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Diaghilev & le Monde de l'Art
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Livre électronique299 pages2 heures

Diaghilev & le Monde de l'Art

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À propos de ce livre électronique

Lorsque, il y a près de vingt ans, nous avons fondé le Monde de l'art, nous avions le désir ardent de libérer l'activité artistique russe de la tutelle de la littérature, d'inculquer à la société qui nous entoure l'amour de l'essence même de l'art, et c'est le but que nous poursuivions lorsque nous nous sommes lancés sur le terrain. Nous considérions comme des ennemis tous ceux “qui ne respectent pas l'art en tant que tel”, ceux qui soit attachent des ailes à un vieux canasson, soit attellent Pégase à la charrette des “idéaux sociaux”, soit rejettent carrément l'idée de Pégase. C'est pourquoi nous nous sommes adressés au monde artistique avec le slogan “Talents de toutes directions, unissez-vous !”. C'est ainsi que, dans nos rangs, Vrubel apparaît immédiatement aux côtés de Levitan, Bakst aux côtés de Serov et Somov aux côtés de Maliavin.
LangueFrançais
Date de sortie17 mai 2024
ISBN9798894050218
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    Aperçu du livre

    Diaghilev & le Monde de l'Art - Vsevolod Petrov

    Mikhaïl Vroubel, Le Séraphin aux six ailes, 1905. Aquarelle, mine de plomb et craie noire sur papier, 33,6 x 48,5 cm. Musée russe, Saint-Pétersbourg.

    LE MONDE DE L’ART

    À l’aube du XXe siècle, l’art russe connut une phase de renouvellement de ses objectifs créatifs et de transformation radicale de ses formes et de ses conditions d’existence.

    Les années 1890 constituent un tournant à partir duquel commence une nouvelle période dans l’histoire des arts figuratifs russes. La nouvelle génération d’artistes apparue alors sur la scène historique soumit à un profond réexamen pratiquement toutes les traditions établies en peinture, en sculpture, dans les arts graphiques et décoratifs. Les autorités qui semblaient jusqu’alors immuables étaient ébranlées. Le cercle des recherches créatrices s’élargissait, une nouvelle esthétique se formait, des courants artistiques surgissaient, s’opposant résolument à ce que l’art du XIXe siècle finissant avait affirmé et développé. Cette révision des valeurs aboutit à des changements cardinaux dans le concept même des buts et des méthodes de l’acte créateur.

    Les années 1890 constituent un tournant à partir duquel commence une nouvelle période dans l’histoire des arts figuratifs russes. La nouvelle génération d’artistes apparue alors sur la scène historique soumit à un profond réexamen quasiment toutes les traditions établies en peinture, en sculpture, dans les arts graphiques et décoratifs.

    Un rôle considérable et pour beaucoup décisif fut joué dans ces processus par un groupe d’artistes et de critiques réunis autour de la revue du ‘Monde de l’Art’.

    Pour comprendre l’importance historique du travail réalisé par les membres de cette association dans le domaine de la création, de la vulgarisation et de l’organisation de manifestations artistiques, il est indispensable de procéder à un tour d’horizon, si concis soit-il, de l’art russe des dernières décennies du XIXe siècle.

    À cette époque, la peinture académique avait depuis longtemps cessé de jouer le premier rôle dans la culture artistique russe, mais continuait d’exister grâce au soutien gouvernemental en tant que courant répondant aux objectifs de l’art officiel.

    La place centrale dans l’art russe du dernier quart du XIXe siècle appartenait à la ‘Société des Expositions artistiques ambulantes’.

    Les années 1870 furent marquées par un essor considérable de l’art des ‘Ambulants’qui atteignit son apogée dans les années 1880. C’était l’époque où presque chaque exposition des ‘Ambulants’révélait des chefs-d’œuvre. Sourikov crée alors le Matin de l’exécution des Streltsy, Menchikov à Beriozovo, la Boyarine Morozova. Repine peint sa Procession dans le gouvernement de Koursk. On ne l’attendait pas, et les meilleurs de ses portraits. Une pléiade de peintres importants côtoyait les chefs de file de l’école.

    Mais l’intensité extraordinaire des forces créatrices des ‘Ambulants’commence déjà à cette époque à faiblir peu à peu et à amorcer un déclin qui est encore presque imperceptible aux contemporains. En ouvrant la peinture russe à des thèmes et à des types empruntés à la réalité environnante et en créant une méthode artistique réaliste conséquente, au début des années 1890, le mouvement des ‘Ambulants’cessa d’être un courant novateur et voyait s’approcher l’achèvement de son développement.

