Lazare Donatien - L'intégrale: Lazare Donatien
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À propos de ce livre électronique
Avez-vous déjà ressenti un certain malaise envers un vieil objet? Quelque chose dont vous avez hérité et dont vous ne savez pas quoi faire la plupart du temps ?
De tous temps, les hommes ont cherché à percer les mystères qui se présentent en rencontrant plus ou moins de succès dans leur entreprise.
Je ne prétends pas apporter plus de réponses que d'autres à ces nombreuses questions, ce n'est pas mon travail.
Mais si d'aventure des évènements bizarres commençaient à se manifester autour de vous de façon impromptue, ce serait alors le moment choisi pour songer à faire appel à moi.
Qui suis-je ? Un être étrange, travaillant pour des causes plus étranges encore… je suis le Drockhead !
Voici le texte intégral des 13 épisodes composant la série. Ces mêmes 13 épisodes qui sont sortis au rythme d'un par mois depuis juin 2017 et l'occasion, pour ceux d'entre vous qui ont souhaité attendre, de lire les aventures de Lazare et de son équipe d'un seul coup :-) !
Virginia Besson Robilliard
Virginia est née à La Rochelle d’un père français et d’une mère indo-mauricienne et a toujours été très fière de son métissage. Elle a beaucoup voyagé, vécu au Canada, à L’île Maurice et en Inde et coule une vie heureuse avec son mari et leurs deux chartreux Smith&Wilson (dont vous trouverez plusieurs photos sur son compte instagram), leurs enfants ayant tous commencé leurs vies d’adultes. Virginia écrit depuis très jeune, c’est l’été de ses 14 ans qu'elle a écrit et terminé son premier livre (sans l’avoir jamais montré à qui que ce soit). Elle adore faire des recherches et partager avec ses lecteurs le fruit de celles-ci qu'elle va par la suite se charger de transformer en romans. Si vous avez envie de discuter, d'en savoir plus sur les séries à venir ou de simplement dire bonjour, vous pouvez joindre Virginia via son SITE (www.virginiabrobilliardbooks.com) et ses autres réseaux sociaux.
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Aperçu du livre
Lazare Donatien - L'intégrale - Virginia Besson Robilliard
Du même auteur
- La série Lazare Donatien
- La série Les Sorcières de Salers (actuellement en réédition)
- La prochaine série à paraître : une aventure steampunk dont je vous laisse découvrir le détail sur mon site :
www.virginiabrobilliardbooks.com
––––––––
Hors-série de Noël 2017
(en cadeau pour toute inscription à la newsletter, suivez le lien sur le site):
Lazare et les Sorcières : Le Cadeau de Lazare
ISBN 9782363159113
@ Juillet 2018
Virginia Besson Robilliard
Lazare Donatien
L’intégral
« Et cette terreur confuse du surnaturel qui hante l’homme depuis la naissance du monde est légitime puisque le surnaturel n’est autre chose que ce qui nous demeure voilé ! »
Guy de Maupassant
Sommaire
Épisode 1 – L’Écritoire
Épisode 2 – Les Runes de Myrdal
Épisode 3 – La Barque Solaire
Épisode 4 – Le Kriss Javanais
Épisode 5 – La Dent du Micmac
Épisode 6 – Le Météore de l’Orient-Express
Épisode 7 – Une Légende de Bohême
Épisode 8 – La Montagne Rouge
Épisode 9 – La Serpe du Bélier
Épisode 10 – Le Masque de Jade
Épisode 11 – La Statuette d’Aphrodite
Épisode 12 – La Roue du Samsara
Épisode 13 – Les Portes d’Outremonde
L’auteur
Remerciements
Épisode 1 – L’Écritoire
Chapitre 1
Avez-vous déjà ressenti un certain malaise envers un vieil objet ? Quelque chose dont vous avez hérité, un bibelot dont bien souvent vous ne savez pas vraiment quoi faire ? Nous parlons ici de vague impression, de trouble, que l’on peut ressentir au contact de certains bijoux ou autres pièces d’ameublement.
Vous voyez de quoi je parle ? Si c’est le cas, nous allons pouvoir continuer ; sinon, je crains que vous ne deviez fermer ces pages et passer à autre chose, ce qui suit n’étant pas pour vous.
Bien, commençons...
La plupart du temps, nous n’écoutons pas notre intuition profonde. Pourtant, je me permettrai de dire que nous éviterions parfois bien des écueils si nous le faisions plus souvent.
Je suis Lazare Donatien, un antiquaire brocanteur installé dans le village de La Flotte situé sur l’île de Ré, et je suis l’un des tout derniers Drockhead.
Nous étions un jour de semaine ordinaire et le soleil brillait haut et fort en cette matinée de juin, tandis que j’ouvrais « Le Passage », ma boutique d’antiquités. J’avais à peine terminé de disposer mes étals, quand un jeune homme se présenta devant la porte. Il resta quelques instants sur le seuil, hésitant à la pousser, comme si elle le narguait. En accord avec le beau temps et les températures déjà élevées de ce début d’été, mon visiteur portait une chemise blanche dont il avait retroussé les manches sur ses avant-bras et un jean de bonne facture. Il tenait dans sa main gauche une sobre valisette de cuir qui me paraissait bien pleine.
