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La louve
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Livre électronique138 pages2 heures

La louve

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À propos de ce livre électronique

"La louve" est un conte métaphorique qui plonge dans les profondeurs de l’âme humaine, révélant ses ombres et contradictions. À travers Zina, une mère veuve, se dessine une société disloquée par l’injustice, où les êtres s’entre-déchirent. Pourtant, certains s’efforcent de bâtir, d’embellir, de donner du sens à la vie. Entre les justes et les imparfaits, la tension est palpable : ils se guettent, se protègent, et parfois s’allient pour alléger les souffrances. Mais ces efforts suffiront-ils à sauver un monde sur le fil, prêt à basculer dans la violence ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Imprégné par la littérature classique, Amor Saadaoui embrasse avec conviction la voie de l’écriture. Ses œuvres, nourries par l’héritage des grands auteurs des XIXᵉ et XXᵉ siècles, révèlent un style à la fois riche et intemporel, invitant le lecteur à redécouvrir la profondeur et l’élégance de ces périodes marquantes.
LangueFrançais
ÉditeurLe Lys Bleu Éditions
Date de sortie26 nov. 2024
ISBN9791042247249
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    Aperçu du livre

    La louve - Amor Saadaoui

    Amor Saadaoui

    La louve

    Conte

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    © Lys Bleu Éditions – Amor Saadaoui

    ISBN : 979-10-422-4724-9

    Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    Aux jeunes de ma ville Fériana la rose

    Le renouveau renaîtra aux pieds de la Roche-Noire.

    Une foule s’amassa autour de la tombe. On y plaça délicatement la vieille dépouille. On la ferma avec trois grandes pierres plates taillées, tenues par les bords des murs de la tombe construits ce matin même. Avec de la boue et des cailloux, on boucha les petites ouvertures qui restaient. Trois pelles passèrent d’une personne à une autre et rendirent le tas de terre sur la tombe en formant un monticule de deux mètres de long environ avec deux pierres blanches plantées à ses bouts. On finit de réciter les versets coraniques consacrés à cette occasion et tout le monde leva les mains et récita la « Fatiha » d’une voix commune, lente et grave, qui se termina par un « Amen » suppliant. Toutes ces paroles montèrent vers les cieux, vers le créateur de la vie et de la mort.

    La foule se dispersa et prit le chemin du retour. Les uns relataient la vie du défunt et ses qualités. Les autres parlaient de leurs occupations. Ils demandaient des nouvelles les uns des autres, des enfants, de l’école et de la crise du chômage.

    Tous s’éloignaient du cimetière et le souvenir du mort s’éloignait de leur esprit. Le voilà qui logeait sous le sol dans un repos éternel et voici les vivants qui s’occupaient de leur quotidien pénible et fatigant.

    Hadi, ce petit homme de quarante ans, était vêtu modestement, avec un voile de poussière sur les cheveux et le visage. Le regard triste et les yeux encore humides, il demeura debout près de la tombe de son oncle et, à la fois, son beau-père. Il voyait les gens s’éloigner et disparaître dans les ruelles étroites et insalubres du « Douar ». Ce nom « Douar » indique le lieu où campaient provisoirement les nomades. Ils installèrent leurs tentes et formèrent une cour circulaire où se ramassaient leurs biens et se groupaient leurs animaux sous le regard vigilant des chiens gardiens.

    L’homme contempla le sol où on avait enfoui pour toujours le corps du vieil oncle. Il se demanda :

    « Lequel de ces gens qui s’en vont reviendra le premier, accompagné d’une autre foule et réside définitivement parmi les dormeurs du cimetière ? Ne serait-ce pas moi ? »

    Un léger frisson l’effleura et il pensa : « Oh, ce n’est pas encore le moment pour moi. Mes enfants sont encore jeunes et ont fortement besoin de moi. Zina, ma pauvre femme, ne pourra pas faire un seul pas toute seule. Je suis en bonne santé et cela ne se fera probablement qu’un peu plus tard. J’ai sans doute de longues années à vivre devant moi. »

    Orphelin, l’oncle l’avait adopté et l’avait élevé avec ses enfants. Il l’avait toujours traité en vrai fils et plus tard, il était devenu son beau-fils en épousant sa fille Zina. Le vieux était son seul soutien.

    À l’aube de l’indépendance, une partie de la famille a immigré vers la ville de Tunis. Ces hommes, ces femmes et ces enfants s’étaient installés à quelques kilomètres à l’ouest de la banlieue de la capitale. Ils habitaient des tentes, gardaient leurs petits troupeaux et travaillaient dans les champs fertiles de la région. Quelques-uns osaient timidement s’engloutir dans le bain trouble de la grande ville et cherchaient du travail. Sur le marché du gros, ils vidaient et chargeaient les longues et basses charrettes à quatre roues. Ils s’inscrivaient parmi les ouvriers de la voirie ou exécutaient les lourdes corvées des dockers au port de Tunis-Marine.

    Un petit village avait lentement et discrètement poussé. Il gardait le nom de l’attroupement initial qui avait, illégalement, conquis cette terre.

