Explorez plus de 1,5 million de livres audio et livres électroniques gratuitement pendant  jours.

À partir de $11.99/mois après l'essai. Annulez à tout moment.

Les hors races - Tome 4: Sous les projecteurs
Les hors races - Tome 4: Sous les projecteurs
Les hors races - Tome 4: Sous les projecteurs
Livre électronique347 pages3 heuresLes hors races

Les hors races - Tome 4: Sous les projecteurs

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Lorsque paraît aux États-Unis le roman Burning Crossfires "– L’Escalade des Feux Croisés –", des deux côtés de l’Atlantique, c’est la consécration. Les lumières se braquent sur Georges au point où une chaîne de télévision américaine lui propose l’adaptation de sa saga avec en tête d’affiche une star de cinéma. Le succès le suivra-t-il seulement dans cette nouvelle aventure ? Le couple qu’il forme avec Jérôme résistera-t-il au tourbillon de la gloire ou se fera-t-il consumer par le feu des projecteurs ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Après une vie entièrement consacrée à l’enseignement et aux livres, c’est tout naturellement que Pierre Deroissy est passé, au fil du temps, du statut de lecteur fervent à celui d’auteur. Sur plusieurs décennies, il a écrit des poèmes et des textes divers. Ensuite, il s’est lancé le défi de publier des romans, animé par son désir de partager avec les lecteurs.
LangueFrançais
ÉditeurLe Lys Bleu Éditions
Date de sortie24 juin 2024
ISBN9791042224509
Les hors races - Tome 4: Sous les projecteurs

Auteurs associés

Lié à Les hors races - Tome 4

Titres dans cette série (4)

Voir plus

Livres électroniques liés

Fiction littéraire pour vous

Voir plus

Catégories liées

Avis sur Les hors races - Tome 4

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Les hors races - Tome 4 - Pierre Deroissy

    Première partie

    Chapitre I

    Le regard tourné vers le ciel

    Le regard tourné vers le ciel, il s’entendit dire à voix haute : « Fasse, que ce jour soit le bon. » Léo n’avait pas l’habitude de parler ou de se parler à haute voix, mais pour l’heure, il n’était pas dans son état normal. Il ne priait pas non plus, il ne savait pas, son père ne le lui avait jamais appris, mais à sa manière, c’est ce qu’il faisait.

    C’est elle qu’il implorait, accoudé sur le rebord de la fenêtre de la cuisine, en humant l’air frais pour se réveiller complètement, après avoir bu son premier café de la journée. Le jour venait à peine de se lever et elle, c’était sa mère. C’est vers elle, que ses pensées se dirigeaient.

    En ce mois de janvier, le soleil, comme la veille, serait-il encore au rendez-vous aujourd’hui, se demanda-t-il. Aux premières lueurs, les étoiles s’étaient éteintes, mais elle, où se trouvait-elle ? Les photos qu’il gardait de la défunte l’aidaient à ce que les traits de son visage ne s’effacent pas avec le temps. Son visage ne vieillirait jamais, sa mère était entrée en éternité et resterait jeune jusqu’à la fin des temps.

    Avec sa sœur, enfants, ils n’en avaient pas souvent parlé, ils ne l’évoquaient que très rarement. Lui, il la croisait dans les albums que son père laissait traîner volontairement sur la table basse du salon, mais pas sa sœur. Et lorsqu’il souhaitait rafraîchir l’image que sa mémoire avait imprimée en lui, de crainte qu’elle ne se dilue avec le temps, il restait de longues minutes le regard fixé sur l’une de ses photos, pour s’en imprégner encore et encore et il devait se faire violence pour s’en détacher.

    Sur l’une d’elles (sa préférée), sa mère Justine et son père Jérôme. Elle, rayonnante de bonheur et radieuse de beauté, souriait à l’objectif et à la vie, tandis que, facétieux, Jérôme, son père, tenait dans ses bras, son bien le plus précieux, une main protectrice sur le ventre proéminent de sa femme qui l’abritait lui, Léo, à quelques jours de sa venue au monde. L’image parfaite de la félicité.

