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Eloyn : Embrassé par un ange
Eloyn : Embrassé par un ange
Eloyn : Embrassé par un ange
Livre électronique426 pages5 heures

Eloyn : Embrassé par un ange

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À propos de ce livre électronique

Ce roman spirituel parle d'un amour envers un ange, du courage d'une âme qui choisit sa propre voie, et de l'art de naviguer entre l'ombre et la lumière.

Cette nuit-là, quand Lucifer m'a demandé d'allumer une bougie pour lui pour la première fois et que Michaël est apparu, protecteur, à mes côtés, je n'imaginais pas encore que cette rencontre deviendrait l'épreuve la plus déterminante de ma vie. Je ne savais pas que des anges se tiendraient un jour à mes côtés, ni quelle force sommeillait en moi.
Je ne savais rien.
Mais j'ai appris. Et un jour, j'ai été prête.

Je m'appelle Eloyn.
Et j'ai touché le cœur de Lucifer.


ATTENTION : Ce roman n'est pas un simple récit fantastique. Il s'appuie sur de véritables expériences spirituelles et s'adresse à ceux qui cherchent leur propre chemin intérieur, désireux de trouver dans leur vie une inspiration vers quelque chose de plus vaste. L'histoire d'amour qui y est racontée concerne un ange — et non le diable.
 

LangueFrançais
ÉditeurAnna Katmore
Date de sortie27 juil. 2024
ISBN9798227794178
Eloyn : Embrassé par un ange
Auteur

Anna Katmore

"I'm writing stories because I can't breathe without." At six years old, Anna Katmore told everyone she wanted to be an author after she discovered her mother's typewriter on a rainy afternoon. She could just see herself typing away on that magical thing for the rest of her life. In 2012, she finished her first young adult romance "Play With Me" and decided to take the leap into self-publishing. When the book hit #1 on Amazon's bestseller lists within the first week after publication, Anna knew it was the best decision she could have made. Today, she lives in an enchanted world of her own, where she combines storytelling with teaching, and she never tires of bringing a little bit of magic into the lives of her beloved readers, too. Anna's favorite quote and something she lives by: If your dreams don't scare you, they aren't big enough.

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    Aperçu du livre

    Eloyn - Anna Katmore

    Quelques mots pour commencer

    ~*~

    Mon nom, mon âge et mon apparence importent peu.

    Car je suis ton reflet,

    et cette histoire pourrait tout aussi bien

    être la tienne.

    ~*~

    Depuis mes premiers souvenirs, je perçois des choses qui échappent à la plupart. Il m’a fallu du temps pour reconnaître l’extraordinaire don qui m’a été confié et tout le potentiel qu’il recelait...

    Le jour où certains anges m’ont révélé la mission de mon âme et m’ont demandé si j’acceptais de l’assumer, j’ai promis de consigner mes expériences. Mon récit avait pour destinée d’inspirer d’autres personnes, de les aider à trouver leur propre chemin et à reconnaître l’appel de leur âme.

    Peut-être que le contenu de ce livre n’est qu’une invention. Et si ce n’était pas le cas ?

    La décision t’appartient entièrement : croire ou non au génie de ton âme, à ta puissance créatrice innée, à l’existence des anges et des êtres de lumière. Mais si tu choisis d’y croire, je te promets qu’à partir de cet instant, ta vie en sera profondément transformée.

    Chapitre 0

    Une éternité en un instant

    ––––––––

    Un vortex redoutable m’aspire,

    m’entraîne dans sa danse furieuse.

    La peur me paralyse tandis que tout ce que je suis se dissout :

    mon corps, mes pensées, mes souvenirs.

    D’où est-ce que je viens ?

    Où mène mon chemin ?

    La conscience m’échappe,

    et mes pensées s’effritent, une à une.

    Soudain, je traverse un voile de brume rose et scintillante.

    Chaque fragment de moi effleure chaque fragment de lui.

    Quand je réapparais de l’autre côté de son esprit,

    un sentiment de désolation écrasante m’envahit.

