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13 jours avant la nuit
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Livre électronique570 pages5 heures

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À propos de ce livre électronique

Quand la dernière émission radio d'une station militaire de recherches annonce « Vous m’entendez ? Code 101 labo 7 ! Désinfectez-moi ce labo ! », le capitaine Ridley Hilts est bloqué sur place.
Des chercheurs ont créé un virus inconnu et s'en prennent désormais aux autres membres de l’équipe. Mais ce virus, promettant la vie éternelle, semble avoir des effets qui surpassent en horreur tout ce que l’on pourrait imaginer…
Vos émotions seront mises à rude épreuve par ce voyage en Antarctique, ces virus inconnus, ces scientifiques qui chavirent et les affrontements contre des créatures monstrueuses. Bref, une grande aventure ; le parcours d’un héros mythique et moderne vous attend dans cette seconde œuvre de l’auteur.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Richard Morel remporte un prix littéraire en 2014 avec son premier roman, "la Danse des Seigneurs", réédité en 2019 ; il signe à présent son deuxième roman, publié chez MORRIGANE ÉDITIONS, s’attaquant cette fois à un genre bien différent…
« Génial ! Un thriller excellent mêlant fantastique, horreur, retournements de situation et un suspense haletant.
Une lecture addictive grâce à une intrigue omniprésente qui tient le lecteur en haleine jusqu’au dénouement.
Lydie H.
LangueFrançais
ÉditeurMorrigane Éditions
Date de sortie11 juil. 2024
ISBN9782380690323
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    Aperçu du livre

    13 jours avant la nuit - Richard Morel

    moite le caressa. Il marqua un temps sur le perron de l’étroit

    L12

    immeuble où un couple d’amis l’avait hébergé durant cette

    semaine de liberté.

    Il contempla les légères volutes de condensation s’élever

    de la chaussée humide, les couleurs dorées de l’aube donner

    vie aux imposants immeubles qu’il imaginait, n’y prêtant que

    peu d’attention, froids avec leurs façades de béton grisâtre.

    Cette ville, d’ordinaire véritable fourmilière, lui apparut ce

    matin-là paisible, obéissant à une logique organisée,

    prévisible : la ville se réveillait et les personnes que son regard

    embrassait lui apparaissaient comme des automates

    effectuant, de nouveau, les mêmes gestes maintes fois

    exécutés.

    Il s’attarda ainsi plusieurs minutes. Avait-il un sentiment

    prémonitoire de ce qui l’attendait ? Non… Il ressentait une

    sensation positive, et en aucun cas de l’appréhension. Il se

    sentait réellement heureux, comme chaque fois, de partir sur

    un nouveau théâtre d’opérations.

    Un vent chargé de poussière lui fit cligner des yeux. Il

    revint à la réalité de son départ. Il vérifia une nouvelle fois le

    contenu de son sac à dos puis la fermeture éclair de chaque

    poche de son blouson. À l’aube de ce nouveau départ en mission,

    pensa-t-il, tout ce qui serait perdu ou oublié le serait pour ainsi dire

    définitivement…

    Après ces vérifications, il descendit d’un pas léger et rapide

    sur le trottoir au bitume craquelé par le dernier hiver. Il

    commença à s’éloigner quand il entendit son ami Daryle :

    — Ridley ! T’as oublié ton cadeau !

    Ridley se retourna et sourit en voyant la tête de Daryle

    dépasser de la porte entrouverte. Il le connaissait depuis

    l’enfance, depuis que Cassy, sa plus vieille amie, le lui avait13

    présenté. Il fut soulagé que ce fut lui et non elle qui s’aperçut

    de son départ en catimini.

    Les cheveux en bataille, le visage encore fripé de sommeil,

    Daryle vérifia qu’il n’y avait pas trop de monde dans la rue

    puis il rejoignit Ridley, fermant d’un coup sec sur son ventre

    rebondi et nu la fermeture éclair de sa veste de survêtement

    bleu clair. Les claquements que produisirent ses tongs

    contribuèrent à augmenter l’hilarité de Ridley. Pourtant,

    Daryle affichait un air consterné :

    — T’allais encore partir sans dire au revoir…

    — Tu sais que j’n’aime pas ça. On a eu toute la soirée d’hier

    pour fêter mon dernier jour de perme.

    — Peut-être, mais Cassy déteste que tu fasses ça !