    Il ne se rappelle pas avoir vu Sylvaine, le nez plongé dans l’un de ces albums, et lorsqu’il le lui proposait, elle ne s’y attardait pas bien longtemps, au moindre prétexte, elle se sauvait. Mais il comprenait cela. Une mère virtuelle, dont seuls les souvenirs des autres demeurent, était-ce une mère ? Ce qui expliquait sans doute, que Sylvaine ne l’avait pas vraiment réclamée, quand lui, enfant, avait tant souffert de son absence et qu’il demandait à son père, si c’était vrai qu’il ne reverrait plus jamais celle qu’il avait tant aimée. Il lui avait répondu alors :

    — C’est nous qui pouvons faire revivre ceux qui sont partis et que nous continuons à aimer.

    — Apprends-moi à le faire, s’il te plaît, papa.

    Surgissaient alors, sous ce ciel californien, les images lointaines de lui, enfant, le soir, quand allongé contre son père, la tête sur sa poitrine, bercé par les battements de son cœur, il lui disait :

    — C’est facile, il suffit de poser ton regard sur la constellation et de laisser s’écouler les secondes, les minutes, le temps nécessaire et c’est lui qui se fixera sur une étoile, et cette étoile, ce sera celle que ta maman t’aura fait choisir. Les ailes de minuscules créatures, invisibles à l’œil nu, se joindront les unes aux autres et elles formeront ainsi, une ligne continue, ce sera ce chemin dans la Voie lactée, où cohabitent trois cents milliards d’étoiles et cent milliards de planètes, qui fera se joindre une mère et son enfant et ils seront à nouveau réunis. Tu entendras sa voix, par la voix de ton cœur, tu reconnaîtras son visage, par les yeux de ton cœur, et tu reverras ta maman, chaque fois que tu en éprouveras le besoin, chaque fois que tu le souhaiteras. Elle sera là, au fond de ton cœur. Elle ne te quitte jamais, elle vit en toi et pour toi.

    Et Léo avait mis en pratique les leçons de son père avec succès. Alors, toutes les nuits, il s’était laissé bercé par sa mère, jusqu’à ce qu’il sombre dans le sommeil et cela l’avait aidé à grandir. Devenu adulte, dans son lit, avant de basculer de l’autre côté, sa dernière pensée allait toujours vers sa maman, et enfin apaisé, il s’endormait.

    Aujourd’hui, le regard tourné vers le ciel, il implorait sa mère, de faire en sorte que sa femme, Brenda, accouche au plus vite et de veiller sur elle, sur lui, sur les enfants à venir.

    Les étoiles telles des feux-follets au firmament scintillaient, filaient droit, disparaissaient pour mieux réapparaître plus loin ou bien alors s’évanouir dans les abysses célestes, à tout jamais. Il ferma les yeux. Et lui revint alors en mémoire, le long poème Feu Follet de Jules Verne – pas moins d’une vingtaine de strophes – qu’enfant, Georges lui avait fait découvrir. Il lui en dictait une, chaque soir, comme exercice d’orthographe, qu’ensuite ensemble ils corrigeaient. Il ne l’avait jamais appris par cœur, mais quelques vers étaient restés gravés dans sa mémoire, et parmi eux : Ce feu qui brille, s’éteint vite et ne brûle pas ! Qui que tu sois, éclair, souffle, âme. Dans ces quelques mots, Léo voyait sa mère.

    Lorsqu’il fut pris de frissons, il rabattit le battant de la fenêtre et il rentra.

    La nuit avait été ce qu’elle avait été, égale aux précédentes, le qui-vive permanent l’ayant empêché de dormir profondément ou bien alors pour de très courts moments. La veille au soir, un vent violent s’était levé et l’on avait craint à un brusque changement de temps, mais il n’en fut rien. Il avait balayé les nuages, et éloigné pour encore une journée au moins, une détérioration climatique. Aussi, était-il prévisible, que dès l’aube, après dissipation du couvercle laiteux, un bleu azur comme au plus fort de la saison estivale s’emparerait-il du ciel et la journée serait certainement belle. Et elle le serait d’autant plus, si la délivrance était enfin au rendez-vous, après une attente si longue et pénible pour tout le monde.

