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Quête Spirituelle TOME I
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Quête Spirituelle TOME I
Livre électronique737 pages14 heures

Quête Spirituelle TOME I

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À propos de ce livre électronique

Voyager au sein des sociétés initiatiques à travers les civilisations et les époques est ce à quoi invitent les deux auteurs de cet ouvrage. Ceux-ci ont été à la rencontre d'un nombre certain d'initiés appartenant à des pays qui, s'il sont culturellement bien distincts, n'en ont pas moins bien des traits en commun quand les sociétés initiatiques des uns n'ont pas engendré directement celles des autres. Le premier volume est une approche historique. Il indique de quelle manière le monde ésotérique s'est développé. Le second volume parlera peut-être plus à ceux qui ont déjà quelque expérience en cet univers, étant essentiellement centré sur les enseignements proposés. L'ensemble forme donc une approche chrono-thématique. Les deux auteurs ont pris le parti de rester clairs dans leur expression et de ne pas favoriser telle ou telle hypothèse lorsque des querelles d'experts sont toujours d'actualité. Si le bonheur est le chemin, il est souhaité à tous ceux qui liront les lignes des deux tomes de ressentir un bien-être.
LangueFrançais
ÉditeurObrapropia
Date de sortie27 avr. 2017
ISBN9788416717583
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    Aperçu du livre

    Quête Spirituelle TOME I - Josselyne Chourry

    INTRODUCTION

    Parler de quête spirituelle, c’est mettre l’homme au centre d’une démarche qui vise à essayer de comprendre la place qu’il occupe dans l’univers. Nombreux ont été ceux qui ont essayé de résoudre le grand mystère. 

    Chacun à sa manière a tenté d’y répondre. 

    Cet ouvrage essaiera de rendre hommage aux esprits avancés que notre humanité a connus. 

    Nous avons souhaité chercher dans des univers qui prédisposent à la quête spirituelle mais qui ne sont pas si connus du grand public. La cause n’en tient pas tant à l’absence de curiosité de ce public qu’à la volonté de certaines sociétés de rester à tout le moins discrètes.  

    Nous tenterons néanmoins de soulever une partie du voile d’Isis. La quête spirituelle n’appartient à personne et si cet ouvrage donne des idées pour d’autres travaux visant à mieux cerner les sujets abordés, nous aurons atteint un des buts. Un autre sera évidemment de faire connaître encore mieux, si cela est possible, des sociétés captivantes mais bien différentes. Car, il n’y a pas de symétrie absolue dans la manière de vivre le rosicrucianisme, le martinisme et la franc-maçonnerie et selon que l’on se situe dans tel ou tel pays européen ou non-européen, les réalités sont différentes. 

    L’origine géographique de ces mouvements (le rosicrucianisme en Allemagne, le Martinisme en France et la franc-maçonnerie en Angleterre) leur donne une certaine coloration car tout mouvement est empreint des idéaux du pays qui l’a vu naître. 

    Notre quête va nous permettre d’aborder les points suivants : 

    Pour les sociétés citées, nous nous intéresserons dans un premier temps à leurs origines alléguées.  

    Après ces origines lointaines, nous regarderons le compagnonnage et les templiers. Puis, nous voguerons dans le temps à la recherche de ces penseurs qui ont construit patiemment des rituels et ont fédéré autour d’eux des communautés qui ont fini par se faire reconnaître par les pouvoirs en place. 

    Après cet aperçu historique, il sera temps de s’intéresser aux valeurs défendues par les différentes obédiences maçonniques, le martinisme et le rosicrucianisme.  

    Dans le cadre plus particulier de la franc-maçonnerie, il est connu que presque tous les francs-maçons et franc-maçonnes appartiennent à une Obédience. Celle-ci représente une société travaillant selon un ou plusieurs rites. Nous nous intéresserons donc à ces rites. Les rites sont composés d’un nombre de rituels. Nous en verrons quelques uns parmi les plus connus. Enfin, il nous faudra considérer à travers quelques exemples choisis le langage symbolique toujours utilisé. 

    A partir de là, nous pourrons retrouver le terreau commun aux sociétés initiatiques comme l’hermétisme, l’alchimie, l’astrologie, la théurgie… 

    Le mysticisme avec ses divers courants sera un autre centre d’intérêt. Il nous permettra d’aborder le gnosticisme et le catharisme. 

    Religion et sociétés initiatiques n’ont pas fait bon ménage et nous verrons dans le chapitre sur l’antimaçonnisme religieux des épisodes qui illustrent ce propos. 

    Enfin, la quête suppose quelques réflexions sur la mort (comme celles du Comte de Saint-Germain,, de Mozart ou de l’académicien François Cheng). N’est-elle pas la fin ultime de notre demande de savoir ? L’homme cherche à la vaincre depuis son apparition sur terre. Mais est-elle vraiment un ennemi et le mot vaincre est-il bien approprié ? 

    Avant d’aborder le corps du livre, quelques réflexions sur la quête spirituelle et ce qu’elle impose. 

    Léon Tolstoï mit quatre ans à écrire « Guerre et Paix » (de 1865 à 1869). Cette fresque contient la cérémonie d’initiation du comte Pierre Bezoukhov selon le rite martiniste. On y voit dépeints toutes les questions, tous les doutes qui assaillent l’esprit du comte qui ne sait pas bien où il a pu ‘mettre les pieds’ -(si l’on peut dire)-. Néanmoins, il sort apaisé de cette expérience, riche d’un enseignement nouveau et plus serein dans sa vie quotidienne. Il a pu méditer sur cette formule : ‘Dans nos temples, nous ne connaissons d’autres degrés que ceux qui séparent la vertu du vice’

    Le frère Johann Goethe disait ‘Meurs et deviens’. Tout le rituel initiatique se trouve résumé en ces quelques mots mais on peut aussi accepter la formule nietzchéenne qui complète : ‘deviens donc qui tu es sans jamais cesser d’être un apprenti’. Cette dernière phrase a un double sens. En tant qu’apprenti, l’être humain est un initié et il doit respecter les vertus dont il a promis de donner l’exemple mais aussi s’il n’est qu’un apprenti, il doit avoir conscience de toute la distance qu’il lui reste à parcourir s’il veut un jour pouvoir parler comme un maître.  

    De manière générale, même lorsque l’on est parvenu au bout de sa quête, il est bon de garder l’esprit de l’apprenti, désireux de savoir davantage et de se perfectionner. Il est également bon de garder quelque humilité car le savoir est une chose extraordinaire : comme l’a remarqué Socrate, plus on apprend plus on prend conscience du peu que l’on sait.

    ***

    Une question nouvelle consiste à réfléchir sur l’existence de la vérité. Lorsque nous évoquons la vérité, nous parlons généralement d’une chose absolue. L’initié apprend qu’il ne pourra au mieux connaître qu’une forme de vérité relative, celle qui cesse d’être vraie dès lors que l’on s’en contente, comme l’a écrit le philosophe Alain. La vérité absolue n’appartient qu’au principe premier de tout ce que nous pouvons découvrir. Ce principe premier porte plusieurs noms. Les frères et sœurs maçons ont coutume de l’appeler le Grand Architecte de l’Univers. 

    Le philosophe Locke, dans son Essai sur l’entendement, nous mettait en garde contre la quête de l’absolu : ‘Abandonnons les hypothèses métaphysiques : ne voyons-nous pas qu’elles n’ont jamais abouti ? Et ne sommes-nous pas fatigués de nos interrogations vaines ?

