À propos de ce livre électronique
La société de Sumer est en mutation et, à travers elle, une nouvelle civilisation se développe dans le « Croissant fertile ». Le roi suprême, Sargon d’Akkad, mène des guerres pour soumettre les cités qui résistent. Il dirige son État comme il conduit ses troupes vers la victoire avec fermeté, diligence et efficacité. Enménara naît, grandit et s’épanouit dans cet univers en expansion. Initiée très tôt à l’écriture, elle occupera, au côté de son père, Dagan, une place importante.
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Avis sur LE MIROIR DES TEMPS TOME 2
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Aperçu du livre
LE MIROIR DES TEMPS TOME 2 - odile Plonquet
Chapitre 1 – Jordanie
Janvier 2003
Des rencontres insolites
C’est dans l’avion qui la ramène au Moyen-Orient que Narha renoue avec le journal personnel qu’elle a entrepris de rédiger, il y a plus de dix ans, lors de son arrivée à Bagdad.
« Me voilà en route vers mon pays pour terminer les études en archéologie que j’ai commencées en Irak et poursuivies en Allemagne, écrit-elle. Je peux enfin revoir ma terre natale après toutes ces années. Ce n’est, malheureusement, que provisoire puisque je viens simplement effectuer un stage de six mois au sein du musée de Bagdad, dernière étape de mon programme pour l’obtention du master. Peut-être arriverai-je à décrocher un poste qui me permettra de revenir définitivement, mais en même temps, je pense aussi qu’exercer en Europe serait une belle occasion. Je vais me retrouver face à un choix déchirant dans quelques mois.
Mais, je n’en suis pas encore là, poursuit-elle un peu plus tard, sous le regard de son voisin intrigué par son cahier très coloré. Pour les jours à venir, je vais faire une escale à Amman, en Jordanie. Je suis excitée à l’idée de retrouver mon cousin Milad, sa femme et ses enfants, ainsi que la mère de Milad, ma tante Amina accompagnée d’Ousa, sa cousine. Les deux femmes séjournent chez eux depuis quelques mois à la suite des nombreux attentats qui ont secoué la ville de Bagdad. Durant cette halte, je vais pouvoir reprendre pied au Moyen-Orient. Ces cinq années, si elles m’ont ouvert l’esprit à l’Occident et au monde, m’ont éloignée des gens de mon peuple et de ma culture, de la guerre aussi, il faut bien le dire. Je suis un peu perplexe, tout de même, par ce retour dans une période qui s’annonce troublée tellement les pressions internationales sont fortes. Je suis tiraillée entre le plaisir et la crainte, entre la joie d’embrasser les miens et la peine pour ceux qui ont disparu et que je ne reverrai plus. »
Narha est rassurée de savoir qu’elle fera la toute dernière étape de ce voyage, entre la Jordanie et l’Irak, avec Amina et Ousa qui, malgré les tensions politiques de plus en plus explosives entre leur président, Saddam Hussein, et l’Occident, ont décidé que l’heure du retour avait sonné. Ses deux femmes sont les mères adoptives de Narha. Elles l’ont choyée dès son arrivée à Bagdad et tout au long des années qu’elle y a passées. Elles rentrent au pays pour s’assurer que leurs biens sont adéquatement protégés et surtout, pour soutenir Narha dans les épreuves qui inévitablement l’attendent. « Tout a tellement changé depuis mon départ, écrit-elle encore, que je ne suis pas sûre de retrouver ma place dans cette société en bouleversement constant qui s’est beaucoup dégradée au fil des ans. Et tout ce que j’ai pu lire dans les médias étrangers n’a rien de rassurant. » Après un temps de réflexion, elle poursuit. « De plus, je pense qu’il n’est pas convenable pour Amina et Ousa que je me retrouve seule dans la grande maison avec des hommes, même si ce sont nos gardiens. »
Un peu plus tard, elle reprend son stylo. « Malgré tout, j’ai bien hâte de retrouver Bagdad, la ville de mon adolescence, la maison et les tablettes qui dorment toujours dans leur cachette dans ma chambre. » Narha pense soudain à Samir, son cousin, disparu depuis bientôt douze ans. Elle constate qu’elle a vécu bien plus d’années sans sa présence qu’avec lui. Mais, pour autant, elle n’en a pas oublié sa promesse. Si elle persiste assez dans sa quête, un jour, se convainc-t-elle, elle retrouvera les tablettes et découvrira l’origine du mal qui l’a terrassé. Elle sait intuitivement que ces messagères de terres du lointain passé sont à l’origine de sa mort et qu’elles détiennent les réponses à nombre de ses questions.
