Drogue et criminalité: Une relation complexe. Troisième édition revue et augmentée
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À propos de ce livre électronique
Cette troisième édition présente la relation complexe entre drogue et criminalité, évitant les énoncés sommaires qui voudraient que l’usage de substances psychoactives mène nécessairement au crime. Elle met ainsi en lumière les contextes politiques et légaux liés aux drogues et fait une synthèse exceptionnelle des résultats de la recherche des vingt dernières années. Les auteurs rendent compte de l’importance accrue qu’on accorde désormais aux usagers de drogues illicites ainsi qu’aux personnes dépendantes et ils décrivent les différentes formes d’aide qui leur sont proposées.
Serge Brochu, Ph. D. psychologie, est professeur titulaire à l’École de criminologie de l’Université de Montréal et président honoraire de la Société internationale de criminologie de même que président de l’Association des intervenants en dépendance du Québec (AIDQ). Il est chercheur régulier au Groupe de recherche et intervention sur les substances psychoactives-Québec (RISQ) et au Centre international de criminologie comparée (CICC). Il est le directeur scientifique de l’Institut universitaire sur les dépendances (IUD).
Natacha Brunelle, Ph.D. criminologie, est professeure titulaire au Département de psychoéducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les trajectoires d'usage de drogues et les problématiques associées. Elle est chercheuse régulière au RISQ, au CICC, ainsi qu’à IUD.
Chantal Plourde, Ph.D. criminologie, est professeure titulaire au Département de psychoéducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières et chercheuse régulière au RISQ et au CICC. Elle dirige également l’antenne UQTR du CICC.
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Aperçu du livre
Drogue et criminalité - Serge Brochu
Serge Brochu, Natacha Brunelle et Chantal Plourde
DROGUE
ET CRIMINALITÉ
Une relation complexe
Troisième édition revue et augmentée
Les Presses de l’Université de Montréal
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Brochu, Serge
Drogue et criminalité: une relation complexe
3e édition revue et augmentée.
(Paramètres)
Édition originale: 1995.
Comprend des références bibliographiques.
ISBN 978-2-7606-3654-5
1. Toxicomanie et criminalité. 2. Criminels - Usage des drogues. 3. Drogues et criminalité. I. Brunelle, Natacha, 1971- . II. Plourde, Chantal, 1970- . III. Titre. IV. Collection: Paramètres.
HV5801.B76 2016 364.2’4 C2016-940511-7
Mise en pages et ePub: Folio infographie
ISBN (papier): 978-2-7606-3654-5
ISBN (pdf): 978-2-7606-3655-2
ISBN (ePub): 978-2-7606-3656-9
Dépôt légal: 3e trimestre 2016
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
© Les Presses de l’Université de Montréal, 2016
www.pum.umontreal.ca
Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier nos assistants de recherche, Isabelle Bastrash, Marie-Ève Bédard-Nadeau, Geneviève Garceau, Vanessa Lapierre, Catherine Patenaude, Alison Pellerin, Alexandra Richard et Michaël Sam Tion pour leur travail de recherche documentaire, de classement bibliographique et de mise en pages. Merci au Dr Didier Jutras-Aswad pour sa lecture attentive du chapitre 2 portant sur les effets des drogues et pour ses précieux commentaires. Des remerciements sont également adressés au Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC), au Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), ainsi qu’aux Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) pour les subventions octroyées qui nous ont permis de mener plusieurs études sur lesquelles s’appuie le contenu de ce livre. Enfin, merci à la Chaire de recherche du Canada sur les trajectoires d’usage de drogues et les problématiques associées de l’Université du Québec à Trois-Rivières pour avoir financé la majeure partie du travail d’édition de ce livre.