    Je vacille au bord de me perdre

    dans l’immense étendue de l’inconnu.

    Pourtant, dans cet infime battement,

    quelqu’un tend la main vers moi.

    Il me serre contre lui avec une douceur infinie,

    et je comprends instinctivement...

    Tout ira bien.

    Chapitre 1

    Les anges que j’ai appelés

    ––––––––

    En chaussettes de laine moelleuses et une chemise de nuit trop grande, je descends sur la pointe des pieds jusqu’à la cuisine. Enfin libérée des révisions pour les examens finaux, j’ai la gorge aussi sèche que la plante déshydratée de notre salle de bains, celle que Maman oublie toujours d’arroser. Il me faut quelque chose à boire, tout de suite.

    En passant devant le salon, une lueur saphir délicate me retient. Il est largement plus de vingt-trois heures ; à cette heure-ci, mes parents dorment d’ordinaire profondément. Intriguée, je jette un œil à l’intérieur et un sourire m’échappe quand je les vois blottis l’un contre l’autre sur le canapé, endormis comme deux enfants.

    Je m’avance, mais la voix grave du présentateur du journal télévisé me prend de court. Encore aujourd’hui, le monde semble s’effondrer. Les récits de guerre, de mort et de désespoir étouffent tout le reste, dessinant un tableau noyé de corruption. L’inhumanité règne, et la bonté paraît avoir déserté depuis longtemps. Mon cœur se serre en avalant ces vérités amères.

    J’ai toujours cru en la chaleur de la compassion, en l’idée qu’un jour, si chacun faisait sa part, le monde pourrait être sauvé en vingt-quatre heures. Mais ce n’est pas le cas. Ou plutôt, seuls quelques-uns essaient encore. La majorité de l’humanité semble avoir oublié comment vivre en harmonie avec la planète. La soif de pouvoir et de richesse est insatiable, indifférente aux atrocités qu’elle engendre.

    On dirait que l’ombre a gagné. Lucifer a triomphé.

    Le cœur lourd, je réfléchis à ce monde qui pourrait être d’une beauté renversante. Je soupire longuement et j’éteins la télé. Je n’ai aucune envie de troubler le sommeil paisible de mes parents avec cette berceuse de guerre et de détresse. Et de toute façon, ils ne passent pas Winnie l’Ourson à cette heure-ci.

    En silence, je déplie une couverture douillette sur eux avant de filer à la cuisine me servir un verre d’eau. Là, je manque de trébucher sur notre chatte. Elle se frotte à mes jambes puis s’allonge de tout son long, me lançant son regard bien connu de « Je t’en supplie, fais-moi sortir ! », toujours attirée par les aventures nocturnes. Je capitule, ouvre la porte d’entrée et la laisse filer dans le jardin.

    Une rafale fraîche me décoiffe et m’apporte les éclats de voix de nos voisins. Ils se disputent encore pour une broutille. Rien d’inhabituel, certes, mais après les histoires du journal, je me sens étrangement vidée, comme entraînée dans un courant d’énergie sombre qui m’emporte sans me laisser reprendre souffle.

    « Sale Lucifer ! Pourquoi tu fais ça ? » je grogne en levant les yeux vers les étoiles depuis le seuil.

    « Tu veux vraiment une réponse ? » résonne une voix calme derrière moi, me transperçant comme un éclair.

    Une peur brute me traverse d’un coup, m’arrachant un hoquet. Pendant une seconde, je reste figée, doigts crispés sur la poignée. Ma respiration se bloque, mes yeux me brûlent, incapables de cligner. Un frisson glacé remonte le long de ma colonne, hérissant ma peau de la nuque aux chevilles.

    Qu’est-ce que j’ai invoqué, bon sang ?

    Lorsque la paralysie finit par se dissiper, je claque la porte et m’effondre à genoux, paupières serrées. Sans réfléchir, j’appelle l’archange Michel dans mon esprit. Un réflexe. Aussitôt, l’air bascule, comme si une autre réalité, douce comme une brise d’été, se superposait au monde et mêlait deux plans — celui que tout le monde voit et celui que moi seule perçois.