    À San Francisco, en hiver, c’est timidement que la fraîcheur matinale, laisse au fil des heures, place à un soleil qui irradie tout ce qu’il touche et rend les journées lumineuses. Le décor de la ville se pare des habits d’un printemps hors saison et il fait bon s’y attarder, s’y laisser réchauffer. Le contact de ses rayons est une caresse furtive, mais bienfaisante. Même si en quelques heures, tout peut changer, et des pluies s’avérer persistantes et de plus en plus fréquentes. « Nous n’en sommes encore pas là », songea Léo. Il se voulait optimiste, il le fallait, il le serait.

    Ce jour-là, Brenda avait fait, de plus en plus, montre de lassitude et de fatigue. Le beau temps qui s’était confirmé n’y fit rien et son humeur était chagrine. Léo avait réussi cependant à la persuader d’aller se promener dans le quartier, pour s’aérer un moment et rompre avec la monotonie d’une autre journée semblable aux précédentes où seule l’attente avait de l’importance. Mais au bout de quelques dizaines de mètres, il fallut y renoncer, faire demi-tour et mettre fin à ce chemin de croix. Les sourires de la jeune femme ressemblaient davantage à des grimaces et elle n’avait qu’un seul souhait, être libérée au plus vite, de ce poids qu’elle portait en elle et sur elle, au physique comme au moral.

    La journée n’en finissait pas de s’étirer péniblement. Entre soupirs et grincements de dents, la jeune femme se traînait difficilement d’une pièce à l’autre, d’un fauteuil à un canapé, sans trouver la bonne position qui la soulagerait quelques instants.

    Ces derniers jours, elle fuyait même tous les miroirs de sa maison. Elle se trouvait horrible, se détestait. Elle en voulait terriblement à Léo, quand il lui disait :

    — La grossesse te va si bien, tu embellis de jour en jour.

    Dans ces moments-là, elle l’aurait giflé, elle, d’habitude si douce. Mais elle se contentait de serrer les dents et ne passait jamais à l’acte. Léo, conscient des sentiments de sa femme, compatissait par un sourire à peine esquissé. Finalement, tant bien que mal, les heures s’écoulèrent et la journée également. Et, c’est exténuée qu’elle alla se coucher. Lorsqu’au lit, Léo l’embrassa en lui souhaitant une bonne nuit – il n’en croyait pas un mot – il avait comme le pressentiment que les choses ne seraient pas de tout repos et qu’elles allaient même se précipiter au cours des heures à venir. « Voilà maintenant que moi aussi, j’ai des pressentiments de femme enceinte », ça le faisait sourire et ça le détendait.

    L’éventualité de jumeaux, qu’on leur avait annoncée en début de grossesse, s’était confirmée les mois suivants. Brenda était bien enceinte de deux êtres, les échographies successives, l’avaient certifié. Au grand étonnement de leur entourage, les futurs jeunes parents n’avaient pas voulu connaître le sexe des nouveaux arrivants, ils s’en réservaient la surprise, à l’ancienne. Ils n’en réfléchirent pas moins aux prénoms et à toutes les combinaisons possibles, deux filles, ou deux garçons, ou une fille et un garçon. Le choix des prénoms fut l’occasion de défendre chacun son pré carré, d’un côté la France, de l’autre les États-Unis, mais il n’y a eu pas de bataille rangée, aucun perdant et uniquement des vainqueurs. Lorsqu’ils finirent par se mettre d’accord, ils en gardèrent le secret.

    Les derniers mois et surtout les dernières semaines, ils avaient choisi le mobilier des futures chambres ainsi que la couleur des layettes, vêtements divers et berceaux, selon les combinaisons des sexes possibles. Pendant les quelques jours où mère et enfants resteraient à la maternité, les boutiques livreraient en conséquence ce qu’ils avaient commandé et Mammita se chargerait de tout préparer, afin d’accueillir, comme il se doit, les nouveaux membres de la famille.

    Au début, les nourrissons partageraient la même chambre pour en faciliter la gestion. Plus tard, chacun d’eux intégrerait son espace privé.

    Léo et Brenda se réjouissaient de tout ce qui leur arrivait comme deux enfants qui ont décroché le gros lot. Passer de simple couple à père et mère de deux enfants était à leurs yeux une merveilleuse chose à laquelle ils n’auraient jamais osé songer. Mais aujourd’hui, plus que les jours précédents, tous les deux avaient hâte que l’on touche enfin au but. Désormais, ils voulaient passer du rêve à la réalité.