INTRODUCTION
L’idée selon laquelle l’usage de drogues peut affecter négativement son consommateur et le pousser vers la criminalité n’est pas nouvelle. Est-elle valide pour autant? Ce livre adopte une perspective pragmatique et emprunte la lorgnette scientifique afin de mieux saisir les relations qui existent entre drogue et criminalité. Notre intérêt de recherche porte spécifiquement sur le développement de ces relations, mais, avant d’entrer dans le vif du sujet, nous exposerons les éléments qui permettent de bien comprendre les trajectoires de consommation pouvant mener à l’adoption de conduites criminelles et vice versa. Nous terminerons cet exercice sur une note positive en abordant la question des fins de trajectoires qui lient drogue et criminalité et celle de l’efficacité des services d’aide pour les personnes toxicomanes judiciarisées.
Un champ de recherche tel que celui des drogues et des questions criminelles repose avant tout sur la manière de le concevoir et de l’aborder, laquelle n’est certes pas totalement dénuée d’intérêts personnels ou corporatistes (Szabo, 1992). La science, faut-il le rappeler, se forge dans un contexte économique et sociopolitique où les rapports de pouvoir influencent les objets d’étude de même que les connaissances. Il faut savoir que plus de la moitié des publications scientifiques portant sur le thème des drogues et des questions criminelles sont produites aux États-Unis. La connaissance actuelle s’abreuve de recherches américaines et il s’agit là d’un rapport d’influence incontestable dans le monde scientifique. Ce pays est pourtant atypique dans sa façon de gérer la consommation de drogues de ses citoyens et malgré des actions de légalisation du cannabis dans certains États, il continue d’exercer un contrôle rigide sur les consommateurs. D’un côté, il emprisonne ces derniers par milliers alors que, d’un autre côté, il hésite à légiférer sur un contrôle des armes à feu. Les relations entre drogue et criminalité sont certainement influencées par ce contexte social. La recherche produite chez nos voisins du Sud se fait dans un environnement répressif; les participants aux études portant sur les drogues illicites sont très souvent des personnes privées de liberté (incarcération, traitement fortement suggéré par le système carcéral…). Ainsi, les résultats des études portant sur les liens entre drogue et criminalité sont certainement valides pour cet environnement répressif où les armes à feu circulent relativement librement; mais le sont-ils dans d’autres contextes? Rappelons que la science n’est jamais pure, qu’elle se construit dans un contexte sociohistorique donné qui influence la perception des objets d’étude et des résultats obtenus; en ce sens, la science est tout simplement humaine.
Pour ces raisons, la troisième édition de ce livre s’appuie encore plus fortement qu’auparavant sur des études menées en sol canadien afin de fournir un portrait de la réalité d’ici.
Les substances psychoactives
illicites au Canada
Le Canada adopte actuellement une position composite face aux drogues illicites et à leurs usagers. Les lois promulguées ainsi que les actions du gouvernement fédéral au cours de la dernière décennie, sur des relents moralisateurs, ont clairement mené à une répression accrue et à un accès plus laborieux aux substances, de même qu’à des contextes d’usage potentiellement dangereux. Les politiques semblent reposer sur la prémisse que les drogues constituent des produits diaboliques pouvant ensorceler les esprits chétifs qui s’adonnent à la délectation de plaisirs hédonistes et ainsi causer le désordre social. Pour les partisans de cette position idéologique, les consommateurs s’inscrivent eux-mêmes en marge de la société par leur déviance, sinon par leur délinquance, et rien ne sert de tenter de normaliser les rapports que nous entretenons avec eux.
Par ailleurs, les Canadiens ont bien compris que l’incarcération ne résout pas les problèmes des personnes toxicomanes et qu’il est préférable de proposer à ceux qui en ont besoin un traitement approprié. L’offre de traitement est généralement bien acceptée au Canada, même si de nombreux citoyens préfèrent voir les services aux personnes toxicomanes se donner à une bonne distance de leur domicile. Pour plusieurs, le gros consommateur est un malade qu’il faut soigner… parfois un peu malgré lui. C’est ainsi que l’on s’accommode bien d’un cadre répressif souvent perçu comme favorable au traitement.
