La recette du carpaccio a vu le jour à la cité des Doges deVenise, en 1950, plus précisément au Harry’s Bar, célèbre établissement tenu à l’époque par le chef Giuseppe Cipriani. Le lieu existe toujours (sous la direction d’Arrigo, le fils du créateur) et demeure un endroit où il faut voir et être vu, quitte à payer son cocktail au prix fort. Le romancier américain Ernest Hemingway y avait sa table attitrée, Orson Welles ou encore la célèbre mécène Peggy Guggenheim et Charlie Chaplin y étaient au coude à coude… Bref, c’était et c’est toujours aujourd’hui un lieu incontournable, indissociable de l’histoire de la ville. On y vient pour se régaler de la célèbre recette, mais aussi du non moins fameux cocktail Bellini créé lui aussi par le chef à l’imagination décidément débordante.
Pour les beaux yeux d’une comtesse
Si aujourd’hui, le mot carpaccio désigne une préparation crue finement coupée de viande, poisson, légumes ou fruits, la recette originale ne propose que de la viande. En 1950, la comtesse Amalia Nani Mocenigo vient s’attabler au Harry’s bar. Son médecin vient de lui recommander de déguster de la viande crue plutôt que cuite. Un défi pour le chef Giuseppe. Il siècle Vittore Carpaccio utilise dans ses tableaux, notamment , qu’il a pu admirer dans l’exposition voisine. Le nom est trouvé, la comtesse est conquise et le plat va faire le tour du monde. Au Harry’s Bar, fort de son succès, Giuseppe peaufine la sauce qui l’accompagne, une sorte de mayonnaise citronnée dont il quadrille la viande. Aujourd’hui, lorsqu’on pénètre dans le restaurant, on peut être étonné par sa petite taille inversement proportionnelle à sa gloire. Les artistes célèbres de l’époque ont été remplacés par d’autres jet-setteurs et il règne toujours un savant mélange de confort, d’élégance et de charme suranné qu’on appréciera ou pas en se disant qu’avant, c’était peut-être mieux, surtout depuis que la recette est à la portée de tous.