sac et son lunch avant que son frère ne daigne sortir de sa grotte. À 7h20, celui-ci en émergeait avec l’enthousiasme d’un zombie. Charles savait que s’il avait jeté un œil dans sa chambre, il aurait vu le réveil quelque part sur le plancher. À défaut de trouver deux chaussettes de la même couleur, Simon était un vrai professionnel au tir du réveille-matin.

    Charles secoua la tête, les yeux rivés sur son bol de céréales. Les lettres de blé flottaient en une suite de mots illisibles qui peu à peu se métamorphosaient en pâtée pour chat. Charles soupira, reprit sa cuillère et mangea rapidement, comptant les céréales peu ragoûtantes pour mieux oublier que son père refusait maintenant d’acheter quoi que ce soit d’appétissant. Apparemment, un joueur de hockey sérieux ne mangeait pas de la scrap. Mais le principe ne s’appliquait évidemment pas à lui. Son père mangeait ce qu’il voulait, quand il voulait, et ses fils avaient intérêt à ne pas suivre l’exemple.

    Charles jeta un œil à la montre accrochée à son poignet. La petite aiguille en forme de fusée approchait du quatre. 7h19, alors. Une minute plus tard, son frère Simon surgit dans la cuisine, ses cheveux noirs tout ébouriffés. Charles tira une mèche blonde devant ses yeux. Plus le temps passait, et moins ils se ressemblaient. Et les différences n’étaient pas seulement physiques.

    – Tasse-toi, microbe.

    C’était ainsi que Simon le saluait la plupart du temps. Plus petit que son frère, et conscient qu’il perdrait son temps à lui rappeler qu’il n’était pas un micro-organisme, Charles lui céda sa place à table et déposa sa vaisselle dans le gigantesque évier. Une tasse s’y trouvait déjà : celle de leur mère, probablement déjà partie travailler.

    – Alors, les garçons, prêts pour l’entraînement ?

    Daniel Lavoie fit son entrée, l’air beaucoup trop énergique pour quelqu’un qui n’était debout que depuis dix minutes. Charles se sentait épuisé juste à le regarder. Non, il ne passerait aucun commentaire sur le fait qu’il était 7 h un samedi matin. Il n’était certainement pas prêt pour l’entraînement, mais son père ne voudrait rien entendre à ce sujet-là non plus. À titre de vice-président d’une compagnie, il était habitué à ce qu’on lui obéisse dans toutes les sphères de son existence.

    – Urgha.

    Ça, c’était Simon qui essayait de parler tout en dévorant ses rôties.

    – Oui, p’pa, dit Charles un peu plus clairement.

    Un quart d’heure plus tard, les deux frères avaient pris leurs places à l’arrière de la Porsche Panamera, leurs sacs d’équipement partagés entre le siège avant et le coffre. Simon tenait son bâton, les yeux brillants. Il s’imaginait sans doute déjà sur la patinoire, en train de déjouer les attaquants adverses avec cette subtilité qu’il croyait détenir.

    Charles, lui, se demandait si leur mère serait présente au souper ce soir. Elle faisait beaucoup d’heures supplémentaires ces jours-ci.

    Le paysage défilait lentement de l’autre côté de la fenêtre. Charles eut tout le temps d’observer le centre-ville. En plein mois d’octobre, tôt le matin, les grandes artères de Montréal étaient déjà bloquées par les gens qui allaient travailler, les gens qui allaient étudier, et cette catégorie à part de gens qui ne pouvaient pas se reposer après une semaine d’école.

    Ce n’était pas qu’il détestait l’entraînement. Et puis, comme son père aimait le dire, « il était né avec un bâton dans les mains ». Charles n’était pas certain qu’une telle chose soit possible, mais son père devait le savoir mieux que lui, puisqu’il était un adulte. Aux dernières nouvelles, les adultes connaissaient tous les secrets de l’univers.

    Il sommeilla jusqu’à l’aréna pendant que Simon et leur père parlaient de tactiques défensives à trois contre deux. Le ton monta à quelques reprises, mais Charles était trop fatigué pour s’en soucier. Le moteur de la Porsche ronronnait avec enthousiasme, l’encourageant à retourner à ses rêves. Des rêves où leurs six premiers matchs de la saison se seraient conclus par une majorité de victoires, et non pas de défaites…

    Le gardien de l’aréna leur ouvrit la porte à 7h55. Techniquement, l’aréna n’ouvrait qu’à 8 h, mais Daniel Lavoie savait comment se faire des amis.

    – Charles, Simon ?

    Dans l’embrasure de la porte, les deux frères attendirent le discours habituel de leur père.