    Albert Lantoine a répondu : ‘Ce qui fait la valeur de l’homme, ce n’est point la vérité qu’il possède ou qu’il croit posséder ; c’est l’effort sincère qu’il a fait pour la conquérir ; car ce n’est point par la possession, mais par la recherche de la vérité que l’homme grandit ses forces et qu’il se perfectionne.’ (Lettre au Souverain pontife, 1937)

    De même, le mathématicien Condorcet qui a rédigé en prison ‘une esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain’, disait ‘les vrais amis de la vérité sont ceux qui la cherchent, non ceux qui se vantent de l’avoir trouvée’[1]. Pour autant, il faut chercher avec ardeur. L’ardeur suffira à un grand nombre de cherchants et, pour ceux qui vivent dans la foi chrétienne, la parole de Jean 8-32 leur servira de guide : ‘Vous connaitrez la vérité et la vérité vous affranchira’. Jésus explique à cette occasion que bon nombre des fils d’Abraham sont esclaves de leurs vices ou travers. Lorsqu’ils auront compris la vérité qui s’apparente ici à la juste place de l’homme dans l’univers, ils essaieront de se montrer dignes de la mission qui leur a été confiée et qu’ils n’ont pas encore assimilée. 

    ***

    La vérité a produit un effet induit a priori illogique, celui du secret. En effet, si des contemporains découvrent une forme de vérité, pourquoi devraient-ils la garder pour eux ? 

    Or, ce secret, sur lequel nous reviendrons, ne peut pas ne pas être. Il est nécessaire. Tous les hommes ne sont pas arrivés au même degré de développement spirituel. Il n’y a pas là matière à orgueil ou supériorité. Il y a seulement un état de fait sur lequel chacun à sa manière doit travailler. Le philosophe grec Synésius nous mettait déjà en garde : ‘La vérité doit être cachée. Il ne faut donner aux foules qu’un enseignement proportionné à leur intelligence’. C’est la même idée que nous retrouvons dans le Baghavad Gita, livre sacré des Hindous. 

    ***

    Pour s’approcher de la vérité, l’être humain doit posséder cette vertu rare que l’on nomme ‘sagesse’. Confucius nous a mis sur ses traces lorsqu’il disait ‘l’insensé se plaint de n’être pas connu des hommes, le sage de ne pas les connaître’ ou encore ‘le sage ne dit pas ce qu’il sait et le sot ne sait pas ce qu’il dit’. Qu’en peu de mots, il nous invite à une profonde réflexion sur nous-mêmes ! 

    De même, un autre maître à penser, Socrate, a illustré le thème de la sagesse lorsqu’il a dit par exhortation : ‘Connais ta condition humaine et ses limites, ne t’expose pas à la vengeance de la Némésis divine’. Cette dernière est le symbole non de la justice immanente comme on le croit souvent mais plutôt de la mesure. Son antonyme est Hybris, l’orgueil démesuré. Némésis combat tous les excès, qu’ils soient négatifs comme un trop plein de richesse matérielle, un abus de pouvoir… ou positifs comme un trop grand bonheur. Némésis s’oppose à tout ce qui peut nuire à l’équilibre du monde créé. C’est là une vision intéressante car elle présuppose qu’il y a un ordre voulu par le destin.  

    ***

    La sagesse doit mener à la paix, qui est le grand bien de la civilisation moderne. Cette paix peut être envisagée à plusieurs niveaux, paix des peuples entre eux, paix entre individus d’une même communauté, paix au plus profond de soi. Le sage possède la troisième forme de paix mais pour la première, on peut parler à la manière de Léon Shenandoah, prêtre et chef iroquois qui déclarait en 1985 : ‘Nous avons reçu l’ordre de nous aimer les uns les autres, et de montrer un immense respect pour chaque créature de notre terre. Lorsque le peuple cessera de respecter et d’exprimer sa gratitude pour toutes les choses, alors la vie humaine sera détruite sur la planète. C’est notre responsabilité. Chaque être humain a le devoir sacré de protéger le bien-être de notre Mère terre, d’où découle toute source de vie.’ 

    Si la sagesse permet à l’homme de s’approcher de la vérité, elle ne suffit pas. Elle doit être complétée par la compassion et/ou la charité. Cette dernière doit s’entendre au sens de Saint-Exupéry : ‘On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux’. Un autre penseur qui nous a éclairé sur cette charité fut Saul de Tarse, dit Saint-Paul, qui commenta ainsi dans sa première épître aux Corinthiens (13-1 et 2) : ‘Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je ne suis plus qu’airain qui sonne ou cymbale qui retentit. Quand j’aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères et toute la science, quand j’aurais la plénitude de la foi, une foi à transporter les montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien’. On pourrait dire que si la sagesse s’adresse à l’intellect et peut être froide, la charité trouve clairement son siège dans le cœur et tient chaud. 

    Charité et intellect doivent se combiner. Le bouddhisme tend à enseigner tout le bien-fondé de cette vision. Il enseigne  que l’intellect sans le sentiment, la connaissance sans l’amour, le savoir sans la compassion, conduisent à la pure négation, à l’engourdissement, à la mort spirituelle, au vide intégral, tandis que le sentiment sans la raison, l’amour sans le discernement, la compassion sans la connaissance, conduisent à la confusion et à la dissolution. Mais, là où les deux sont réunis, où la grande synthèse du cœur et du cerveau, du sentiment et de l’entendement, du plus haut amour et de la plus profonde connaissance est réalisée, s’établit la plénitude, et la totale illumination est atteinte. 

    Enfin, éternelle question : n’est-ce pas cette compassion ou charité qui compose le ‘glutinum mundi’, cette colle qui fait qu’au final, le monde reste un alors que les forces centrifuges de l’égoïsme et de la volonté de puissance sont si grandes ? Cette question hante les esprits depuis que l’homme est homme. S’il est vrai que l’homme, selon la formule de Hobbes, est un loup pour l’homme, d’où vient que la civilisation a malgré tout fini par s’imposer ?

    ***

    Pour étudier l’homme suivant ses aspirations, doutes et acquis, il y a un nombre de sociétés initiatiques. Nous nous intéresserons surtout à celles qui ont marqué et marquent encore notre environnement occidental. 

    Si nous prenons l’exemple de la Franc-maçonnerie, on peut dire, sans grand risque de se tromper, que tout (en vrai ou en faux) a été dit sur son compte. 

    Nous pouvons mettre en perspective les deux opinions suivantes :  

    *d’une part Lamartine qui exprimait une vision dithyrambique : ‘Vous n’êtes, selon moi, que les grands éclectiques du monde moderne ; vous prenez dans tous les temps, dans tous les pays, dans tous les systèmes, dans toutes les philosophies, les principes évidents, éternels et immuables de la morale et vous en faites le dogme infaillible et unanime de la fraternité. Vous écartez tout ce qui divise les esprits, vous professez tout ce qui unit les cœurs, vous êtes les fabricateurs de la concorde. Vous jetez avec les truelles le ciment de la vertu dans les fondements de la société’

    La question que l’on se pose à la lecture de ce texte est de savoir si Lamartine était lui-même franc-maçon. La réponse est non, mais il était louveteau, c’est-à-dire, fils de franc-maçon.

    *d’autre part, du côté très réservé, nous allons trouver sans doute le plus grand stratège que notre histoire de France ait connu, Napoléon Bonaparte en personne, qui dit des maçons : ‘C’est un tas d’imbéciles qui s’assemblent pour faire bonne chère et exécuter quelques folies ridicules. Néanmoins, ils font de temps à autre quelques bonnes actions. Ils ont aidé dans la Révolution et récemment encore à diminuer la puissance du Pape et l’influence du clergé’.  

    L’opinion de Napoléon sur la Révolution peut être comprise si l’on parle de francs-maçons à titre individuel et non de la franc-maçonnerie en général. Quant au pouvoir papal, Napoléon pouvait parler en maître, lui qui fit arrêter un Pape dans l’exercice de son pouvoir. Mais, nous reviendrons sur cela. 

    ***

    Lorsqu’une société spirituelle, quelle qu’elle soit, étudie les questions qui entourent la présence de l’homme dans l’univers, il va de soi qu’elle se retrouve sur un domaine fortement préempté par les religions, au sens d’institutions constituées et fermées. L’affrontement peut en résulter. 

