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L'Évangile lu par un helléniste: Ce qu'on ne vous a jamais dit sur les évangiles
L'Évangile lu par un helléniste: Ce qu'on ne vous a jamais dit sur les évangiles
L'Évangile lu par un helléniste: Ce qu'on ne vous a jamais dit sur les évangiles
Livre électronique247 pages3 heures

L'Évangile lu par un helléniste: Ce qu'on ne vous a jamais dit sur les évangiles

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À propos de ce livre électronique

En comparant les traductions courantes des évangiles aux meilleurs dictionnaires grecs, et diverses introductions à la Bible aux manuels élémentaires d’histoire ancienne, l’auteur a dû conclure que l’Évangile, tel qu’il se présente à nous le plus souvent, contredit des notions de base de l’histoire antique. On y voit Jésus vivant dans un monde fictif, imaginaire, qui ne correspond en rien à ce que l’histoire nous apprend. Cette fiction permet de laisser croire que les évangiles sont eux-mêmes des fictions inventées par le peuple chrétien après des années de transmission orale des enseignements de Jésus.
Au contraire, lire les textes tels qu’ils sont écrits et les rapprocher des données générales de l’histoire antique conduit à la conclusion que les évangiles sont ce qu’ils prétendent être : les rapports des témoins oculaires. Non pas des enseignements de leurs auteurs, mais des comptes-rendus de l’enseignement de Jésus lui-même, qu’ils présentent comme la Sagesse divine incarnée, celle-là même qui a présidé à la création de l’univers, et qui s’était exprimée dans la Bible hébraïque. D’où ce grec spécial qui, comme celui de la traduction grecque de l’Ancien Testament, colle à l’original hébreu (ou araméen) des paroles divines.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean Cachia - Né à Marseille en 1952, ancien élève de l’École Normale Supérieure, agrégé de philosophie, professeur honoraire (lycée et classes préparatoires), auteur de plusieurs ouvrages de philosophie et notamment de traductions d’Aristote.
LangueFrançais
Date de sortie5 janv. 2024
ISBN9782385222079
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    Aperçu du livre

    L'Évangile lu par un helléniste - Jean Cachia

    couverture_evangile-lu-par-un-helleniste.jpg

    Jean Cachia

    L’Évangile

    lu par un helléniste

    Ce qu’on ne vous a jamais dit

    sur les évangiles

    Hommage

    En hommage à mes professeurs de grec

    MM. Grillot, Coutelle, Joutard,

    Martin et Cubbells

    ainsi qu’à Claude Tresmontant

    qui m’a initié à l’hébreu.

    Préface

    par Sœur Marie Ricard, osb

    On a déjà toutes sortes de « lectures », des plus savantes aux plus simples. Jean Cachia nous en propose une nouvelle, celle d’un « helléniste ». Des hellénistes, il y en a, et il en faut, chez les historiens bibliques et les exégètes, mais notre auteur se défend d’être de ces spécialistes et se présente comme un simple helléniste. Professeur de philosophie, il sait bien que l’amour de la sagesse (selon l’étymologie du mot philosophie) a son berceau en Grèce dont il est bon de connaître la langue. Les pages des grammaires, des dictionnaires, il en a tourné beaucoup – ce sont les portes royales par lesquelles on entre dans les grands textes, qui vont, eux, nous faire pénétrer dans un monde qui n’est plus tout à fait celui où nous vivons. Avec une joie qu’il ne cache pas, Jean a ainsi découvert et fréquenté tout un univers, des hommes, des femmes bien réels – et pas seulement des idées, reçues ou supposées.

    « J’ai dû étudier ces textes comme j’ai appris à le faire lors de mes études classiques, c’est-à-dire en m’appuyant non sur les traductions, mais sur le texte original, les dictionnaires et les grammaires.

    Le temps venu de quitter l’Éducation Nationale, j’ai eu plus de loisir pour lire cette fois ma Bible dans le texte original. J’ai ainsi mieux compris ce que la culture classique pouvait apporter à la lecture des évangiles, et c’est ce que je voudrais faire partager ici à mes lecteurs. »

    Je cite encore : « À la lumière de ma grammaire grecque et de mes vieux livres d’histoire, le récit évangélique gagnait à mes yeux étonnés une incroyable présence, alors que beaucoup imaginent Jésus vivant dans un monde étrange… voire irréel… »