    Michel est mon guide céleste depuis toujours. Il est apparu très tôt dans mon enfance et ne m’a jamais quittée.

    Son énergie familière et lumineuse envahit le couloir, m’enveloppant comme un manteau protecteur. Pourtant, mes os tremblent et je n’ose pas relever la tête. J’ai peur de ce que j’ai pu appeler sans le vouloir.

    J’ai peur de lui.

    « Tout va bien, Eloyn. » La voix de Michel est une caresse. Entendre mon prénom dans sa bouche répand en moi une chaleur rassurante, aussi douce que l’odeur d’un chocolat chaud en plein hiver. « Tu peux parler à Lucifer maintenant, si tu le souhaites. »

    Il a perdu la tête ? Le diable est dans mon salon et je suis censée bavarder avec lui ?

    Mon Dieu, viens à mon secours.

    J’avale ma salive avec peine et secoue la tête. Mon cœur cogne contre mes côtes, faisant vibrer tout mon corps. Puis je sens la main de Michel sous mon menton, m’invitant à relever les yeux.

    Son toucher n’a rien d’humain ; c’est comme un rayon de soleil tiède sur ma peau. Au fil des années, j’ai appris à lire et à comprendre les intentions des anges à travers cette sensation. Nous avons développé notre propre langage de lumière, en quelque sorte.

    Dans cette dimension invisible, je croise son regard, posé dans un visage bienveillant encadré de cheveux blonds en bataille. Comme toujours, il porte une fine cuirasse d’argent et une longue cape bleu royal qui traîne derrière lui. Cette image est synonyme de protection depuis mon enfance — et pas seulement à cause de l’épée impressionnante rangée à sa hanche gauche.

    Pourtant, juste derrière lui, le Prince des Ténèbres est affalé sans le moindre état d’âme sur les marches du bas de l’escalier, créant un contraste si violent entre lumière et ombre que ma gorge se serre. Les coudes posés sur les genoux, Lucifer entremêle ses doigts ; ses immenses ailes blanches retombent mollement sur les marches, comme la cape d’un roi lassé de son propre royaume. Au milieu de ma terreur, je remarque à peine que ses plumes ne sont pas aussi sombres que ses cheveux — révélation inattendue. Son torse nu doit laisser la place à ses ailes, j’imagine.

    En guise de salut, il m’adresse un sourire à peine esquissé et hausse d’un même mouvement ses sourcils couleur de jais.

    Un frisson glacé traverse mes veines.

    Pendant une éternité minuscule, je reste fascinée par ses yeux noirs insondables. Même si la peur gronde en moi, quelque chose d’étrange se glisse dans mes pensées, calme les battements affolés de mon cœur et ramène ma respiration à une tranquillité inhabituelle. Que m’arrive-t-il ? L’aura qui émane de Lucifer exhale une royauté implacable, malgré sa posture de souverain blasé pour qui le sort des humains ne mérite qu’un demi-sourire. Une séduction envoûtante l’enveloppe, comme les anneaux de Saturne, éveillant en moi un désir irrépressible de me laisser porter dans leur danse céleste pour l’éternité.

    Et soudain, je me demande ce qui, exactement, m’effrayait autant quelques secondes plus tôt...

    « Assez, Lucifer ! » La voix coupante de Michel claque dans le couloir, semblant secouer tout le quartier. Je sursaute, surprise de voir son regard sévère se poser sur l’ange vautré sur les marches.

    Lucifer répond à sursaut par un sourire rusé, clignant paresseusement des yeux vers Michel. « Quoi ? Je regarde, c’est tout. »

    En se tournant pour lui faire face, la cape bleue de Michel effleure mon bras. La chaleur qui émane de lui m’ancre, même si je perds résolument pied. Je n’ai jamais perçu les anges avec une telle netteté, pas même dans mes rêves les plus vifs. « Nous ne sommes pas ici pour jouer », le réprimande-t-il, la voix sèche.

