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Capitis Dolor: Une aventure de Petunias W. Majores
Capitis Dolor: Une aventure de Petunias W. Majores
Capitis Dolor: Une aventure de Petunias W. Majores
Livre électronique427 pages4 heuresLes aventures de Petunias W. Majores

Capitis Dolor: Une aventure de Petunias W. Majores

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À propos de ce livre électronique

Après la disparition de Julia, tenter de se changer les idées avec son groupe d'amis, voilà pour Petunias Walter Majores l'objectif de cette escapade aux confins du Jura et des Alpes. Pourtant, un titanesque glissement de terrain va bouleverser ce qui ne devait être qu'un sympathique colloque d'astronomie.
LangueFrançais
ÉditeurBooks on Demand
Date de sortie20 sept. 2022
ISBN9782322451036
Capitis Dolor: Une aventure de Petunias W. Majores
Auteur

Bernard Dumez

Bernard Dumez trouve son bonheur dans la lecture de San Antonio ou de revues comme Schnock.

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    Aperçu du livre

    Capitis Dolor - Bernard Dumez

    DU MÊME AUTEUR

    Normandie Party, Éditions BoD-Books on Demand, 2021

    L’or du Var, Éditions BoD-Books on Demand, 2021

    Toute ressemblance avec des situations réelles ou avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

    Sommaire

    Chapitre I

    Chapitre II

    Chapitre III

    Chapitre IV

    Chapitre V

    Chapitre VI

    Chapitre VII

    Chapitre VIII

    Chapitre IX

    Chapitre X

    Chapitre XI

    Chapitre XII

    Chapitre XIII

    Chapitre XIV

    Chapitre XV

    Chapitre XVI

    Chapitre XVII

    Chapitre XVIII

    Chapitre XIX

    Chapitre XX

    Chapitre XXI

    Chapitre XXII

    Chapitre XXIII

    Chapitre XXIV

    Chapitre XXV

    Chapitre XXVI

    Chapitre XXVII

    Chapitre XXVIII

    Chapitre XXIX

    Chapitre XXX

    CHAPITRE XXXI

    CHAPITRE XXXII

    CHAPITRE XXXIII

    ÉPILOGUE

    Chapitre I

    Samedi 23 septembre 2017, 10 h 30.

    Place Bellecour, Lyon, capitale des Gaules

    Bien évidemment que je consens à les photographier devant la statue de Louis XIV, pour le souvenir, genre touristes en goguette. Le trio prend la pause. Le smartphone en main, j’hésite entre l’orientation portrait qui mettra en valeur la statue, et le mode paysage qui dépeindra l’unité architecturale des immeubles entourant la place Bellecour. Julien se place judicieusement entre Marylin, sa chérie, et Margherita, sa dernière acquisition, professionnelle s’entend ! Cette espèce d’adulescent tente de serrer contre lui les deux radieuses jeunes femmes en les attrapant par la taille, mais elles opposent une solidaire résistance :

    — Arrête, idiot ! Tu vas froisser nos robes, proteste la pulpeuse Marylin en écartant la main de Julien.

    D’un brusque coup de reins, elle se dégage de l’emprise de son amoureux, et arrange les plis de sa robe Vichy aussi légère que la brise de début d’automne entre Rhône et Saône. Moins démonstrative, sa copine Margherita se contente de s’écarter d’un bon mètre de l’importun. De toute manière, son allure athlétique et son port de mannequin évitent à sa tenue de tire-bouchonner.

    Avec leurs toilettes identiques… à la taille près… on dirait deux sœurs, dans leurs robes d’été nouées avec grâce par une ample ceinture, et confectionnées dans ce célèbre tissu à petits carreaux roses et blancs.

