La foutaise ou pays des gens en esclavage
Par Daniel Tongning
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À propos de ce livre électronique
La foutaise ou pays des gens en esclavage présente des populations désabusées qui s’interrogent. L'ouvrage invite, à travers l’éloge de l’échec, à la prise de conscience des peuples africains.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Daniel Tongning est l’auteur de nombreux ouvrages, notamment a publié, aux Éditions de Midi, De la vie dans les temps, Anthologie des poèmes épars ; Les chemins de la Liberté, Énonciation d’une pensée et The Bullshit or Land of The Enslaved People. Par cette nouvelle œuvre, l’auteur manifeste son souhait de voir les enfants de l’Afrique vivre ensemble et dans l’unité.
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Aperçu du livre
La foutaise ou pays des gens en esclavage - Daniel Tongning
L’étonnement
Vois-tu, ici, sur des terres si vivantes, si diversifiées, si bien habitées et si belles, tout y est si beau que l’on dirait que tous les jours de la vie y sont des dimanches. Vois-tu, les terres d’ici, avec ses plaines, ses montagnes, ses savanes, son sahel, ses peuples divers et variés, ses cultures, font penser à un amour de jardin de paix et de bonheur qui étonne et surprend. Ici, vois-tu, les choses sont monotones et au monde plaisent. Les gens marchent sur la tête et cela amuse ; ils dansent tout le temps et on dit qu’ils sont contents et heureux de leur sort ; ils confient leur amitié à la boisson et cela sied aux maîtres, leurs geôliers, parce qu’ainsi, ils oublient leurs difficultés pour un temps, s’investissent dans les désordres, se chamaillent au sujet des discours-baratins, et ne débattent ni du présent ni de l’avenir ; forment au contraire des camps et se combattent pour l’inutile ; soutiennent, non pas des idées, mais des groupes d’intérêt partisans qui les entretiennent et déclenchent des bagarres par mépris du groupe culturel voisin qu’on accuse de tous les maux et que, par anticipation, l’on voudrait empêcher d’accéder à la source de la vérité et des richesses comme si, ici, ils étaient dans une zone interdite où on leur refuserait le bonheur. Ici, vois-tu, les gens sont heureux en apparence. Ils sont par toute chose dépassés et ont trouvé de belles excuses ; de très belles excuses comme : « Ce pays-ci, c’est ce pays-ci » ; « On va faire comment ? ».
Les gens d’ici, vois-tu, craignent désormais leurs ombres, chuchotent quand ils disent des choses sérieuses, et braillent quand ils disent leur soumission et font des victimes pour être du maître aimés et récompensés. Les gens d’ici, vois-tu, on les apprécie comme cela, et dit qu’ils font comme dans la Rome antique, où les républicains faisaient comme eux aujourd’hui, puisque leurs débats étaient publics, mais pas pour tous, car il fallait être sénateur, voire conseil de celui qu’on nommait Princeps ou encore Imperator.
Ici aussi, les gens, maîtres absolus, ne fonctionnent-ils pas comme en empire ? Et les consuls choisis par l’Imperator pour avec lui gouverner, ne sont-ils pas une sorte de pâtres, chefs des grandes familles ? Et comme des magistrats, ne sont-ils pas formés pour juger ? Et n’est-ce pas eux seuls et leurs enfants peuvent postuler pour occuper les fonctions du cursus honorum des grandes écoles qui leur ouvrent les portes de la direction des grands domaines ? Et ici, le Princeps n’est-il pas le chef suprême des armées comme dans la Rome antique ? Et notre Imperator n’a-t-il pas, comme en ce temps-là, des attributions en matière électorale ? Et ne désigne-t-il pas les magistrats et édite des imperators-consultes ?
Les bonnes choses, ici, sont rares de jour en jour ; des bonnes âmes s’évanouissent faute de pouvoir avancer, et ce n’est plus un sentiment, mais une vérité. Cependant, donner l’aumône aux percepteurs, aux pasticheurs, aux conservateurs, c’est leur verser une paie pour les encourager à accomplir leurs tâches, fait partie des mœurs et nul ne trouve cela inconvenant. Le monde d’ici va comme s’il était une voie qui ouvre les portes de l’enfer et on voit monter et s’épandre, des malines manières qui n’honorent rien, mais favorisent la médiocrité des mœurs, des pauvres manières de concevoir la vie et de faire le monde où l’éthique gouverne les comportements.
Vois-tu, dans quelques années, les gens d’ici entreront dans leur soixante-dixième année d’indépendance. Ils auront vu grandir des nations qui n’étaient pas, dans les premières années de ces indépendances, plus nanties qu’eux, et qui, pour certaines d’entre-elles, étaient nettement plus pauvres que celle dans laquelle vivent les gens d’ici. Aujourd’hui, elles sont dans le peloton de tête des nations avancées, et ici, nous gens bien d’ici, régressons et sommes toujours esclaves des gens venus d’ailleurs, et qui nous disent comment être et faire chez nous, non pas parce qu’ils nous aiment bien, mais parce qu’ils font fructifier leurs affaires tout en empêchant, avec le concours des fils d’ici, les gens hardis des terres d’ici, de créer et de développer eux aussi, leurs affaires.
Vois-tu, ici, les choses sont monotones et donnent à s’interroger. Dans soixante-dix ans, comprends-tu, les choses n’auront pas changé ici. Lorsque tu regardes comment on œuvre pour le bien-être ici, tu penses que tu es noyé dans les vomis. Tu te regardes dans le miroir pour voir à quelle profondeur des vomis tu es, avec l’espoir de trouver où est l’erreur. Quand tu regardes dans le miroir avec insistance, tu ne vois pas ton dos, sinon imparfaitement quand tu combines les regards de deux miroirs, l’un devant et l’autre derrière. Quand après cet exercice tu regardes là où ça bouge dans le monde, tu te dis que nos contrées sont maudites ; que ce sont des lieux où les plus évolués, au lieu de constamment regarder et aller vers l’arrière, histoire de fuir le développement, regardent leurs nombrils et, satisfaits, promeuvent l’individualisme et font l’éloge du communautarisme qu’une théorie économique vénère et vente.
Vois-tu, c’est très bien ici ; il ne faut pas avoir d’idées. Apprends bien ; regarde bien le « être ensemble », le « vivre ensemble » et instruis-toi de ce que tu vois. Quand il faut, pour rester libre, ne marche pas ; emprunte le taxi-moto, même si tu n’as pas de quoi payer. Je ne te dis pas de voler ; mais d’ouvrir grand les yeux pour influencer les moto-taximen et tu auras des services gratuits. Il faut savoir utiliser le crédit. Quand tu sollicites un crédit, tu achètes de l’argent. Celui qui t’octroie un crédit te vend de l’argent et réalise un bénéfice qui est plus ou moins important selon le taux appliqué.