    – Profitez de l’entraînement pour travailler fort, d’accord ? Je passe pas mes journées à venir vous trimbaler jusqu’ici pour que vous me perdiez vos matchs, ok ? Vous avez du talent, faut juste vous dégourdir un peu.

    Bref, rien de nouveau : des menaces et des compliments dans le même souffle. Charles s’y était habitué et ne l’écoutait que d’une oreille, mais ce n’était pas le cas de son frère. Simon était tout crispé derrière son bâton, comme s’il était le seul visé par la partie négative du discours.

    – Oui, p’pa.

    Puis Simon jeta un regard dédaigneux à son frère et disparut dans le vestiaire. Charles envoya la main à leur père. Il ne comprenait pas comment celui-ci pouvait travailler six jours par semaine. D’un autre côté, lui passait bien cinq jours à l’école et plusieurs soirs, et un matin, à disputer des matchs ou à s’entraîner.

    La Porsche démarra dans un roulement de tonnerre. Elle était la fierté de leur père, cette voiture.

    Charles secoua la tête et rejoignit son frère au vestiaire.

    Simon était déjà en train de se changer. Il occupait une place incroyable pour sa taille ; il s’était étendu le plus possible, ne laissant à Charles qu’un petit coin ridicule sur l’unique banc du vestiaire. Le garçon s’en accommoda sans protester. Il ne tenait pas particulièrement à se battre une fois encore. De un, il était plus petit que Simon, et de deux, il n’avait pas appris, lui, à lutter comme une belette vicieuse.

    – T’as pas l’air en forme, remarqua son frère.

    Charles ôta ses souliers et sortit sa culotte, ses bas et ses jambières de son sac.

    – T’aurais pas dormi encore un peu, toi ?

    Simon ricana en enfilant ses coudières, puis son chandail, où le numéro 69 brillait sous les lumières agressives du plafonnier. Il était déjà prêt. Pour quelqu’un qui prenait autant de temps à se lever le matin, il était d’une efficacité effrayante dès que le hockey était mentionné. Une espèce de Dr Paresseux et M. Gardien, en somme.

    Charles mit ses épaulières et ses coudières, agrippa ses patins et son bâton, et suivit son frère jusqu’à la patinoire. Sur leur chemin, ils croisèrent deux garçons de leur âge. Charles les connaissait de vue, mais pas de nom.

    – Derek est censé venir, annonça Simon en rangeant son cellulaire.

    Derek Tardif, alias « le Marteau », était l’un des attaquants de leur équipe. Au départ, il avait été un ailier, mais leur entraîneur lui avait attribué le rôle de centre. Derek avait la carrure et le vocabulaire d’un lutteur sumo : deux qualités, apparemment, qui l’aidaient à déjouer le centre adverse lors de la mise au jeu.

    – Super, grommela Charles.

    Lui et Derek ne s’entendaient pas très bien. Charles n’avait jamais eu honte de sa petite taille, mais l’autre enfonçait le clou chaque fois qu’ils se voyaient. Il lui préférait de loin Léonard, capitaine de l’équipe. Charles aurait bien voulu savoir s’il venait, d’ailleurs, mais il avait fait l’erreur de garder son téléphone sur lui lors de leur dernier entraînement, et celui-ci gisait en morceaux quelque part dans sa chambre.

    Charles déposa son bâton contre la bande et se laissa tomber lourdement sur un banc de plastique tout craquelé. Ses patins paraissaient plus lourds que d’habitude. Il prit son temps pour les ajuster et les lacer, allant jusqu’à examiner ses lames pour s’assurer qu’elles étaient encore suffisamment aiguisées. Un coup d’œil à la glace fraîchement lavée et raclée lui apprit que la zamboni avait dû faire son tour récemment. Simon était d’ailleurs déjà occupé à y tracer des figures géométriques peu courantes en compagnie de Derek.

    Les gradins se remplirent progressivement. Peu à peu, l’odeur du café imprégna l’aréna. Les samedis étaient des jours très occupés à la patinoire du quartier, même en matinée. La plupart des adultes laissaient les « futurs grands joueurs de la LNH » s’entraîner entre eux et allaient bavarder de leur côté, reportant leur attention sur leurs vedettes en devenir de temps à autre. Certains parents, du genre désintéressé, étaient partis faire des commissions ou retournés chez eux.

    Dans la première rangée des gradins, une femme suivait son fils avec la caméra de son téléphone, levant le pouce toutes les deux secondes pour l’encourager. Évidemment, le garçon concerné était la risée de ses coéquipiers, qui patinaient autour de lui en faisant de petits bruits de bouche.

    – Vas-y, mon poussin ! criaient-ils en même temps que la mère.