    Laissez-moi d’abord vous présenter ces trois amis, chers à mon cœur, et si précieux alors que je traverse les pires moments de ma vie :

    Julien Mage, que j’ai connu lorsqu’il sortait tout juste de son école de commerce, jeune directeur commercial de l’entreprise de transport routier de mon ami d’enfance Pascal. D’un caractère enjoué, tout le contraire de moi, à la réputation de séducteur incorrigible, jouant de son physique de jeune premier, grand, svelte, à la musculature discrète mais puissante. C’est plus tard que j’ai découvert qu’il était agent sous couverture de la DGSI, dorénavant détaché à la DGSE.

    Marylin Roche, informaticienne à la DGSE, véritable génie du numérique, conceptrice du super ordinateur Sherlock et de son interface d’Intelligence Artificielle (I.A) sous la forme d’un avatar intégré dans un ordinateur portable. Marylin nous a aidés à sauver la vie de Julia, avant de remplir celle de Julien, qui était immédiatement tombé amoureux de cette plantureuse rouquine aux cheveux bouclés. Mademoiselle Roche n’affectionne guère ses formes voluptueuses, se trouvant trop petite et trop en chair. Elle répète à qui veut l’entendre qu’elle jalouse la silhouette de son amie Margherita.

    Margherita Quesada, justement, grande, longiligne, la beauté angélique des êtres embarrassés par l’attirance qu’ils suscitent chez les autres homo sapiens. Margherita, mon éphémère professeur de voltige aérienne qui, à l’occasion de précédentes aventures, avait trouvé sa vocation dans les services secrets et avait été embauchée à la DGSE.

    Alors, lorsque j’ai reçu une invitation concernant un colloque au milieu des montagnes, plutôt que de continuer à me morfondre, j’ai proposé à mes trois amis de m’y accompagner.

    ***

    Mercredi dernier, en apprenant que nous allions partir tous les quatre quelques jours en vadrouille, Marylin avait entraîné Margherita faire les boutiques, en sortant de l’avenue Mortier¹. Tombée en arrêt devant une vitrine où trônait cette robe croisée sur le devant, elle s’était précipitée dans la petite échoppe de mode en tirant sa nouvelle collègue par la main.

    Lorsque la jeune informaticienne sortit de la cabine d’essayage, Margherita ne manqua pas de réagir avec humour :

    — Ouah, super ! Elle te va comme un gant. Et avec ce décolleté, si Julien conduit, il vaudrait mieux que tu ne sois pas assise à l’avant, impossible pour lui de se concentrer sur le pilotage !

    La vendeuse acquiesça, bien entendu.

    Marylin virevoltait devant le miroir en fredonnant, jouant à soulever le tissu si léger.

    — Oui, c’est vrai qu’elle est chouette. J’imagine déjà Julien tirer sur le nœud, le soir dans notre chambre à l’hôtel !

    Et elle éclata de rire. Marylin était si radieuse depuis qu’elle avait rencontré l’homme de sa vie.

    — Et en solde, Mesdemoiselles ! Toute la collection d’été l’est également, précisa la vendeuse qui ne perdait pas le nord, en s’adressant à Margherita.

    Marylin stoppa son manège enchanté et se tourna avec délectation vers sa camarade :

    — Ah ! Ma copine va vous en acheter une identique, s’exclama Marylin.

    Une moue embarrassée s’imprima sur les lèvres délicates de Margherita Quesada :

    — Quoi ? Je ne pense pas qu’elle m’aille aussi bien qu’à toi. Et puis, je ne remplirai jamais le décolleté !

    En vérité, la toute nouvelle espionne de la DGSE ne jurait que par les jeans. Marylin, capitaine Narcisse selon les services secrets, fixa la jeune recrue dans les yeux, un éclair de malice dans le regard :

    — Pas la peine d’essayer d’argumenter, c’est un ordre, lieutenant Quesada !

    ***

    C’est décidé ! Je vais les photographier en mode portrait afin que la statue équestre du Roi Soleil rentre dans le cadre, puis en paysage pour capter la beauté de cette immense place de gohrre et de goudron rose.

