D’un dit d’amour islamo-chrétien
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEURE
Delphine Dhombres est oblate bénédictine, catéchiste et enseignante dans un collège public. Elle est également bénévole d’accompagnement à domicile et en prison auprès de personnes âgées et isolées, voire gravement malades. Coordinatrice du groupe de dialogue interreligieux de sa paroisse, D’un dit d’amour islamo-chrétien est le fruit de multiples rencontres.
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Aperçu du livre
D’un dit d’amour islamo-chrétien - Delphine Dhombres
Un plan
sans originalité
connu de toute éternité
Première partie : En Éden
Genèse ………………………………………………………… p. 17
Cantique ………………………………………………………. p. 63
Deuxième partie : Passages
Exil ……………………………………………………………. p. 135
Apocalypse ……………………………………………………. p. 196
Épilogue ……………………………………………………..... p. 293
Bibliographie ………………………………………….....…… p. 295
Remerciements ……………………………….…………..…… p. 297
Première partie
En Éden
Genèse
Toi
Il y avait toi
si seul si loin
dans un bien trop vaste
univers
galaxie terre monde pays ville
sans personne avec qui parler
sans vis-à-vis pour te répondre
pour signifier ta présence
ton existence
pour apprendre qui tu es
pour te rendre témoin
miroir
du monde dans lequel tu vis
et respires
seul
dans le néant
Or
il n’est pas bon
non
il n’est pas bon
que l’homme soit seul
*
Tu vis
Une lueur
Un astre
Une étoile
filante
dans ta nuit
dans ta vie
Que tu suivis
*
Il y avait la nuit
Puis il y eut déchirure
de ton drap nocturne
brûlure
Incandescence
L’illuminescence d’un feu
Un éclair la foudre une flamme
ardente
une femme
brûlante
sans brûler
L’ardeur
d’une aube
nouvellement née
*
Je te vis
Et tu me vis
interrompis
ta marche futile
à travers les éboulis de ta vie
Tu me vis
m’élis
Nous nous vis-à-vîmes
Dans un même regard réunis
De suite
Au premier regard pétrifiés
De suite
Dans un seul regard incendiés
De suite
enflammés
foudroyés
*
J’émis
un silence
Un long soupir de silence
Un frémissement qui ne possède guère plus de poids que le vent
qui parcourt le désert
si ténu et si léger
dans les vacarmes de ta vie
Un murmure
en plein cœur
des cogitations de ta vie
*
Et le jour fut
nouveau
Oui
À la faveur d’une apparition
douce et lumineuse
pareille à la céleste nuée
au septième jour de la semaine
jour de fête jour de joie jour de liesse
De la nuit à la nuée
il suffit d’un liseron rosé
d’un coup d’aile chassant la ténèbre
pour favoriser l’aube d’une vie nouvelle
Vision d’un long Shabbat
rêvé
qui jamais ne prendrait fin
comme un long samedi de fiançailles
précédant les épousailles
*
À l’origine donc
était le silence
et la nuit
le silence
Silence
D’abord
fut le silence
Et puis
fulgurance
du magnétisme dans l’air
crépitant grésillant brasillant
Emportés nous sommes
embarqués
par un irrépressible
dans un irréversible
courant de vie
*
Mutique
Je nage en plein mutisme
baigne dans le silence
Timidité
Tous moyens perdus
Une longue hérédité de bègues d’aphasiques de dyslexiques
à la traîne
à la chaîne
dans ma famille
J’ai peine à parler
à mots formuler
à articuler
tout un phrasé
à m’articuler aussi
mot après mot
J’ai crainte de parler
cache ma voix
derrière ma bouche close
cachée
derrière mes lèvres scellées
verrouillées
dont je n’ai point la clef
*
Tu me dis bien des choses
