Et j'ai dit non, tome 2: Jasmin
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À propos de ce livre électronique
Hiver 2021. Enfin vaccinée, Judith retrouve sa seconde famille au Manoir, malgré les mesures de confinement toujours en vigueur. C’est un réconfort immense, une bénédiction pour Judith qui s’inquiète toutefois de certains membres de sa vraie famille… Plusieurs d’entre eux vivent des bouleversements douloureux, surtout Jasmin, dont elle était si proche.
Rien ne va plus pour son petit-fils chéri. En plus de souffrir du contrôle excessif de sa mère, Jasmin se sent responsable d’un grand choc que vient de subir sa famille. Ses craintes envers sa nouvelle école se confirment: il a du mal à s’y faire de nouveaux copains et le sport ne lui occasionne que soucis et frustration. Puis il y a Alexandre, son meilleur ami, qui s’éloigne peu à peu, ajoutant une douleur de plus au tumulte et à la solitude de l’adolescent.
Souhaitant retrouver le Jasmin doux et affectueux qui lui manque cruellement, c’est à Emma que Judith demande conseil, sans se douter que la vieille dame lui procurera davantage qu’un soutien de taille…
« Ça va bien aller », qu’ils disaient ? Pas pour tout le monde. Mais la tragédie fait parfois place à une étonnante résilience et se nouent alors les relations les plus significatives.
Louise Tremblay d'Essiambre
La réputation de Louise Tremblay-D'Essiambre n'est plus à faire. Auteure de plus d'une vingtaine d'ouvrages et mère de neuf enfants, elle est certainement l'une des auteures les plus prolifiques du Québec. Finaliste au Grand Prix littéraire Archambault en 2005, invitée d'honneur au Salon du livre de Montréal en novembre 2005, elle partage savamment son temps entre ses enfants, l'écriture et la peinture, une nouvelle passion qui lui a permis d'illustrer plusieurs de ses romans. Son style intense et sensible, sa polyvalence, sa grande curiosité et son amour du monde qui l'entoure font d'elle l'auteure préférée d'un nombre sans cesse croissant de lecteurs. Sa dernière série, MÉMOIRES D'UN QUARTIER a été finaliste au Grand Prix du Public La Presse / Salon du livre de Montréal 2010. Elle a aussi été Lauréate du Gala du Griffon d'or 2009 -catégorie Artiste par excellence-adulte et finaliste pour le Grand prix Desjardins de la Culture de Lanaudière 2009.
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Aperçu du livre
Et j'ai dit non, tome 2 - Louise Tremblay d'Essiambre
Partie 1
Hiver 2021
Chapitre 1
« Prendre un enfant par la main
Pour l’emmener vers demain
Pour lui donner la confiance en son pas
Prendre un enfant pour un roi
(…)
Prendre un enfant par le cœur
Pour soulager ses malheurs
Tout doucement, sans parler, sans pudeur
Prendre un enfant sur son cœur »
Prendre un enfant par la main, Yves Duteil
Interprété par Yves Duteil en 1977
Le vendredi 22 janvier 2021,
en route vers le manoir, en compagnie de Judith
Depuis le début du mois, il ne fait pas trop froid, et le soleil est relativement présent, ce qui convient parfaitement à ma ferme résolution de ne plus tempêter contre l’hiver.
En effet, tout doucement, en grande partie parce que je n’ai pas vraiment le choix si je veux sortir de chez moi, j’ai statué que j’allais essayer d’apprivoiser cette saison que j’ai détestée en bloc durant tant d’années.
Je me surprends moi-même de cette décision prise sur un coup de tête par un matin ensoleillé, alors que je tournais en rond dans ma maison, désœuvrée.
Quand je l’ai annoncée à François, un brin suffisante, comme si j’étais au-dessus de mes affaires, la situation étant déjà réglée dans mon esprit, il a esquissé un petit sourire moqueur, j’en suis convaincue. Je l’ai entendu dans sa voix, à l’autre bout de la ligne.
— Toi ? Aimer l’hiver ?
La tendresse que j’ai sentie dans la raillerie a tempéré mes ardeurs, et elle a mis un frein à mon enthousiasme débordant.
— Je ne promets rien, ai-je consenti à préciser. Mais oui, comme je viens de te le dire, je vais tenter ma chance !