Enfin, de plus en plus de Canadiens conçoivent l’usage des substances psychoactives comme des expériences passagères ou, au pire, comme l’expression d’un style de vie particulier qui n’a rien de délinquant. Ceux-ci sont habituellement séduits par l’idée de la légalisation du cannabis, précisément parce qu’elle n’oblige pas ces personnes à s’insérer dans un milieu criminel. On se rapprocherait ainsi du statut qu’offre le Canada aux drogues licites, comme le tabac et l’alcool. Il va sans dire que, en 2016, notre manière de réagir aux drogues illicites et à leurs consommateurs est bien différente de la manière dont on traite l’alcool et les personnes alcooliques. C’est pour ces raisons que nous avons décidé d’exclure l’alcool de nos analyses. Non pas que ses usagers n’entretiennent aucun lien avec la criminalité, bien au contraire. L’alcool s’avère en fait la substance la plus souvent associée aux délits de violence. Toutefois, nous avons préféré consacrer nos analyses aux produits prohibés, étant donné que la répression leur confère un caractère particulier en intensifiant la marginalisation des usagers. C’est justement ce lien bien particulier qui intéresse au premier chef ce travail.
La consommation et les comportements criminels
Ce livre a été écrit afin de répondre à la curiosité des lecteurs qui ne se contentent plus d’énoncés sommaires voulant que les substances psychoactives conduisent au crime: la relation triangulaire entre une personne, un produit et un contexte s’avère très complexe et ne peut se définir en une phrase courte, aussi accrocheuse soit-elle. Le lecteur trouvera dans cet ouvrage les résultats d’importants travaux de recherche essentiellement effectués au cours des vingt dernières années qui fournissent un portrait juste de la situation actuelle.
De fait, cette troisième édition tient compte de l’ébullition de la recherche dans le domaine des drogues et des questions criminelles. Elle décrit notamment la richesse des nouvelles études qualitatives menées, entre autres au Québec, au cours des dernières années et qui accordent une importance accrue au vécu et aux perceptions des usagers de drogues illicites et des personnes qui en sont devenues dépendantes.
Ainsi, le premier chapitre fournit un portrait chiffré, afin de montrer qu’il existe bel et bien des liens entre drogue et crime. En effet, on relève de très hauts taux de prévalence d’usage et de consommation de drogues parmi les personnes judiciarisées. Au chapitre 2, nous poussons davantage notre exploration en nous questionnant sur le portrait criminogène des drogues. Deux situations sont spécifiquement abordées, soit: les effets de l’intoxication et les conséquences de la dépendance. Ce chapitre révèle aussi les liens documentés entre les différents types de substances et la criminalité. Le chapitre 3 présente un portrait politico-légal de la situation des drogues aujourd’hui illicites au Canada. Nous y voyons, entre autres choses, comment les cadres légaux actuels sont apparus et quelles pourraient être les solutions à nos politiques actuelles face aux usagers de drogues. Forts des connaissances acquises, nous exposons au chapitre 4 les modèles conceptuels classiques qui tentent d’expliquer les liens entre la drogue et le crime, puis nous présenterons la notion de trajectoire au chapitre 5 et son apport à la connaissance des relations dynamiques à l’étude. Le chapitre 6 offre l’occasion de dévoiler les éléments d’un modèle conceptuel «renouvelé» qui intègre les toutes dernières connaissances dans le domaine des relations entre drogue et criminalité. L’action de modéliser constitue en soi une activité réductionniste; il importe d’en être conscient pour ne pas prendre cet exercice pour autre chose qu’un instrument permettant de mieux appréhender la réalité. Enfin, le dernier chapitre est consacré aux différents traitements pour les personnes toxicomanes judiciarisées, de même qu’aux ingrédients permettant d’aider ceux et celles qui amorcent une démarche de réadaptation avec succès. Somme toute, nous tentons ici de répondre aux questions fondamentales: Qui? Pourquoi? Quoi? Comment? Qui sont les personnes impliquées? Pourquoi sont-elles impliquées? Dans quoi? Comment peut-on les aider?
La question des liens entre drogue et criminalité demeurera d’actualité au cours des prochaines années. Cet ouvrage aura atteint son but s’il réussit à en montrer toute la complexité.