Après le passage au-dessus d’une partie de la Méditerranée, Narha s’enfonce dans son siège et regarde à travers le hublot les immensités de sable que l’avion survole. Il ne reste qu’une petite heure avant l’atterrissage à Amman où elle est attendue. Tout compte fait, sourit-elle en contemplant le ciel, je me sens très fière d’avoir été acceptée pour ce stage et de pouvoir mettre au service de mon pays et du musée mes connaissances en archéologie. Son cœur est soudain rempli de gratitude envers tous ceux qui lui ont permis d’atteindre ce but.
Elle est surtout pressée de se mesurer à la traduction de tablettes et autres objets gravés de signes cunéiformes sumériens, akkadiens, babyloniens et assyriens, propriétés du musée de Bagdad. « Avec ma spécialité en langues orientales anciennes, écrit-elle encore alors que l’avion entame sa descente, je vais aussi vérifier le déchiffrement que j’ai fait des tablettes trouvées dans le désert à partir des copies manuscrites que j’ai emportées, il y a cinq ans. Les mains me démangent juste à l’idée de reprendre contact avec mes deux tablettes. » Cela fait si longtemps, songe-t-elle, au moment où le visage d’une petite fille d’un temps lointain flotte un instant devant ses yeux de l’autre côté du hublot avant de se fondre dans la brume. Samir, Enménara, vais-je vous revoir ? Son absence a été si longue qu’elle doute parfois de la véracité des événements qu’elle a vécus et surtout, de la réalité d’Enménara. Souvent, elle se dit que ce n’était que rêves et affabulations d’une enfant esseulée.
Pour calmer son impatience, elle se concentre sur la descente de l’avion et le paysage qui se précise. Les routes, les maisons, les champs retrouvent peu à peu leurs tailles normales. Narha sent déjà la chaleur aux ondulations miroitantes de l’air sur le sol. Elle se réjouit des prochaines journées avec quelques-uns des membres de sa famille, dans un pays heureusement en paix.
Dans la foule bigarrée qui s’agite en tous sens et qui crie à tue-tête, Narha a du mal à discerner les siens. C’est par l’éclair dans le regard de sa tante qu’elle les découvre du haut de la passerelle sur laquelle elle marche. Ils sont entassés dans un coin en bas, chacun la cherchant des yeux. Des cris, des rires manifestent enfin leur reconnaissance mutuelle. Comme Amina a vieilli, comme Milad semble triste, pense-t-elle, pendant que ses yeux se remplissent d’eau contredisant l’immense sourire qui illumine son visage.
Chacun s’accompagne à distance. Elle, seule de son côté de grandes baies vitrées, et eux, en groupe serré, qui se faufilent vers les portes de sortie. Puis, ils se perdent de vue. Ses bagages récupérés et les formalités douanières effectuées, Narha les rejoint une heure plus tard dans le hall de l’aéroport. Ils sont là, les uns contre les autres, ébahis de la voir enfin, en chair et en os, devant eux. Un instant figée, Narha se précipite en premier vers Amina, la serre dans ses bras et l’embrasse affectueusement. Puis, elle passe auprès de chacun reprenant contact avec ces êtres qui lui ont tant manqué. Amina et Ousa pleurent, Milad et sa femme rient de ce déferlement d’émotions, les trois enfants dansent d’un pied sur l’autre. Ils ne se rappellent presque plus cette tante qu’ils n’ont pas vue depuis cinq longues années. Ils observent et les souvenirs timidement affluent. Narha ravive leur mémoire par l’évocation de quelques événements marquants. Pendant que Milad s’occupe du chariot, Sham et Sami, les deux plus jeunes, se saisissent chacun d’une main de Narha et l’entraînent à la suite de leur père. Lana, la plus âgée, prend l’autre main de Sami et sourit à Narha, sa tante.
Arrivés devant leur place de stationnement, ils chargent les bagages et s’entassent tant bien que mal dans le minibus loué par Amina pour l’occasion. Elle tenait tant à ce qu’ils soient tous présents pour accueillir Narha. Durant le trajet jusqu’au centre-ville, chacun participe aux échanges sur le voyage de la jeune femme, les nouvelles des uns et des autres, les naissances et les décès aussi. L’un ou l’autre lui montre de nouvelles constructions ou encore des lieux associés à leur vie quotidienne, comme les écoles des enfants ou le dispensaire où travaillent Milad et Beela, sa femme.