    — Écoute, tu l’embrasseras pour moi et tu lui diras à

    nouveau à quel point je vous suis reconnaissant de m’héberger

    à chacune de mes permissions.

    — Bon. Mais tu pourrais au moins prendre la GoPro que

    je t’ai achetée, non ?

    — Daryle… Tu sais que je ne peux pas filmer mes

    missions… S’ils s’aperçoivent que j’ai ce type d’appareil, ils

    seraient capables de me refuser le départ !

    — Mais prends-la quand même ! Ils n’ont rien voulu te

    dire, tu vas sûrement être sur un projet top secret ! Y aura

    sûrement des trucs louches… et mettre des preuves de côté,

    ça peut être bon, même pour toi !

    — Toi et tes lubies de conspiration… Je travaille pour

    l’armée, pas pour la CIA…

    Ridley consentit à prendre la caméra et la glissa dans la

    poche de son blouson avec son smartphone tout aussi14

    interdit. Ainsi, il songera à les mettre tous deux dans son

    coffre personnel à la base…

    — Putain, reprit Daryle en l’examinant d’un air hagard,

    c’est tout ce que t’emmènes, pour deux semaines ? Tu vas où

    déjà ?

    — Arrête, tu sais que je ne te dirai rien… Et de toute

    façon, je ne connais pas encore ma destination. Pour ce qui

    est de mes bagages, je n’ai besoin de rien d’autre, je n’ai pas

    envie de perdre du temps à trimbaler tout un tas de trucs

    derrière moi !

    — C’est une drôle de vie quand même, lança une voix

    féminine.

    Ridley et son ami se tournèrent vers la porte : Cassy

    descendait à son tour les quelques marches du perron pour

    venir se blottir contre Daryle.

    — Tu allais encore nous quitter en scred ! Encore une fois !

    Contraint à faire ses adieux, Ridley sourit et se rapprocha

    d’elle afin de l’embrasser. Elle tendit mollement la joue vers

    lui sans se départir de son air rancunier.

    — À bientôt vous deux ! lança-il. Prenez soin de vous !

    Ridley se rapprocha de sa Ducati Monster.

    — Fais bon voyage, lui souhaita Daryle, et pense à filmer !

    — J’essaierai, mentit Ridley.

    — C’est bon, intervint Cassy d’un ton moqueur, ne te la

    raconte pas ! T’es qu’un chauffeur de poids lourds volants !

    — Oui, c’est vrai, admit Ridley une fois installé sur sa

    machine. Et j’aime ça ! Alors, faut pas que je sois en retard !

    Il lui fit un clin d’œil avant d’enfiler son casque et, voyant

    qu’elle s’apprêtait à ajouter quelque chose, il démarra le

    bicylindre et donna quelques coups d’accélérateur. Cela fit rire15

    Daryle qui serra sa compagne dans ses bras. Ridley vit à cet

    instant, dans son regard à elle, cette même lueur qu’elle avait

    eue, le prenant à l’écart lors de la soirée donnée pour célébrer

    son retour, une semaine plus tôt…

    Il chassa ce souvenir et appuya du pied sur le sélecteur de

    vitesse. L’engagement de la première fit trembler toute la

    machine. Il démarra en douceur sans plus se retourner vers ce

    couple d’amis qu’il connaissait à tel point qu’il faisait comme

    partie de sa famille.

    *

    Ridley, de peur d’être en retard, prit au plus court. Les

    voitures commençaient à s’agglutiner ; elles allaient bientôt

    former des bouchons interminables, s’immobilisant dans une

    atmosphère nauséabonde de pollution, les automobilistes

    braillant à tue-tête au gré de leurs klaxons.

    Il fallait à tout prix éviter le blocage complet : Ridley

    slaloma avec de légères pressions sur la poignée des gaz. Il

    espéra alors que son nouveau supérieur l’enverrait à un

    endroit sans bouchon ! Il allait être servi…

    Malgré les difficultés, Ridley parvint à quitter la ville sans

    accroche et, une fois les axes principaux bondés laissés

    derrière lui, il se pencha en avant et tourna l’accélérateur à

    fond. La roue avant décolla puis se reposa avec légèreté. Le

    soleil était monté dans le ciel et commençait déjà à tout brûler

    de ses rayons. Ridley baissa la fermeture éclair de son

    blouson A-2 usé. Il s’amusa à négocier avec légèreté chaque

    virage de la route déserte et arriva à la base et à sa nouvelle

    affectation.16

    Il gara sa moto tout au fond du parc couvert d’un toit

    ondulé. Là, elle pourrait dormir sans risque toute la durée de

    la mission. Ses échappements brûlants cliquetèrent alors qu’il

    s’écartait vers le baraquement où un casier comportait à peu

    près tout ce qu’il possédait d’effets personnels.