    C’est donc une lecture nouvelle. Originale ? certes, mais dépassons l’ambiguïté de l’adjectif qui couvre un large spectre sémantique pouvant aller du condescendant (« Un tel ? C’est un original ! ») au mépris poli de qui ne prend pas la chose au sérieux (« Oui, c’est original… »). Ou plutôt assumons le côté parfois provocateur de l’entreprise : l’auteur n’est pas naïf, sa lecture suppose, en plus de sa vaste culture classique, une connaissance certaine des recherches bibliques dont il n’hésite pas à égratigner au passage quelques conclusions ! Mais ce n’est pas ce terrain qui l’intéresse ici. Tout en même temps, le défaut de compétence déclarée n’est pas simple affirmation convenue : certaines assertions ne manqueront pas de faire sourciller quelques censeurs – pas toujours à tort, mais l’enthousiasme a ses raisons qu’il faut honorer ! Fortement charpenté et étayé, l’ouvrage n’a pas la prétention d’un travail exégétique académique, mais il est loin d’être l’œuvre d’un… original dont on sourit.

    Jean Cachia, répétons-le, nous offre une lecture nouvelle, ancienne et nouvelle : ancrée dans une foi très sûre, elle ne va pas hésiter à risquer des ouvertures fulgurantes. Là est l’originalité de ce texte.

    Il est temps justement de relever quelques points saillants. Partons d’une remarque qui, à première vue, pourrait n’être qu’anecdotique : les aspects concrets de la vie quotidienne dans le monde gréco-romain au temps de Jésus sont dûment exposés. Les revoir – ou voir – n’est pas inutile… surtout quand c’est raconté avec verve, dans un style qui ne recule pas devant le détail cru ! Voilà qui fait droit à l’Incarnation : le Fils de Dieu a connu les réalités bien charnelles de l’existence.

    Pour entrer plus avant, je commence par citer le chapitre concernant l’esclavage. Nous croyons tous tout savoir sur les esclaves au point de ne même plus nous poser la question de leur réalité historique, culturelle, sociale. Quand nous lisons l’Évangile, la différence, quand nous la remarquons, entre serviteur et esclave nous frappe-t-elle ? Il y a des chances que nous assimilions sans plus l’un avec l’autre, et nous poursuivons tranquillement notre lecture. Dès les premières lignes de son chapitre, Jean Cachia nous met en garde : « Il importe d’abord de réfléchir exactement à ce qu’est un esclave, pour éviter les confusions et finalement les contresens sur certains passages des évangiles. Ces contresens affectent même la notion, centrale dans le dogme, de la rédemption, puisque la rédemption consiste à racheter un esclave pour l’affranchir. » D’emblée, la barre est placée haut. Pas à pas, l’auteur évoque le statut – précisément le non-statut – des esclaves dans l’Antiquité, passe soigneusement en revue le vocabulaire pour arriver à la distinction entre serviteur et esclave. Au passage, retenons que, contrairement à ce que la traduction traditionnelle nous met dans l’oreille, Marie, dans son Magnificat se désigne comme « l’esclave du Seigneur ». Tout ce patient parcours aboutit à la magnifique méditation de la parabole dite du débiteur impitoyable (Mt XVIII, 23-34) que je laisse découvrir au lecteur et qui justifie l’assertion du début : oui, l’à-peu-près au sujet de l’esclave affecte la notion de rédemption.

    Puisque j’ai évoqué Marie, je ne peux m’empêcher de poursuivre avec la lecture de l’annonce adressée cette fois à Joseph. En fait, elle est un excursus, discrètement relégué en note de bas de page (suffisamment longue pour qu’on aille voir de quoi il s’agit). Insérée dans le chapitre sur les langues parlées à l’époque, elle sert d’argument à la thèse qui suppose un texte primitif hébreu ou araméen, le grec n’en étant qu’une traduction : ce côté un peu savant n’enlève rien à la beauté de cette lecture que je veux souligner ici. La démonstration risque en effet de sembler savante au lecteur qui protesterait que, lui, il n’est pas helléniste, mais ce qui en ressort est très accessible : « L’hébreu donne une explication plus plausible et plus détaillée des intentions de Joseph. Joseph, informé par Marie de la véritable situation, cherche à la couvrir et à éviter surtout qu’elle ne subisse le sort des femmes adultères… Mais il ne veut pas l’épouser, puisqu’il ne peut prétendre entrer dans la relation intime de Marie avec le Créateur. Il est donc à la recherche du moyen de la couvrir sans l’épouser, quand l’ange lui apparaît et lui explique qu’il doit justement l’épouser pour pouvoir protéger l’enfant, en devenant son père légal, celui qui lui donnera son nom. » Notons que cette interprétation était déjà défendue par certains Pères de l’Église ; il est heureux de la retrouver ici.