    Je ne suis pas dupe, je sais bien que Julien fait le pitre dans l’intention de me changer les idées, oublier mon malheur, notre malheur, car mes amis aussi sont meurtris ; deux semaines sans nouvelles de Julia. Toutes les forces de police de l’hexagone sont sur les rangs, les services spéciaux, civils, militaires et tous les indics de France ont été sollicités. Un élan de solidarité de tous ceux dont la mission est de protéger les citoyens, en vue de retrouver la trace d’une des leurs.

    Mais aucune information fiable aidant à localiser les kidnappeurs. La mafia de Upali fonctionne hors des réseaux du grand banditisme hexagonal et des milieux terroristes islamiques. La piste des véhicules, les tristement célèbres Audi Q7 noirs de ce groupe géorgien, n’a rien donné. Ils avaient été achetés comme voitures professionnelles au nom d’une entreprise bidon, bien entendu…

    Nous traversons l’immense place lyonnaise sous un soleil de plomb. La terre d’arène libère des volutes de poussière brûlantes dignes d’un 15 août en Provence. Encore un détail qui me rappelle mon amour, je me remémore nos jours de bonheur à Cavalaire, à la fois si proches et si lointains.

    Où es-tu Julia ? Que t’arrive-t-il ?

    — Maggie, tu savais que la place Bellecour était plus étendue que la place Rouge de Moscou ?

    — Non, Marylin, mais il y manque la cathédrale Saint-Basile !

    — Levez la tête, ouvrez vos yeux et jouissez du moment présent, jeunes femmes ! déclame soudain Julien. La basilique de Fourvière, accrochée à sa colline, ne vaut-elle pas toutes les cathédrales du monde ?

    J’en arrive à sourire des pitreries de mon ami…

    De l’autre côté de Bellecour, les quais de la Saône. J’entraîne mes amis sur le pont Bonaparte, avec l’alignement des immeubles du quartier Saint-Paul comme toile de fond. La traversée nous invite à admirer la palette de leurs enduits, du jaune à l’ocre, et nous débouchons - rien de plus logique à Lyon - au pied de la colline de Fourvière. La façade de la cathédrale Saint-Jean, bâtie avec les blocs de pierre calcaire beige pâle des antiques édifices romains de Lugdunum, illumine d’une douce lumière les pavés de l’esplanade. Les portes latérales sont ouvertes, hospitalières. Si j’avais été croyant, je serais rentré déposer un cierge et prier pour que ma petite Julia me revienne bien vite, saine et sauve ! Nous quittons la cathédrale Saint-Jean et nous prenons la rue éponyme. Elle est parallèle à la rivière Saône qui profite de ses derniers kilomètres d’indépendance, avant de mêler ses eaux à celles du fleuve Rhône, au sud de Lyon, en un lieu bien nommé Confluence.

    Mes amis veulent visiter le musée Miniature et Cinéma. Je le considère comme l’endroit le plus charmant et original du quartier avec ses véritables décors de films, et ses intérieurs de maisons à échelle réduite où le moindre détail est reproduit avec une étonnante précision.

    Pourtant j’ai vraiment envie de rester seul un moment, alors je prétexte un mal de tête, afin de m’attabler à la terrasse d’un bouchon en les attendant. Mes amis n’insistent pas, ils savent que c’est inutile. Je culpabilise un peu. Après tout, je suis à l’initiative de ce périple ; alors, pourquoi jouer les rabat-joie ? Mais parce que j’ai véritablement d’horribles maux de tête ! J’en subis fréquemment depuis nos aventures dans le Var. Peut-être que notre évacuation d’urgence du Nautilus et la remontée accélérée vers la surface m’ont créé un caillot ou je ne sais quoi. C’est décidé, en rentrant de notre voyage, je consulte un otorhino !

    En attendant, je commande une bière pression. La mousse fine comme l’écume sur l’estran pétille malicieusement. Je lui laisse quelques secondes de répit avant de déguster la première gorgée, puisqu’elle est soidisant curative et salvatrice, bientôt suivi d’une deuxième, puis d’une troisième. C’est la canicule, vous dis-je !