    ***

    De la religion, le pas est franchi vers l’interrogation qui nait en nous sur l’existence d’un Dieu. Christian Jacq nous rappelle le proverbe maçonnique qui veut que ‘Dieu écrive droit avec des courbes[2]. Est-ce à dire qu’il ne nous sera jamais accessible ? Pour autant, la maçonnerie anglaise est tout entière bâtie sur sa quête. Le maçon anglais doit retrouver ce qui est perdu. De Dieu, on ne sait guère que ce qu’en décrivent les textes de 1813 : ‘De tous, le maçon doit le mieux comprendre que Dieu voit autrement que l’homme; car l’homme voit l’apparence extérieure, alors que Dieu voit le cœur’. 

    Nous aurons l’occasion de revenir sur le grand mystique que fut Emmanuel Swedenborg. Pour l’instant, il nous apparaît important de signaler sa pensée sage lorsqu’il dit ‘L’absolutisme est injurieux pour le monarque autant que pour le peuple. Dieu seul est notre seigneur et notre maître. Nous ne sommes pas les propriétaires de nos biens ou de notre vie. Nous n’en sommes que les administrateurs’

    L’homme a dû faire un long chemin pour se défaire, même imparfaitement, de sa gangue reptilienne. Celle-ci lui a certes été utile pour vivre et survivre en des temps où sa présence sur la terre pouvait lui être contestée par d’autres espèces. Mais, aujourd’hui, il lui faut trouver un supplément d’âme pour intégrer son statut d’être vivant supérieur ayant non seulement des droits sur cette terre mais aussi des devoirs. Nous devons à Diderot un travail immense sur ce qui devait devenir la première encyclopédie moderne. En préface de celle-ci, il écrivait : ‘Les noms des artisans, les véritables bienfaiteurs de l’humanité sont presque tous ignorés alors que ceux des destructeurs, ceux des conquérants, ne sont ignorés de personne. Cependant, c’est peut-être chez les artisans qu’il faut aller chercher les preuves les plus admirables de la sagacité de l’esprit, de sa patience et de ses ressources.’ 

    A l’opposé du monde reptilien se situe très probablement le monde des mystiques. Nous aurons l’occasion d’évoquer quelques grands penseurs et ce que nous leur devons. Pour l’instant, qu’il nous suffise de mettre en avant leur démarche. Ils n’appartiennent pas au monde courant et les comprendre réclame du commun des mortels un effort tout particulier. Victor Hugo peut nous servir de guide: ‘Tout homme a en lui son Patmos. Il est libre d’aller ou de ne point aller sur cet effrayant promontoire de la pensée d’où l’on aperçoit les ténèbres. S’il n’y va point, il reste dans la vie ordinaire, dans la conscience ordinaire, dans la vertu ordinaire, dans la foi ordinaire ou dans le doute ordinaire, et c’est bien. Pour le repos intérieur, c’est évidemment le mieux. S’il va sur cette cime, il est pris. Les profondes vagues du prodige lui sont apparues. Nul ne voit impunément cet océan là. Désormais, il sera le penseur dilaté, agrandi mais flottant. Il touchera par un point au poète et par l’autre au prophète. Une certaine quantité de lui appartient maintenant à l’ombre. L’illimité entre dans sa vie, dans sa conscience, dans sa vertu, dans sa philosophie. Il devient extraordinaire aux autres hommes. Il s’obstine à cet abime attirant, à ce sondage de l’inexploré, à ce désintéressement de la terre et de la vie, à cette entrée dans le défendu, à cet effort pour tâter l’impalpable, à ce regard sur l’invisible, et c’est ainsi qu’on s’en va dans les élargissements sans bornes de la méditation infinie.’ 

    Comment acquérir cette grandeur d’âme qui permet au mystique de s’unir à l’insondable, d’éprouver le sentiment divin au plus profond de son être ? Cette faculté n’est pas à la portée du commun des êtres humains. Saint Jean Chrysostome nous met sur la voie : ‘Il faut apaiser ses propres pensées, rendre son esprit vide et libre. Il est fondamental de laisser le cœur-esprit se décanter comme une eau calme. Alors, il devient comme un lac paisible où se reflète le ciel, où s’inscrit le visage du Christ, et par là même le visage véritable du prochain. De même qu’un homme ne peut voir son visage dans l’eau trouble, de même l’âme, si elle n’est vidée des pensées étrangères, ne peut refléter Dieu dans la contemplation.’ 

    La voie est donc tracée. Partons donc à la rencontre de ces étapes qui ont façonné notre histoire et ont fait de l’homme ce qu’il est aujourd’hui, dans ce que l’on peut le plus admirer en lui. 

    [1] Dans la même veine, Eric-Emmanuel Schmitt dans son essai ‘La nuit de feu’ (2015) a écrit : ‘Les amis de Dieu restent ceux qui Le cherchent, pas ceux qui parlent à Sa place en prétendant L’avoir trouvé.’ 

    [2] Le même dicton existe en castillan : ‘Dios escribe recto con renglones torcidos’

    CHAPITRE 1 : LES ORIGINES LOINTAINES

    Les peuples ont créé des mythologies qui les mettent en valeur.

    Les sociétés dites secrètes ont fait très souvent de même et les individus qui ont enjolivé leurs origines, croyant par-là pouvoir mieux briller socialement, n’ont pas été rares.

    Si nous prenons le cas de la Franc-Maçonnerie, il sera surprenant de constater, à la lecture des Constitutions dites d’Anderson (du nom de leur principal auteur, texte publié en sa première version en 1723), que la partie historique qu’elles contiennent est en partie basée sur des anachronismes ou faits indémontrables.

    On comprend que les fondateurs de la Maçonnerie aient voulu se rattacher aux grands personnages qui ont fait et font toujours la richesse du TaNaKH (=Ancien Testament). Ils n’auraient peut-être pas dû vouloir démontrer à tout prix que la société maçonnique leur était directement rattachée. 

    Ceci explique qu’au 19ième siècle, Charles Bernardin, historien et franc-maçon, affirmait – (au cours de ses recherches en vue de constituer le Précis historique du Grand Orient de France) - avoir compulsé 236 auteurs représentant 38 opinions différentes sur l’origine de l’Ordre maçonnique. Il serait fastidieux de vouloir toutes les citer. Nous en retiendrons trois : 

    * La première se rapporte à l’Ancien Testament.

    Elle concerne le docteur Vassal qui fut membre du Grand Orient de France entre 1815 et 1840. Selon lui, le 15ième  rituel du Rite Ecossais Ancien et Accepté (Chevalier d’Orient et de l’Epée) avait été conçu par le peuple juif lorsque ce dernier se trouvait en exil à Babylone (soit entre 586 et 520 avant J.C. !). 

    Cette vision est bien sûr difficile à soutenir mais, encore une fois, elle se trouve dans les Constitutions maçonniques. On y trouve par exemple le lien que l’on veut établir avec Noé. La deuxième version  des mêmes Constitutions publiée en 1738 rend expressément hommage à ce Patriarche puisqu’elle demande à tout franc-maçon de se comporter en bon Noachite.

    Par là, il faut se référer aux Sept Lois de Noé appelées lois noahides (ou noachiques). Il s’agit de sept impératifs moraux qui auraient été donnés à toute l’humanité, alors que les dix commandements concerneraient plus particulièrement le peuple hébreu. De plus, Noé a été d’une certaine façon un maçon opératif. Quand il reçut de l’Eternel l’ordre de bâtir une Arche, il dut faire preuve des qualités de bâtisseur, celles que l’on attend d’un constructeur de temple. Lorsque l’on sait que TeVaH en hébreu veut dire ‘arche’ et aussi ‘mot’, on mesure tout ‘l’espace intérieur’ que recèle ce vocable. Ainsi, lorsqu’achevé, le Temple en question mesura un peu plus de 130 mètres de long pour plus de 20 m de large, on comprit l’ampleur de la tâche accomplie, à la fois sur le plan pratique et sur le plan symbolique. 