Il se dégageait de sa personne – en plus d’un stress évident – cet air de distinction qu’affichent parfois ces gens nés au sein d’une de ces vieilles familles de quelque renom. Je terminais tranquillement ma mise en place tout en continuant de l’observer du coin de l’œil, attendant qu’il se décide. Je posais à peine la dernière pièce de ma collection d’ancienne cristallerie sur son socle, lorsque la sonnette du magasin retentit. Le jeune homme entra d’un pas décidé et, laissant mes étals, je me dirigeai vers mon comptoir pour l’accueillir.
– Bonjour monsieur, en quoi puis-je vous aider ?
Le jeune homme me dévisagea un instant avec une expression de grande surprise. Sa bonne éducation reprit vite le dessus cependant, et il toussota légèrement pour se redonner contenance. Il faut dire pour sa défense qu’une personne me voyant pour la première fois pouvait être très surprise par mon apparence. J’ai toujours eu à cœur de m’habiller selon mon humeur, et aujourd’hui, je me sentais l’âme d’un mousquetaire. Je m’étais donc tout naturellement habillé en conséquence. Mes costumes étaient toujours de belle facture et représentaient très bien l’air d’authenticité que je recherchais. Nous étions cependant au 21ème siècle, et la surprise de mon visiteur matinal était tout à fait compréhensible, il faut bien l’avouer.
— J’ai apporté un objet quelque peu... particulier avec moi, et l’on m’a dit que vous pourriez peut-être m’aider, annonça finalement le jeune homme d’une voix claire. Son hésitation sur le mot « particulier » ne m’avait cependant pas échappé.
— Voyons cela, répliquai-je en l’invitant à poser sur le comptoir ce qu’il voulait me faire examiner. Il déballa l’objet que contenait sa mallette et je découvris une écritoire qui devait dater du 19ème siècle. Elle était à première vue extrêmement bien préservée. Je relevai les yeux.
— Vous voulez vendre cette écritoire ou est-ce une autre raison qui vous amène ? Le jeune homme prit un air embarrassé et je retins un demi sourire. J’avais une vague idée de ce qui allait suivre.
— Eh bien... Cette écritoire appartenait à une de mes aïeules, voyez-vous. Elle est restée dans un grenier ces dernières décennies et nous ne l’avons retrouvée que tout récemment. Je regardai à nouveau l’objet.
— Elle est dans un remarquable état de conservation pour être restée si longtemps à l’abri des regards, et qui plus est, dans un grenier, fis-je remarquer.
— Oui... elle était très bien emballée et, réflexion faite, je comprends pourquoi, termina-t-il, la mine plus sombre. J’attendais patiemment, sachant que le point important de la conversation arrivait. Des années d’expériences m’avaient appris qu’il fallait plus ou moins de temps, selon le caractère de chacun, pour se décider à révéler le véritable – et souvent très gênant – but de leur visite.
— Je sais que cela peut paraître bizarre, reprit mon visiteur en se passant une main nerveuse dans les cheveux, mais il se passe des choses surprenantes avec cette écritoire. Ah, nous y voilà, pensai-je. Je hochai la tête d’un air entendu, ayant pour but de mettre mon interlocuteur un peu plus à l’aise.
— Je comprends, mais il va falloir m’en dire un peu plus si vous voulez que je vous aide, rétorquai-je imperturbable.
— Ah... oui... eh bien croyez-le ou non, depuis que je l’ai sortie du grenier je retrouve tous les matins, sans exception, et toujours au même endroit, une lettre cachetée posée sur l’écritoire. Maintenant qu’il avait surmonté son appréhension, il ne s’arrêtait plus de parler. J’ai essayé d’ouvrir la lettre pour voir son contenu mais cela s’est avéré impossible. Je l’ai enfermée dans un coffre mais le lendemain elle avait disparu et trônait à nouveau sur l’écritoire. Je suis allé jusqu’à la brûler, mais toujours je la retrouvais sur l’écritoire. J’ai alors décidé de remonter l’écritoire au grenier mais, malgré cela, le matin suivant, je l’ai retrouvée dans le salon, la lettre posée dessus. C’est une histoire de fou...
— Bien, calmez-vous, je vais vous poser quelques questions et je vous demanderais d’y répondre aussi précisément que possible. Sommes-nous d’accord ?
— Je vous écoute, me répondit-il, presque avec soulagement.
— Avez-vous essayé de noter à quelle heure précisément la lettre fait son apparition sur l’écritoire ?
— Euh non, je n’ai pas pensé à cela.
— Hm, savez-vous à qui est adressée la lettre et par qui celle-ci a été écrite ?