    « Oh ? » répond l’ange aux ailes blanches, son sourire vacillant un bref instant. Ce sourire est étrange : il ne contient aucune émotion — ni chaleur, ni menace. Aussi neutre que la lumière du midi. En même temps que son sourire, Lucifer incline légèrement la tête. « Les ères infinies auraient-elles fini par te lasser de t’amuser, mon vieil ami ? »

    Michel laisse échapper un long soupir, ferme les yeux et masse l’arête de son nez entre son pouce et son index. Contrairement au diable, cet ange — qui n’a jamais manifesté d’ailes devant moi, et ne le fait pas davantage maintenant — laisse émaner une émotion très palpable. L’air vibre d’un regret lourd, presque étouffant. Pourtant, Michel refuse toujours de m’en dire plus sur la nature de ce chagrin ancien.

    Ma capacité à percevoir les deux mondes et à voir les êtres de lumière est apparue avant mes quatre ans, et Michel me guide depuis. Malgré tout, il m’a toujours gardé certains secrets. Ce qui le hante depuis des époques immémoriales ne me regarde évidemment pas.

    « Et toi ? » Les mots glacials de Lucifer se tournent désormais sans détour vers moi. « Comptes-tu rester plantée là éternellement, à m’éviter dans ton silence ? »

    J’entrouvre les lèvres, étrangement poussée à lui répondre, mais ma gorge trop sèche refuse de laisser sortir le moindre son. Je me rappelle les dizaines de questions que je brûlais de lui poser quelques instants plus tôt, mais aucune ne remonte. C’est à ce moment-là que Michel me tend la main et m’aide à me relever. Me mettre debout n’est pas le problème — c’est le poids émotionnel qui m’écrase, et pour cela, je lui suis profondément reconnaissante.

    Mais je n’ai plus la moindre envie d’interroger le diable.

    Au lieu de parler, mon esprit s’emballe, paniqué. Comment suis-je censée chasser un tel mal de ma maison dans ces conditions ? Ou, au minimum, protéger ma famille et moi-même ?

    Je lâche la main de Michel et avance en chancelant dans le couloir — encore que « avancer » soit un bien grand mot. J’ai l’impression de me mouvoir sous l’eau, luttant contre la peur qui recommence à me déferler dessus par vagues.

    J’atteins la cuisine de justesse et fouille un tiroir avec des mains tremblantes. Il devrait y avoir une boîte d’allumettes quelque part. Bon sang, où est-elle ? L’énergie de Michel continue de m’envelopper comme une assurance constante, mais je ne perçois Lucifer qu’à la périphérie de ma vision lorsqu’il entre à son tour dans la pièce. Je ne ressens toujours rien venant de lui alors qu’il me dépasse pour s’adosser nonchalamment au réfrigérateur, observant mes gestes avec une curiosité tranquille. « Qu’est-ce que tu fais ? » demande-t-il.

    Les allumettes enfin trouvées, je contourne précipitamment l’îlot central pour attraper une grosse bougie sur l’étagère. Il me faut trois essais pour enflammer une tête d’allumette avant que la petite boule ne s’embrase enfin dans une flamme jaune sifflante. En approchant la flamme de la mèche déjà noircie de la bougie gris orage, je souffle, sans risquer un regard vers Lucifer : « J’allume une bougie. » Pour instaurer une énergie paisible et chasser l’obscurité — une leçon de Michel, des années plus tôt. La flamme vacille violemment dans la pièce immobile, mais elle tient bon. Dieu merci. Ma poitrine se dénoue un peu, et ma respiration se stabilise. « Pour toi. »

    À ces mots, le rire de Lucifer explose dans l’air, et si je n’étais pas certaine que sa voix ne résonne que dans ma tête, je craindrais qu’il ne réveille mes parents dans le salon. « Celle-là n’est pas pour moi », commente-t-il, sur un ton presque condescendant. Presque.