    De son côté, l’écrivain George Oliver a publié à Londres en 1823 le livre ‘Antiquities of Freemasonry’. Ce qui préoccupait l’auteur était clairement de pouvoir associer la maçonnerie à l’œuvre créatrice du monde. Pour lui, il ne faisait pas de doute que Moïse était un grand Maître de loges constituées et que des personnages comme Josué, Aholiab ou Bezaleel (architecte en chef du tabernacle) étaient membres honorés de ces loges.

    Un autre maçon qu’il ne pouvait pas ignorer était Enoch. Rappelé par Dieu qui ne le soumit pas à l’épreuve de la mort, Enoch fut renommé Metraton. Dans le livre d’Enoch, celui-ci apparaît comme l’élu chargé par l’ange Uriel de construire un cercle mégalithique afin de vérifier les mouvements du soleil à son lever et à son coucher tout au long de l’année. Cette même interprétation astrologique est encore utilisée pour expliquer des ensembles mégalithiques comme ceux de Stonehenge dans le sud anglais.  

    ** La deuxième vision originale nous vient de William Preston, de John Cleland, de Thomas Payne et de Robert Longfield. Les trois premiers ont vécu au 18ième  siècle et le quatrième au 19ième  siècle. –(Nous retrouverons le maçonnologue W. Preston ultérieurement)-. J. Cleland est un écrivain connu pour les Mémoires de Fanny Hill. Avec T. Payne, ils sont tous les trois réputés dans les milieux maçonniques pour avoir voulu promouvoir la même idée que celle défendue par l’archéologue britannique William Stukeley (membre de la Société Royale, sorte d’académie britannique des sciences), selon laquelle la Franc-Maçonnerie a tiré ses rituels des anciens druides qui eux-mêmes les tenaient des anciens Egyptiens.

    Dans un de ses articles, T. Payne expliquait que les anciens druides, tout comme les Mages de la Perse ou les prêtres d’Héliopolis en Egypte, étaient tous prêtres du soleil. Il disait : ‘La religion chrétienne et la maçonnerie ont une origine commune : elles proviennent toutes les deux du culte du soleil. La différence entre les deux est que la religion chrétienne n’est qu’une parodie de ce culte.  On ne sait plus dire à quelle époque ou dans quelle nation cette religion fut créée. On s’accorde pour lui donner une origine égyptienne… 

    La religion des druides était identique à celle des anciens Egyptiens. Les prêtres d’Egypte étaient professeurs de sciences. Ils étaient les prêtres d’Héliopolis, c’est-à-dire de la ville du soleil’. (TdA). 

    C’est presqu’au mot près la même thèse que soutint Robert Longfield devant ses frères de la loge Victoria à l’orient de Dublin et qu’il écrivit dans son ouvrage ‘The origin of Freemasonry’. (1857).

    Il suffit de lire l’hymne à Aton (à mettre en parallèle avec le Psaume 114 de David) rédigé par le pharaon Akhenaton pour mieux comprendre cette fascination des origines égyptiennes :  

    ‘Tu te lèves beau dans l’horizon du ciel, 

    Soleil vivant, qui vis depuis l’origine. 

    Tu resplendis dans l’horizon de l’Est,… ’ 

    Fascination et héritage évoqués également par les Rosicruciens. On sait d’ailleurs aujourd’hui les relations établies entre les sages de la Grèce antique et ceux de l’Egypte avec la pratique des Mystères. 

    *** La troisième vision se trouve argumentée par le maçonnologue anglais Walter L. Wilmshurst (1867-1939). Selon lui, la maçonnerie ne serait pas sans rapport avec les premiers chrétiens, ceux d’avant le concile de Nicée (en l’an 325).

    Ces derniers vivaient en sectes et pratiquaient des cérémonies qui n’étaient pas sans rappeler les Mystères ou les réceptions maçonniques des trois premiers degrés. Ainsi, avaient-ils, également sur trois degrés, des initiés qui portaient respectivement les noms de catéchumènes, de Liturgoi et de Prêtres.

    Les premiers devaient travailler la purification du cœur, les seconds devaient aiguiser leur intelligence. Quant aux Prêtres, on attendait d’eux leur mort à toute corruption ou péché et une régénérescence dans la droiture.

    Joseph de Maistre (1753-1821) partageait la même vision. Dans une correspondance de mai 1797, il écrivait ‘Le christianisme dans le premiers temps était une initiation où l’on dévoilait une véritable magie divine.’

    On retrouve cette idée dans la Catholic Encyclopedia : La discipline du secret ‘était un terme théologique utilisé pour exprimer la coutume des premiers temps de l’Eglise selon laquelle la connaissance des Mystères les plus profonds de la religion chrétienne était soigneusement gardée loin des païens et même de ceux qui recevaient l’instruction de la foi (=les catéchumènes).’ (TdA)

    ***

    Cherchant à comprendre les théories fantastiques relatives aux origines lointaines des sociétés initiatiques, on a essayé de trouver une explication logique qui puisse d’une certaine manière exonérer les penseurs trop imaginatifs. Ainsi, Edouard Plantagenet (1892-1943) écrivait : ‘... dès qu’il atteint un certain degré de développement mental, l’homme cherche à s’évader du cadre étroit des enseignements reçus, en les appliquant par analogie à des faits autres que ceux s’y rapportant notoirement et en les complétant même par des hypothèses plus ou moins rationnelles, logiques ou concevables, mais significatives quant au mécanisme dynamique de la pensée’. 

    Il ne faut malheureusement pas s’illusionner sur la valeur apologétique de certains textes même bien intentionnés. Ainsi, le frère Lionel Vibert qui fut membre de la Loge de Recherche anglaise ‘Quatuor coronati’ disait lucidement ‘qu’on réalise avec difficulté qu’un tel tissu d’anachronismes ait pu inspirer le respect de qui que ce fut’

    De fait, les anti-maçons s’en sont livrés à cœur joie, dénonçant tour à tour l’ignorance des uns, la vanité des autres et l’inconsistance de l’ensemble. 

    Ils n’étaient pas seuls. Ainsi, nous pouvons mettre en avant un littérateur américain, franc-maçon, du nom d’Ambrose Bierce, un frère à l’esprit volontiers caustique et maniant fort bien le verbe.

    Quand nous aurons donné deux des définitions qu’il a créées, nous l’aurons situé. Il disait ainsi que la guerre avait été inventée par Dieu pour enseigner la géographie aux Américains et que le canon était un instrument utilisé dans la rectification des frontières ! 

    Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’il ait écrit ce qui suit sur les origines alléguées de la Franc-Maçonnerie : ‘La franc-maçonnerie est un ordre caractérisé par des rites secrets, des cérémonies grotesques et des costumes extravagants. Fondé sous le règne de Charles II par des artisans de Londres, il a rallié successivement à lui, en une rétrogression constante, les morts des siècles passés, tant et si bien qu’il englobe aujourd’hui toutes les générations d’hommes en deçà de notre père Adam, et qu’il essaie de recruter, à grand fracas de grosse caisse, des adeptes distingués parmi les habitants du Chaos et du vide informe antérieurs à sa création. L’ordre a été fondé à diverses époques par Charlemagne, Jules César, Cyrus, Salomon, Zoroastre, Confucius et Bouddha. Ses emblèmes et symboles ont été découverts dans les catacombes de Paris et de Rome, sur les pierres du Parthénon et de la muraille de Chine, parmi les alignements de Carnac, dans les temples de Palmyre, et dans les pyramides d’Egypte… et toujours par un franc-maçon !’

    Une vision plus nuancée se trouve chez Noël Gist dans son livre ‘Secret Societies’ (1940) : ‘…Certains affirment de manière extravagante une origine antique. D’autres sont plus modestes dans leurs prétentions d’un début précoce. Mais quels qu’aient été les détails des légendes des origines ou des prétentions dans une société, il semble raisonnable de penser que ces traits donnent prestige et stabilité à l’Ordre en général et un statut personnel aux membres qui s’identifient à cette société.’