    Que cesse aussi l’interminable période de stress profond pour Léo. Il lui semblait porter, dans ses entrailles, autant que sa femme, la progéniture. Pendant toute la durée de la grossesse, il avait appelé Brenda, de son lieu de travail, plusieurs fois par jour, pour savoir comment elle se sentait. Tout se passait bien, même très bien, y compris lorsque, cloîtrée à la maison à quelques semaines de l’accouchement, elle avait cessé de travailler et qu’elle restait chez eux. Mais, rien n’y faisait, c’était plus fort que lui, il ne pouvait pas s’empêcher de le faire, tant l’angoisse l’habitait. Personne n’aurait pu lui faire entendre raison, cette angoisse faisait désormais partie de son ADN.

    La mort de sa mère, en donnant naissance à sa sœur Sylvaine, le hantait depuis toujours.¹Il n’en avait jamais parlé avec son père, ni enfant ni adulte, et encore moins avec sa sœur. Mais le traumatisme subi l’avait marqué au fer rouge et aucun raisonnement n’avait prise sur lui.

    Déjà, quelques années auparavant, il avait vécu de façon aussi intense la grossesse de sa sœur Sylvaine, et l’angoisse ne l’avait pas quitté d’une minute. S’agissant de sa femme, les tourments avaient décuplé, l’appréhension galopait. Cependant, il prenait sur lui pour afficher un visage serein et ne pas inquiéter outre mesure Brenda. Son épouse, elle, en revanche, plus détendue, était inquiète comme toute future maman, mais modérément. Le fait qu’elle porte deux bébés avait ajouté évidemment une dose supplémentaire d’anxiété, mais quoi de plus normal.

    Elle avait eu les confidences de sa belle-sœur Sylvaine de l’état de son frère lors de sa grossesse avant la naissance de Justine, et en cela, il n’avait pas changé depuis.

    Impatient, il comptait les jours, il comptait les heures, à partir de la date probable de l’accouchement qui avait été estimée par les soignants depuis le début de la grossesse. Cela restait une approximation, lui avait-on pourtant précisé dès le début, et rien ne servait de s’affoler si la nature n’était pas ponctuelle au rendez-vous. Il fallait qu’il s’arme de patience, voilà tout. Mais cette nuit-là, contrairement aux fausses alertes des jours précédents, il sentait que c’était la bonne.

    Après s’être tournée et retournée dans son lit, avec les difficultés de mouvements prévisibles, Brenda ne réussissait pas à prendre sommeil. Ni son mari. Nervosité et agacement modifiaient les traits de son visage. Sa beauté ne s’en trouvait pas pour autant flétrie, au contraire, aux yeux d’autrui, elle embellissait. Signe, prétendait Mammita, que madame portait deux garçons. Si au contraire, la future progéniture avait été de sexe féminin, le visage de la maman aurait été davantage marqué, autrement dit, elle aurait enlaidi.

    — Au Mexique, ça marche toujours, pourquoi pas à San Francisco, argumentait-elle à Léo qui ne savait qu’en penser.

    Il se contentait de riposter, sceptique :

    — Si vous le dites.

    En attendant, le futur papa, s’était assis à côté de sa femme, une main délicatement posée sur son ventre volumineux, mais elle ne la tolérait qu’un court moment, et irritée, elle la repoussait presque aussitôt. Son mari l’énervait, les regards qu’elle lui lançait au plus fort des contractions n’étaient pas aimables. Brenda présentait tous les symptômes qui indiquaient que la délivrance était imminente : un durcissement du ventre, la régularité et l’intensité des contractions et leur durée, des pertes vaginales glaireuses, plus ou moins teintées de sang.

    Comme un coach sportif, Léo, le chronomètre dans une main, un stylo dans l’autre, notait scrupuleusement, comme on le lui avait appris, la fréquence des spasmes de sa femme : le doute n’était plus permis, d’autant qu’elle commençait à perdre les eaux.