    « Et comment tu le sais ? » je risque, trouvant juste assez de courage pour croiser son regard.

    Lucifer me dévisage longuement, intensément, avant de se détacher du réfrigérateur et de s’avancer. L’extrémité de ses ailes balaie le sol, indifférente à tout. « Si elle est vraiment pour moi, alors éteins-la ! » ordonne-t-il, d’une voix d’un sérieux glaçant.

    Quoi ? « Pourquoi ? » J’aimerais me tourner vers Michel pour un signe, un avis — et je sens sa présence juste derrière moi — mais je n’arrive pas à me défaire du regard hypnotique du diable, arrêté de l’autre côté de l’îlot.

    « Parce que je l’ordonne. »

    La fermeté de sa voix déclenche en moi un conflit étrange. Une part de moi ressent l’impulsion d’obéir. L’autre voudrait s’enfuir de la maison en hurlant.

    La main lumineuse de Michel se pose sur mon épaule, et j’y puise le courage nécessaire. Je me penche, priant pour avoir assez d’air dans les poumons pour souffler sur la flamme vacillante. Je fronce les lèvres, ferme les yeux et souffle doucement. Quand je les rouvre, la bougie est éteinte, et le regard puissant de Lucifer est ancré dans le mien, si proche que j’en perds un battement. Un coup violent traverse mon cœur, suivi d’un silence dans ma poitrine — rien de bon pour ma santé, assurément.

    « Et maintenant », murmure-t-il, « rallume-la. »

    Je tâtonne pour reprendre la boîte d’allumettes et, par chance plus que par adresse, j’en saisis une. Mes doigts tremblent, maladroits. Après en avoir cassé une, j’en fais jaillir une autre, enfin enflammée. Alors que j’approche prudemment la flamme de la mèche, Lucifer referme sa main autour de la bougie gris orage, et la flamme jaillit aussitôt. Le feu s’élève anormalement haut, et pourtant reste d’une immobilité parfaite. Aucun mouvement, aucune oscillation. Une tranquillité ardente, cosmique. En son cœur scintille une myriade d’étoiles.

    « Tu vois ? » souffle Lucifer en retirant lentement sa main. Son expression demeure inchangée, mais un infime sourire semble illuminer ses yeux sombres. « Maintenant, elle est vraiment pour moi. »

    La même sérénité étrange revient m’envahir, semblable à celle que j’ai ressentie dans le couloir en croisant son visage pour la première fois. Je revois les anneaux de Saturne qui l’enlacent, m’appellent, m’implorent de joindre ma lumière à leur danse éternelle.

    Qu’est-ce que c’est que cette sensation ?

    À cet instant, Michel se place à ma droite, près de l’îlot, et une barrière invisible se matérialise entre Lucifer et moi, rompant l’attrait qui m’étouffait. Une part de moi souffle de soulagement... l’autre s’en désole presque.

    Michel garde le silence, mais Lucifer semble comprendre qu’on vient de lui imposer une limite. Il se redresse, arbore un sourire satisfait et déclare calmement : « Très bien. »

    Je ne sais pas s’il s’adresse à Michel ou à moi. Pourtant, lorsqu’il se cale contre le frigo, une épaule posée dessus, les bras croisés et le regard rivé sur moi, il devient évident que je suis le centre de son attention — tout comme il l’est du mien. « Tu avais une question. C’est ta chance, Eloyn. Michel veille sur toi. »

    Mon regard hésitant se tourne vers Michel, croisant son expression grave mais rassurante. Il incline légèrement la tête, et je comprends que l’Ange des Ténèbres n’a pas menti.

    Une exception, peut-être ? J’ai toujours imaginé le diable comme une créature fourbe et répugnante. Et voilà qu’il s’avère que la vérité peut être tout aussi dangereuse... et terriblement séduisante.