CHAPITRE I
Un portrait chiffré des liens
entre la drogue et le crime
Si de manière générale, et plus particulièrement chez les jeunes, l’état des lieux en matière de consommation de drogues mérite des efforts de sensibilisation et de prévention, il s’agit d’un problème d’autant plus préoccupant lorsqu’on considère les personnes judiciarisées (jeunes et adultes). On estime généralement que les prévalences de consommateurs, mais également de personnes toxicomanes, sont très élevées dans les centres jeunesse et les milieux de détention. Selon certains éducateurs et surveillants de prison, jusqu’à 80% des personnes sous leur garde éprouveraient des problèmes de consommation de substances psychoactives.
Bon nombre d’études sont publiées chaque année sur la prévalence de la consommation de substances psychoactives illicites parmi les personnes judiciarisées. Pourtant, en ce qui concerne les rapports entre la drogue et la criminalité, les conclusions des recherches empiriques peinent à se faire une place face aux opinions tenaces sur le sujet. Les résultats d’études publiés dans une revue scientifique entrent en concurrence avec la manchette de la presse locale relatant une nouvelle saisie record de drogue ou la récidive violente d’un toxicomane en libération conditionnelle. En fait, ils sont le plus souvent éclipsés de la scène publique. Quelles conclusions peut-on vraiment tirer de la production scientifique récente? Examinons d’abord les études de prévalence effectuées auprès d’adolescents judiciarisés et de jeunes toxicomanes sous traitement.
Les jeunes
Chez les jeunes québécois, la prévalence des liens entre drogue et criminalité est examinée majoritairement chez deux sous-groupes de la population: 1) les jeunes mis sous garde en centre jeunesse en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA) et 2) ceux qui éprouvent des problèmes importants de consommation de substances psychoactives et qui bénéficient des services des centres de réadaptation en dépendance. Il va sans dire que les mêmes jeunes peuvent être représentés dans ces sous-groupes ou échantillons, puisque, comme nous le verrons plus loin, un jeune qui consomme abusivement peut se retrouver en centre jeunesse à un moment ou à un autre de sa trajectoire. Il faut toutefois être bien conscient que les jeunes qui commettent des délits ne se retrouvent pas tous en centre jeunesse, la mise sous garde étant la peine imposée la plus sévère et la plus rare, généralement réservée aux jeunes les plus violents ou aux récidivistes. De plus, il existe un chiffre noir de la criminalité, c’est-à-dire que plusieurs des délits commis ne sont pas connus ou ne mènent à aucune arrestation ou condamnation. Mais des auteurs comme Palamar (2014) montrent que les problèmes avec la police augmentent avec la fréquence de la consommation de cannabis. Les études portant sur les jeunes mis sous garde en centre jeunesse ne représentent donc pas l’ensemble des contrevenants. D’un autre côté, les jeunes consommateurs et ceux qui éprouvent de graves problèmes de consommation ne se retrouvent pas tous en centre de réadaptation en dépendance. Comme partout ailleurs, le taux de pénétration des services est relativement faible pour les jeunes québécois qui ont des problèmes de dépendance aux substances psychoactives. En fait, bien que des variations régionales soient observables, le taux de pénétration québécois moyen se situe à 22% (Tremblay, Brunelle, Blanchette-Martin et al., 2014), ce qui peut s’expliquer de différentes façons (déni des problèmes par les jeunes, manque de motivation au changement et au traitement de leur part, pratiques de repérage et de détection déficientes au sein des services de première ligne, etc.). Enfin, il faut également considérer le fait que la majorité des études rapportées dans cette section ont été menées auprès d’échantillons constitués uniquement ou majoritairement de garçons. On se doit d’être extrêmement prudent avant de généraliser les résultats obtenus en incluant la population féminine. En somme, il faut interpréter les résultats de prévalence avec circonspection, car ils reflètent seulement une partie ou des parties de la réalité des rapports entre drogue et criminalité.