    Il y abandonna sa tenue de civil, mais garda son blouson,

    un cadeau de l’armée qu’il portait à chacun de ses vols.

    Bien sûr, il déposa dans son casier la caméra ainsi que son

    portable. Une nouvelle affectation, c’était pour ainsi dire

    comme un premier jour d’embauche donc : hors de question

    de mal commencer.

    Une fois ses préparatifs achevés, il retourna à sa moto. Il

    effleura les échappements pour en contrôler la température,

    put y poser la main sans se brûler, débrancha la batterie puis

    couvrit sa Monster d’une bâche en prévision d’une longue

    absence.

    Il se présenta à la secrétaire de son nouveau supérieur. Il

    resta droit devant son bureau le temps qu’elle le prévienne. Le

    regard de Ridley se glissa par la fenêtre pour admirer les

    différents avions de transport militaire manœuvrer sur les

    pistes.

    Il espéra être chargé des commandes d’un C-17. Il avait

    déjà piloté ce mastodonte quadriréacteur au Moyen-Orient et

    il le préférait de beaucoup à l’autre avion de transport lourd,

    le Lockheed C-5 bien qu’il soit plus petit. Le McDonnell

    Douglas C-17 pouvait se poser sur des timbres-poste avec ses

    volets soufflés ! Ridley songea aussi aux deux hommes qui

    l’accompagneraient s’il devait embarquer sur cet appareil :

    copilote et préposé au fret… Serait-il chargé de transport de

    troupes pour changer ?17

    Cette rêverie fut de courte durée. La porte qui le séparait

    de toutes les réponses à ces questions s’ouvrit et il fut invité à

    entrer dans une pièce étroite.

    Celle-ci comportait un unique bureau métallique. Sur l’un

    des côtés, une étagère emplie de dossiers et de paperasserie,

    sur l’autre, une armoire métallique à verrou dissimulait en

    partie des murs gris. À la gauche de la porte d’accès excentrée,

    une carte du globe démesurée portait de nombreuses

    inscriptions.

    Cinq personnes l’attendaient. Elles se mirent à l’observer

    avec avidité. Le général se rassit derrière son bureau. Un

    homme, habillé de la même manière que Ridley, mais plus

    chaudement, se tenait à l’écart. Malgré les cheveux gris de

    celui-ci, Ridley déduit de son aspect de baroudeur qu’il ferait

    partie de son équipage.

    Les autres personnes avaient des visages neutres ; ils

    portaient des costumes civils noirs. Deux d’entre eux étaient

    assis aux côtés du général. Le troisième l’avait invité à entrer

    et restait sur le côté penché sur un énorme dossier.

    Ridley ne perdit en aucun cas ses moyens. Il se concentra

    sur ses espérances d’affectation.

    Il se redressa face au général et salua. Celui-ci répondit à

    son salut et Ridley soupçonna qu’il devait s’agir d’une mission

    d’importance capitale vu l’air autoritaire et scrutateur que tous

    affichaient.

    — Nous sommes heureux de vous rencontrer, capitaine

    Hilts, lui affirma-t-il en guise d’introduction. C’est moi qui ai

    retenu votre dossier parmi bien d’autres et qui l’ai présenté à

    ces messieurs. Avant de détailler la tâche que vous aurez à

    accomplir, nous aimerions savoir une chose : seriez-vous

    prêt…18

    Il marqua alors un temps. Cherchant le mot le plus

    approprié, il interrogea du regard l’un des hommes installés à

    son côté, avant de reprendre :

    … à vous fixer à un seul type de mission… Ce travail

    que nous aimerions vous confier vous prendrait une à deux

    semaines par mois, guère plus. C’est une affectation définitive.

    Vous me comprenez bien ? Il consiste à effectuer des missions

    au niveau de confidentialité le plus haut. Nous affectons des

    permanents à cette tâche.

    — Général, vous savez que je suis à la disposition du corps

    des armées pour effectuer tous les types de missions que l’on

    me confiera. Avoir du temps libre n’est pas une de mes

    priorités… Puis-je vous demander ce qui vous a amené à me

    sélectionner ?