— Je pense que c’est l’écriture de mon aïeule. Je l’ai comparée avec d’autres missives que je sais avoir été écrites de sa main et il y a vraiment des similitudes. Quant à savoir à qui cette lettre est adressée, c’est un mystère. La seule indication réside en deux mots : « À Dimitri ». Le problème, c’est que jamais personne ne s’est appelé Dimitri dans ma famille. Je n’ai pas trouvé trace d’amis dans notre entourage ou dans celui de mon aïeule non plus portant ce prénom.
— Ceci m’amène à une autre question : quel est donc le nom de votre famille ?
—... Demestres, répondit le jeune homme avec cette fois une légère réticence dans la voix.
— Le Manoir entre ici et Saint-Martin ? demandai-je sans m’émouvoir le moins du monde. Mon visiteur eut l’air un peu rassuré par ma nonchalance et acquiesça plus volontiers. Je réprimai un nouveau sourire.
— Je suppose que vous attendez de moi la plus grande discrétion ?
— En effet, je vous serais reconnaissant de garder cette histoire pour vous seul. Ma famille n’a guère besoin de plus de publicité en ce moment.
— Je comprends. Qui vous a envoyé chez moi pour ce problème ?
— J’ai chargé ma secrétaire de trouver un antiquaire qui soit le plus proche de mon manoir. Elle en a sélectionné deux et il semble que sa préférence – je ne sais pour quelle raison – est allée vers vous, alors elle m’a donné votre adresse. Il semble qu’elle avait entendu parler de vous par l’une de ses connaissances ou amies. Pouvez-vous vraiment m’aider et accepterez-vous de le faire ? J’observai mon interlocuteur un instant sans rien dire.
— Il vous faudra simplement signer ce formulaire, ajoutai-je en sortant un feuillet d’un des nombreux tiroirs de mon comptoir pour le lui présenter. Je garde l’écritoire pour le moment, vous passerez la récupérer d’ici quelques jours, je vous tiendrai au courant.
— Je vous remercie. Le jeune Demestres signa et allait repartir quand je l’arrêtai dans son élan.
— Une dernière question : quel était le nom de votre ancêtre ?
— Madeline Demestres, répondit-il en me saluant d’un rapide signe de tête avant de sortir.
chapitre 2
En fermant « Le Passage » ce soir-là, je pris soin d’emporter l’écritoire avec moi. J’avais passé une bonne partie de la journée à faire des recherches et mon avis était pour le moins mitigé par le résultat que j’avais obtenu. En rentrant chez moi, je me défis de mon accoutrement de mousquetaire et me retrouvai en caleçon au milieu de mon salon. Je jetai un œil alentour mais, ne voyant personne, j’appelai.
— Zeph ? Une silhouette, vaporeuse d’abord puis de plus en plus distincte, apparut non loin de la cheminée du salon au bout de quelques instants.
— Zephirii-Zephiro, monsieur... combien de fois vais-je devoir encore vous le répéter ?
— Autant de fois que ça te chante jusqu’à ce que tu t’en lasses mon cher, répliquai-je en haussant brièvement les épaules avant d’attraper la robe de chambre qu’il me tendait. Je t’ai moi-même répété plusieurs fois que je préfère Zeph pour une multitude de raisons toutes plus valables les unes que les autres. La première d’entre elles, c’est que c’est plus pratique, continuai-je tout en enfilant prestement une paire de pantoufles. Mon fidèle et acariâtre valet soupira avec résignation.
— À part cela, monsieur, j’ai senti que vous aviez ramené un autre de ces objets au sein du foyer. Je décidai de garder le sourire narquois qui me venait aux lèvres et je répondis sans sourciller.
— En effet, mon brave, j’ai eu la visite du jeune châtelain Demestres aujourd’hui. L’écritoire que tu vois là devrait nous promettre une belle surprise pour demain matin. Enfin, si tout se passe comme prévu, bien entendu. Zeph poussa un nouveau soupir.
— Va-t-il falloir que je monte la garde toute la nuit une nouvelle fois, monsieur ? Je décidai cette fois d’afficher mon air le plus convaincant.
— Je ne peux rien te cacher mon ami ! m’exclamai-je l’air aussi ravi que je le pouvais, d’avoir un assistant aussi avisé. Zeph n’était pas dupe pour autant. Après tout, cela faisait de très nombreuses années que nous nous fréquentions et chacun connaissait la véritable nature de l’autre. Zeph était un esprit vagabond et sa nature lui permettait de voyager entre ce monde-ci, le monde des humains et l’Outremonde – le monde des morts, des esprits et des fantômes de tout acabit.
En tant que Drockhead – et qui plus est l’un des derniers de ma race – les grandes instances avaient décidé que j’avais besoin d’un garde du corps ou, plus précisément sans doute, d’un assistant. Plusieurs esprits avaient rempli la fonction avant l’arrivée de Zeph, mais aucun d’eux n’était resté bien longtemps. Figurez-vous qu’il paraît que j’ai un caractère exécrable, moi, la gentillesse et l’affabilité faites homme ! Autant vous dire que les assistants passant le plus clair de leur temps à se plaindre de moi ne m’enchantaient guère non plus. Parbleu, j’avais déjà assez de mal à me faire à l’idée d’une « nounou », alors si en plus il fallait se farcir leurs sautes d’humeur, alors là non merci, très peu pour moi.