    ***

    Pour autant, les origines mythiques de la Franc-Maçonnerie ne sont pas dissociables des premières grandes réalisations architecturales.  Ayant dit cela, nos esprits se portent aussitôt sur les pyramides égyptiennes. Ceci est normal même si ces édifices ont eu un antécesseur en la figure des ziggurats mésopotamiennes.

    Celles-ci se concevaient comme des pyramides à degrés, donc non lisses. Celle de Babylone a eu sept[1] degrés selon la légende. En son sommet se trouvait le temple offert à la divinité. On a écrit que la ziggurat se nommait E-temen-Anki ce qui signifie la ‘fusion du ciel et de la terre’. Cette image est très riche et a été utilisée en franc-maçonnerie à de nombreuses reprises.

    Il ne nous reste plus beaucoup de traces de ces ziggurats. Celle d’Ur, la ville sumérienne d’Abraham, était parmi les plus fameuses. Elle aussi avait sept degrés qui symbolisaient selon les Anciens les plans de l’existence ou les planètes du système solaire.  Elle fut construite plus de 2000 ans avant J.C. et se situait à environ 250 kilomètres au sud de Babylone. 

    Parlant de Sumer, deux cylindres longs de près de trente centimètres constituent un des plus anciens textes que nous ayons en notre possession. Ce texte porte sur la construction de temples dans la ville de Girsou. Selon le texte, le gouverneur de l’Etat de Lagash reçut en rêve des instructions en provenance de la divinité qui lui donnait non seulement l’ordre de bâtir un temple mais aussi les mesures à appliquer dans cette construction. Nous retrouvons exactement la même procédure dans la THoRaH, que ce soit pour la création du tabernacle ou pour l’érection du Temple de Salomon.  

    Ce type de légende est ancré dans notre schéma de pensée puisque le texte concernant le temple de Girsou remonte à 2150 ans avant J.C. ! 

    Avec la pyramide égyptienne, la conception des choses a changé car cette pyramide n’est plus un temple à proprement parler. Elle ne suppose pas que le peuple puisse venir communier avec les Dieux. C’est cette conception qui va se retrouver chez les Hébreux dont le temple contient trois parties fort bien délimitées. Le Saint des Saints, ou DeBBiR, est inaccessible au peuple.  

    Les constructions sacrées pouvaient être vides ou contenir un objet vénéré. 

    A ce sujet, il est à noter qu’un peuple comme le peuple grec pouvait adorer un Dieu figuré par une simple pierre. Ainsi, Diane/Artemis était priée à Ephèse sous la forme d’un Omphalos sacré. Il s’agissait d’une pierre de forme conique ou pyramidale qui était, pensait-on, tombée du ciel -(sans doute un météorite)-. De même, en Grèce, à Delphes, la légende disait que le temple était érigé là où deux aigles envoyés par Zeus s’étaient posés sur l’Omphalos local.  

    Pour revenir en Egypte, mais cette fois à Heliopolis, une pierre tombée du ciel et ayant une forme pyramidale était adorée sous le nom de Benben.

    Toutes ces pierres furent associées aux cultes de la fertilité. Etrangement, en hébreu le mot « pierre » se dit ‘eVeN’, (lettre B qui se prononce V en milieu de mot) et est relié aux Tables de la Loi (en pierre). Coupé en deux, le mot ‘eVeN’ forme ‘aV’ (père) et ‘BeN’ (fils) évoquant un lien générationnel de transmission, tout comme la pierre Benben évoque le lien entre le Ciel et la Terre. 

    Pour ce qui est des pyramides, il est admis que les premières furent bâties par-dessus des tombes existantes. Au début, celles-ci n’étaient que de simples constructions d’un étage appelées ‘mastabas’ et on les utilisait pour honorer les morts. Ce n’est que progressivement selon le modèle sumérien que les pyramides prirent, pour ainsi dire, de la hauteur. 

    A travers cette aspiration vers le ciel, il faut noter le symbolisme solaire. Il s’agit non seulement de rendre hommage au dieu Ra mais aussi de reproduire de manière graphique le miracle de la lumière. En effet, qu’est-ce qu’une pyramide si ce n’est la projection de la lumière d’un point élevé et sa descente sur la terre en faisceaux  triangulaires ? On retrouve cette sorte de ‘pyramide de lumière’ sur des gravures et peintures du Moyen-âge. On y voit la lumière descendre depuis le ciel à travers les nuages et on l’identifie volontiers à l’action bienfaitrice de quelque puissance divine. 

    Pour en finir avec l’approche symbolique de la pyramide, on note que les deux figures du triangle et du carré y sont associées. Le carré est la base de la pyramide alors que le triangle représente l’aspiration ascensionnelle. Terre et ciel se combinent donc harmonieusement. 

    A travers l’étude des pyramides, il nous faut rendre hommage au grand architecte auteur des pyramides à degrés de Saqqarah qui furent les premières érigées sur les bords du Nil. Son nom est Imhotep et les rites maçonniques dits ‘égyptiens’ pratiqués en France lui rendent hommage dès le troisième grade, celui de maître puisqu’il y est mentionné avec l’architecte du temple de Salomon, Hiram Abif.

    Imhotep fut le premier architecte de renom. Il vécut au 3ième  millénaire avant J.C. Du temps du roi Djoser, il fut grand Prêtre. Il fut aussi, dit-on, l’auteur d’ouvrages sur la médecine et les Grecs/Romains l’ont identifié à leur Dieu de cette science, Asclépios/Esculape qui fut le disciple d’Hermès Trismégiste (= trois fois grand). 

    Le nom même d’Imhotep suscite réflexion car il signifie en égyptien : ‘celui qui marche dans la paix’. Sa vie et sa sagesse en firent le prototype de l’architecte égyptien et les scribes ne cessèrent pas de lui rendre hommage. Selon la légende, Salomon lui aurait emprunté quelques-unes de ses maximes.

    ***

    En plus des architectes, les Egyptiens respectaient la caste des prêtres qui avait développé toutes sortes de sciences et de pratiques magiques. Dans le domaine des constructions hiératiques comme les temples, tout y était symbole et donc rien n’était laissé au hasard. On déterminait le lieu exact, l’orientation du bâtiment (pas toujours Est-Ouest), sa forme, sa taille, ses divinités, son mode de fonctionnement… Une cérémonie très importante était celle de la fondation du temple mais là où nous posons la première pierre, les Egyptiens avaient une autre cérémonie basée sur une corde que l’on plaçait au sol et qui délimitait le futur bâtiment. Cette cérémonie se déroulait sous la protection de la déesse Seshet, la femme du Dieu Thot. Remarquablement, son symbole était une étoile à sept pointes. 

    Aujourd’hui encore, profondément inspirés par l’Egypte antique, les Temples rosicruciens y puisent leur décorum. L’Ordre rosicrucien (Ancien et Mystique Ordre des Rose-Croix) place en effet ses origines traditionnelles dans les écoles de Mystères et sous l’égide de personnages emblématiques tels que Thoutmosis III et surtout Amenhotep IV plus connu sous le nom d’Akhénaton. Néanmoins, si rien sur un plan strictement historique, ne peut valider ou invalider cette tradition, la philosophie rosicrucienne est sous-jacente dans la pensée d’Akhénaton telle qu’elle est énoncée dans son ‘Grand hymne à Aton’ qui, comme nous l’avons mentionné, ressemble très étrangement au Psaume 144 de David. De plus, les historiens reconnaissent l’existence des écoles de Mystères auxquelles appartenaient certains pharaons. Quant à Akhénaton, il fut le premier pharaon monothéiste.

    Ainsi, l’Egypte antique est considérée comme le berceau des sciences sacrées.  