Un regard rapide sur les études nous apprend immédiatement que la prévalence de la consommation de substances psychoactives s’avère beaucoup plus élevée parmi les adolescents qui se trouvent dans les centres jeunesse que chez les personnes du même âge au sein de la population québécoise. Par exemple, en comparant les différents travaux réalisés auprès de personnes prises en charge dans les centres jeunesse (Lambert, Haley, Jean et al., 2012; Laventure, Pauzé et Déry, 2008) avec les résultats de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) qui portent sur les adolescents au sein de la population générale (Cazale, Fournier et Dubé, 2009; Laprise, Gagnon, Leclerc et al., 2012), on peut estimer que les premiers sont au moins quatre fois plus nombreux (42%: Laventure et al., 2008) que les seconds (9%: Cazale et al., 2009) à avoir reconnu consommer du cannabis une fois par semaine ou plus durant la dernière année. Un écart très important s’observe également entre ces deux groupes lorsqu’il est question de drogues plus coûteuses comme la cocaïne (3% pour la population générale, 11% pour les centres jeunesse) (Laprise et al., 2012). Mentionnons toutefois que les études menées auprès des adolescents en centre jeunesse ne portent pas exclusivement sur les jeunes qui sont soumis à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA). Elles incluent généralement des jeunes pris en charge en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ) et de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS). De fait, la proportion de consommateurs des différentes substances psychoactives est assurément plus élevée lorsqu’on s’intéresse plus spécifiquement aux jeunes délinquants encadrés par la LSJPA. Une étude menée auprès de 401 contrevenants de sexe masculin âgés de 14 à 18 ans et admis en centre jeunesse révèle que plus de 9 jeunes montréalais sur 10 auraient consommé du cannabis au moins une fois au cours de leur vie. Bien plus, 69% d’entre eux déclaraient avoir déjà consommé des hallucinogènes (mescaline, champignons magiques, LSD) et plus de la moitié disaient avoir fait l’expérience des amphétamines (56%) et même de la cocaïne (49%), une drogue beaucoup plus onéreuse (Brochu, Cousineau, Provost et al., 2010).
Toutefois, il faut être conscient que ces forts taux d’usage de drogues illicites parmi les adolescents judiciarisés ne se retrouvent peut-être pas chez l’ensemble des jeunes qui commettent des délits. En effet, les contrevenants qui consomment des drogues s’exposent à des risques accrus de judiciarisation, la possession de drogues constituant un motif et une cause d’arrestation et de détention (Braithwaite, Conerly, Robillard et al., 2003).
Les taux de prévalence concernant l’expérimentation ou l’utilisation de substances psychoactives parmi les jeunes des centres jeunesse du Québec sont généralement plus élevés que ceux que l’on observe dans les autres pays occidentaux (Braithwaite et al., 2003; Dufour, 2004; Hammersley, Marsland et Reid, 2003). Il faut mentionner à cet égard que la prise en charge en centre jeunesse constitue bien souvent, au Québec, une solution de dernier recours, ce qui contribue à rassembler dans ces lieux les contrevenants récidivistes ou les plus violents, soit ceux qui sont les plus fortement ancrés dans la délinquance (Fortin-Dufour, Alain, Marcotte et al., 2015) – ce qui n’est pas le cas dans tous les pays. Et bien sûr, le degré d’ancrage dans la délinquance est généralement lié à l’importance de la consommation de drogues illicites.