    À la quatrième lampée plutôt que gorgée, le niveau du liquide houblonné bienfaiteur passe sous le logo de la marque de bière gravée sur le verre : une abbaye stylisée ! Je regarde par transparence l’animation de la rue piétonne au travers de ce filtre improvisé, n’ayant rien de plus intelligent à faire. Les silhouettes des badauds qui battent le pavé millénaire sont déformées par le verre de ma chope. Ce palais des glaces portatif suffit à me distraire !

    Soudain, je sursaute. Julia vient de passer dans mon champ de vision ! Je repose mon verre et je crie :

    — Julia !

    À en faire sursauter mon voisin de terrasse, un petit vieux à casquette qui épluchait Paris Turf.

    Elle accélère le pas sans se retourner et je me lève pour la suivre. Crier son nom, quel réflexe à la con ! Après tout, elle est peut-être surveillée ? Mon cœur bat la chamade.

    Dans cette artère étroite dédiée aux touristes, délicat de ne pas la perdre de vue, je dois forcer le pas au milieu de la foule des piétons, entre les tables des restaurants, les charrettes à glaces et les billigs. Sagement, je laisse une distance de sécurité d’une dizaine de mètres.

    Julia prend à gauche et s’enfonce dans une venelle perpendiculaire à la rue Saint-Jean. J’attends une poignée de secondes de manière à vérifier si personne ne la suit dans cette sente d’à peine deux mètres de large, avant de m’engouffrer entre deux pignons d’immeubles au crépi d’un rose délavé.

    Le contraste est saisissant entre l’animation de la commerçante rue Saint-Jean et cette courte ruelle déserte. J’ai juste le temps d’apercevoir sa longue chevelure brune tourner à droite dans une rue perpendiculaire.

    Je cours sur les pavés jusqu’à cette voie peu fréquentée. Merde, plus de Julia ! Pourtant, je devrais la voir. Je me précipite droit devant moi, scrutant désespérément les façades à droite et à gauche.

    Au détour d’une avancée d’immeuble, une massive porte ouvragée se referme. Juste le temps de bloquer le lourd battant de chêne avec le pied avant qu’il ne se verrouille.

    Je suis dans une traboule. Je m’enfonce dans un sombre couloir qui mène à une courette pavée de granit et entourée d’arcades massives. Un carré de ciel bleu peine à éclairer quatre étages de modestes fenêtres.

    Julia fouille dans son sac en s’approchant d’un bloc de boîtes aux lettres enchâssé sous un porche, au fond de ce préau. Seuls quelques pas nous séparent :

    — Julia !

    Elle sursaute, et se retourne :

    — Que me voulez-vous ? Qui êtes-vous ?

    Je bafouille des mots d’excuse. Je remue les mains et la tête, en guise de démenti, sans m’approcher. Comme si la multiplication des gestes de dénégation rendrait plus crédible ma tentative de rassurer la jeune inconnue sur mes intentions.

    Je repars, je me sens penaud et con à la fois.

    À la terrasse, le serveur, debout devant ma table, regarde la bière aux deux tiers bue. Non, je ne suis pas un client indélicat parti sans payer ; d’ailleurs le turfiste a dû le rassurer puisqu’ils rigolent tous les deux. Je m’assois et je finis ma chope d’un trait :

    — Une autre, SVP !

    Le petit vieux me regarde d’un air mi-interrogateur mi-ironique. Je me sens obligé d’expliquer mon comportement :

    — Une erreur, j’ai cru reconnaître quelqu’un. Une simple erreur.

    ***

    Julien précède Marylin et Margherita se tenant par la main comme deux copines d’enfance. Il m’apostrophe alors que je termine ma deuxième bière :

    — Alors l’ancien, tu continues à picoler ou tu viens avec nous ?

    Bien entendu que je les accompagne ! On ne se lasse pas de la capitale des Gaules. Et puis, ça m’évitera en restant seul de confondre des jeunes femmes brunes inconnues avec Julia…

    Nous prenons le funiculaire, direction la colline de Fourvière, d’où nous rejoignons le théâtre gallo-romain, après un coup d’œil à l’architecture neo-byzantine de la basilique Notre-Dame.