    La Connaissance s’est transmise de siècle en siècle, à travers une filiation d’initiés. D’assez nombreux penseurs grecs furent initiés aux écoles de Mystères égyptiennes (Pythagore qui fonda l’école de Crotone mais aussi Thalès, Solon, Platon, Plutarque...). De la Grèce antique à la Rome antique, jusqu’à la Renaissance, la tradition rosicrucienne intègre divers courants de pensée d’orient et d’occident. De même, dès le 17ième siècle, les alchimistes ont symbolisé la dernière étape du Grand Œuvre  par une rose rouge épanouie.

    ***

    La civilisation hébraïque a été très influencée par la civilisation égyptienne où les pères fondateurs avaient vécu. Il n’est donc pas surprenant de retrouver en milieu hébreu une procédure de fondation du Temple très élaborée avec un officiant qui travaille au soleil levant et reste toujours coiffé selon la parole de Moïse : ‘Tu garderas la tête couverte devant l’Eternel’[2]. 

    La civilisation égyptienne s’est, par ailleurs, fondue dans la civilisation grecque. Dans un premier temps, en l’an 343 avant J.C., les Egyptiens ont été vaincus par les Perses et le dernier pharaon, Nectanebo II dut prendre la fuite pour l’Ethiopie. Mais, en 332 avant J.C., soit onze ans plus tard, c’était au tour d’Alexandre le Grand de prendre le contrôle de la Basse-Egypte. Il fonda la ville d’Alexandrie qui connut un rayonnement remarquable au cours des siècles. Il imposa la nouvelle dynastie grecque des Ptolémée. Celle-ci dura jusqu’à sa dernière représentante, la mythique reine Cléopâtre qui mourut en l’an 30 avant J.C. 

    Sur le plan de la conception du monde, la fusion entre les cosmogonies égyptienne et grecque a eu pour conséquence chez les Egyptiens de devoir reconsidérer le genre masculin ou féminin des Dieux à l’origine du monde. Ainsi, le dieu du ciel (Noût) était féminin et mère de tous les astres alors que la Terre (Geb) était masculine. C’est sous l’influence grecque qu’ils sont devenus respectivement masculin et féminin.

    ***

    D’origine grecque ou égyptienne, des associations de tailleurs de pierre virent le jour sous le nom d’hétairies. On leur doit un nombre certain de temples. Elles durent s’organiser, promulguer des règlements.

    En Egypte, les travaux de Bernard Bruyère (1879-1971) sur le site de Deir-El-Medineh l’ont amené à considérer que ‘la confrérie de ce lieu est une authentique maçonnerie.

    En Grèce, le célèbre législateur Solon, un des sept sages, valida les réglements dans la mesure où ils respectaient l’ordre social et politique.

    On doit à cette époque reculée -(6 siècles avant J.C.)- l’apparition du verbe ‘architektonein’ dont la traduction est donnée comme ‘agir en qualité de chef’. Le mot français ‘architecte’ a perdu une partie du sens premier pour se voir affecté à l’art de bâtir. 

    Les langues égyptienne et grecque se sont enrichies mutuellement. Ceci nous permet d’évoquer la pierre de Rosette, une belle stèle conservée au British Museum qui permit de déchiffrer les hiéroglyphes anciens parce qu’elle était écrite en trois langues, soit en hiéroglyphes, copte et grec ancien. Merci à son déchiffreur, Jean-François Champollion qui disait : « Je suis tout à l’Égypte, elle est tout pour moi » et qui a su retrouver la parole perdue. 

    Pour ce qui est du copte, langue démotique ou langue du peuple, il doit son étymologie au mot grec ‘aiguptios’ signifiant égyptien. Cette langue n’est pas tombée en désuétude puisqu’elle est toujours utilisée par les Chrétiens d’Egypte pour dire la messe. 

    Les Mystères :

    Nous allons maintenant nous intéresser aux Mystères, ces cérémonies à caractère religieux qui furent très en vogue dans l’antiquité. Elles ont été créées par respect pour les principales déités. Celles-ci étaient égyptiennes, grecques ou phéniciennes. Ainsi, il faut savoir que les Phéniciens adoraient une trinité qui se composait de El, le Dieu-père, de sa femme Baalat -(que l’on appelait aussi Asherat ou Astarté, l’équivalent phénicien de Vénus)- et de leur fils Baal ou Tammuz -(qui s’appelait aussi Adonis dans sa version hellénisée, ou encore Melqart)-. Les Phéniciens ont composé un peuple raffiné de marchands et voyageurs qui ont édifié les cités de Tyr, Sidon, Ugarit ou Byblos. Cette dernière cité joua un grand rôle dans la mythologie égyptienne. Les Hébreux la connaissaient aussi sous le nom de Gebal et ce terme - ainsi que celui des habitants de cette ville - figure dans plusieurs rituels maçonniques.[3]

    Byblos était une des plus anciennes villes de Phénicie. Elle se situait sur ce qui est aujourd’hui la côte du Liban. De cette cité, le bois de cèdre était exporté vers l’Egypte quand il n’était pas utilisé par les Hébreux et le roi Salomon en particulier pour l’érection de son fameux Temple. 

    L’écrivain Philon de Byblos (vers 65 - 140) disait de cette ville qu’elle était la plus ancienne au monde. Etonnamment cette idée est supportée par des chercheurs modernes. Selon la légende, Byblos était la ville où le Dieu Thoth/Hermès était censé avoir inventé l’écriture. Bien sûr, le rapprochement des termes Byblos et Bible (livre) ne peut pas être étranger à certaines croyances. C’est d’ailleurs depuis Byblos que le papyrus fut importé en Grèce, d’où, très probablement, la relation établie entre la ville et l’écriture. 

    Les Mystères ont connu un grand succès et on disait d’eux : ‘Vel invenit sanctum, vel facit’, ce qui voulait dire qu’on leur attribuait la faculté de reconnaître un initié s’il en était parmi ceux qui y recouraient ou plus simplement de faire d’un profane un initié.

    Quant à leur but, le maçonnologue nord-américain Albert Mackey écrivait : ‘L’unique objet de tous les anciens rites et mystères pratiqués au plus profond de l’obscurité païenne était d’enseigner l’immortalité de l’âme’ (TdA) (Manual of the Lodge, 1862).

    Nous verrons dans le chapitre consacré au 18ième siècle les grandes lignes du discours du Chevalier de Ramsay (1737) dont on a pu écrire qu’il fut à l’origine de tous les rites maçonniques dits écossais. Dans ce discours, on trouve ces quelques mots : ‘… Les fameuses fêtes de Cérès à Eleusis, d’Isis en Egypte, de Minerve à Athènes, d’Uranie chez les Phéniciens et de Diane en Scythie avaient des rapports aves les nôtres…

    Voyons donc de quoi il pouvait s’agir :

    Les Mystères d’Adonis

    Tous les Mystères ont en commun de célébrer une mort et une résurrection. C’est pourquoi ils fascinent les sociétés initiatiques qui perpétuent cette tradition. 

    Les Mystères d’Adonis ont été initialement pratiqués dans la cité de Byblos dont nous venons de parler. On y célébrait la vie, la mort et la résurrection du Dieu de la végétation babylonien connu sous le nom de Tammuz. Ce dernier fut l’amant d’Ishtar, l’équivalent phénicien de Vénus/Aphrodite/Hathor. Celle-ci eut une mauvaise querelle avec sa propre sœur Ereshkigal qui essaya de l’emprisonner dans son royaume, celui des morts, un royaume situé sous Terre.  

    Lorsqu’Alexandre le Grand conquit cette partie de l’Asie mineure, le nom de Tammuz se transforma en Adonis, un terme dérivé du nom hébreu Adonaï qui signifie Seigneur et par lequel on s’adresse à une divinité. Par la suite Déméter et Aphrodite prirent la place des déesses Ishtar et Ereshkigal. 