En désespoir de cause, l’Outremonde m’avait alors octroyé un esprit vagabond au caractère plutôt réservé, voire taciturne mais néanmoins revêche, pensant que ce dernier serait à même de gérer mes débordements de personnalité... Le fait est que Zeph se montra tout à fait à la hauteur. Il se révéla être un serviteur zélé, au caractère bien trempé, qui ne manquait jamais une occasion de faire connaître sa désapprobation mais exécutait toutefois avec la même précision l’entièreté des tâches que je lui assignais. Si l’Outremonde devait un jour m’annoncer que Zeph avait été une montre suisse dans une ancienne vie, je ne suis pas certain que j’arriverais à mimer la surprise. Mais pour le moment, nous devions nous occuper de l’écritoire. J’expliquai brièvement ce nouveau cas à mon acolyte puis, sans autre forme de procès, le laissai en tête à tête avec l’objet récalcitrant pour le reste de la nuit.
Chapitre 3
Ai-je omis de vous dire que Zeph déteste absolument les fantômes ? Bien que sa qualité d’esprit vagabond lui ait valu d’être maintes fois confondu avec un fantôme, il n’en est pas un. Un esprit vagabond est un être – surnaturel ou non – qui, ayant perdu la faculté de se rattacher à son enveloppe physique, est condamné à errer entre les mondes tant qu’il ne retrouve pas une enveloppe physique compatible avec son âme. De puissantes sorcières de ma connaissance m’ont rendu le service de lui donner quelques substances physiques afin qu’il puisse mieux me seconder dans mon quotidien. Zeph ne peut cependant utiliser cette enveloppe de substitution que quelques heures par jour tout au plus, c’était là une des trois conditions à la création de cette enveloppe.
Ceci dit, vous comprendrez peut être mieux pourquoi je trouvai mon fidèle Zeph replié dans un coin de la cheminée lorsque je me réveillai et descendis au salon le lendemain matin. Être obligé de travailler avec un Drockhead – un être dont la particularité principale est précisément de résoudre les problèmes liés aux revenants, – n’avait pas dû l’enchanter et je me demandais parfois quel crime Zeph avait bien pu commettre pour se retrouver dans cette situation. Mais cela restait le secret de mon fidèle serviteur et de Miss Pindragon, l’omnipotente gestionnaire en chef des affaires d’Outremonde. Je me tournai vers l’écritoire et y trouvai une lettre cachetée posée en son milieu.
— Je constate que nous avons eu de la visite, déclarai-je en me dirigeant vers l’écritoire et, feignant de l’ignorer, je laissai ainsi le temps à mon valet de se rendre présentable et de conserver sa dignité. Zeph n’était pas dupe de mon manège mais cela faisait partie de ces nombreux accords tacites passés entre nous et utilisés essentiellement pour préserver nos égos masculins. Je pris la lettre et examinai le pli sous tous les angles. L’écriture était fine et élégante, indubitablement féminine et portant les traces d’un caractère à la fois doux et autoritaire.
— Notre visiteuse a-t-elle laissé un message autre que cette lettre ? demandai-je cette fois en me retournant. Zeph avait repris sa contenance et me répondit de son habituel air pincé.
— Madame Madeline Demestres prie monsieur de bien vouloir lui accorder audience cette nuit. Je soupirai et haussai les épaules.
— Eh bien, réjouis-toi mon ami, car nous serons deux à monter la garde cette nuit. Ne recevant pas de réponse, je levai les yeux de la lettre. Tu pourrais au moins avoir l’air réjoui, repris-je en fixant le regard de marbre de mon fidèle valet.
— Que monsieur se rassure, je me réjouis de cette nouvelle, je cache simplement ma joie par respect pour ma fonction, répondit Zeph avec aplomb. J’ébauchai l’ombre d’un sourire.
— Évidemment... Zeph s’inclina et sortit de la pièce sans un mot de plus. Je reportai mon attention sur la lettre.
— Ainsi vous voulez discuter très chère, eh bien ce soir nous discuterons dans les règles de l’art et que cela vous plaise ou non, il est trop tard pour revenir en arrière à présent, murmurai-je avant de retourner vaquer à mes occupations.
Chapitre 4
Zeph et moi étions confortablement installés dans des fauteuils au coin de la cheminée et avions entamé notre veillée en décidant de lire un bon livre. Avec une implacable monotonie, la pendule égrenait les minutes puis les heures dans l’indifférence la plus totale. Mais quand minuit sonna, la donne changea.
Au onzième coup de minuit, je refermai mon livre et me levai pour accueillir mon hôte. Au douzième coup de minuit, une vaporeuse silhouette fit son apparition dans mon salon avant de prendre forme humaine sous les traits de celle qui fut Madeline Demestres. Ma foi, je dois avouer qu’elle avait dû être une femme magnifique si mes yeux ne me jouaient pas quelques tours.