    Les possibilités créatrices que portait la méthode artistique des ‘Ambulants’ étaient cependant loin d’être épuisées. Parmi les jeunes participants des expositions ambulantes, on peut encore trouver dans les années 1890 un certain nombre de peintres doués d’un réel talent et jouant un rôle important dans le développement de l’art réaliste. La XXIIe Exposition ambulante voit apparaître le tableau de Sergueï Korovine Dans le siècle (1893), la XXIIIe celui de Nikolaï Kassatkine intitulé Pauvres ramassant de la houille dans une mine épuisée (1894) et une étude du même peintre dite la Femme Mineur (1894), la XXVIIIe, une étude de Sergueï Ivanov tirée de la vie des prisonniers. Chacune de ces œuvres amorce un vaste cycle thématique créé par ces artistes.

    Sergueï Korovine qui se consacra à la thématique paysanne, traditionnelle chez les ‘Ambulants’sut refléter dans nombre de ses tableaux avec une profondeur et une vérité surprenantes la vie de la campagne russe après l’abolition du servage.

    Sergueï Ivanov avait lui aussi débuté avec des thèmes paysans, créant dans les années 1860 un cycle de toiles emprunté à la vie des paysans colons qui avaient quitté leurs terres pour la Sibérie dans l’espoir d’y trouver un sort meilleur. Mais dans les années 1890, il commença à travailler à un nouveau cycle d’œuvres consacrées à la vie des prisonniers et des bagnards. La thématique de ce cycle était particulièrement d’actualité à l’époque de la réaction d’Alexandre III et de l’intensification de la lutte révolutionnaire. Comme le remarquent avec justesse les biographes de Sergueï Ivanov, le « cycle de prisonniers » est à l’origine de la thématique révolutionnaire qui se forma et s’affirma dans l’œuvre de l’artiste lors de la première révolution.

    Nikolaï Kassatkine alla encore plus loin que ses compagnons des expositions ambulantes. II fut le premier dans la peinture russe à se tourner vers des thèmes et des types empruntés à la vie. La Femme Mineur et les Pauvres Ramassant de la Houille dans une Mine Epuisée étaient comme l’introduction du vaste cycle « de la mine » de l’artiste. L’œuvre centrale de ce cycle devint le tableau intitulé les Mineurs. La Relève (1895) La Relève montrée à la XXIVe Exposition ambulante. Tout le cycle « de la mine » est entièrement exempt du sentimentalisme populiste si caractéristique des tableaux de genre des derniers ‘Ambulants’.

    Pourtant, des peintres tels que Sergueï Korovine, Ivanov et Kassatkine ne déterminaient pas le niveau artistique des expositions ambulantes des années 1890.

    La majorité à laquelle était dévolu le rôle principal dans le mouvement des ‘Ambulants’à sa fin était composée pour partie de paysagistes épigones d’Isaac Levitan et d’Arkhip Kouindji, pour partie d’auteurs de scènes de genre, dont le contenu devenait « la terne réalité de tous les jours sans événements importants, sans sentiments forts, saisissants au plus profond de l’être ».

    Les Expositions ambulantes des années 1890 ne révélèrent pratiquement rien qui égalât les chefs-d’œuvre de la décennie précédente. Ce qui avait commencé par de grands artistes passait dans les mains d’épigones.

    Et pourtant, dès les années 1880, à l’époque qui semblait être celle de la suprématie sans partage des ‘Ambulants’, apparurent les premiers signes de renouvellement de la culture artistique russe que les contemporains ne remarquèrent alors pratiquement pas. Le génie de Mikhaïl Vroubel jetait ses premiers feux. Le remarquable talent pictural de Konstantin Korovine s’affermissait et se développait. Une intonation lyrique nouvelle résonnait dans les paysages de Levitan, dans les tableaux du jeune Mikhaïl Nesterov. À vingt-deux ans, Valentin Serov signait la Jeune Fille aux pêches, le premier chef-d’œuvre dans l’art de la génération qui prenait la relève des ‘Ambulants’.

    Les artistes, à l’exception du seul Vroubel, prirent part aux Expositions ambulantes des années 1880-1890 quoiqu’ils fussent loin de partager entièrement la position idéologique et les conceptions esthétiques de la Société. Ils étaient, en fait, des étrangers dans le milieu des ‘Ambulants’. Ce n’est pas un hasard si Nesterov, dans son livre de souvenirs, les a appelés « les bâtards des ‘Ambulants’ ». La conviction se formait et s’affirmait dans leurs consciences que l’étape marquée par les ‘Ambulants’dans le développement de l’art russe était terminée et que la jeune génération devait chercher de nouvelles voies.