    Enfin, relevons une lecture inhabituelle de la scène dite du Jugement dernier (Mt XXV) : on la trouve au chapitre sur Matthieu qui prend à bras-le-corps le sujet hautement sensible de la datation des évangiles. Nous n’entrerons pas dans le débat ! Relevons simplement un des arguments utilisés : la présence des païens (ou leur absence) dans les textes peut servir de point de repère – tel épisode, tel texte, témoignent-ils de la conversion déjà réalisée des non-Juifs ? C’est dans le cadre de cette recherche que notre auteur est amené à relire la scène si connue (trop connue ?) de Matthieu XXV. Je dois me contenter de piquer la curiosité et l’attention du lecteur, car l’éblouissante démonstration ne peut être résumée en quelques lignes. J’ajoute que ces pages conjuguent de façon particulièrement heureuse les différents plans : linguistique, exégétique, spirituel. Nous sommes à la veille de la Passion : le Maître prépare ses disciples au scandale de sa mort et des persécutions à venir. Lire ce texte avec cette perspective lui donne une dimension infiniment plus large que le seul angle moral (voire moralisant) par lequel souvent on l’envisage.

    J’en viens alors tout naturellement à la conclusion. La grâce de cette lecture est de nous étonner, au sens noble du mot quand l’étonnement se fait aussi émerveillement : le verbe étonner en grec conjugue ces deux sens. L’ouvrage a le double mérite, d’abord de nous entraîner dans une familiarité nouvelle avec le monde des évangiles, de nous donner à goûter des scènes, des textes, comme si nous les lisions pour la première fois. Ensuite par-delà les légitimes questions qu’il peut poser, et précisément par elles, de faire dialoguer (sereinement) des options exégétiques différentes.

    Le souhait final, en concluant cette présentation, est que le lecteur entre dans ce texte avec enthousiasme !

    Le propos de cet ouvrage

    L’histoire se fonde par définition sur des textes, par opposition à la préhistoire qui nous fait connaître des événements antérieurs à l’invention de l’écriture. Ces textes contiennent des témoignages sur les événements passés, et ce qu’on appelle la méthode critique consiste à discuter la validité des témoignages sur lesquels se fonde l’histoire, pour pouvoir justifier celle-ci en l’appuyant sur les témoignages les plus sûrs, et donc les plus fiables. Cette méthode a été appliquée à la Bible dès le

    xvii

    e siècle, notamment par le juif hérétique Baruch Spinoza et par le catholique Richard Simon, prêtre de l’Oratoire. Suite aux persécutions subies par Richard Simon, la critique biblique a été rejetée par les catholiques jusqu’à la reconnaissance tardive des travaux du P. Marie-Joseph Lagrange, dominicain, fondateur de l’École biblique de Jérusalem, dans les années 1930.

    Dès lors, la critique biblique a acquis droit de cité dans l’Église catholique, comme c’était déjà le cas dans les communautés issues de la Réforme, mais il faut dire qu’aujourd’hui elle est parfois contestée, pour ne pas dire qu’elle est en pleine crise. Dans un ouvrage collectif paru aux États-Unis, Kevin Madigan, professeur d’histoire de l’Église à la prestigieuse université de Harvard, constate la multiplicité et la sévérité des reproches adressés actuellement à la critique historique de la Bible, et présente une bibliographie impressionnante, issue de toutes les confessions chrétiennes. Les titres en disent déjà long : « La critique biblique en crise ? », « La méthode historico-critique, or d’Égypte ou précipice païen ? », « La critique historique de la Bible : méthodologie ou idéologie ? », « La fin de la méthode historico-critique », etc.¹

    En ce qui concerne le Nouveau Testament, on pourrait faire remarquer, pour expliquer cette situation, que l’ouvrage de John A.T. Robinson, Redating the New Testament², et, en France, les travaux allant dans le même sens de Jean Carmignac³ et de Claude Tresmontant⁴, n’ont pas été suivis par l’enseignement de l’exégèse dans les universités et les séminaires. Ces ouvrages, qui mettaient en question la datation habituellement reçue des écrits du Nouveau Testament, ont été ignorés, leurs auteurs insultés, mais aucune réfutation sérieuse des arguments présentés n’a été formulée. Plutôt que d’affronter les objections faites à l’interprétation commune de l’histoire du Nouveau Testament, on a cessé de s’interroger sur la datation des textes, mais on les interprète toujours comme si la datation reçue était exacte, et sans pour autant la justifier. En effet, comme nous le verrons, un texte peut changer de sens en fonction de la date à laquelle il a été écrit.