    — Il s’agit d’effectuer des transports. Réapprovisionner

    l’une de nos bases. Ce seront des vols longs et le chargement

    pourra être, comment dire, sensible, vous me comprenez ? Le

    type de chargement qui ne doit être perdu sous aucun

    prétexte ! Le commandant Clim… (le général désigna le vieil

    homme que Ridley avait remarqué en entrant) a effectué ce

    vol plus de sept cents fois. Mais à présent, il va nous quitter et

    partir en retraite. Nous cherchons à le remplacer. Vos états de

    service vous désignent tout particulièrement pour effectuer

    ces vols. La haute confidentialité veut que vous soyez seul,

    donc totalement autonome et exige, je vous le répète, votre

    affectation définitive. Votre dossier est suffisamment étoffé

    pour que nous soyons rassurés sur votre sens du devoir et vos

    capacités de pilote ; nous savons qu’un vol d’essai ne sera pas

    nécessaire. La seule réelle question est de savoir si ce type

    d’affectation vous intéresse. D’après votre dossier, vous avez19

    pas mal d’activités extra-armées : voyons… voltige… courses

    aériennes… Peut-être qu’à trente-cinq ans, il serait temps

    d’avoir une vie plus… posée ? Cette affectation le permet.

    Qu’en dites-vous ?

    Le général faisait de toute évidence allusion aux relances

    insistantes effectuées par Ridley — et qui devaient figurer

    dans son dossier — quand l’armée l’avait laissé une longue

    période sans mission. On l’avait maintes fois informé que lui

    seul montrait un tel acharnement. Ses confrères pilotes se

    moquaient de lui en affirmant qu’il ferait mieux de se trouver

    quelqu’un… Mais il avait choisi cette carrière pour ne jamais

    connaître la routine et pour voler ! D’un autre côté, songea-t-

    il, étant donné son âge, peut-être fallait-il qu’il pense à prendre

    un poste sur du long terme. Il aurait ainsi la garantie de ne plus

    avoir de longues périodes creuses et, de plus, ces mystérieuses

    missions ne semblaient pas de tout repos.

    — Serait-il possible de savoir quel avion me sera confié,

    général ?

    Cette question en guise de réponse fit rire le général. Ce

    dernier ne se doutait pas de l’importance que cela avait pour

    un homme qui, comme Ridley, avait l’aviation dans la peau.

    — Vous pourriez être amené à piloter plusieurs types

    d’appareils, capitaine, mais la majeure partie de vos missions

    se fera sur un modèle que tout passionné d’aéroplanes rêverait

    de piloter !

    Il lança un regard au vieil homme. Ridley se tourna alors

    vers celui-ci. Il décela une lueur dans ses yeux qui l’encouragea

    à croire le général sur ce point.

    — Bon, où dois-je signer ? demanda-t-il.

    Un nouveau rire du général éclata dans la pièce.20

    Il se tourna vers les deux hommes en costume.

    L’un d’eux prit la parole :

    — Comme l’a expliqué monsieur le général, nous avons

    étudié votre dossier et il ne nous semble pas nécessaire de

    vous faire passer les tests d’usage. Nous nous contenterons de

    quelques questions. Il semble que vous avez été capturé en

    Afghanistan, n’est-ce pas ?

    Ridley ressentit, malgré sa volonté de ne pas se laisser

    déstabiliser, un coup terrible à l’énoncé de ce souvenir

    traumatisant et il ne sut que répondre.

    — Il est dit dans votre dossier que le commando vous a

    sauvé in extremis, sans quoi, vous seriez mort sans avoir parlé,

    est-ce vrai ?

    Ridley tenta de choisir ses mots avant de répondre, mais,

    malgré lui, il se dévoila bien plus qu’il ne l’aurait voulu :

    — Seule ma condition physique m’a aidé à subir cet

    événement ; ainsi que mes convictions…

    — Vos convictions ?

    — Je… j’ai été initié lorsque je servais en Extrême-

    Orient à des choses qui m’ont parlé… et servi…

    — De quelle manière ?

    Ridley comprit qu’il n’y échapperait pas ; ces hommes

    désiraient le voir sous pression. Il lui fallait essayer de

    s’enfermer dans un coin de sa tête et raconter ce que sûrement

    ils savaient tous déjà.

    — J’ai passé deux mois, enfermé dans le noir… seul.