    Le Douar demeurait longtemps en contraste flagrant avec son entourage. Il se confondait au sol par ses couleurs fades et fanées. Il sombrait dans l’obscurité pendant la nuit et puisait son eau dans les puits des champs voisins. Les enfants s’inscrivaient dans les écoles des agglomérations environnantes. Mal chaussés et pauvrement habillés, ils battaient de longues distances pendant les bonnes et les méchantes journées. Les hommes et les femmes se perdaient dans toutes les directions à la recherche d’un boulot et ne revenaient que la nuit. Pendant que le voisinage scintillait et les sommets de la grande ville de Tunis s’embrasaient de lumière, le Douar s’effaçait dans l’épaisse obscurité et ses habitants reposaient dans les ténèbres en attendant la naissance de la douce lumière de l’aurore.

    Les écoliers étudiaient et préparaient leurs devoirs à la faible lumière des bougies ou des lampes à pétrole. Le temps révolu, des poteaux étaient levés et une toile de fil s’était étendue par-dessus les toits et s’était accrochée à toutes les constructions, elle éclairait les rues et illuminait l’intérieur des maisons. Accrochées au mur, quelques lampes à pétrole gardaient leurs places. Elles défiaient ces ampoules, qui pendaient aux plafonds, au moment des pannes électriques qui demeuraient fréquentes.

    Hadi fut orienté au lycée Khaznadar, à quelques kilomètres de chez lui. Il arrêta ses études à cause de l’indisponibilité des moyens de transport. Il ne put supporter les longues journées qu’il passait devant le lycée ou dans la salle d’étude. Il partait tous les jours avant le lever du soleil et rentrait quand il faisait nuit. Il cessa d’aller au lycée et s’engagea avec les membres de la famille dans les travaux aux champs chez les grands agriculteurs. Zina était plus grande que son âge, elle était haute et bien dégagée. On avait vainement prié l’oncle pour la scolariser. Elle s’était suffi de quelques leçons hâtives divulguées par le petit Hadi : il lui apprit à déchiffrer des mots ou à lire difficilement une ou deux lignes dans un livre ou sur un journal.

    À la fin de sa sixième année, Hadi fut admis au concours d’entrée en première année de l’enseignement secondaire. C’était la joie chez le vieil oncle, on distribua aux voisins de la grenadine à la menthe avec du biscuit gaufrette à la crème. Zina et les petites filles du quartier dansèrent au tapage d’une bruyante musique populaire. Les hommes et les femmes venaient féliciter le lauréat et lui souhaiter un avenir radieux.

    Hadi dépassait Zina de quatre ans. Ils grandissaient côte à côte dans le même foyer. Ils s’aimaient et se querellaient comme un frère et une sœur. Le garçon gardait une taille d’un mètre soixante-douze centimètres alors que Zina continua à croître et le dépassa d’une dizaine de centimètres environ. Elle le regardait d’en haut, mais elle lui obéissait et se soumettait à ses ordres. Il était son aîné et cela lui procurait des droits que Zina devait prendre en compte et considérer.

    Hadi acheva son service militaire et rentra chez lui au Douar. Zina avait dix-sept ans quand son père décida de la marier à son neveu et fils adoptif. La cérémonie fut très simple et les mariés demeurèrent avec le reste de la famille dans la même maison, vivant dans une chambre à l’écart. Ils menaient leur train de vie ordinaire, partageaient tout avec tout le monde. Ils ne se rencontraient seuls que la nuit pour rêver un peu d’un avenir qui s’annonçait difficile. Un avenir qui exigeait beaucoup de labeurs, de l’ambition et énormément d’efforts.

    Hadi travaillait dans les champs. Il s’occupait aussi des chevaux d’un grand propriétaire de la région. Il nettoyait les écuries et veillait à la propreté des bêtes. Il appliquait convenablement et fidèlement les recommandations du médecin vétérinaire et de l’ingénieur zootechnicien. Une affection douce naissait entre Hadi et ces animaux de race. Cela augmentait l’estime de ses patrons envers lui et le rendait très utile. On lui fournit un logement tout près des chevaux. Il y résida avec sa famille. Il était, à mi-chemin, entre le Douar et l’hippodrome de Kassar Saïd où il menait les chevaux pour les entraînements et à l’occasion des courses.

    Plus tard, le propriétaire lui légua un terrain à bâtir à l’extrémité de la ferme et à proximité des écuries. Cette offre augmenta l’enthousiasme du jeune ouvrier. Il entama la construction d’une maison modeste avec l’aide et le concours du généreux patron. Pendant les grandes occasions, lorsqu’un cheval gagnait une course, au comble du bonheur, Hadi touchait une prime qui dépassait de deux à trois fois son salaire. Il versait ces sommes dans un carnet d’épargne postal au nom de sa femme Zina qui s’était collée à lui pour toute la vie et dans toutes les circonstances. Grâce à son endurance et sa patience, la bonne Zina fit de son mari un homme heureux, affectueux et admirable. Il adorait sa femme et aimait ses enfants à la folie. Au bout de dix-sept ans de mariage, Hadi et Zina se trouvèrent avec sept enfants : quatre filles et trois garçons qui vivaient heureux dans la chaleur et l’entente qui régnaient entre les deux parents.

    Hadi se réveilla subitement de ses songes. Il se tourna vers la tombe du vieil oncle, leva les mains, baissa les yeux et récita lentement les trois dernières sourates du coran et la Fatiha. Il pleura chaudement, ses larmes refusaient de s’arrêter, elles débordèrent puis coulèrent sur ses joues en laissant des traits sur la poussière qui les couvrait.

    Hadi

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