    Assis sur les gradins deux fois millénaires, je m’imprègne de l’admirable vision qui nous est offerte en contrebas de la montagne mystique. Les chatoiements orangés de l’équinoxe d’automne dorent les eaux de la Saône.

    Je me souviens que cette rivière doit son nom au peuple gaulois qui occupait l’ouest du Jura : les Séquanes. Et que les Séquanes ont aussi donné leur nom à un fleuve… la Seine !

    Marylin, munie d’une paire de jumelles, me désigne à l’extrême droite de notre champ de vision, en direction du sud, une construction à l’architecture tourmentée :

    — C’est quoi ce bâtiment, Walter ?

    — Le musée des Confluences. On pourra s’y rendre cet après-midi et se balader sur la presqu’île, si vous voulez.

    Je regarde ma montre, une Omega Speedmaster, un cadeau de Julia :

    — Les copains, il est treize heures ! C’est l’heure de manger !

    — On va déjeuner typique dans un bouchon ? demande Margherita.

    — On ira ce soir, promis. Pour le déjeuner, je vous invite près d’ici, dans le restaurant gastronomique d’un ami. La vue y est aussi époustouflante que le contenu des assiettes.

    — Oh, merci Walter ! approuvent en chœur les deux filles.

    Marylin se lèche déjà les babines.

    J’aime leur faire plaisir. Que serais-je sans mes trois amis, maintenant que mon amour a disparu ? Sans Julia, quelle insignifiance cette fortune qui m’est tombée du ciel ! Au péril de ma vie, c’est vrai ! J’avais des tas de projets avec mon amour. Aujourd’hui, à part régaler mes proches, plus rien ne m’intéresse. Ou plutôt si, une seule chose : m’activer sur ma collection de voitures anciennes qui va bientôt s’enrichir d’un modèle rarissime, mais chut ! Mes compagnons n’en savent encore rien…

    Nous passons un excellent moment dans ce palace accroché à la colline, j’en oublierais presque mes maux de tête. Mais pas l’absence de Julia…

    Ensuite, descente à pied vers le centre-ville, afin de faciliter la digestion, par les romantiques jardins fleuris dominant la Saône, et retour à l’hôtel. On se donne rendez-vous à dix-sept heures devant le hall, pour la visite de La Confluence.


    ¹ Siège de la DGSE

    Chapitre II

    Samedi 23 septembre 2017, 17 h 15.

    À proximité de la place Bellecour

    J’ai prié le concierge de remonter ma voiture du garage. Le gamin d’une vingtaine d’années qui vient ranger ma limousine devant le hall de l’hôtel a la banane ! Il n’a jamais conduit une voiture pareille : une CX Prestige, c’està-dire rallongée de 25 cm par rapport à la célèbre berline de Citroën. Une véritable voiture de luxe à la française, largement plus âgée que lui. Il me tend mes clés en admirant la belle dans sa robe bleu nuit :

    — C’est français, m’sieur ?

    — Oui, m’sieur !

    — Ouah ! Classe !

    Margherita, toujours ponctuelle, montre le bout de son nez à la porte tourniquet et s’avance en hochant poliment la tête à l’attention du groom. Elle sourit, toujours splendide dans sa robe vichy, en se demandant de quoi nous pouvons bien discuter, plantés tous les deux sur le trottoir. Elle s’installe à la place passagère.

    Comme Marylin et Julien sont en retard, sieste canaille je suppose, j’entreprends le panégyrique de ma Citroën CX Prestige Limousine au gamin. Il n’y a pas d’âge pour s’intéresser aux voitures de collection, alors je motive le petit groom en lui soulevant le capot moteur de ma voiture de collection :

    — Deux litres cinq turbo, 168 ch, et une robe qui n’a pas vieilli !