En fin de compte, cela s’est avéré beaucoup moins difficile que je l’aurais cru.
Il faut spécifier, toutefois, que cette année, la Nature a décidé de coopérer en se montrant clémente.
Depuis le jour de l’An, je fais donc régulièrement de longues promenades dans mon quartier.
Je prends plaisir à redécouvrir de très belles demeures que je n’avais pas vraiment le temps de remarquer quand je circulais en auto.
Et je me trouve plutôt jolie lorsque je rentre à la maison, les joues rougies par la bise hivernale.
Quand je vais au manoir, Emma aussi m’affirme que je suis ravissante avec ce qu’elle appelle mon « maquillage d’hiver ».
— On dirait une petite fille qui vient de jouer dehors.
Ça me fait plaisir d’entendre ce compliment, même si je sais que pour la petite fille, on peut toujours repasser ! Elle est loin derrière moi, l’époque de la gamine insouciante qui jouait à la marelle. Depuis ces derniers mois, j’ai l’impression que les rides de mon visage se sont creusées.
Est-ce l’âge, le grand coupable, ou les effets pernicieux de la pandémie, avec toutes ses obligations sanitaires qui restent contraignantes, qu’on le veuille ou pas ? Je ne saurais le dire, mais c’est un fait : je me sens vieillir, et le miroir du matin est en parfait accord avec mes pensées les plus critiques à mon égard.
Cependant, je ne me plains jamais, je n’en parle jamais. On me répondrait sûrement qu’à soixante-seize ans, c’est tout à fait normal de se sentir vieux, et ça, je ne veux pas l’entendre.
Et je ne souhaite surtout pas déclencher la moindre argumentation sur le sujet. En effet, ça risquerait fort de me faire sortir de mes gonds, ce que j’évite la plupart du temps, parce qu’une telle discussion me laisse complètement vidée et crée des malaises autour de moi
Il y a l’inquiétude aussi qui doit avoir sa part de responsabilité dans ces larges cernes sous mes yeux, parce que je ne sais toujours pas ce qui tracasse Jasmin pour qu’il ait changé à ce point. Oui, même si j’essaie de passer outre à mon anxiété et de vaquer à mes occupations comme si de rien n’était, mon petit-fils me préoccupe grandement.
Oh ! Il est venu me voir au soir du jour de l’An, comme je l’avais sollicité, sans qu’Isabelle cherche à imposer son droit de veto. Après tout, j’étais vaccinée, et, de toute façon, on me permettait de recevoir des visiteurs, une personne à la fois.
— Et nous allons garder nos masques… Si tu y tiens.
— Bien sûr que j’y tiens ! m’a rétorqué ma fille avec un empressement qui n’avait rien de forgé, je vous l’assure. Qu’est-ce que tu crois ? Que la pandémie est terminée ?
Ces derniers mots m’ont offusquée.
— Mais non, je ne suis pas devenue une imbécile heureuse à cause d’une piqûre, ai-je répondu du tac au tac. Et je sais que l’efficacité du vaccin n’est pas immédiate. Nous n’enlèverons nos masques que pour manger, promis ! Et nous nous assoirons aussi loin que possible l’un de l’autre, chacun à notre bout de la table.
Je venais livrer mes gâteries des fêtes à la famille de ma fille, et ce petit dialogue s’était tenu sur le perron de sa porte.
Étrangement, le gros VUS de son mari Pascal n’était pas dans l’entrée. À titre de physiothérapeute, était-il considéré comme un travailleur essentiel ?
Curieux que la question ne m’ait jamais traversé l’esprit en quasiment un an.
Toutefois, je me suis retenue et je n’ai pas demandé où Pascal se trouvait en cette veille de Noël. Ma curiosité aurait été légitime puisque nous sommes toujours en confinement et que la plupart des commerces sont déjà fermés. Je me suis abstenue. Pour m’y être frottée à quelques reprises, je sais fort bien que ma fille n’aime pas trop s’épancher sur ce qu’elle appelle sa vie privée. Comme je n’avais pas du tout envie d’indisposer celle qui venait de donner son aval à une visite de Jasmin, j’ai gardé mes questions pour moi et j’ai souhaité un beau Noël à toute la famille.
Sachant que je ne serais pas seule pour le premier souper de la nouvelle année, je suis retournée chez moi, le cœur en joie.