    Selon ce qu’en rapportent des historiens grecs et latins, Adonis fut le produit d’une relation incestueuse entre Cinyras, le roi de Chypre et sa fille Myrrha. Il était si beau que Vénus/Aphrodite en tomba amoureuse. Cependant, celle-ci n’était pas libre de son terrible mari, le Dieu boiteux Vulcain et alors qu’Adonis était parti chasser sur le mont du Liban, il fut attaqué et blessé mortellement par un sanglier. Du sang coula de son corps et donna la couleur rouge aux fleurs que nous nommons roses, des fleurs qui, jusque-là, étaient blanches. 

    Descendu aux enfers, Adonis fit la rencontre de Perséphone qui tomba amoureuse de lui. Elle refusa qu’il puisse revenir sur la terre malgré la demande pressante de la déesse Vénus/Aphrodite.  

    Il revint à Zeus de régler le litige. Il fit cela en décidant qu’Adonis devrait passer six mois de l’année dans le royaume des morts sous terre avec Perséphone et six mois de l’année sur terre avec Aphrodite. Nous sommes pour ainsi dire en présence d’un premier jugement de type salomonique ! 

    Sur le plan du rituel, le peu que nous avons conservé nous amène à penser que les initiés partaient symboliquement à la recherche du défunt Adonis, pleuraient sa mort et célébraient joyeusement son retour à la vie. Tout reproduisait le mythe du Moyen-Orient lié à la végétation, au cycle de la nature qui meurt symboliquement l’hiver pour renaître au printemps. On faisait faire à l’initié un mouvement représentant le fauchage du blé avec une faucille en forme de défense de sanglier. Le langage symbolique était déjà bien présent. 

    On note que dans la vallée de Nahr Ibrahim, dans le Mont Liban, se trouve un sanctuaire censé contenir le tombeau d’Adonis. De l’eau jaillit en surplomb d’une grotte, eau qui a la particularité de ‘rougir’ au printemps. L’explication non scientifique de ce phénomène reprend le mythe que nous avons exposé.

    Le Mystère d’Eleusis :  

    C’est le Mystère grec par excellence. Tous les Grecs pouvaient y participer à l’exception de ceux qui avaient criminellement fait couler le sang.

    Ce Mystère fut enseigné durant des siècles et des siècles dans une petite ville située à moins de vingt kilomètres au sud d’Athènes.

    Environ 1500 ans avant J.C., au centre d’Eleusis, existait une place pouvant servir à la danse rituelle. Sur ce même site, un temple fut créé afin de célébrer les Mystères. Il passa à travers tous les âges et survécut aux aléas des guerres.

    Au début de notre ère, le site a fait l’objet de descriptions. On note en particulier la place centrale appelée Telesterion qui était plus ou moins de la taille d’un terrain de football actuel et où les mystes (initiés) se retrouvaient en grand nombre. En son centre se trouvait un petit temple de pierre, l’Anaktoron, dont l’emplacement durant les âges n’a pas bougé. 

    L’initiation était tout un processus qui durait jusqu’à un an et demi[4]. La célébration des grands Mystères se passait au mois de septembre. Auparavant, les initiés devaient prendre part aux petits Mystères appelés Myesis, dont la célébration avait lieu au mois de février de l’an précédent, au bord de la rivière Ilissos qui arrose la capitale grecque. Il était demandé à chaque impétrant de sacrifier un cochon pour les Dieux, de se baigner dans les eaux glaciales de la rivière et de recevoir un enseignement sur le mythe de Déméter, déesse de la terre, et de sa fille Perséphone. Ce mythe racontait comment Perséphone avait été enlevée par le Dieu des enfers Pluton, frère de Zeus. Il en avait résulté une période de deuil pour Déméter qui abandonnait la terre à son sort, le temps nécessaire à la recherche de sa fille. 

    L’affaire était conclue par Zeus qui dans un autre jugement salomonique décidait que Perséphone passerait la moitié de l’année avec les Dieux sur le Mont Olympe et l’autre moitié aux enfers avec Pluton. [5]

    Après avoir suivi les petits Mystères, les mystes pouvaient prendre part aux grands Mystères qui portaient le nom de Teletai. Ceux-ci commençaient à date fixe lorsque des prêtresses d’Eleusis passaient dans les rues d’Athènes avec les mains chargées de paniers. Ces derniers contenaient des objets sacrés que l’on maintenait enfermés dans un espace réservé au sein du temple athénien appelé l’Eleusinion. Personne ne sait exactement ce qu’étaient ces objets sacrés. 

    Les mystes qui, pour les grands Mystères, prenaient maintenant le nom d’epoptès (voyants) devaient commencer une période de jeûne avant de se baigner en mer pour se purifier. Après quoi, ils étaient enfermés dans un lieu clos d’où tout contact avec le monde extérieur leur était interdit durant deux jours. 

    Par la suite, ils venaient sur la place centrale d’Athènes où on les couvrait de guirlandes de myrte. Dès lors, ils suivaient les prêtresses pour former une procession qui passait par les rues d’Athènes et se dirigeait vers Eleusis. Lors du passage d’un premier pont, ils rencontraient des prêtres qui leur donnaient un breuvage, le kikeon, à base d’eau, d’orge grillée et de menthe. Pour le second pont, ils se voyaient mettre une cordelette à leur poignet droit et à leur cheville gauche.  

    Dans son ouvrage ‘Morals and dogma’, (1871), Albert Pike a instruit le 23ième  degré du Rite Ecossais Ancien et Primitif (Chef du Tabernacle) en commentant cet instant des Mystères : ‘On remettait à l’initié une cordelette de trois torons. Cette cordelette portait le nom de ‘zennar’ et elle était tissée de manière à former trois brins de trois fils. C’est de cette cordelette que provient la corde placée autour du cou de l’impétrant en maçonnerie. C’était un emblème de la triple divinité dont nous conservons la mémoire dans les trois dirigeants de la loge, les trois grandes et les trois petites lumières, les trois bijoux meubles et les trois bijoux immeubles de la loge et enfin dans les trois piliers qui supportent nos ateliers’. (TdA) 

    Au bout d’une journée de marche, la procession arrivait à Eleusis et y entrait à la lumière des torches. Les epoptès étaient groupés dans le Telesteron où le Grand Prêtre les accueillait. 

    Eusebius nous donne les noms des principaux officiers des Mystères d’Eleusis : En premier lieu, l’hiérophante[6] qui supervisait toute la cérémonie. Il était habillé des attributs du Grand Architecte de l’Univers (le démiurge). Il était assisté de plusieurs officiers : le premier s’appelait Dadoukos[7] ou porteur de flambeau et était assimilé au Dieu-soleil. Un deuxième officier était l’epibomos ou porteur d’autel. Son rôle était de symboliser la lune. Enfin, venait le hieroceryx porteur du caducée et représentant d’Hermès.  

    Selon la tradition, les prêtres qui officiaient dans les Mystères d’Eleusis devaient appartenir aux deux seules familles suivantes : les Eumolpides ou les Kerykes.

    L’orateur grec Isocrate, contemporain de Platon, écrivit dans le Panégyrique : ‘L’histoire est de nature mythique mais mérite d’être rapportée. Ce qui ne peut conté à personne sauf à des initiés est que, quand Demeter vint dans ce pays à la recherche de sa fille Perséphone…, comme elle était bien disposée à l’endroit de nos aïeux …, elle accorda deux dons qui surpassent tous les autres : les fruits de la terre qui nous ont empêché de devenir des bêtes sauvages et les rites mystiques à travers lesquels les participants nourrissent de grands espoirs au sujet de leur fin de vie et de l’éternité qui les attend… L’initiation donne à ceux qui y participent, pour la fin de leur vie et pour toute l’éternité, de plus douces espérances.

    Voilà ce qui nous reste écrit des Mystères d’Eleusis. Pour le reste, il nous faut nous livrer à des suppositions à la manière de ceux qui ont évoqué une lumière vive en provenance du Telesterion que l’on pouvait voir à grande distance. C’était à ce moment que l’hiérophante guidait les mystes vers l’entrée de l’Anakteron pour leur montrer quelque chose de sacré que l’histoire écrite n’a pas gardé. Selon une source gnostique non recoupée, il aurait pu s’agir d’un grain de blé, symbole permanent de la vie sur terre. 