Du silence
Je suis silence
Tu t’obstines
Fais siège au silence
Je riposte
en silence
Ne cherche pas
Ne suis que silence
*
Tu frappes à la porte
— Pitié pitié pour l’amour de moi
Donne asile je t’en prie à l’amour en moi
Donne soin à un cœur incendié
brûlé au septième degré
Agréez ce cœur
immolé à tes pieds
J’entends ton dit
Cachée derrière un voile de pudeur
Ton dit me touche
du bout de l’âme un bout de cœur
Qui se fait chair en moi
prend chair de moi
Chair
qui advient de ton dit
qui devient mot qui devient verbe et parole de lumière
*
Inutile je te dis
tu ne sais pas à qui tu dis :
un petit bout de silence
un monde de silence
tout un univers en silence
stérile
qui tourne sur lui-même
centré axé sur son sol intérieur
Un bout de silence qui méconnaît mots et paroles
et plus encore la langue de la rencontre
et la langue de l’amour bien plus encore
Passe étranger
Pas de place ici pour toi
Va-t’en
Pars loin de moi
Je pense que si
Tu me dis
L’aurore en fête
battant des mains exultant de joie c’est mon cœur allègre
qui me le dit
Crois-moi
Aie foi en moi
Tu me dis encore Je m’installe
là
ici devant toi
Sur le pas de ta porte
Je dresse ici ma tente
J’ai tout mon temps
tout loisir de temps
l’éternité devant moi
et tout l’amour pour toi
Toi
pareil au cerf
tu t’élances bondis en arrière de côté te rapproche
tout en souplesse et majesté
avec délicatesse tu te fais proche
De t’observer je ne me lasse
*
Sans arme
pas même un lasso un filet une fronde une flèche à décocher
pour ta biche attraper
Désarmé tu t’approches
M’approches
Tout doucement
Avec respect
et fermeté
Pâtre expérimenté
Ton dit
ton souffle
ton verbe
non pas insurrectionnel mais résurrectionnel
bouscule le silence
féconde mon silence
sous la main façonnante de ton silence
*
D’abord je te dis
Il y a le silence
Sans mot sans verbe sans alphabet
Un souffle
rien qu’un souffle
Du souffle
si doux
qui emplit ma sphère d’un parfum céleste
Je me retourne
me détourne
d’un œil
de moi-même
m’interroge
Qui es-tu
Mon divin Maître ?
*
Tu te rapproches
d’un peu plus près un pas de plus
Tu me salues
Je ne dis mot
Tu me dis Masa al-khair
Il y eut la nuit
Tu me dis
J’étais perdu
Tu me dis Sabah an-nour
Jusqu’à ce jour
Jusqu’à ce jour tu me dis
Face à ton être, Leïla Meriam
Ébloui
Comme par un éclat de lumière
aveuglé en pleins yeux
une cascade de poussière lumineuse
d’étincelles
sans cesse étincelantes
rutilantes
Un feu d’artifice
plus grandiose encore
que n’importe quel bouquet final
du 14 juillet
Tu me dis
J’éclate de rire
Tu attends
Rien
Silence
Que dire
Je rougis
pauvre de moi
pauvre de mots
face à un étrange étranger tout érudit
*
Tu t’arrêtes à l’orée de mon aire
t’assieds à la lisière de mon être
Heureux
dans la douceur ombrée d’une chênaie
tout à ton admiration
bronzant au soleil de ton Dieu
comme dans le calme d’une douce et agréable estive
festive
*
De ma demeure tu te rapproches
Sur le huis tu te déchausses
retires tes sandales
en secoues la poussière
Tu me dis Ne fuis pas
Tu me dis Je suis al-Wadoud, le Bien-Aimant
Je ne dis rien
écoute
Les yeux baissés
Les yeux fermés sur mon antre
Les yeux scellés
verrouillés. Je n’ai pas la clef.
Je L’écoute
la voix
J’entends la voix
Mon cœur reconnaît son timbre
divin
Qui parle en mes états ?
Est-ce Toi
mon divin Roi ?