Et j’ai compté les heures qui me séparaient de ce moment tant espéré, et du réveillon aussi, parce que François m’avait promis une petite visite à sa sortie de l’hôpital, en fin de soirée.
Comme souvent lorsque François est là, la veille de Noël a été parfaite. On a beaucoup parlé, on a ri, on a mangé, et je n’ai pas vu les heures passer.
Puis je me suis mise à attendre la visite de Jasmin avec impatience. Une semaine, quand on souhaite quelque chose depuis longtemps, ça peut nous sembler interminable.
Enfin, Jasmin et moi, nous allions avoir une belle conversation à cœur ouvert.
Malheureusement, j’ai espéré en vain.
Question discussion à cœur ouvert, la rencontre avec mon petit-fils a été aussi efficace qu’un coup d’épée dans l’eau. Peut-être mes attentes avaient-elles été trop grandes ?
Il n’en demeure pas moins qu’à la seconde où j’ai tenté de savoir comment il se portait, parce que depuis le début de la pandémie, nous n’avions jamais eu l’occasion de nous retrouver en tête à tête, Jasmin est resté plus hermétique qu’une huître.
— Comment veux-tu que ça aille ? a-t-il répondu avec une nonchalance étudiée, tournant inlassablement son verre de nectar d’abricot que j’avais acheté expressément pour lui.
On aurait dit qu’il n’osait pas lever les yeux vers moi.
Je le sentais sur la défensive, comme si j’avais mis le doigt sur quelque chose de très sensible. Ou d’interdit.
Interloquée, j’ai donc pris la même intonation détachée pour lui répliquer, question de ne pas barrer à double tour les portes d’un éventuel dialogue.
— Je n’ai aucune idée de comment tu te sens, Jasmin. Il n’y a que toi qui peux me le dire… Alors, comment vas-tu ?
— Ça va ! Malgré la stupide pandémie, ça va.
Plus concis que ces quelques phrases lapidaires, lancées avec impatience, j’ai rarement vu ça !
J’étais consternée.
Ensuite, sans transition aucune, Jasmin a parlé du ski qui venait de commencer, et du tennis en salle qu’il allait pratiquer dès que les gymnases rouvriraient.
Puis, il a levé les yeux. Probablement en avait-il assez de fixer les lattes du plancher, mais il m’a tout de même souri furtivement avant de détourner la tête.
D’où il était assis, il avait une vue imprenable sur ma cuisine toute neuve qu’il n’avait pas eu la chance de visiter encore.
Il s’est levé d’un bond en s’extasiant exagérément.
— Wow ! C’est tellement beau !
Le temps de le dire, et Jasmin était à côté de l’évier, visiblement soulagé d’avoir trouvé un sujet de conversation qui n’engageait à rien.
Pourtant, en arrivant, il m’avait déjà dit qu’il aimait le nouveau look de la cuisine.
— Je n’en reviens juste pas du changement ! C’est vraiment beau, grand-maman. Wow ! As-tu vu l’îlot ! Ça doit être très agréable de cuisiner maintenant, parce que tu as enfin tout l’espace dont tu as besoin… Et ton frigo ! Wow, il est immense… Si j’ai bien compris ce que maman nous a raconté, à Juliette et à moi, l’automne dernier, ce serait mon oncle Antoine qui aurait construit tout ça ?
En tout et pour tout, en même pas trois minutes, il a prononcé le mot « Wow ! » dix fois. Je les ai comptés. Comme si tout à coup, mon petit-fils manquait de vocabulaire. Je l’ai rejoint dans la cuisine.
— Eh oui, c’est ton oncle Antoine qui a tout fait ça ! Je l’ai quand même aidé un peu, mais pas tant que ça. Il est vraiment très habile, n’est-ce pas ?
— Très…
Jasmin a fait un tour complet sur lui-même, posant le regard un peu partout.
— Wow que c’est beau !
Par la suite, il n’a pas lâché le morceau de toute la soirée, et il a parlé de ma nouvelle cuisine sur tous les tons possibles et imaginables.
Ça m’a fait du bien de voir ce gamin-là capable de s’enflammer pour quelque chose, même si son attitude me semblait quelque peu superficielle, et très exagérée.