La discussion s’arrête bientôt, car Milad manœuvre pour se garer dans une place, tout juste suffisante pour le long véhicule. Les enfants s’agitent et Narha regarde la rue en pente, aux maisons blanches carrées, toutes reliées les unes aux autres, comme un escalier géant, du bas jusqu’au sommet de la colline. Celle de la famille de Milad est un peu au-dessus de la mi-pente. Une porte en bois donne accès à une terrasse-salle à manger où un muret court sur trois des côtés et une grande baie vitrée sur le quatrième. Tout autour, d’autres résidences et terrasses sont décalées en avant, en arrière ou en hauteur pour offrir plus d’intimité à chaque maisonnée. Sur la droite, des herbes aromatiques dans de hauts bacs bordent une allée qui conduit à la porte principale, et à l’arrière, au jardinet. Toute la famille pénètre dans une large entrée où, par tradition, chacun ôte ses chaussures. Juste à côté, une petite salle d’eau permet de se laver les mains et le visage en arrivant de l’extérieur, puis ils se retrouvent et s’installent dans le grand salon familial. Narha est admirative et un peu surprise du confort qui émane de la maison dans un quartier apparemment plutôt populaire. Milad s’approche et sourit devant son étonnement.
La discussion se prolonge un moment, puis Beela propose à Narha de visiter la maison avant de s’installer. Narha découvre ainsi, à l’arrière de la maison, une vaste cuisine, une buanderie et une petite chambre avec salle de bain pour la cuisinière qui donnent toutes les trois accès au petit jardin. L’étage est occupé par cinq chambres de tailles différentes avec ou sans salle de bain, un hammam commun à tous et un escalier qui donne accès au toit.
Comme Amina fait chambre commune avec Ousa, Lana qui suit la visite propose d’accueillir Narha dans la sienne. Elle est aussi prête à lui laisser sa chambre et à déménager avec Sham, sa petite sœur, si cela peut être mieux pour Narha.
La question est donc réglée et la visite se poursuit. Lana, ravie, tient la main de sa tante. Elles gravissent l’escalier qui mène sur le toit. Il est aménagé en terrasse avec un préau couvert qui sert de salon-salle de jeu ou de chambre commune lors des grandes chaleurs de l’été et des pannes d’électricité qui mettent la climatisation hors service. De larges panneaux vitrés coulissants permettent d’ouvrir ou de fermer le préau pour se protéger du vent et de la pluie.
Après avoir admiré la vue tout autour de la maison, Beela met un terme à la visite et demande à Lana d’aider Narha dans son installation. Les deux jeunes femmes, tout en s’organisant dans la grande chambre de Lana, développent une nouvelle complicité.
Un nouveau rythme de vie prend forme dans la maison toute remplie. Chacun y trouve le sien en harmonie avec les autres durant ce premier week-end. Visites et sorties agrémentent des journées ensoleillées, mais un peu fraîches pour les gens du cru. Narha baigne dans la félicité. Le vent glacial, la pluie et la neige du nord de l’Europe sont loin et elle profite pleinement de chaque rayon de soleil. En deux jours, sa peau a retrouvé sa couleur naturelle.
Lorsque le lundi arrive, c’est le branle-bas de combat au lever du jour dans la maisonnée. Les enfants sont accompagnés à l’école ou au lycée et leurs parents se rendent au travail. Amina et Ousa prennent alors le temps d’informer Narha des dernières nouvelles concernant sa famille et son village. Narha écoute sans rien dire, remplie d’une immense tristesse en apprenant les détails de la disparition de Massoud, son frère, à Ramadi, après une visite à leur cousin. Il a probablement été arrêté, mais la famille est sans nouvelles depuis, malgré de nombreuses démarches. La jeune sœur de Samir fait aussi partie des personnes qui ne sont plus, balayée par le souffle d’une explosion à Ramadi. Elle apprend également que plusieurs anciens ont quitté ce monde. Elles s’excusent longuement, mais aucune d’elles n’a eu le courage de lui écrire ces tristes nouvelles. Elles profitent aussi de la journée pour se reposer du tourbillon familial et pour Narha, du décalage horaire.
Le mercredi, les femmes de la maison sont invitées en soirée à la préparation du mariage d’une lointaine cousine. Narha se désiste poliment auprès de Beela. Non seulement elle ne connaît pas cette personne, mais elle ne sera pas là pour les célébrations. Milad propose alors à Narha de l’accompagner à une réunion d’expatriés irakiens.