*
Tu m’appelles
tu me sais
me saisis
moi l’informe
advenue d’un plus vaste néant
encore
Tu me saisis
pareille à la chenille
dans son cocon d’hiver endormie
Puis m’invites
si je le veux bien
à regarder
à regarder
un peu plus loin
à tendre le regard, à planter plus loin les piquets de ma tente
que je file que je suis le long de ton bras de ta main en attente
encore plus loin
hors de moi
hors mes murs
Par là la sortie tu me dis m’attires
Exit
Tu me tends la main
tu m’invites par là
à cette sortie hors les murs de moi
à ex-ister
hors de moi
à me tourner vers toi
à aller
par des pas maladroits
pour aller
vers toi
l’étrange étranger
étrangement familier
terre nouvelle
un peu plus proche
de moins en moins lointaine
*
Un deuxième pas
Tu m’invites encore
à te regarder
à regarder demain
à jeter le regard par-dessus demain par-delà ta main
à faire histoire
à entrer dans l’Histoire
pour l’écriture de cette histoire
Notre histoire
Qu’il soit fait selon ta volonté Je te dis
Du fond du cœur des yeux du cœur je te regarde
et te dis
Me voici
Alors voici que je renais
que je nais
au verbe
à notre verbe
pour qu’il devienne chair
*
C’est peu dire
Que ton dire m’origine
Naître
Naître sous l’aile de ton verbe
naître avec ton verbe ~ con-naître
Naître par ton verbe, naître de ton verbe
Et tu me fais renaître
au divin verbe
Car oui
voici qu’à ton dit je fus
comme électrifiée en pleine âme
bouleversée en plein cœur
parcourue d’un courant sacré de vie
Et c’est alors
à l’heure
que pour te répondre mes lèvres s’ouvrirent
Descellées
les lèvres de mon cœur
Ô miracle des miracles
Qui à la faveur d’une rencontre fortuite
de ta salutation
l’étamine de ton dit
m’éclot à la Vie
à l’unique de mon dire
*
Tu me dis
Feu
Je te dis
Eau
Tu me dis
Terre
Je te dis
Ciel
Lointains
Oui
Rapprochons-nous
Établissons-nous
en cette création nouvelle
Écoutons-nous
Parlons-nous
Nous ?
Et le verbe
Et le verbe
Entre nous
« nous » fit naître
(« maître » corrige mon correcteur orthographique)
Et le verbe finit par jaillir en Nous, de Nous, et tout autour de Nous
*
Avant
Je te dis
Avant
Il n’y avait rien
Il y avait blanc
Il y avait pur virginal
astral
Nul mot s’écrivant dans mon ciel
Vierges étaient les pages de mon livre sur terre
*
Il y eut ton verbe
Il y eut mon dit
De l’émoi
De l’é-moi et de l’é-toi
De l’ethos
À profusion en effusion en explosion
Scintillant discrètement la nuit
Nébuleuse galaxie nouvelle étoile super nova :
Nous
Des yeux s’ouvrent
L’aube nouvelle
d’une belle histoire d’amour
*
Il y eut le silence
Tout néant du monde
Puis il y eut ton nom :
la naissance d’un monde
du monde
de tout mon monde
contenu dans le bourgeon de rose
minéral
d’un seul prénom
Celui de l’Amour
al-Wadoud
*
Ta voix me dit ta voix m’appelle
m’appelle à être à exister
qui me fait n’être
épelle notre être
Ta voix m’est le pas qui m’ouvre
La Belle Porte tu me dis
Une porte dorénavant ouverte
qui m’invite à sortir
à quitter
à tout quitter
tout
à quitter mes confortables routine et solitude
à me quitter moi-même mon petit royaume de sécheresse
pour porter richesse
Pour te suivre
Pourtant je suis bien ici
seule
pour quoi m’appeler à sortir de moi
Où veux-tu que j’aille
Où souhaites-tu me conduire
pour quelle terre
D’ailleurs
que te chaut la terre de mon être
— Vers l’Amour
tu murmures
murmure
dans un bris de silence
le souffle d’une bise
*
Je t’écoute
t’entends si bien
Miracle de communication
Celui de nous comprendre et de nous recevoir sur l’onde commune d’un silence fait mots
Alors que nous sommes si différents
de sexe
d’âge
de confession, de religion
Toi, al-Wadoud, mon Tout Autre, mon Bien-Aimé
En quelque direction que ces montagnes courent
la foi que je professe est celle de l’Amour
Tu me dis
en citant Ibn Arabî
Non
plus que cela
un miracle de communion
permise par l’arche