    Quand on me sortait de là, c’était pour m’en foutre plein la

    gueule et me questionner… Ces gens m’en voulaient pour ce

    que je représentais… On venait de saccager plusieurs villages

    en ne laissant aucun survivant… Sous-alimenté… j’ai dû21

    prendre ce que je trouvais : insectes, rongeurs… Je n’avais pas

    vraiment d’espoir que l’on mette d’autres vies en danger pour

    sauver la mienne… Dans ces conditions… J’ai cru être

    devenu… enfin… vous vous enfoncez, puis… un jour…

    Vous avez une sorte d’éclair… comme extérieur à votre corps,

    une image s’impose à vous… Celle qui représente ce que vous

    êtes devenu ! Une bête… Pire, vous vous voyez comme eux,

    ils vous voient, un monstre… Et ça… à accepter… alors…

    assis dans le noir… j’ai fixé ce que je croyais être un infime

    point de lumière, je crois qu’il filtrait à travers une fissure du

    mur… voyez ? Je me suis concentré dessus… À ce point

    épuisé, votre cerveau est comme une pâte, facile à modeler…

    C’est facile de vous faire parler… Mais, je me suis concentré

    au point de revoir le visage de l’homme qui m’avait appris

    cette technique de centralisation… À partir de là… je ne me

    souviens plus du reste de ma captivité… J’ai observé chaque

    seconde nouvelle en effaçant la précédente… Les hommes

    chargés de m’interroger ont dû me croire fou… Il n’y a qu’à

    l’énoncé de mon nom, aux sonorités de ma langue maternelle,

    que j’ai rouvert ma perception… ma sensibilité, à ce qui

    m’entourait… Le soldat du commando, en m’appelant par

    mon nom et en me disant que mon tourment était fini… a

    rouvert la porte sur la lumière…

    Pendant tout ce temps où Ridley se livrait, hésitant pour

    choisir chaque mot, il fixa cet homme droit dans les yeux. Il

    n’arrivait pas encore à parler de ce passage de sa vie sans en

    ressentir toutes les formes de douleurs. Cela le torturait encore

    et encore malgré les années qui avaient passé ; et fixer cet

    homme l’empêchait de trop retourner dans ce souvenir.

    Une fois les derniers mots prononcés, il cassa le lien établi

    avec lui et se tourna vers les autres personnes présentes. Ceux22

    qui n’avaient pas détourné les yeux le fixaient, dévorant ses

    paroles. Parmi eux, seul le vieil homme au blouson de cuir

    semblait ressentir une véritable empathie pour lui.

    — Oui… Bien. Vous avez également participé à quelques

    combats, essuyé le feu de…

    Ridley eut du mal à se concentrer sur l’énumération de ses

    états de service. Il ne s’attendait pas à être interrogé sur les

    tortures qu’il avait subies. La plupart du temps, les gens

    avaient la délicatesse de ne pas aborder ce sujet. Cela le

    troublait à ce point qu’il ressentait une forte animosité pour

    cet homme et l’envie de quitter au plus vite cet endroit.

    Pourtant, il comprenait son but, il le trouvait même louable et

    il savait qu’il ne fallait pas flancher à cette première agression

    faite à dessein.

    Ainsi, il s’efforça de retrouver son calme et il attendit en

    silence que ce soit fini pour demander, avec un sourire qu’il

    espéra franc et innocent afin de masquer son désarroi :

    — Je ne comprends pas, Monsieur, l’importance qu’ont

    pour vous mes faits d’armes. Le général affirme que c’est un

    boulot peinard de convoyage ?

    Tous rirent et le petit homme, de toute évidence peu

    habitué à faire passer des entretiens d’une telle intensité reprit,

    sans quitter Ridley des yeux, d’une voix plus aiguë :

    — Oui, c’est vrai. Votre mission consistera à faire la liaison

    avec l’une de nos bases secrètes. Un psychologue vous suit

    depuis votre retour de captivité. Votre médecin, le

    commandant Hiber, nous assure que vous êtes digne de

    confiance. Cette base crée de nouveaux armements. Pour que

    cette tâche se fasse sans risque, elle est extrêmement isolée,

    c’est tout. Désirez-vous du temps, peut-être, pour prendre

    votre décision ? Nous devons être sûrs. Un minimum de23

    personnes doit être dans le secret de l’existence de cette base

    et encore moins en état de la situer…

    — Non Monsieur. Je suis prêt à partir dès que vous le

    jugerez nécessaire ! Vous m’en avez donné l’eau à la bouche,

    je veux parler de cet avion si légendaire, bien sûr…

    À nouveau, toutes les personnes présentes semblèrent

    réjouies de la bonne tournure de cet entretien.