Sans demander d’autres explications, Narha accepte l’invitation. Elle est trop heureuse de pouvoir passer un moment avec son cousin et de rencontrer quelques compatriotes. Le soir venu, Milad les conduit en voiture à travers un dédale de rues et de collines. Il stationne la voiture tout en bas d’un vallon devant un immeuble cossu et ils remontent à pied une rue sinueuse. Narha voit de nombreuses personnes arriver par différentes ruelles. Seules, en couple ou en petits groupes, elles semblent toutes se diriger vers le même endroit sans qu’aucun bruit de conversation n’attire l’attention. Ils y parviennent un peu essoufflés en même temps que d’autres visiteurs. Le discret sifflement d’un gros homme devant le portail d’une villa alerte le gardien. Il entrouvre une étroite porte métallique de ce logis bourgeois entouré d’un jardin luxuriant.
Toujours en silence, les invités passent le seuil de la maison et s’engagent dans un escalier qui descend dans la partie inférieure de la demeure. Narha et Milad les suivent et se présentent parmi les derniers dans la grande salle où beaucoup de gens parlant à voix basse attendent déjà. Il y a très peu de femmes dans l’assistance, constate Narha qui se sent soudain mal à l’aise. Elle avait oublié cette sensation en Europe où les femmes ont une place et une présence beaucoup plus marquées. Milad la guide vers l’arrière de la salle, près d’une porte-fenêtre donnant sur le jardin. Quelques minutes plus tard, à l’autre extrémité de la pièce, une porte s’ouvre et laisse le passage à un homme grand et mince entouré de deux individus imposants. Son visage est mangé par de larges lunettes à monture d’écaille. Le cheveu noir dru et un teint basané lui donnent l’air sévère. À peine monté sur la petite estrade qui longe le mur, il lance son discours.
Un homme sur sa gauche s’avance lentement pour mieux le voir et l’observer. Il en profite aussi pour jeter, à la dérobée, un œil sur Narha et Milad.
L’assemblée retient son souffle sous la violence de l’invective. Narha se recroqueville et Milad tente de les soustraire aux regards. A-t-il, lui aussi, repéré ces participants un peu plus raides ? songe la jeune femme, face à la salle. Si tous les gens présents ont fui le régime de Saddam Hussein, Narha n’est que de passage et doit gagner l’Irak dans les prochains jours. Elle ne peut se compromettre avec des dissidents notoires. À cette pensée, une vague de peur se répand en elle. La crainte de conséquences reliées à sa présence dans cette assemblée la fait trembler. Mais, à l’approche d’un nouveau conflit, était-il bien raisonnable de vouloir retourner à Bagdad ? s’interroge-t-elle. Milad, soudain inquiet, la saisit par le coude.
Narha se sent coincée et sa panique augmente tellement, qu’elle en tremble de la tête aux pieds. C’est plus puissant que sa volonté et elle s’entend dire à son cousin.
Ils se faufilent vers la sortie la plus proche. Quelques serrements de mains polis et de rapides commentaires de Milad sur des enfants à récupérer et les voilà dans le jardin. Le gardien qui contrôle la rue leur fait signe d’y aller en entrebâillant davantage la porte. Au loin, des sirènes se font entendre. Seuls dans la rue, Milad et Narha s’éloignent au plus vite. En silence, ils se glissent à travers les ruelles jusqu’à retrouver leur voiture garée au pied d’un immeuble où une réception bat son plein, déversant dans la rue quelques joyeux fêtards.
Assis dans la voiture, ils reprennent leur souffle alors que la sueur perle sur leur front. Plusieurs voitures de police passent juste à côté d’eux et s’engagent dans la rue qui conduit vers le lieu de leur rencontre. Ils l’ont échappé belle, mais ils ne peuvent rien faire pour les autres, si là est bien la destination des autorités jordaniennes.
Les jours suivants, Narha reste marquée par cette expérience. Son cousin, tout aussi troublé par les risques encourus, tente de la rassurer, regrette cette escapade, mais elle rêve d’ombres massives qui la poursuivent et l’accusent d’avoir trahi son pays. Elle revoit les visages subjugués des spectateurs alors que d’autres examinaient chaque participant attentivement. A-t-elle été identifiée comme un élément subversif, elle qui doit rejoindre Bagdad dans quelques jours ?