C’est ainsi que toute notre rencontre qui se voulait une fête de retrouvailles a logé à l’auberge des récents travaux, et que l’essentiel a été mis de côté.
Volontairement ?
Je ne le sais pas vraiment, mais c’est pourtant l’impression que j’ai ressentie.
À la fin du repas, alors que je fondais beaucoup d’espoir en un long moment passé auprès du feu, Jasmin a catégoriquement refusé la tasse de chocolat brouté que je lui ai offerte pour terminer en beauté notre souper de ragoût.
C’est là qu’il m’a annoncé que sa sœur Juliette avait un nouveau copain et qu’elle passait plus de temps avec lui qu’avec sa famille.
— Laisse-moi te dire que ça met ma mère en rogne, à cause du confinement que Juliette ne respecte pas trop.
Puis, il s’est levé pour s’en aller.
— Maman a demandé que je retourne à la maison pour le dessert. Après tout, c’est le jour de l’An pour elle aussi, il ne faudrait pas l’oublier. On se reprendra une autre fois pour le chocolat chaud. Promis !
C’était de bonne guerre, je l’ai facilement reconnu. Je n’ai donc pas insisté.
Il n’en demeure pas moins que je me suis retrouvée Gros-Jean comme devant.
Quelques instants après que mon petit-fils est parti, je me suis emmitouflée dans le jeté de laine qui traîne en permanence dans le salon de septembre à mai, et je suis restée sur le perron à le regarder remonter la rue.
Jasmin marchait à pas lents, le dos courbé et les yeux au sol.
Et il ne s’est pas retourné une seule fois pour me saluer de la main, comme il l’avait toujours fait.
J’avais le cœur dans l’eau.
Mon instinct ne pouvait se tromper : ce tout jeune homme était malheureux, ou troublé par quelqu’un ou quelque chose que je n’arrivais pas à discerner.
Pourtant, je croyais connaître et comprendre cet enfant mieux que quiconque.
Petite misère !
Moi qui me suis toujours targuée d’avoir une intuition remarquable, un flair de fin limier, comme le disait Antoine, notre grand lecteur, je pataugeais dans le brouillard le plus dense en ce qui concernait mon beau Jasmin.
Frissonnante, je suis rentrée à l’instant où il a tourné le coin de la rue, en admettant, consternée, que je venais de manger avec un jeune homme que je ne connaissais pas vraiment, en fin de compte. Même son entrain face à la cuisine m’a semblé tout à coup factice.
Que se passait-il ?
Saurais-je un jour percer cette carapace ?
Saurais-je abattre ce paravent qu’il a érigé autour de lui et qui, par moments, ce soir-là, m’avait paru bien mince, tellement son regard était triste ?
Cette sorte d’indifférence calculée que Jasmin m’avait opposée durant le repas n’avait rien à voir avec les relations que nous avons si agréablement entretenues au fil des années, lui et moi.
Devant ma belle cuisine, le Jasmin d’avant aurait réclamé d’emblée de venir popoter avec moi dès que possible.
Il aurait ouvert les armoires et les tiroirs. Il aurait passé des remarques sur tout et critiqué bien des choses, et nous aurions alors discuté et ri ensemble.
Le Jasmin de ce soir-là avait refusé le chocolat qu’il aimait tant, quittant ma maison comme on fuit un cataclysme, me laissant seule, triste et désemparée.
J’en suis toujours là, presque trois semaines plus tard, à me poser mille et une questions, alors que je marche en direction du manoir pour recevoir ma dose quotidienne de douceur et de paix d’esprit.
Depuis le soir du jour de l’An, il n’y a qu’à cet endroit que j’arrive à oublier Jasmin. Un peu. Un tout petit peu.
Et pas pour très longtemps.
On nous a imposé un nouveau couvre-feu. Il est en vigueur de 8 heures le soir à 5 heures le matin. Au bulletin des nouvelles télévisé, ils ont interrogé quelques passants pour savoir ce qu’ils en pensaient.
À quoi s’attendait-on ?
C’est évident que les gens commencent à en avoir assez. Alors, ils se sont mis à râler de plus en plus fort. On doute de l’efficacité des vaccins, on parle de liberté brimée, et on ne se gêne plus pour exprimer ouvertement son désaccord, et parfois même son intention de ne plus respecter les règles.