    Pourtant, ni Robinson, ni Carmignac, ni Tresmontant, n’ont vraiment mis en cause la méthode historico-critique, ils se sont contentés de montrer que les spécialistes ne faisaient que répéter des affirmations dont ils n’avaient pas les preuves, tout à l’opposé de celle-ci. Ils n’ont proposé que de pousser cette méthode plus loin, pour arriver à des conclusions finalement très conservatrices, pour ne pas dire très traditionnelles : les évangiles ont été écrits très tôt après les événements, problablement entre 40 et 60.

    En effet, ces auteurs jugent impensable que les évangélistes décrivent comme existant encore un monde qu’ils connaissent dans ses moindres détails et qui a été rayé de la carte en 70. C’est cette année-là que le futur empereur Titus a trouvé la solution finale de la question juive, et choisi le mot « Palestine » pour désigner ce qui était jadis le royaume d’Israël, et depuis l’invasion romaine la Judée. La seule explication en est à leur avis que les quatre évangiles ont été écrits avant 70.

    De plus, mis à part le chapitre XXI de Jean, les évangiles ne montrent aucune trace non plus de la persécution de Néron, nettement présente dans la lettre aux Hébreux, la première lettre de Pierre et l’Apocalypse. Or, d’après l’historien Tacite (né en 58, mort en 120)⁵, un incendie catastrophique a dévasté Rome en juillet 64, et l’horrible massacre de chrétiens décidé par l’empereur Néron était destiné à mettre fin à la rumeur qui rendait celui-ci responsable de l’incendie. Le massacre a donc dû commencer quelques mois après l’incendie, c’est-à-dire en 65, et se prolonger en 66 et même 67.

    Enfin Matthieu et Jean ne paraissent même pas être informés de l’entrée massive des païens dans l’Église qui, d’après les Actes des Apôtres, a commencé avant 42, date de la mort de l’apôtre Jacques, fils de Zébédée. Le fait que ces arguments soient traités comme nuls et non avenus, au lieu d’être réfutés, ne peut que discréditer, non point certes la méthode critique, mais du moins ceux qui s’en réclament.

    Que penser de cette discussion ? Je ne veux pas me présenter ici comme un spécialiste d’histoire biblique, que je ne suis pas. Mais pendant trente-huit ans, je me suis appuyé sur les œuvres des philosophes antiques pour initier à la philosophie les milliers de jeunes que la République Française m’a confiés. Pour cela, j’ai dû étudier ces textes comme j’ai appris à le faire lors de mes études classiques, c’est-à-dire en m’appuyant non sur les traductions, mais sur le texte original, les dictionnaires et les grammaires. Le temps venu de quitter l’Éducation Nationale, j’ai eu plus de loisir pour lire cette fois ma Bible dans le texte original. J’ai ainsi mieux compris ce que la culture classique pouvait apporter à la lecture des évangiles, et c’est ce que je voudrais faire partager ici à mes lecteurs.

    En fait, je dois avouer sans plus attendre que ce travail m’a conduit à une découverte frappante. À lire les textes originaux, le monde dans lequel Jésus et les Apôtres ont vécu est certes celui de l’empire romain et du Moyen-Orient hellénisé depuis les conquêtes d’Alexandre, tel qu’on apprend à le connaître en lisant les auteurs antiques, grecs et latins. Mais il ne ressemble guère à celui dans lequel les traductions et les introductions à la Bible font vivre Jésus et les Apôtres.

    Par exemple, on entend dire que Jésus vivait dans une civilisation essentiellement orale, alors que la référence à l’écrit est constante dans les évangiles. Or, si l’on consulte les ouvrages élémentaires sur cette époque, on y lit que les maisons d’édition se multiplient dès le règne d’Auguste (27 av. J.-C.-14 après), et que tout l’empire achète des livres. Tout l’empire, y compris donc la Judée. Cela permet de comprendre aisément pourquoi il est si souvent question d’écritures dans les évangiles.