Ni Milad ni elle n’ont parlé de cette soirée au reste de la famille. Elle s’interroge sur les conséquences possibles sur son stage au musée de Bagdad et sa bourse d’études en Allemagne. Une peur paralysante lui noue l’estomac. Parfois, elle est terrifiée. Tout le reste de la semaine, elle se tient loin de Milad, ne sort plus avec lui.
Heureusement, le départ approche. Amina et Ousa sont dans les bagages et se réjouissent de ce retour chez elles. Narha pour oublier passe le plus clair de son temps avec elles et les enfants. Beela et Milad travaillent beaucoup et les derniers jours s’écoulent avec une rapidité déconcertante.
Dix jours après son arrivée, le temps est venu pour Narha de poursuivre son périple. Alors que le soleil n’est pas encore levé, Amina, Ousa et Narha, installées dans la camionnette d’un ami de Bagdad, font leurs derniers adieux à toute la famille de Milad. Beela et Lana pleurent en se soutenant. Les plus jeunes sont bien tristes, mais Milad, lui, semble franchement soulagé. Narha enregistre l’attitude un peu inopportune de son cousin. Même l’indifférence aurait été plus acceptable. Est-ce en lien avec leur fameuse soirée ? Ils n’en ont plus reparlé. Elle n’a pas le temps de se questionner davantage que, dans un soubresaut, le gros véhicule s’ébranle en pétaradant. Après un dernier geste de la main, Narha se retourne résolument vers l’avant. Une longue journée de voyage les attend. Si tout se passe bien, elles arriveront à la nuit tombée. Bientôt, elle sera à Bagdad !
Chapitre 2 – Irak
Avril 2003
L’invasion du musée
Dès l’intensification des rumeurs de guerre, le directeur du musée national de Bagdad, Jalal Khadri, a pris la mesure du drame imminent qui se jouait sur la scène internationale concernant l’invasion de son pays par les États-Unis et leurs alliés. La fabrication d’armes de destruction massive est la cause officielle de cette offensive toute proche. Mais il n’a pas eu le temps de s’appesantir sur les raisons bonnes ou mauvaises du tumulte qui grondait à sa porte. Il a, dès le mois de février, confié à chaque membre de la direction un mandat de sauvegarde en relation avec leurs responsabilités habituelles. Farouk al-Rami, l’un des directeurs adjoints, a affecté tout son personnel à la mise en sécurité des principales antiquités orientales présentées dans le musée et ses vitrines. Toute son équipe est à pied d’œuvre. Narha, étudiante stagiaire en archéologie, arrivée début janvier, a dû abandonner, depuis deux semaines, ses travaux de traduction pour participer à l’emballage des nombreuses pièces de valeur de la réserve : bijoux, rouleaux-cylindre, tablettes, statuettes et autres artéfacts.
Mais le travail s’est alourdi avec l’arrivée de multiples caisses en provenance de tous les musées du pays dont elle assure, en ce début avril, l’inventaire. L’ouvrage est colossal, les journées longues et épuisantes. On sent le désespoir dans les regards et les gestes devant cette tâche sans fin qui concerne des milliers d’objets. C’est une impossible mission face au géant américain qui, depuis des mois, harcèle les pays occidentaux et l’ONU, l’Organisation des Nations unies, pour obtenir l’autorisation d’user de la force contre le régime dictatorial de Saddam Hussein et de ses sbires.
Tout le peuple a retenu son souffle lorsque les États-Unis ont lancé, au soir du 17 mars, un ultimatum à Saddam Hussein, ainsi qu’à ses deux fils, leur donnant quarante-huit heures pour quitter l’Irak. Devant le silence du dictateur, l’étau s’est alors resserré un peu plus autour d’une nation déjà asphyxiée par les guerres et l’embargo. De nombreux gouvernements ont pris la mesure des risques encourus, certains s’opposant à l’invasion et d’autres s’y associant. L’état d’urgence a été décrété dans plusieurs pays voisins. À Bagdad, on espère un déblocage de la situation intenable dans laquelle le pays est plongé depuis 1990 et, en même temps, on craint le pire dans les jours à venir. Au musée, la fébrilité est palpable. On se souvient des saccages perpétrés sous l’œil indifférent des troupes d’occupation dans les musées de nations en guerre comme l’Afghanistan et le Cambodge.
Mais tout espoir s’est effacé, le 20 mars, lorsque les États-Unis ont pénétré en Irak par les routes du