Moi, en revanche, je m’en fiche un peu, de cette obligation de rester chez soi. Cela fait longtemps que j’ai pris l’habitude de vivre au salon quand vient le soir. En hiver surtout. La frileuse en moi a capitulé depuis belle lurette devant les balades au clair de lune. Même du temps de Pierre, alors que la promenade aurait pu être tout à fait romantique sous une belle neige tombant en gros flocons. C’était un sentimental, mon mari, qui avait souvent la fleur à la main et les mots doux aux lèvres. Malgré cela, dès les premiers frimas sur la pelouse, j’ai toujours préféré demeurer paresseusement au coin du feu.
De toute façon, depuis que j’ai appris à me débrouiller pour faire mes courses en ligne, je n’ai plus aucune raison de sortir en fin de journée. Je n’ai donc pas besoin d’une contrainte gouvernementale pour m’obliger à rester chez moi.
Il y a surtout que le vaccin que j’ai reçu, tel un sésame, m’a enfin rouvert les portes du manoir, changeant ainsi mes possibilités d’évasion du tout au tout.
Mon quotidien a pris un virage à 180 degrés en me permettant, tout au long de la journée, si je le veux, de côtoyer des gens que j’apprécie.
Non, je rends visite à des gens que j’aime profondément, n’ayons pas peur des mots.
Pour moi, la solitude imposée vingt-quatre heures par jour est bel et bien terminée.
Et j’avoue que j’en suis fort aise. Je ne comprends pas ceux qui expriment des doutes et des réserves face au vaccin.
Dorénavant, les portes du manoir me sont grandes ouvertes sur une liberté que je n’ai plus du tout envie de brimer de quelque façon que ce soit.
Chère Astrid !
C’est grâce à elle si j’ai pu recevoir une première dose dès les premières journées de vaccination, car pour elle, j’étais passée de bonne amie à proche aidante. « Proche aimante », comme elle m’a si délicieusement surnommée.
Le temps de laisser le médicament faire son effet, et la jolie dame m’a gentiment conviée à partager avec eux le repas du midi.
Et je vous jure qu’il y avait du pétillement dans sa voix quand elle m’a lancé son invitation au téléphone.
De toute évidence, je ne suis pas la seule à avoir souffert du confinement.
Quant à moi, j’ai été particulièrement émue de remettre les pieds dans ce magnifique manoir. J’en ai eu les larmes aux yeux quand j’ai vu Emma attablée dans la salle à manger. Dès qu’elle m’a aperçue, la vieille dame m’a saluée joyeusement de la main, comme si cela faisait des mois que nous ne nous étions pas rencontrées.
Pourtant, on se voyait déjà régulièrement à sa fenêtre, et pratiquement tous les jours sur l’écran de l’ordinateur.
Aujourd’hui, Emma m’attendait dans son fauteuil devant la fenêtre, et elle m’a accueillie avec son sourire le plus doux. Comme une mère reçoit son enfant. Chaque fois, ça me remue les entrailles de me savoir aimée à ce point.
— Vous voilà enfin !
Emma s’anime, se redresse sur son siège, balaie sa jupe du revers de la main.
— Enfin ? que je lui demande, malicieuse, tandis que je retire mon manteau.
Par habitude, je l’accroche à l’antique patère; ensuite, j’enlève mon foulard et ma tuque.
Puis je m’approche d’Emma en prenant un masque tout neuf dans la poche de mon chandail, tandis que la vieille dame enfile le sien maladroitement, tout en soupirant ostensiblement.
Je réprime un sourire, même s’il ne serait pas tellement visible. Je sais qu’elle déteste porter ce couvre-visage. Elle l’appelle son déguisement, et elle prétend qu’il l’empêche de bien respirer.
— Bien sûr que je dis « enfin » ! lance-t-elle finalement, tout en se calant contre le dossier de son siège. J’espère votre visite avec toujours autant d’impatience, vous savez, et je suis…
Voilà qu’elle se redresse sans terminer sa phrase. Elle me dévisage au-dessus de ce masque sanitaire qu’elle a choisi aussi bleu que le bleu de ses yeux.
— Attendez donc une minute, vous… Vous avez l’air soucieuse, Judith. Votre regard est contrarié. Qu’est-ce qui se passe ?
— Mais rien du tout !