    Ridley dut ensuite signer une dizaine de formulaires. Le

    stylo à la main, il n’hésita pas une seconde à y apposer son

    nom, acceptant ainsi l’affectation qui allait l’emmener au cœur

    des événements les plus effroyables de notre temps.

    Il fut abandonné aux bons soins de l’homme à l’allure de

    vieux baroudeur, le commandant Leslie Clim. Quelques

    semaines plus tard, se remémorant cet entretien, Ridley prit

    conscience que ces messieurs en costumes ne lui avaient

    même pas été présentés.

    *

    Le vieil homme emmena Ridley déjeuner au mess afin

    qu’ils fissent connaissance. Leslie Clim se montra jovial

    malgré son visage bourru aux traits marqués par l’usure du

    temps et une vie pleine de péripéties. Ses cheveux formaient

    de denses bouclettes argentées. Il avait d’ailleurs le tic d’y

    passer sa main épaisse pour les plaquer en arrière, allant

    parfois jusqu’à les tirer de sa forte poigne avec rudesse. Une

    moustache drue gigota sous son nez alors qu’il raconta — et

    Ridley trouva cela interminable — tout un tas d’anecdotes

    aéronavales. Il ne put en définitive rien apprendre sur leur

    future tâche.

    Enfin, Clim se décida à l’emmener à leur avion.24

    Ridley sentit une nouvelle dose d’excitation et laissa son

    esprit s’aventurer à toutes sortes de spéculations : un avion de

    transport ? Était-ce le V-22 Osprey ou un appareil plus

    étonnant encore, peut-être l’un de ces bombardiers furtifs à

    réaction…

    Ridley s’aperçut qu’il marchait bien plus vite que son guide,

    se retournant toutes les dix secondes pour lui poser des

    questions alors qu’il n’avait aucune idée de l’endroit où ils se

    rendaient. Ils arrivèrent enfin à un hangar et Ridley, poussé au

    paroxysme de l’impatience, remarqua que ses dimensions ne

    permettaient pas de contenir ces monstres que sont le C17 ou

    d’autres avions militaires de sa catégorie. Pourtant, Ridley

    gardait l’espoir de découvrir un V-22, le fascinant hybride. Le

    commandant Clim passa par la porte du rideau métallique.

    Ridley le suivit et découvrit, avec stupéfaction — et une

    profonde déception — un quadrimoteur qui ressemblait à l’un

    de ces bombardiers lourds qui avaient servi durant la Seconde

    Guerre mondiale.

    Il ne voulut tout d’abord pas y croire.

    — Un avion à hélices ?

    — Il est magnifique n’est-ce pas ?

    Il se dirigea vers un petit homme nerveux, sans doute le

    préposé au chargement. Ridley courut derrière lui :

    — Mais ce n’est pas un peu rudimentaire pour transporter

    des cargaisons dangereuses ?

    Clim prit le temps de se tourner pour lui expliquer :

    — Tu te doutes bien qu’on l’a modifié. Il est pressurisé,

    contrairement à l’original, et ses moteurs ont été gonflés. Un

    radar remplace les mitrailleuses de la tourelle de menton de ce

    B17G. Cet avion est une parfaite couverture. Il attire25

    l’attention, mais pas sur ce qu’il transporte. Il est connu ! Tu

    auras d’ailleurs à voler lors de différentes manifestations

    aéronautiques où l’USAF est conviée. Tout le monde est

    persuadé que l’armée le garde en souvenir de cette période

    marquante de la 8e Air Force… Mais la réalité est tout autre.

    Il est de petite taille, il peut transporter de lourdes charges et,

    malgré cela, parcourir de longues distances ; il peut se poser et

    décoller de pistes plus que rudimentaires et enfin, il peut voler

    avec deux moteurs coupés ! Ce n’est pas un vieux clou :

    n’oublie pas que le C130 n’est pas beaucoup plus jeune que ce

    B17 ; 1952, si je ne m’abuse ! Ça ne l’empêche pas d’être

    toujours présent dans presque toutes les armées. Sauf que lui,

    quand on le voit, on sait tout de suite qu’il transporte du

    personnel ou du matériel militaire. Hé ! T’en prendras soin,

    hein ? Parce que ce B17 est le dernier qui vole encore pour le

    service…

    Ridley le jaugea pour savoir s’il se moquait de lui, mais la

    réponse s’avérait de toute évidence négative. De plus, ce vieil

    homme avait manifestement d’immenses regrets à quitter un

    avion qui, aux yeux de Ridley, aurait dû trouver sa place dans

    un musée depuis longtemps.