    Je m’éclaircis la gorge, comme pour réveiller mes cordes vocales, même si ce n’est pas nécessaire. Michel m’a expliqué depuis longtemps que je n’ai jamais besoin de parler à voix haute avec lui ou avec n’importe quel autre ange. L’âme émet une vibration propre à chaque pensée, que l’autre capte et comprend. Et cela fonctionne dans l’autre sens : les pensées de Michel ont une vibration particulière que mon esprit humain traduit automatiquement en mots ou, souvent, en images.

    La vibration de Lucifer est... fascinante. Une invitation puissante que j’accepte malgré moi.

    « Pourquoi es-tu aussi mauvais ? » je demande timidement, déclenchant chez lui un nouvel éclat de rire. Un rire profond, robuste, qui semble surgir du recoin le plus ancien de son être — s’il en possède un.

    Un instant, il m’ignore complètement et tourne la tête vers Michel. « C’est ça que tu lui as appris ? »

    Aucune idée de ce qu’il veut dire par là. Et pour être franche, Michel n’a jamais abordé Lucifer avec moi. Il répond seulement aux questions nées de ma curiosité, et le diable n’a jamais été un sujet que j’aurais songé à mettre sur la table.

    Était-ce une erreur ?

    « Il n’y a pas d’erreurs », murmure doucement Michel à ma pensée inquiète, en posant sa main sur la mienne. « Seulement des expériences, des destinées et des chemins. Tu avances à un rythme qui te correspond. »

    Oui, il parle souvent comme ça. Et d’ordinaire, il me faut quelques jours pour laisser ses phrases infuser complètement dans mon esprit.

    Lucifer traverse la cuisine pour rejoindre la fenêtre au-dessus de l’évier. Il pose les mains sur le rebord et lève les yeux vers le ciel nocturne constellé d’étoiles. Ses immenses ailes retombent lourdement le long de son dos, pareilles à des sources de lumière éteintes.

    Après un long silence, il jette un bref regard par-dessus son épaule dans ma direction. Son expression est pensive, presque traversée d’un désir ancien, fixée sur un horizon invisible qui semble s’étendre juste derrière moi. Une seconde plus tard, ses yeux se reposent sur mon visage, et il exige : « Définis le mal. »

    Wow. Bien plus difficile que prévu. « Tu égares les gens, tu les pousses à commettre des choses affreuses », je propose prudemment.

    Ses yeux brillent dans la lumière de la bougie pendant un long battement. Puis il incline légèrement la tête. « Vraiment ? »

    Le temps semble se distendre entre nous, de longs silences séparant chaque réplique, alors que la conversation reste étrangement fluide.

    « Et quoi d’autre, sinon ? » je rétorque.

    Lucifer reporte son regard vers la fenêtre, absorbé par sa réflexion. « Quand une chouette traque sa proie dans le manteau de la nuit, utilisant l’obscurité comme alliée, et qu’elle finit par capturer une souris après une poursuite éreintante... qui a vraiment dévoré la souris ? » Il se retourne vers moi, levant un sourcil noir dans un défi tranquille. « La nuit ? Ou la chouette ? »

    Je laisse l’image se déployer en moi, un frisson courant le long de mes jambes nues. Mes orteils se recroquevillent dans mes chaussettes. Michel se rapproche légèrement, et la température ambiante grimpe aussitôt. Je le remercie intérieurement pour ce geste silencieux, et je sens qu’il reçoit ma gratitude sans que j’aie besoin d’ajouter un mot. Je reporte simplement mon attention sur Lucifer, qui m’a de nouveau tourné le dos.

    « Tu veux dire que tu es la nuit ? » je demande, tâchant de percer sa métaphore.

    « Je suis la sphère alternative qui offre des possibilités », répond-il d’un ton presque ésotérique. « Ce que les humains choisissent d’en faire n’est pas de mon fait. Vous possédez tous le libre arbitre. »

    Sa formulation sonne comme une manière embellie de décrire sa nature et ses actes. Ou peut-être pas ? Seigneur... je n’en ai aucune idée ! Plus la nuit avance, plus cette rencontre devient déconcertante. Ce qu’il dit ne peut pas renverser toute ma compréhension du bien et du mal. Ce doit être un jeu. Je serais idiote d’y succomber.