    — Ouah, quelle élégance ! Et quelle robe … bafouille-t-il sans que je parvienne à deviner s’il songe toujours à ma voiture, ou à Margherita dont la robe légère s’est soulevée lorsqu’elle s’est assise dans le fauteuil de la voiture surbaissée.

    J’ai surpris le regard du gamin lorgnant en direction du pare-brise, plutôt que sous le capot. Ses hormones vingtenaires le poussaient davantage à reluquer ma passagère, absorbée par la consultation de ses SMS, que le quatre cylindres turbocompressé. Je la rejoins en m’installant dans le mœlleux siège conducteur en drap de laine, cuir et velours de mohair bleu profond. Je suis vraiment fier de ma dernière acquisition automobile, dernière… provisoirement !

    Les amoureux arrivent enfin ! Comme ils sont seuls au monde, ils ne comprennent même pas qu’ils ont bouffé le trait d’un bon quart d’heure.

    Et c’est parti pour une balade en direction de La Confluence. Je raconte à mes amis l’histoire de ce quartier, du moins ce que j’en sais :

    — C’est un quartier du sud de Lyon complètement rénové à partir des années 1990, qui plus est, labellisé écoquartier.

    — Un quartier d’habitation ? me demande Margherita.

    — Pas uniquement. Habitation, loisirs, culture et emplois, un vrai quartier du futur.

    — Ah ? Et quels types d’emplois ?

    — Les friches industrielles du XIXe siècle ont été remplacées par des emplois tertiaires, des laboratoires de recherche et des sièges d’entreprises.

    — Côté architecture, ils se sont lâchés en tout cas, proclame Marylin depuis la banquette arrière de ma limousine, avant de reprendre ses fougueux baisers avec Julien.

    Elle n’a pas tort, il s’avère que les architectes ont laissé libre cours à leur inspiration. Je me gare à la pointe sud de la presqu’île, emplacement idéal en vue d’admirer la rencontre de la Saône et du Rhône.

    Les eaux de la première, tranquilles et chargées des limons de la boueuse plaine du Val de Saône, sont aussi brunes que celles du second, fleuve montagnard impétueux, sont claires.

    Je ressens une profonde émotion devant ce carrefour de la circulation fluviale exploité depuis l’antiquité, entre l’Europe du nord et la Méditerranée.

    Marylin ressort ses jumelles. Au milieu des immeubles d’architectes de l’autre côté du Rhône, dans le quartier Gerland de la rive gauche, elle repère un surprenant bâtiment sur pilotis :

    — Étrange, celui-là !

    Elle me passe ses jumelles. Je visualise un double bloc en métal et verre, posé sur des pilotis d’au moins dix mètres de hauteur :

    — En effet, et je n’ai aucune idée de ce que c’est. Julien, ce bâtiment perché te rappelle quelque chose ?

    — Absolument, vous avez devant vous le laboratoire P4, dépendant de l’INSERM.

    — C’est quoi un labo P4 ? questionne Margherita.

    Là, j’ai la réponse :

    — Ça, je sais ! Un laboratoire de haute sécurité qui traite les virus les plus dangereux.

    — Il s’agit d’ailleurs de l’unique laboratoire civil de ce type en France, renchérit Julien.

    — Civil… pourquoi le précises-tu ? s’enquiert pertinemment Margherita.

    Julien sourit :

    — Parce que les militaires du monde entier ont leurs propres laboratoires chargés d’étudier tous les méchants virus utilisables comme armes bactériologiques.

    Marylin le regarde avec admiration :

    — Comment tu sais ça ?

    — Parce qu’avec les menaces d’attentat, ce type d’installation est surveillé par nos services, tout comme les centrales nucléaires, par exemple. J’ai eu à étudier de près ce laboratoire P4, afin d’y effectuer un audit de sécurité.

    Puis après un temps d’attente, mon ami précise :

    — En binôme avec Julia, d’ailleurs.

    Il regrette aussitôt l’ajout de ce détail qui souligne l’absence de Julia, et passe rapidement à des précisions techniques :

    — Cette construction sur pilotis, qui peut sembler un caprice d’architecte, permet d’isoler le labo du sol, et des intrusions.