Pour protéger ma vieille amie du moindre tourment, j’arrive à mentir avec un aplomb digne d’un arracheur de dents.
Néanmoins décontenancée, je m’assois près d’elle, de l’autre côté du guéridon.
Mes tracas en ce qui concerne Jasmin sont-ils à ce point visibles ?
— Vous êtes bien certaine que je n’ai pas ma face de tous les jours ? demandé-je sur un ton que je veux léger.
— Bonté divine, Judith ! Comment voulez-vous que je sache quelle face vous avez ? Elle est cachée ! Mais votre regard, en revanche, est très éloquent.
— Ah bon…
— Et je sais que vos yeux ne peuvent mentir, parce que vous êtes trop franche.
Je me sens rougir comme une enfant prise en défaut. Je détourne la tête sans dire un mot.
— Allons, Judith, répondez-moi ! insiste Emma. Que se passe-t-il ? Est-ce que quelqu’un dans votre entourage serait malade ? Avec cette satanée pandémie, c’est plutôt monnaie courante, non ?
— En effet, il y a de quoi être inquiet, et beaucoup. Vous avez bien raison, Emma. Mais heureusement, personne dans la famille n’est malade. Toutefois, je dois préciser que deux de mes enfants sont déjà vaccinés à titre de médecin et d’employé en pharmacie… Et un gendre aussi. Ça aide à éloigner certaines préoccupations. Du moins pour l’instant, parce que bientôt, tout ce bouleversement sera du passé.
— Pourquoi si vite ? Ce n’est pas ce que j’entends à la télévision.
— Je suis persuadée que si nos dirigeants restent prudents, c’est uniquement pour ne pas faire naître de faux espoirs. Ce scrupule les honore peut-être, mais à mon avis, il est inutile.
— Vous croyez ?
— Bien sûr ! La vaccination va bon train, et chaque semaine, on ouvre les possibilités de rendez-vous à une nouvelle tranche d’âge… Avant la fin du printemps, tout le monde va avoir reçu la première dose de ce merveilleux vaccin, et certains d’entre nous auront même eu droit à un rappel !
— Eh bien… Moi, voyez-vous, je vous trouve bien optimiste.
— Mais non ! Je vous l’assure, Emma ! À l’été, plus personne ne sera à risque, et on pourra dire adieu à la pandémie.
— J’espère que votre boule de cristal est juste, c’est le moins que je puisse dire. Mais ça ne me donne pas ma réponse, ça… On dirait, « ma grand foi du Bon Dieu », comme l’aurait déclaré ma sœur, que vous essayez de noyer le poisson… Si tout va si bien, pourquoi êtes-vous si contrariée ? Et ne me répondez surtout pas que ce n’est pas vrai ou que j’exagère ! C’est aussi visible que votre nez l’est au milieu de votre joli visage, quand vous ne portez pas de masque.
Je capitule devant une Emma en grande forme. Sa perspicacité est particulièrement étonnante, ce matin, et sa verve aussi.
— D’accord, je rends les armes, concédé-je enfin. La vérité est que c’est encore mon petit-fils qui occupe la plupart de mes pensées.
Le regard de ma vieille amie s’éclaire. Je sais qu’elle aime bien ce gentil garçon. Presque autant que moi.
— Le cher enfant ! C’est grâce à votre Jasmin si nous avons pu nous voir tous les jours, malgré notre isolement. Il avait compris, le chenapan, l’évidente magie des ordinateurs ! Et en plus, il a pensé à moi ! Donc, à vous entendre, ce serait encore lui qui vous inquiéterait… Vous aimeriez bien pouvoir l’aider, n’est-ce pas ? Ce n’est pas la première fois que vous m’en glissez un mot.
— C’est vrai, et vous avez raison de croire que je veux l’aider. Vous ne pouvez pas savoir à quel point !
— Je peux deviner, oui… Quand on aime quelqu’un, on souhaiterait être capable de décrocher la lune pour le voir sourire… Mais tout ça ne me dit pas pourquoi vous semblez particulièrement tracassée aujourd’hui. Voulez-vous en jaser, ou suis-je trop indiscrète ?
Avec Emma, tous les dialogues, même les plus improbables, paraissent faciles à entamer. J’aimerais avoir cette agilité pour trouver les bons mots en tout temps. Et le cran de verbaliser ce que je ressens, sans égard à la