    Les représentants de la jeunesse artistique d’avant-garde qui apparut dans les années 1890 niaient de manière encore plus franche et catégorique l’héritage des ‘Ambulants’. Igor Grabar, alors peintre débutant et par la suite artiste de premier plan et remarquable historien d’art, notait dans son Automonographie :

    « D’abord Korovine, Serov, Malioutine, Vroubel, Arkhipov, Ostrooukhov, Levitan et, à leur suite, nous, la jeune génération... comprîmes que non seulement nous n’empruntions pas la même voie que Miassoïedov, Volkov, Kisseliov, Bodarevski et Lemokh (épigones des ‘Ambulants’), mais que les meilleurs des ‘Ambulants’nous étaient eux aussi radicalement étrangers... Nous n’acceptions que Repine et Sourikov, les seuls que nous comprissions et qui nous fussent proches... Nous voulions davantage de vérité, une intelligence plus fine de la nature, moins de conventions, d’inventions gratuites, de poncifs, davantage de raffinement, de professionnalisme... »

    Boris Koustodiev, Modèle, 1919. Huile sur toile, 51,3 x 40,4 cm. Collection privée.

    Valentin Serov, Portrait d’Ida Lvovna Rubinstein, 1910. Détrempe et fusain sur toile, 147 x 233 cm. Musée russe, Saint-Pétersbourg.

    Valentin Serov, L’Enlèvement d’Europe, 1910. Huile sur toile, 71 x 98 cm. Galerie Trétiakov, Moscou.

    Cette révolte contre l’autorité de l’ancienne génération, ce conflit typique entre ‘pères et fils‘ trouve son explication et son fondement dans les conditions du développement de la vie sociale russe au tournant des XIXe-XXe siècles. L’étape démocratique de l’évolution de la culture nationale était arrivée à sa fin. Pour la plupart des peintres russes de cette époque, les processus d’interprétation créatrice de la réalité se déroulaient avec une difficulté exceptionnelle. La complexité des conditions de la vie artistique entraînait la nécessité d’une nouvelle distribution des forces vives de l’art russe.

    L’une des manifestations de ce besoin apparue de manière très nette fut la naissance du cercle dit d’Abramtsevo dans lequel des artistes se regroupèrent autour du célèbre mécène moscovite Sawa Mamontov. Ce cercle était constitué de certains ‘Ambulants’parmi les plus importants (Ilia Repine, Vassili Polenov, Victor Vasnetsov) qui partageaient les sentiments de la jeunesse d’avant-garde. Mais le rôle principal était joué par les jeunes peintres Konstantin Korovine, Valentin Serov et Mikhaïl Vroubel. C’est sous leur influence que se forma à Abramtsevo un climat créateur se libérant dans une mesure considérable des dogmes des derniers ‘Ambulants’.

    Le travail des membres du cercle exprima certaines tendances nouvelles qui seront par la suite reprises et développées par l’art russe du début du XXe siècle. En 1885, Mamontov avait organisé l’Opéra russe privé de Moscou et convié à y collaborer nombre de grands artistes. Ce sont eux qui jetèrent les fondements d’une décoration théâtrale libérée des poncifs traditionnels.

    À l’initiative de Mamontov, des ateliers d’art apparurent à Abramtsevo où renaissaient les procédés et les formes des arts décoratifs paysans remontant à la tradition populaire originelle en même temps que prenaient corps les idées novatrices de Vroubel, Golovine et d’autres artistes contemporains. Toutefois, le cercle d’Abramtsevo ne suscita pas encore les formes d’organisation nouvelles ni le programme d’expositions dont avaient alors tant besoin les arts figuratifs russes.

    La réalisation de cette tâche incomba un peu plus tard au groupe de personnalités réunies autour de la revue Le ‘Monde de l’Art’. Dotant la vie artistique de nouvelles formes, les membres de ce groupe introduisirent dans l’art russe de nouvelles idées, une nouvelle esthétique et de nouveaux principes créateurs. Les problèmes d’organisation, sans leur paraître les plus importants, étaient incontestablement pour eux de première urgence.

    Le groupe dans lequel fut conçu ce courant esthétique puissant et influent apparut à Saint-Pétersbourg au tout début des années 1890. Le noyau en avait été un cercle de jeunes étudiants réunis dans le modeste but de se former par eux-mêmes. Les membres principaux de ce cercle étaient fort peu nombreux. Il s’agissait d’Alexandre Benois, qui deviendra par la suite artiste, historien et critique d’art; Konstantin Somov, étudiant de l’Académie des beaux-arts, futur peintre et graveur; Dimitri Filossofov, plus tard homme de lettres et journaliste; Serge de Diaghilev, musicien de talent, qui se révélera par la suite une personnalité de premier plan du monde des arts, critique et organisateur hors pair; Walter Nouvel, critique musical débutant. Des artistes vinrent bientôt se joindre à ce groupe : le jeune Léon Rosenberg (qui prendra plus tard le nom de Bakst) et le tout jeune Evgueni Lanceray. Ils se signalaient tous par des dons multiformes et une rare culture. En un temps très court, ils s’avérèrent prêts à une large activité publique, exerçant une grande influence sur la vie artistique de l’époque.

    Le développement de l’activité publique du cercle fut marqué tout particulièrement par le rôle de Serge de Diaghilev (1872-1929). Celui-ci alliait une profonde intelligence des arts

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