    Décidée à ne plus me laisser manipuler, je croise les bras avec défi. « Si tu avais un cœur, tu ne laisserais pas un tel espace ! Tu ne laisserais pas les gens être engloutis par les ténèbres et commettre des actes aussi inhumains. »

    Il esquisse un sourire en coin et se tourne vers moi, s’appuyant contre l’évier. Ses mains disparaissent dans les poches de son pantalon de cuir noir. « Tu crois que je n’ai pas de cœur ? »

    « Je ne sais pas. Est-ce que tu en as un ? »

    Son expression soudain douce me prend de court. Une lueur de surprise et de curiosité traverse l’air, qui jusque-là en était dépourvu. Mais il ne répond pas. Michel non plus. « Pourquoi tu ne me réponds pas ? » j’insiste. « Tu ne te connais pas toi-même ? »

    Lucifer cligne des yeux, et je me demande quelles pensées peuvent bien faire vibrer l’air d’une telle tension. « Un jour, tu le sauras », finit-il par murmurer, et un frisson me parcourt l’échine.

    « Quand ? »

    « Quand tu seras prête. »

    Un rire sans joie m’échappe. « Prête pour la déception ? »

    Lucifer s’avance, et mes bras retombent malgré moi. Mes genoux vacillent quand il s’arrête tout près, son regard ancré dans le mien, nos souffles presque mêlés. « Prête pour la vérité », murmure-t-il.

    Mon cœur bat si fort qu’il cogne dans mes oreilles. J’avale difficilement. Ne suis-je pas prête pour la vérité maintenant ? Ma bouche reste close, mais je sens la question vibrer en moi.

    Lucifer secoue la tête.

    Il ferme un instant les yeux, puis les rouvre, son attention glissant vers Michel, posté à mon côté dans une posture protectrice. Toute chaleur disparaît du regard de Lucifer, remplacée par une froideur tranchante et une détermination sombre. « Pas avant longtemps. »

    Sur ces mots, il se détourne et s’avance vers la nuit, traversant l’évier et la fenêtre fermée comme un spectre. Ses ailes éthérées sont les dernières à se dissoudre dans l’obscurité.

    « Chérie ? »

    La voix soudaine derrière moi me fait bondir et cogner contre le tiroir entrouvert. Aïe.

    Haletante, je me retourne vers le visage encore endormi de ma mère, emmitouflée dans une couverture. « Qu’est-ce que tu fais debout à cette heure ? » demande-t-elle doucement, sa main chaude venant encadrer ma joue.

    Je jette un coup d’œil à l’horloge au-dessus de la porte.

    Minuit.

    Je balayse la pièce du regard, mais il ne reste plus aucun ange.

    Seule une bougie vacille dans le silence enveloppant.

    Chapitre 2

    Les répercussions d’un conte du soir

    ––––––––

    Je suis blottie dans mon lit depuis un moment, mais le sommeil me file entre les doigts. Ma vie vient de basculer si brutalement que mon esprit ne parvient plus à suivre. Tout cela me touche à un niveau différent, dans une autre dimension.

    Pour la première fois de ma vie, le monde surnaturel me fait peur.

    « Michel ? » je murmure dans le noir, même si je n’ai pas besoin de parler. C’est la pensée qui l’appelle, et ma réalité se réajuste aussitôt.

    « Je suis là », répond sa voix apaisante tandis que sa présence lumineuse se détache peu à peu des ombres, apparaissant à mon chevet.