— Vous êtes d’une ponctualité remarquable, madame, entamai-je en guise de bienvenue. Mon valet m’a fait part de votre requête, nous allons donc discuter selon les lois en vigueur applicables entre ce monde et l’Outremonde. Veuillez, je vous prie, prendre place sur le siège se trouvant à côté de vous. Mon invitée inclina sa jolie tête pour me remercier et me montrer son accord avant de s’asseoir.
— Vous avez exprimé le souhait de me parler, je vous écoute. Un son mélodieux raisonna dans la pièce. Diable ! En plus d’avoir un physique des plus gracieux, cette madone avait une voix d’ensorceleuse.
— Je tiens d’abord à vous remercier pour cette entrevue, maître Drockhead, commença-t-elle. Je ne vais pas tergiverser sur le but de celle-ci et je vais donc vous dire sans détour ce qui m’amène. Comme vous l’avez sans doute déjà compris, mon sommeil a été récemment dérangé car mon écritoire a une fois de plus refait surface. J’ai donc essayé d’entrer en contact avec celui qui l’a à nouveau sorti du grenier. Mais son esprit cartésien a du mal à envisager la possibilité même de phénomènes paranormaux.
— Les jeunes gens sont facilement impressionnables de nos jours. J’ai le sentiment que vous lui avez surtout fait une belle frayeur d’après ce que j’ai vu. Mais pardonnez-moi cette intrusion. Je vous en prie, poursuivez.
— De mon vivant, un lourd secret a pesé sur ma conscience et je dois réparer une vieille injustice si je veux espérer trouver un jour ma rédemption. Je hochai la tête d’un air grave.
— C’est presque toujours un cas d’injustice. Je suppose que la vôtre concerne ce Dimitri à qui vous adressez cette lettre toutes les nuits depuis que votre écritoire a réapparu ?
— Oui... Madeline sembla se recroqueviller sur sa chaise à l’évocation du prénom de Dimitri. Son remords transpirait par tous les pores de sa vaporeuse enveloppe, il en était presque palpable et elle semblait être perdue dans ses pensées. Au bout de quelques longues secondes de silence, je la fis revenir à la conversation par un bref toussotement.
— Oh... pardonnez-moi, fit la belle aïeule dans un léger sursaut, où en étions-nous ?
— Vous alliez me raconter votre histoire par le menu afin que je puisse décider de la meilleure façon de vous aider.
— Oui, reprit-elle, vous l’avez deviné, tout est lié à Dimitri, mais laissez-moi vous raconter... Je suis l’aînée des enfants Demestres et à cette époque, les femmes de mon rang choisissaient rarement leur futur époux, et encore plus rares étaient celles qui se mariaient par amour. Je suis tombée amoureuse, et mon amant, bien qu’issu de la petite bourgeoisie, n’avait ni le statut social ni la richesse qui auraient pu faire de lui un époux aux yeux de mes parents. Lui et moi avions donc décidé de nous enfuir. Nous avions tout organisé pour rejoindre les États-Unis où nous programmions de faire notre vie comme nous l’entendions. Cependant, la veille de notre départ, nous avons été trahis par celle que je considérais alors comme ma meilleure amie. Elle avait prévenu mes parents ainsi que l’homme désigné comme devant être mon futur époux. Mon amant et moi fûmes arrêtés avant même d’avoir pu franchir les portes du château. L’homme que mon cœur avait choisi fut sauvagement assassiné cette nuit-là par celui qui devait plus tard devenir mon époux. Mes parents me livrèrent en pâture à ce monstre le lendemain du drame, et tous s’accordèrent à rendre ma vie misérable afin de laver l’affront que j’avais osé envisager de leur faire en voulant m’enfuir. Il n’était plus question pour moi de fuite ou de quoi que ce soit d’autre. Mais mon amant perdu m’avait laissé un peu de lui. Je cachais ma grossesse et acceptais de jouer le rôle que l’on attendait de moi pour protéger la vie qui grandissait en moi. J’ai accepté le toucher de l’homme que je détestais plus que tout afin qu’il puisse croire que l’enfant que je portais était de lui. Puis vint le jour de mon accouchement. Dieu merci, l’enfant me ressemblait et personne ne réalisa alors la vérité. Mais lorsque mon petit garçon atteignit l’âge de 7 ans, la ressemblance avec son véritable père devint flagrante. Plus je surprenais sur mon enfant les regards soupçonneux de celui qui se disait mon époux, plus ma peur grandissait, et ce jusqu’au jour fatidique où le majordome vint m’annoncer que mon fils s’était noyé dans le lac voisin et que personne n’avait pu le sauver. Tout se passa alors très vite et fut mené d’une main de maître par l’homme que l’on m’avait forcée à épouser. Je ne fus pas autorisée à voir le cadavre de mon petit, ni à lui faire mes adieux. Il fut enterré séance tenante. Mon horrible époux prétextant un trop grand chagrin de ma part ne me laissa même pas assister à l’enterrement. Une dizaine d’années plus tard, l’assassin qui était mon époux confessa ses crimes lors d’une nuit de beuverie. Il raconta qu’il avait vendu mon petit garçon, qu’il l’avait envoyé aux mines de charbons car il avait compris que ce n’était pas son enfant mais celui de l’homme qu’il avait assassiné des années auparavant. Ce soir-là, je commis à mon tour l’irréparable. Ma rage fut telle que j’administrai un poison que je gardais sur moi en permanence pour le jour où je déciderai de mettre fin à ma misérable vie. Ce poison était sans odeur, sans goût et totalement indétectable. Je mélangeai le contenu de la fiole dans le verre de l’homme aviné qui me faisait face et le lui tendis sans trembler. Il avala son verre d’un seul trait et mourut dans d’atroces convulsions quelques minutes plus tard. Quant à moi, je n’ai pas assisté à sa fin, je me suis retirée dans mes appartements. Le lendemain matin, on vint m’annoncer le décès tragique de mon époux.