Par ailleurs, il est difficile de comparer les données issues des jeunes en milieu scolaire (population générale) et celles issues de ceux en centre jeunesse en raison des différents instruments de mesure utilisés dans les études. On peut toutefois avancer que ces derniers sont beaucoup plus nombreux à manifester des problèmes importants de consommation de substances psychoactives, mesurés à partir de l’Indice de gravité d’une toxicomanie1 (IGT) (25%: Laventure et al., 2008), que les jeunes au sein de la population générale, auprès desquels on a utilisé l’instrument de détection DEP-ADO (7%: Laprise et al., 2012). Dans une étude menée auprès de 890 jeunes usagers en centres de réadaptation en dépendance, Tremblay, Brunelle et Blanchette-Martin (2007) montrent que ceux qui se trouvent en centre jeunesse en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA) présentent des problèmes de consommation plus graves que ceux qui sont soumis à la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ) ou qui ne sont pas en centre jeunesse. La proportion de jeunes qui consomment de la cocaïne une fois par semaine ou plus est notamment plus élevée parmi les jeunes soumis à la LSJPA (12%) que chez ceux qui sont soumis à la LPJ (5%) ou qui ne sont pas en centre jeunesse (7%). Dans le même sens, l’étude de Brunelle, Bertrand, Flores-Aranda et al. (2014) menée auprès de 726 jeunes toxicomanes en centre de réadaptation en dépendance révèle que les jeunes les plus délinquants manifestent des problèmes plus importants de consommation. Par exemple, les scores de gravité mesurés à partir de l’IGT pour les problèmes d’alcool, de cannabis et d’autres drogues sont plus élevés dans le groupe de délinquance forte que dans le groupe de délinquance faible. Un des indicateurs concerne la fréquence de consommation du cannabis qui est significativement plus élevée dans le premier groupe que dans le second (80%, contre 69%, en consomment au moins trois fois par semaine).
En partant du constat qu’une plus grande gravité des problèmes de consommation est associée à une délinquance plus élevée dans plusieurs études (Chassin, Knight, Vargas-Chanes et al., 2009; Tripodi, Springer et Corcoran, 2007), penchons-nous maintenant sur la prévalence des liens entre drogue et criminalité chez les jeunes qui éprouvent des problèmes de dépendance aux substances psychoactives. Une panoplie d’études ont montré que la délinquance est commune parmi les jeunes traités pour leurs problèmes de consommation de substances psychoactives (D’Amico, Edelen, Miles et al., 2008; Pepler, Jiang, Craig et al., 2010; Reynolds, Tarter, Kirisci et al., 2011; Van Der Geest, Blokland et Bijleveld, 2009).
L’étude conduite par Hser et ses collaborateurs (2001) montre que 67% des jeunes commençant un traitement spécialisé en dépendance révélaient avoir commis des délits au cours de la dernière année ou étaient en attente de procès, en probation ou en libération conditionnelle. Dans la même veine, l’étude américaine Cannabis Youth Treatment (CYT) menée auprès de 600 jeunes consommateurs suivant un traitement et qui éprouvent des problèmes de consommation de cannabis a révélé que 83% d’entre eux avaient déjà commis un acte délinquant autre que la possession de drogues illégales (Dennis, Godley, Diamond et al., 2004).
Par ailleurs, une étude québécoise montre que près du tiers (29%) des jeunes traités pour leur toxicomanie dans la région de Québec avaient déjà été reconnus coupables d’un délit (Tremblay et al., 2007). Plus récemment, Brunelle et ses collaborateurs (2013) ont conduit une étude auprès de 199 jeunes sous traitement au Québec. Leurs résultats révèlent qu’une proportion élevée de participants avaient commis au moins un acte délinquant avant le début de leur traitement (89%) et que 43% avaient déjà été arrêtés par la police. Parmi les délits les plus fréquents, on retrouve la possession et la vente de drogues (67%), le vol (52%) et les voies de fait (29%).
Les adultes
Nous sommes donc à même de constater des liens de prévalence entre drogue et criminalité, et ce, tant parmi des échantillons d’adolescents pris en charge par les centres jeunesse que parmi ceux qui se trouvent en centre de réadaptation en raison de leurs problèmes de dépendance, mais qu’en est-il des populations adultes? La situation dépeinte jusqu’à maintenant se retrouve-t-elle chez les adultes judiciarisés? Et quel est le niveau de consommation de ces contrevenants?