    Le vieux prit son air hagard pour un acquiescement.

    — Viens ! Suis-moi. Il faut que je te montre tout avant

    notre prochain départ ! En réalité ta nouvelle tâche n’aura rien

    de difficile. Le transport, comme ils te l’ont dit, prend à peu

    près une semaine. Trois jours aller, trois jours retour. Cinq

    points de ravitaillement en carburant sont nécessaires pour

    rejoindre la base à livrer. Ils se font sur des bases de moindre

    importance et des aérodromes isolés. On en profite alors pour

    se tenir au courant des éventuels changements à apporter à la26

    cargaison. Les communications sont codées. Le reste du mois,

    tu te tiens à disposition en cas d’urgence. Si un problème

    survient sur cette base lointaine, sache qu’ils ont tout sur place

    pour y remédier. Ils n’appelleront à l’aide que pour un manque

    de vivres ou pour quelque chose de ce genre. Dans ces cas-là,

    tu auras peut-être à utiliser un autre appareil plus rapide. Une

    fois sur place, il ne faudra pas hésiter à demander aux

    occupants de la base, mais avec discrétion, en particulier quoi,

    s’ils ne leur manquent pas quelque chose. Ils sont si isolés…

    Je me demande comment ils font pour ne pas retourner à l’état

    animal. Faudra pas leur en vouloir s’ils ont un comportement

    un peu étrange… De toute façon, tout ça est surveillé, et c’est

    aussi notre rôle de les ramener pour leur faire prendre des

    vacances… Après chaque aller-retour, tu fourniras un rapport

    sur leurs stocks — le colonel de la base tient tout ça à jour —

    et sur tout ce que tu pourrais remarquer d’anormal, comme

    un comportement extrême ou quoi que ce soit d’autre… Tes

    impressions ont leur importance. Enfin, que tu trimbales du

    matos ou du personnel (l’avion se modifie aisément pour ça)

    dans le cadre de ta mission mensuelle, tu ne resteras là-bas

    qu’une seule journée !

    *

    L’heure fixée pour le départ parut arriver de manière

    presque instantanée tant Clim expliqua à Ridley de choses sur

    cet avion ! Ils eurent, de plus, une montagne de préparatifs à

    terminer et de paperasserie à remplir. Leslie avait décidé de le

    laisser tout faire.

    Le cockpit du B17, qui, dans son modèle d’origine,

    nécessitait la présence d’un copilote, avait été repensé en27

    totalité pour pouvoir être fonctionnel en vol solo. Ainsi,

    toutes les commandes de démarrage et de gestion des moteurs

    — sur les anciens modèles tout à droite du tableau de bord —

    avaient été ramenées à la portée du siège de gauche. Les

    voyants de contrôle des moteurs remplaçaient maintenant

    ceux du système respiratoire des pilotes de la Seconde Guerre

    qui portaient des masques à oxygène. Pour finir, tous les

    instruments de vol, altimètre, anémomètre, etc., avaient été

    abandonnés pour un système PFD, un écran d’indication de

    navigation ainsi qu’un EICAS et le pilote auto avait été

    remplacé par son descendant le plus moderne.

    Ridley, malgré sa réticence toujours présente, prit un

    immense plaisir à démarrer chacun de ses quatre moteurs en

    étoile puis à rouler sur la piste jusqu’à l’alignement. Ces

    moteurs avaient un son incroyable.

    Dès que l’autorisation de décoller lui fut donnée, il bloqua

    la roulette de queue, sortit un tiers des volets et poussa avec

    douceur les quatre leviers des gaz. Les moteurs hurlèrent.

    L’accélération qu’ils procurèrent le sidéra. Leur puissance

    unitaire avait été gonflée à 4 300 chevaux, ce qui n’avait plus

    grand-chose à voir avec les 1 200 d’origine. La structure même

    de l’avion avait dû, par le fait, être modifiée. C’était un avion

    unique.

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