— Ce qui est la raison de votre présence ici aujourd’hui... Vous avez conscience que si vous n’aviez pas commis ce crime vous auriez déjà trouvé votre rédemption ?
— Oui... Je le sais... mais cet homme devait payer tout le mal qu’il avait fait, et aujourd’hui encore, je ne regrette pas mon geste.
— Ce n’était pourtant pas à vous de décider du sort de cet infâme personnage.
— Oui... Je le sais aussi, et j’ai accepté mon châtiment pour cela.
— Hummm... que s’est-il passé ensuite ?
— J’ai repris mon nom de jeune fille. Mes parents étant morts, je me suis retrouvée à la tête de la famille de mon défunt mari ainsi que de la mienne – mes parents n’ayant eu que des filles dont j’étais l’aînée. J’ai repris les affaires des deux familles sous mon aile et je les ai faites fructifier à ma manière, tout en m’occupant de l’avenir de mes jeunes sœurs. Je ne me suis jamais remariée, j’ai consacré le reste de ma vie à rechercher mon enfant perdu.
— L’avez-vous retrouvé ?
— Oui, quelques années plus tard. Il était devenu un talentueux jeune homme de la classe marchande, réputé pour avoir un sens aiguisé des affaires et pour avoir amassé en peu de temps une confortable fortune. Dès que je le vis, je fus certaine qu’il s’agissait de mon enfant et j’ai aussitôt employé un détective pour mieux le connaître. Ce dernier, après une enquête approfondie, me fit savoir que mon fils était marié et avait fondé une famille. Je pris donc mes dispositions pour les rencontrer...
— Mais tout ne s’est pas passé comme vous l’espériez n’est-ce pas ? Les délicates épaules de mon hôte s’affaissèrent.
— Non, reprit-elle dans un murmure. Je suis morte d’une pneumonie fulgurante peu de temps après. Je laissai une lettre à l’unique attention de mon fils et je demandai au détective de la lui remettre. Il ne put s’acquitter de cette tâche car mon fils trouva la mort en mer peu de temps après moi.
— C’est une bien tragique histoire, chère madame. Vous m’en voyez désolé, répondis-je avec sympathie. Un doux sourire effleura les charmantes lèvres de Madeline Demestres.
— Je vous remercie de votre sollicitude monsieur. Je hochai la tête.
— La lettre adressée à votre fils est-elle la même que celle que vous souhaitez faire passer aujourd’hui ?
— Non... et c’est aussi la raison pour laquelle j’ai besoin de votre aide.
Chapitre 5
Croyez-le ou non, les requêtes de revenants concernent très souvent des parents disparus, sans jeux de mots douteux, bien entendu. Cela explique néanmoins le réseau de professionnels aux compétences larges, diverses et variées que j’ai tissé au fil du temps. Réseau qui allait bien évidemment m’être très utile aujourd’hui encore.
Ma mission consistait à retrouver un certain Dimitri Valeski et à prouver qu’il était bien le descendant de feu Madeline Demestres. Cette chère dame m’avait d’ailleurs considérablement facilité la tâche en m’indiquant l’adresse du sieur Valeski. Il était temps pour moi de m’occuper de ma partie, à savoir : obtenir l’autorisation de Dimitri Valeski pour un prélèvement ADN. Si le résultat confirmait les allégations de mon fantôme, il m’incombait alors d’annoncer la nouvelle à la famille Demestres. Quelque chose me disait que c’était cette dernière partie précisément qui allait s’avérer beaucoup plus sportive que tout le reste.
Je jetai un dernier coup d’œil à ma montre. 18 h pile. Je sonnai à la porte de l’appartement de Dimitri Valeski. Un grand jeune homme, très bien fait de sa personne, ouvrit après quelques instants et eut un léger moment de flottement en me voyant. Je lui accordai volontiers un court instant de surprise. Il ne s’attendait certainement pas à voir sur le pas de sa porte ce soir-là, un visiteur vêtu d’un costume rutilant à queue-de-pie et coiffé d’un haut de forme qui, soit dit en passant, était du meilleur effet...
— Monsieur Valeski, je présume ? Bonsoir !
— Euh oui, bonsoir... et vous êtes ?