Les personnes judiciarisées
Aux États-Unis, le National Institute of Justice a mis sur pied le programme Arrestee Drug Abuse Monitoring2 (ADAM) afin de mieux évaluer la consommation de drogues illicites parmi les hommes arrêtés dans des grands centres urbains (Office of National Drug Control Policy [ONDCP], 2014). Si 10 villes américaines participaient à l’origine à ADAM II, soit depuis 2006, le nombre de sites de collecte de données est descendu à 5 en 2012 à la suite de coupes budgétaires (Atlanta, Chicago, Denver, New York et Sacramento). À deux reprises durant l’année, pendant 14 jours, un personnel spécialement formé demande à un échantillon probabiliste de personnes arrêtées en soirée ou durant la nuit de fournir un spécimen d’urine et de répondre à un certain nombre de questions. Le tout se fait sous le sceau de la confidentialité et de façon volontaire3. La procédure ne vise pas à récolter des preuves supplémentaires pouvant mener à la condamnation du sujet, mais représente plutôt une sonde servant à jauger les tendances de la consommation de substances psychoactives illicites parmi les personnes arrêtées dans les grandes villes américaines qui participent au programme. Dans l’étude ADAM II menée en 2013, le taux de réponse pour les entretiens a été de 62%, et de 55% pour les tests d’urine (ONDCP, 2014).
Le test d’urine effectué dans le cadre de l’ONDCP permet de détecter 10 drogues différentes. La proportion de participants dont le test a été positif pour au moins une de ces drogues en 2013 était de 63% à Atlanta, alors qu’elle était de 83% à Chicago et à Sacramento (ONDCP, 2014). 50% des participants à Sacramento ont présenté un test d’urine positif à plus d’une drogue. La plus fréquemment détectée est, sans surprise, la marijuana, avec une variation de 33% à Atlanta à 60% à Sacramento. Le taux de consommation autorapporté de cette substance varie quant à lui de 39% à Atlanta à 58% à Sacramento. Le taux de consistance entre les résultats aux tests d’urine et ceux de la consommation autorapportée est généralement très élevé (84% pour la marijuana, 95% pour les méthamphétamines) dans les cinq sites de l’étude (ONDCP, 2014). Aucune information au sujet de la gravité des problèmes de consommation n’est disponible dans l’enquête ADAM II de 2013.
Bien que la méthode d’analyse d’urine puisse donner l’impression d’une rigueur méthodologique exemplaire en comparaison avec l’utilisation des rapports autorévélés, ces résultats ne sont pas très précis puisque le laps de temps durant lequel les différentes drogues peuvent être détectées varie énormément selon la substance. Ainsi, le cannabis peut parfois être détecté jusqu’à un mois après son dernier usage (lors de consommations fréquentes et importantes) alors que cette fenêtre temporelle se restreint à 48 heures pour la cocaïne ou l’héroïne. Avec cette méthode, on est donc souvent en présence d’une surévaluation de la prévalence de la consommation de cannabis par rapport à celle de la cocaïne ou de l’héroïne. En outre, les tests d’urine ne permettent pas de savoir si la personne était intoxiquée au moment de commettre son délit ou lors de son arrestation ni de savoir s’il s’agit d’une personne éprouvant ou non des problèmes importants de consommation. Quoi qu’il en soit, ces résultats montrent que la grande majorité des personnes arrêtées avaient consommé au moins une drogue dans les jours ayant précédé leur arrestation.
Par ailleurs, le bilan des recherches est éloquent au sujet des personnes détenues tant dans les prisons que dans les pénitenciers4: celles-ci constituent une sous-population parmi laquelle la prévalence de la consommation de substances psychoactives illicites, avant l’incarcération, s’avère très élevée (Brochu et Plourde, 2012; Plourde, Brochu, Gendron et al., 2012; Plourde, Dufour, Gendron et al., 2013; Zakaria, Thompson, Jarvis et al., 2010). Par exemple, Fazel, Bains et Doll (2006) ont repris systématiquement les études portant sur l’usage de drogues et la dépendance chez les détenus. Ils ont retenu 13 recherches portant sur un total de 7563 détenus. Leurs résultats indiquent que les problèmes d’abus ou de dépendance frappent 10% à 48% de ces hommes et 30% à 60% de ces femmes. Ainsi, même si les études effectuées