    — Je pensais que c’était pour le protéger des inondations du fleuve, ajoute Margherita d’un air faussement ingénu.

    — Une inondation de plus de dix mètres, ça n’existe pas, murmuré-je.

    ***

    Le lendemain matin, nous prenons la direction du Jura où j’ai loué un chalet. J’ai tellement mal à la tête que je fais appel au volontariat pour conduire à ma place. Marylin se propose, contrairement à Julien qui est dans le même état de fatigue que moi.

    Au moins, aujourd’hui, je sais pourquoi j’ai des migraines. Le dîner, hier soir, dans le bouchon lyonnais que j’avais promis à ma petite troupe, fut épique. Les produits du terroir, tant culinaires que viticoles furent appréciés. Les filles, une fois encore, ont été plus raisonnables. Margherita déclara forfait après les quenelles, qu’elle arrosa d’une eau pétillante non millésimée. Après le saucisson brioché, ce fut le tour de Marylin. Julien et moi n’avions aucune intention de laisser pour compte le tablier de sapeur, d’autant plus que les pots de Beaujolais facilitaient la digestion… du moins nous l’espérions. Tout le monde renoua devant la cervelle de canut et la tarte aux pralines roses mais en ce qui concerne mon ami et moi, le mal était fait !

    Nous prenons l’autoroute puis une voie rapide en direction d’un petit village sur les bords du lac de Vouglans. Marylin conduit si bien que j’ai tout de suite confiance et je me laisse bercer par les suspensions pneumatiques de notre Citroën. J’ai le temps de me payer un petit somme réparateur. Avant de sombrer totalement, je lance une proposition :

    — Je vous suggère de nous arrêter au niveau du barrage, tout au sud du lac. La vue vaut l’étape, vous verrez.

    Marylin, enthousiaste à l’idée d’être au volant, adhère sans délai :

    — Bien commandant !

    — Je ne t’avais jamais vu conduire, Marylin. Tu as l’air d’apprécier ?

    — Oui ! Le contraire serait étonnant en tant qu’ancienne pilote de rallye.

    — Quoi ?

    Dans le rétroviseur, je regarde Julien qui somnole à l’arrière. Il soulève une paupière, remarque mon regard qui signifie : tu ne me l’avais jamais raconté, hausse les épaules et se rendort. Marylin a un petit rire :

    — Ah, tu ne savais pas ? Bah, c’était quand j’étais jeune.

    Je pouffe en pensant que Marylin a tout juste 30 ans.

    Chapitre III

    Dimanche 24 septembre 2017, 10 h 15.

    Sur un promontoire dominant le barrage de Vouglans

    Une ombre, occultant temporairement le franc soleil, me sort de ma léthargie. Je me tourne et Julia m’apparaît ! Toute vêtue de noir, elle me sourit tristement. Je veux lui parler mais l’émotion empêche les mots de sortir de ma bouche. Soudain, elle pose ses mains sur mon cou et serre ! J’essaie de me dégager. Je crie.

    Marylin, contrite, retire sa main posée sur mon épaule gauche :

    — Je voulais juste te prévenir que nous sommes arrivés.

    J’émerge doucement d’un lourd sommeil, je respire profondément :

    — Désolé, j’ai fait un cauchemar.

    Ça va mieux. Je suis reposé et mon mal de tête a retrouvé son intensité malheureusement habituelle.

    J’ouvre la vitre de la voiture. Je me frotte les yeux, ébloui par la luminosité de la moyenne montagne. Nous sommes garés sur un petit parking qui domine le barrage de Vouglans. Margherita et Julien sont déjà en train d’éplucher le panneau explicatif sponsorisé par EDF. Je descends laborieusement de la voiture, les muscles et les articulations encore endoloris. La température fraîche de ce milieu de matinée contraste agréablement avec Lyon :

    — Alors, qu’en pensez-vous ?

    — Quelle vue superbe ! s’enthousiasme Margherita. Positivement

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