— Je me nomme Lazare Donatien et je suis antiquaire-brocanteur de mon état. Mon hôte avait l’air de plus en plus perdu alors je crus bon d’ajouter quelques suppléments d’informations.
— J’ai été envoyé vers vous pour une requête quelque peu unique, mais peut-être serions-nous plus à l’aise à l’intérieur pour discuter, qu’en dites-vous ? Dimitri Valeski hésita un court instant puis se décida à me laisser entrer. Je pénétrai dans un appartement moderne à la décoration très masculine. Je savais déjà que mon hôte était célibataire. Je n’approche jamais un client sans avoir mené au préalable ma petite enquête, mais je notai à présent qu’il avait également bon goût.
Une décoration intérieure reflète très souvent la personnalité de l’occupant. Celle-ci était sobre, simple, pratique et me laissait présager que la conversation à venir allait sans doute se dérouler sur un ton pragmatique et affable. Il restait à savoir comment le jeune homme allait réagir aux révélations que j’allais lui faire. Il était rare que les gens réagissent vraiment bien à la mention du mot « revenant ». Mon hôte me désigna un fauteuil du salon et prit lui-même place dans le canapé en face de moi.
— Je vous écoute, entama le jeune homme sans autre forme de procès. Un homme qui allait droit au but, c’était fait pour me plaire.
— Ce que j’ai à vous dire va être un peu difficile à croire mais cela reste néanmoins tout à fait exact. Je vous demande donc de garder l’esprit ouvert.
— Je vous écoute, répéta-t-il avec un peu plus de conviction cette fois.
— Bien, répliquai-je avec un léger sourire. Je suis venu vous trouver aujourd’hui car c’est votre possible aïeule qui m’envoie. Monsieur Valeski croisa les bras mais ne m’interrompit pas. Ses yeux cependant me révélaient – bien qu’il ne croyait pas un traître mot de ce que je disais – qu’il était assez curieux pour connaître la suite.
— Je crois savoir que vos parents sont morts tous les deux lorsque vous étiez plus jeune et que vous n’avez jamais cherché à savoir si vous aviez d’autres parents ?
— Vous avez fait vos devoirs, remarqua-t-il avec une étincelle railleuse dans les yeux. Vous savez ce qu’on dit : on choisit ses amis mais rarement sa famille. Imaginez : si j’ai effectivement de la famille quelque part et que celle-ci ne veut rien savoir de moi, qu’aurai-je à gagner à vouloir les contacter ?
— Je comprends votre point de vue et ce qui suit ne va sans doute pas vous plaire, mais je vais tout de même vous l’exposer.
— Faites, je n’ai rien de prévu ce soir. Quand bien même votre visite devait s’avérer improductive, elle restera néanmoins divertissante. Un fin sourire vint à mes lèvres. Ce jeune homme avait un caractère bien trempé, voyons comment il allait réagir à la suite.
— Je souhaite vous demander de me confier un peu de votre ADN et si les tests sont concluants, il se pourrait que vous puissiez prétendre à une très jolie fortune. Mon hôte leva un sourcil amusé.
— Vous trouvez que j’ai l’air d’un crève-la-faim ? Si c’est le cas, j’ai le regret de vous dire que je gagne très bien ma vie et que l’idée d’une fortune potentielle ne m’intéresse pas.
— En ce cas, connaître vos véritables origines ne vous intéresse pas non plus ?
— Sur ce point je suis prêt à en entendre un peu plus.
— Bien. L’histoire que je vais vous raconter m’a été transmise hier par votre possible aïeule et je vous la livre aujourd’hui telle quelle. À vous ensuite de décider ce que vous voudrez en faire. Puis, sans attendre son approbation, je lui racontai ce que Madeline Demestres m’avait confié la veille au soir, prenant soin de n’omettre aucun détail sur ce que j’étais et sur le rôle que l’on attendait de moi dans cette histoire. Un léger silence suivit la fin de mon récit puis Dimitri se cala un peu plus profondément dans son fauteuil avant de fixer sur moi son regard limpide.
— Vous êtes en train de me dire que le fantôme d’une aïeule que je ne connais pas est venu vous trouver pour vous sortir cette histoire mirobolante et que vous espérez que je vous croie sur parole, c’est bien ça ? Je haussai les épaules.
— Je vous l’ai dit, je suis un Drockhead, ce genre de choses fait partie de ma fonction... Mais je suis aussi une personne très occupée. Je peux vous prouver l’entière exactitude de mes dires pas plus tard que tout de suite s’il faut en passer par là pour que vous me croyiez. Mais laissez-moi vous prévenir : l’expérience risque d’être légèrement traumatisante pour vous. C’est à vous de voir. Je notai un éclair de défi dans les yeux de mon interlocuteur.
— Je serai curieux de voir comment vous allez prouver ce que vous venez d’affirmer.
— Entendu, répliquai-je avec un hochement de tête bref. Zeph ?! Appelai-je sans quitter mon hôte des yeux. Une volute translucide apparut d’abord, puis Zeph se matérialisa à mes côtés, au milieu du salon.