    De même, de brillants exégètes allemands veulent conclure, du fait que Jésus s’exprime de façon poétique, que ses paroles étaient destinées à être retenues par cœur plutôt qu’écrites. Mais n’ont-ils donc pas appris la Lorelei ou Ich hatt’einen Kameraden dans un livre, tout comme nous avons appris Le Corbeau et le renard ou les stances du Cid ? Tout comme nous également, Socrate savait par cœur les fables d’Ésope⁶, et pourtant personne n’a jamais dit qu’il ne savait pas lire. Il est vrai que Socrate n’a rien écrit, mais d’après les témoignages de ses disciples, il citait des ouvrages qu’il avait lus : exactement comme Jésus.

    Autre exemple : l’esclavage, réalité omniprésente dans l’empire romain, est presque absent du monde dans lequel Jésus est censé avoir vécu. Du moins le chrétien qui va à l’église tous les dimanches et y écoute l’évangile, n’a aucune conscience de cette omniprésence de l’esclavage, ni de ses conséquences sur le mode de vie quotidien de ceux que Jésus fréquentait.

    À la lumière de ma grammaire grecque et de mes vieux livres d’histoire, le récit évangélique gagnait à mes yeux étonnés une incroyable présence, alors que beaucoup imaginent Jésus vivant dans un monde étrange, où l’on tutoie des gens qu’on appelle « Seigneur », comme dans les tragédies, un monde où tout un chacun a des « serviteurs » et où, nul ne sait pourquoi, il n’y a pas besoin de travailler pour gagner sa vie. On ne comprend pas trop non plus pourquoi, dans ce monde bizarre, il est si souvent question d’impôts, de banques et de salaires, pas plus qu’on ne comprend pourquoi il est tout le temps question d’écritures, alors que personne ne sait ni lire ni écrire. En somme, beaucoup d’interprètes situent la vie de Jésus dans un monde irréel, et nous donnent par là l’impression que l’Évangile est une fable, impression d’autant plus troublante qu’ils vont rarement jusqu’à déclarer cela ouvertement.

    Certes, je tiens à le préciser, je ne prétends pas ici rivaliser avec les traducteurs, car je sais par expérience personnelle que celui qui approfondit l’analyse d’une page de grec ne travaille pas du tout dans les mêmes conditions que celui qui traduit un ouvrage en entier. Mon propos est plutôt de corriger quelques erreurs répandues, qu’elles portent sur la langue ou sur le cadre historique, parce que finalement elles faussent complètement la vision globale qu’on peut avoir des évangiles.

    Je ne prétends pas non plus porter de jugement sur les traductions liturgiques, d’abord parce que la traduction liturgique doit répondre à d’autres critères que l’exactitude, ensuite parce que toute traduction est discutable, et vouloir que les traductions liturgiques soient indiscutables revient à donner raison à ceux qui, au

    iii

    e siècle, se sont opposés à la messe en latin et voulaient en rester au grec. Il s’agit au contraire ici de donner des éléments de réflexion qui manquent de toute façon à la simple lecture d’une traduction, quelle qu’elle soit, et qui, on le verra, ont leur importance. Tout au plus, les traducteurs pourraient-ils tirer de mes réflexions quelques suggestions de correction, mais je me garderai bien de le faire à leur place.

    Comme le lecteur va s’en rendre compte, en se référant à des notions élémentaires d’histoire antique et à une lecture correcte du grec, on découvre le monde dans lequel Jésus a vraiment vécu, et cela conduit à penser, comme Robinson, Carmignac et Tresmontant, que les évangiles sont bien les rapports authentiques des témoins qui l’ont connu, et non des productions tardives issues d’un long travail collectif. Mon propos ici est de m’en tenir à des notions élémentaires tirées d’ouvrages de vulgarisation ou d’instruments pédagogiques, et à des remarques de bon sens, appuyées sur le texte et les dictionnaires. On trouvera dans la bibliographie la liste de ces ouvrages. Les références à des ouvrages spécialisés et à l’hébreu seront, sauf exception, réservées aux notes, qui contiennent également des arguments complémentaires plus techniques, destinés à mieux justifier mes conclusions.


    1. K. Madigan, in Anselm K. Min (dir.), Rethinking Medieval Legacy for Contemporary Theology, Notre-Dame, Indiana, University of Notre-Dame Press, 2014, p. 80 et p. 89.

    2. John A.T. Robinson, Redating the New Testament, Londres, SCM Press Ltd, 1976. En français : Re-dater le Nouveau Testament, trad. fr. par Marie de Mérode, Paris, Lethielleux, 1987.

    3. Jean Carmignac, Le Mirage de l’eschatologie, Paris, Letouzey et Ané, 1979 ; La Naissance des évangiles synoptiques, Paris, O.E.I.L., 4e édition, 2007.

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