    La valise préparée de longue date par la future maman était déjà dans la voiture et ils prirent conjointement la décision de se rendre à la maternité. En quelques minutes, Brenda fut installée dans leur véhicule. Ils prirent la direction du San Francisco Birth Center.² En quelques minutes, Léo aida Brenda à s’installer dans leur véhicule. La distance à parcourir n’était que de quelques miles et en pleine nuit, même à San Francisco, la circulation connaît un certain répit. Après le rush incessant des automobiles en journée, la relative accalmie entre vingt-trois et six heures du matin changeait même la physionomie de la cité, y compris dans ses quartiers les plus névralgiques.

    Avant de prendre le départ pour la maternité, le futur papa avait appelé le centre pour annoncer leur arrivée. Le trajet, sans encombre, fut parcouru rapidement. À peine si Léo, pendant la route, entendait de temps en temps des gémissements, tout en retenue, de sa femme qui serrait les mâchoires pour ne pas le gêner dans sa conduite.

    Lorsqu’ils parvinrent à la maternité, Léo ralentit, stoppa son véhicule en douceur à proximité de l’entrée de l’établissement. Deux infirmières et un aide-soignant étaient déjà sur le pied de guerre et les attendaient avec un fauteuil roulant dans lequel la jeune femme prit place et ils assurèrent le relais.

    Puis, Léo alla se garer à l’emplacement réservé aux voitures des familles des parturientes et des visiteurs et au pas de course, il rejoignit le hall où on le dirigea en salle de travail.

    Le jeune couple était familier du centre, pour s’y être rendu régulièrement pendant la grossesse, à l’occasion des visites obligatoires et lors des séances de préparation à l’accouchement, auxquelles Léo avait assisté. Les personnels soignants étaient compétents et savaient mettre en confiance les patientes dont ils s’occupaient, en employant les mots justes qui rassuraient les futures mères et leurs époux.

    Léo avait voulu assister à l’accouchement et dans la salle de travail, tandis que l’on installait Brenda sur la table, une infirmière, parmi les quatre ou cinq soignants qui s’affairaient, lui fournit la tenue obligatoire qu’il devait endosser. Pendant qu’il s’exécutait, les plaisanteries fusaient en direction du papa.

    — Avoir un papa cosmonaute, tous les enfants en rêvent, lança une infirmière.

    — À condition qu’il ne s’évanouisse pas, lorsque nous entamerons la descente, commenta une autre.

    Léo, lui, se contenta de leur adresser un sourire mi-figue mi-raisin. Cela dédramatisait et banalisait la situation et le déroulement de l’opération. En général, l’équipe soignante n’était pas favorable à la présence du père pendant le déroulement de l’accouchement : il y avait fort à faire avec la future maman pour se compliquer en outre la tâche, en s’encombrant d’une tierce personne qui, si trop émotive, pouvait, à tout moment, tourner de l’œil. C’est ce qui risquait de compliquer un peu les choses quand cela survenait. Mais Léo se montra à la hauteur et fut exemplaire d’un bout à l’autre de la délivrance.

    Tout le temps que dura le travail, il ne lâcha pas d’une minute la main de Brenda qui la lui broyait au plus fort de chaque poussée. Il lui glissait à l’oreille des mots affectueux et les mêmes conseils d’encouragement, en répétant ceux que la sage-femme et son équipe lui prodiguaient. En retour, elle lui adressait de vrais regards assassins. « C’est normal, ce qui lui arrive est ma faute, je comprends qu’elle m’en veuille, elle exprime son amour pour moi en haine, tellement elle a mal », se consolait-il.

    Pour avoir suivi toutes les séances de la préparation à l’accouchement avec sa femme, il avait appris lui aussi à gérer le rythme et l’intensité des inspirations et expirations et il les reproduisait en même temps que Brenda. Il en était heureux, une façon à lui, de partager ses douleurs et de participer à la naissance. Une manière, même si cela restait symbolique, de prendre, à bon compte, sa part des souffrances, dans cette épreuve.

    Il y eut des cris, des encouragements, des accélérations et des ralentissements dans l’évolution du déroulé de la parturition, des secondes d’accalmie, de profonds soupirs, des sueurs froides et de violentes montées d’adrénaline, des mots d’amour, des larmes et des sourires. Parfois aussi de franches rigolades de la part du personnel, auxquelles Léo ne

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1