— Que puis-je pour vous, monsieur ? demanda aussitôt mon fidèle valet, sans même se préoccuper de l’endroit où il se trouvait. La réaction de Dimitri Valeski m’amusa au plus haut point. Il se leva d’un bond et sauta par dessus le canapé pour prendre un des sabres japonais qui ornait le mur derrière lui.
— Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda-t-il, visiblement sous le coup de l’émotion mais essayant néanmoins de garder le contrôle.
— Vous m’avez demandé de prouver mes dires, rappelez-vous, répondis-je avec désinvolture.
— C’est un fantôme lui aussi ? Je laissai échapper un rire léger en entendant le « Oh » offusqué de Zeph.
— Non, je vous présente Zeph, mon fidèle valet et aussi esprit vagabond de son état. Le regard de Valeski se fit confus.
— Un esprit va... vous vous foutez de moi ?
— Allons jeune homme, restons polis voulez-vous ? Je me retournai vers mon acolyte. Merci Zeph, tu peux te retirer. Aussitôt dit, aussitôt fait, Zeph disparut dans une volute translucide et Dimitri posa les mains sur le dossier de son canapé, sa main droite serrant toujours son sabre.
– Incroyable, murmura-t-il, fixant toujours l’endroit où Zeph était apparu puis reparti.
– Pour les gens pragmatiques tels que vous, il est souvent préférable de vous confronter à la réalité de mon monde rapidement, c’est plus facile. Je suis désolé de ce procédé qui reste tout de même un peu brutal, au final. Comment vous sentez-vous ? Dimitri se passa une main nerveuse dans les cheveux et se rassit.
– Bien je crois. Il m’observa un instant en silence. Je pensais avoir affaire à un original en vous voyant débarquer sur le pas de ma porte dans cet accoutrement, mais j’étais encore loin de la vérité. Satisfait, je me calai plus profondément dans mon fauteuil.
– Vous réagissez plutôt bien pour une personne confrontée pour la première fois au monde surnaturel. Le jeune homme émit un petit rire.
– Ah ! Il faut reconnaître que vous avez des arguments convaincants.
– Merci, j’aime aller droit au but.
– Vous ne vous inquiétez pas des suites que cela pourrait avoir ?
– C’est-à-dire ?
– Je pourrai révéler ce que vous êtes.
– C’est un risque à courir, mais en réalité je ne risque pas grand chose. Je remercie la crédulité humaine pour cela.
– Je vous ai cru pourtant.
– Je voulais que vous me croyiez, j’ai donc soigné et pesé chacun de mes mots et chacune de mes actions en conséquence. Je vous rappelle que vous et moi avons un travail à terminer. Cela mis à part, je suis quelqu’un de suffisamment discret pour ne pas attirer plus de curiosité que nécessaire.
— En tout cas, c’est un talent remarquable que vous possédez là.
— Je vous remercie.
— Vous prenez des disciples ? Cette fois, ce fut à mon tour d’être surpris.
— Voilà une question bien étrange de la part d’un jeune homme au naturel aussi terre à terre que le vôtre. Dimitri haussa les épaules.
— Mon côté terre à terre me sert surtout de bouclier. Sans lui, je ne supporterais pas la solitude qui est la mienne. Ce soudain accès de sincérité m’étonna encore plus.
— Vraiment ? Allez-vous me confier un peu de votre ADN dans ce cas ?
— Oui, j’avoue que je suis curieux moi aussi de connaître le fin de mot de cette histoire.
— À la bonne heure !
Chapitre 6
Anne Marino était une jeune femme d’une intelligence extraordinaire et était aussi douée que discrète. Cela faisait plusieurs années que nous travaillions ensemble et à chaque fois que j’avais besoin d’un service d’ordre scientifique, elle était mon interlocutrice privilégiée. Cette fois-là, – comme les autres – elle se montra à la hauteur et me livra les résultats ADN de Dimitri Valeski en un temps record.
Un bref coup d’œil me confirma la filiation entre le jeune homme que j’avais interrogé la veille au soir et Madeline Demestres. Dimitri était bien le descendant de cette dernière sans aucun doute possible. Je consultai rapidement ma montre. Il était trop tard aujourd’hui pour contacter la famille Demestres ou Dimitri, en revanche, l’heure était propice pour contacter Madeline.
Je rentrai chez moi et pris aussitôt contact avec le délicat fantôme qui ne tarda pas à se manifester. Je lui annonçai la bonne nouvelle et mis au point avec elle un stratagème visant à adoucir les réactions de la famille Demestres lorsqu’elle apprendrait qu’elle devait à présent accepter un nouveau membre en son sein. Lorsque cette famille apprendrait les circonstances de la filiation de Dimitri, les choses promettraient d’être intéressantes. C’est pourquoi je jugeai plus opportun de mettre en place un plan de secours, au cas où nous aurions à faire face à quelques membres récalcitrants à reconnaître la pleine et entière légitimité de Dimitri.
Madeline partie, j’appelai Zeph auprès de moi. Il se manifesta rapidement, étant donné qu’il n’était jamais très loin.
— As-tu suivi toute ma conversation avec notre charmante