    Charles accusa un frisson. Il n’aurait vraiment pas voulu d’une telle attention. Leur mère ne les accompagnait que trop rarement à l’aréna, mais lorsqu’elle était présente, elle, au moins, se contentait de les observer des gradins sans faire de mimiques ou de commentaires.

    Mario, un adolescent boutonneux à la main collée à son cellulaire, venait d’apparaître sur la glace. Il était l’assistant de leur entraîneur, M. Adam, et un étudiant en sciences pures, aux dernières nouvelles : il avait changé au moins trois fois de programme d’études en autant de mois.

    Comme d’habitude, il ne regardait pas très bien où il allait et textait comme si sa vie en dépendait. Derek, qui revenait d’un tour aux toilettes, s’élança sur la glace en même temps que lui et fit mine de le pousser. Deux fois plus large que l’assistant maigrichon, il n’aurait eu aucun mal à lui briser la moitié des os.

    Charles regarda ailleurs en entendant le choc caractéristique d’un corps en chute libre sur la glace. Pauvre Mario. Quand leur entraîneur n’était pas là (ce qui était de plus en plus souvent), Derek semait la terreur sur la patinoire. N’y avait-il pas un proverbe qui parlait de chats absents et de souris dansantes ?

    Derek effectua plusieurs tours de glace. Simon le dépassa dans une courbe avec ce qui se voulait sans doute de l’élégance et fit lever un tourbillon de neige. Heureusement que la glace des arénas n’était pas aussi dure que celle de l’extérieur, sinon Simon devrait changer la lame de ses patins beaucoup plus souvent.

    Charles fléchit les genoux et emprunta le virage à son tour. Du bout des patins, il traça la ligne bleue de l’enclave et fit un écart pour éviter le filet. Il aimait bien ce genre de réflexe de dernière minute. Son frère les qualifiait de « feintes d’amateurs », mais Charles savait en reconnaître la valeur.

    Il dépassa deux fois Derek. Le Marteau était capable de voler sur ses patins s’il le voulait, mais il était d’un naturel paresseux et ne ferait aucun effort inutile s’il n’était pas assuré de pouvoir plaquer un adversaire au bout du compte. Ses passes étaient d’ailleurs aussi rares que mauvaises. Charles espérait qu’un des ailiers se présenterait aujourd’hui, sans quoi le jeu serait plutôt monotone.

    À 8h40, l’entraîneur arriva enfin. Son fils Patrick, l’un des attaquants de l’équipe, le suivait de près. Charles leur envoya la main.

    – En forme ?

    – Oh, ça va, répondit Patrick.

    M. Adam leur cria de se rapprocher.

    – Bon, content de vous voir, s’exclama l’homme à la moustache tombante avec un sourire fatigué. On va commencer par des tirs de barrage. Car c’est bien ça notre problème pour l’instant.

    En fait, c’était une partie du problème. Charles échangea un long regard avec son frère. Dans la vie, ils étaient d’accord sur au moins une chose : leur entraîneur ne les aidait pas à gagner. Mais bon, c’était toujours mieux d’avoir un entraîneur que de ne pas en avoir. Pas d’entraîneur, pas d’équipe. Pas d’équipe, pas de hockey, et de pas de hockey… Charles préférait ne pas y penser.

    – Ok, les gars, en position !

    Ils étaient quatre joueurs des Archers, représentant l’équipe Bantam d’Outremont, à être rassemblés sur leur côté de la patinoire. En face d’eux se trouvait une autre équipe du même calibre contre qui ils avaient déjà perdu. Charles récupéra son bâton et se positionna juste devant la ligne bleue. Les autres Archers faisaient également dos aux vainqueurs, très raides dans leur dignité.

    M. Adam commença à expliquer la séance d’entraînement. Et comme à son habitude, ses directives étaient très vagues.

    – Bon, notre gardien va faire de son mieux pour arrêter vos tirs. Et vous, les gars, vous me le faites travailler fort. Et variez un peu vos tirs au but, d’accord ?

    Simon, deux fois plus imposant avec son accoutrement de gardien, se retrouva devant le filet, l’air aussi maussade que d’habitude. Évidemment, la visière grillagée de son casque ne permettait pas à Charles de bien voir son expression, mais son frère devait probablement rechigner. Pourquoi n’en serait-il pas ainsi ? Simon n’avait jamais voulu devenir gardien de but. Cependant, il était forcé de remplir ce poste depuis maintenant cinq ans.

    Les autres joueurs prirent position sur la glace en file indienne derrière Charles, casque et bâton en place. Derek « le Marteau », numéro 29, centre hyperagressif et Patrick, le fils de l’entraîneur, numéro 16 à la défense, se disputaient la seconde place pendant que les

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1