    H. Leisegang dans son ouvrage ‘La gnose’ (1951) nous dit que les petits Mystères visaient à faire descendre en soi alors que les grands Mystères visaient à atteindre le Plérôme (mot grec signifiant ‘Plénitude’, équivalent du nirvana hindou).

    Pindare avait commenté : ‘Heureux qui a vu les Mystères d’Eleusis, avant d’être mis sous terre ! Il connaît les fins de la vie et le commencement donné de Dieu.’ 

    Les Mystères d’Eleusis ne pouvaient pas être pris à la légère et les divulguer ou, pire, les parodier, pouvait entrainer la peine de mort. C’est, selon Plutarque, ce qui arriva au Général et Homme d’affaires Alcibiade (450-404 avant J.C.) qui finit poignardé en Phrygie pour ‘avoir imité aux Mystères et les avoir montrés à ses compagnons dans sa maison, vêtu de la robe du Grand Prêtre et se faisant appeler comme tel…’

    De même, il fut reproché à Eschyle, fils d’un prêtre d’Eleusis, d’avoir divulgué les secrets des Mystères à travers ses pièces de théâtre. Eschyle se défendit en disant qu’il n’avait jamais été initié lui-même. Néanmoins, lorsque, selon la légende, un aigle le tua en laissant tomber une pierre sur sa tête, cela fut interprété comme une punition divine.

    La vie de Socrate nous enseigne que ce grand philosophe aurait refusé de se faire initier à Eleusis car il connaissait l’obligation de garder le secret à laquelle étaient astreints les initiés et il aurait fait savoir qu’il désapprouvait ce serment. A son opposé, son disciple Platon ne prit pas seulement le goût de l’initiation à Eleusis mais il se mit à voyager jusqu’en Egypte où il aurait connu les Mystères d’Isis, avant de fonder son Académie.  

    Selon Clément d’Alexandrie, écrivain chrétien du 4ième siècle, les initiés avaient pour se reconnaître un mot de passe spécial appelé synthema. Ainsi, ils prononçaient la formule suivante : ‘J’ai jeûné, bu le kikeon, pris des choses dans le grand panier que j’ai posées dans le petit panier avant de les remettre dans le grand panier’. Les rares commentaires obtenus des initiés indiquaient que ce qu’ils avaient vu dans le temple les avait guéris de la peur de mourir. 

    Un siècle plus tard, le philosophe Proclus précisait : ‘Les mystères déclenchent une sympathie des âmes avec le rituel, dont le mode d’expression est inintelligible pour nous et divin ; certains des initiés, pleins du divin, sont frappés de peur ; d’autres s’identifient aux objets sacrés et font l’expérience de la possession divine.’

    Lors des beaux jours de l’empire romain, des gens affluaient encore de tout le monde civilisé en quête d’initiation à Eleusis. Si grand était le prestige de cette manifestation qu’elle devint difficile d’interdiction. En 364 de notre ère, alors même qu’il ordonnait la suppression de tous les autres Mystères, l’empereur Valentin accordait un sursis aux Mystères éleusiniens. Ce fut donc avec la fin de l’empire romain qu’ils cessèrent. Les Wisigoths qui s’étaient convertis au christianisme mirent un terme à ces pratiques de nature religieuse en envahissant la Grèce en l’an 386 de notre ère. Ils détruisirent le temple d’Eleusis qui tomba dans l’oubli. 

    Le nom même d’Eleusis n’évoqua plus rien jusqu’à ce qu’un Bavarois du 18ième siècle du nom d’Adam Weishaupt ne le reprenne pour nommer allégoriquement la ville d’Ingolstadt où il créa la société des Illuminés de Bavière. 

    A la fin du 19ième siècle, la société rosicrucienne de la Golden Dawn reprit les enseignements que l’on croyait dérivés des Mystères d’Eleusis. Ainsi, dans le rituel consacré à la réception d’un Zelator (=premier grade de l’Ordre), on trouvait les mots KABS AM PEKHT, KONX OM PAX que l’on interprétait comme des formules écrites en égyptien et en grec anciens et traduites par ‘Lumière en expansion’. On voulait dire par là : ‘que la Lumière s’étende en abondance sur le récipiendaire’.

    Le nom Eleusis a plusieurs étymologies possibles. Pour certains, il viendrait du mot grec voulant dire ‘Lumière’. Ce même mot aurait donné en anglais ‘Lewis’ désignant un enfant de franc-maçon. Pour d’autres, il faudrait chercher du côté du verbe grec ‘eleuno’ qui signifie ‘je viens’, c’est-à-dire ‘je nais’.

    Enfin, le rite de Memphis-Misraïm en 99 grades contient un 62è degré appelé ‘Sublime sage d’Eleusis’ et un 69è degré appelé ‘Chevalier du Rameau d’or d’Eleusis’.

    Les fêtes dionysiaques : 

     Un autre Mystère d’origine grecque qui s’est imposé dans presque toute la zone méditerranéenne fut celui du Dieu Dionysos/Bacchus.  

    A la différence d’autres Mystères, nous avons peut-être l’origine de celui-ci, si l’on en croit l’exposé fait par Hérodote dans son Histoire : ‘C’est Mélampous, le fils d’Amythéon qui introduisit en Grèce le nom de Bacchus ainsi que le cérémonial présidant au culte et la procession du phallus. Il ne comprit cependant pas toute la doctrine de sorte qu’il ne put pas la communiquer intégralement, mais après lui, plusieurs sages ont donné à celle-ci le degré de perfection qu’elle a atteint…

    Il est certain que le culte du phallus fut introduit par Mélampous et que c’est par lui que les Grecs ont appris les cérémonies qu’ils pratiquent encore. En conséquence, je maintiens que Mélampous qui était un sage et avait acquis l’art de la divination[8], acquit des Egyptiens le culte de Dionysos/Baccchus et l’introduisit en Grèce avec de légers changements…’

    Le mythe qui sert de base au Mystère est celui de la vie, de la mort et de la résurrection du Dieu Dionysos, né des amours illégitimes de Zeus et de Perséphone.

    Caché dans une grotte pour maintenir son existence secrète, Dionysos fut successivement déguisé en une fille puis en une chèvre. Le terme ‘tragédie’ qui signifie littéralement ‘chant d’une chèvre’ est associé à ces Mystères.

    Il fut finalement découvert par Héra, l’épouse légitime de Zeus. Celle-ci complota la mort de l’enfant. Pour ce faire, elle demanda aux Titans de se blanchir le visage avec de la chaux et d’apporter des jouets et un miroir afin de distraire Dionysos. Ce dernier fut déchiqueté par les Titans qui le dévorèrent. Zeus découvrit le complot trop tard. Il ramena néanmoins Dionysos à la vie et dans le même mouvement, par la foudre de son trident, il réduisit les Titans en cendres. C’est en mélangeant le corps de Dionysos avec les cendres des Titans que Zeus donna vie à l’homme.[9]

    Dans la version orphique du mythe, on trouve une allégorie dualiste de la condition humaine dans laquelle l’âme de l’homme serait issue du Dieu Dionysos alors que le corps humain proviendrait de la cendre des Titans. Pour les initiés, cette vérité était enseignée sous forme d’un jeu de mots : ‘Soma sema’, ce qui voulait dire que le corps était un tombeau pour l’âme. 

    Le personnage d’Orphée a beaucoup fait parler. Il n’a peut-être jamais existé. Pythagore doutait de l’existence de ce héros que l’on disait être le fils d’Apollon. Le nom même ‘d’Orphée’ pouvait être d’essence ésotérique car il signifiait ‘La lumière qui guérit’.

    Son enseignement sur la réincarnation était utilisé dans les Mystères où l’on célébrait la victoire de la vie sur la mort. ‘Par vos souffrances passées, par l’effort que vous ferez, vous

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