    « J’ai peur. »

    Il s’assoit au bord du lit et m’observe avec tendresse, la tête légèrement inclinée. « Tu veux un peu de compagnie ? »

    J’acquiesce. « Et tu pourrais aussi nettoyer la maison de tout ce que Lucifer pourrait y avoir laissé, tout à l’heure ? »

    Ses yeux me disent déjà que c’est fait. Mais ses lèvres soufflent : « Bien sûr. »

    Michel m’a souvent montré comment il utilise un bandeau de lumière violette pour transformer les énergies lourdes en énergies plus légères quand un lieu a besoin d’être purifié. Il projette cette bande rayonnante, qui tourbillonne à travers les pièces et même la matière, du sol au plafond. Ce faisceau recueille tout ce qui porte de l’ombre et l’emporte vers les hauteurs célestes pour renaître sous forme de poussière d’étoiles — une idée féerique que je chéris depuis l’enfance.

    Même immobile à mes côtés, je suis certaine qu’il tisse déjà sa magie sur un autre plan. Il ne refuse jamais une demande de protection ou de purification.

    Cette pensée seule m’adoucit et me réconforte.

    « Tu peux purifier mon corps et mon esprit aussi ? » je marmonne dans ma couverture, en lui lançant un regard suppliante qui fait naître un sourire sur son visage. Je ne me sens pas souillée après ma rencontre avec Lucifer, mais j’ai soif d’un sentiment de pureté, surtout après la frayeur de tout à l’heure.

    Du bout des doigts, il effleure ma cheville droite, et sa lumière curative se répand en moi, m’inondant d’un bien-être profond. Un soupir de gratitude m’échappe.

    « Qu’est-ce qui s’est passé, tout à l’heure ? » je parviens à demander quand il repose ses mains sur ses genoux. « Pourquoi l’Ange des Ténèbres était dans ma maison, ce soir ? »

    Michel m’examine en silence, les lèvres pincées. Peut-être que ma question arrive trop tôt. Ou peut-être est-elle trop vaste, trop vive pour commencer. Avec le temps, j’ai appris que Michel ne livre pas tout d’un coup ; il m’invite à avancer avec lui pour découvrir certaines vérités par moi-même.

    La patience, et les questions posées au bon moment, sont de précieuses alliées. Alors je tente autre chose : « Est-ce que Lucifer a une âme ? »

    « Voilà », dit-il avec un sourire satisfait, « une excellente question. »

    D’un geste tranquille, Michel pose un genou sur le matelas, sa botte noire suspendue dans le vide. À la profondeur de son inspiration, je sens qu’une leçon bien plus vaste est sur le point de commencer, une leçon qu’il attendait manifestement. Parfois, je me demande pourquoi il ne me transmet pas simplement tout ce qu’il sait. Mais je me rappelle sa phrase : je choisis mon propre chemin et mon propre rythme. Il n’est qu’un compagnon, pas une boussole.

    Ce qui me ramène à ce que Lucifer a dit, tout à l’heure, au sujet de la nuit, de l’espace et du libre arbitre. Peut-être que tout ne se résume pas à séparer le bien du mal et à accuser le diable de chaque malheur. Peut-être que la vérité est bien plus complexe.

    « Oui, Lucifer possède une âme », commence Michel dans le calme nocturne, me laissant une seconde pour encaisser le choc. « Comme tout ce qui existe en ce monde. Chaque créature, chaque arbre, chaque pierre. Chaque élément — l’eau, le feu, l’or et l’argent. Le fer et le vent. Chaque fleur et chaque brin d’herbe. »

    Ma mâchoire se décroche. « Sérieusement ? Chaque brin d’herbe ? » Je suis stupéfaite. Je ne marcherai plus jamais dans un champ de la même façon.

    « Ne t’en fais pas. Tous les êtres de ce monde ne ressentent pas les émotions ou la douleur comme les humains. Les âmes qui s’incarnent ici sous d’innombrables formes poursuivent des expériences variées. Tu peux continuer à t’asseoir dans l’herbe et savourer la Terre sous toi. Mais la prochaine fois que tu te retrouveras au milieu de la verdure, glisse tes doigts entre les brins et connecte-toi à l’essence de leur âme. Dis-leur bonjour, si tu veux.

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