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Alliances: Penser et repenser les relations entre Autochtones et non-Autochtones
Alliances: Penser et repenser les relations entre Autochtones et non-Autochtones
Alliances: Penser et repenser les relations entre Autochtones et non-Autochtones
Livre électronique828 pages10 heures

Alliances: Penser et repenser les relations entre Autochtones et non-Autochtones

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À propos de ce livre électronique

Quand des militants autochtones et non autochtones se donnent la main, comment travaillent-ils sans perdre de vue le changement social auquel ils aspirent, en gardant le cap sur leur but commun ? C’est ce dont rend compte cet ouvrage, qui réunit des dirigeants, des militants communautaires, des universitaires et des intellectuels de tous horizons qui ont vécu ensemble les luttes pour les droits autochtones, l’autonomie gouvernementale et la justice sociale et environnementale.


Les auteurs, hommes et femmes autochtones et non autochtones, ont fait leurs classes dans les contextes les plus divers. Ils proviennent des premières lignes de combat politique ou individuel et ancrent leurs réflexions dans l’expérience. Leurs perspectives sont issues des théories émergentes, qui toutes éclairent les significations contemporaines du concept d’alliance. Certains se penchent sur les méthodes propres à la décolonisation des mentalités, alors que d’autres partent de l’idée de respect envers les Autochtones pour analyser les interactions modernes. En plongeant dans les rapports complexes qu’engendre leur engagement pour la justice, ils rendent compte des tensions, mais surtout illustrent les possibilités, pour le xxi e siècle, d’une nouvelle alliance entre Autochtones et non-Autochtones, et de coalitions encore jamais réalisées.
LangueFrançais
Date de sortie18 sept. 2018
ISBN9782760639188
Alliances: Penser et repenser les relations entre Autochtones et non-Autochtones

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    Aperçu du livre

    Alliances - Lynne Davis

    Sous la direction de Lynne Davis

    ALLIANCES

    Penser et repenser les relations

    entre Autochtones et non-Autochtones

    Traduit de l’anglais (Canada) par Daniel Poliquin

    Les Presses de l’Université de Montréal

    Collection «Expressions autochtones»

    La collection «Expressions autochtones» se donne pour objectif de rassembler des travaux théoriques et pratiques de langue française sur les peuples autochtones. Elle privilégie une approche interdisciplinaire des questions d’actualité, de société et de culture qui se posent au Québec et ailleurs dans le monde.
    Sous la direction de Louise Vigneault, professeure agrégée au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’Université de Montréal.

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Alliances. Français

    Alliances: Penser et repenser les relations entre Autochtones et non-Autochtones / sous la direction de Lynne Davis.

    (Expressions autochtones)

    Traduction de: Alliances: re/envisioning Indigenous-non-Indigenous relationships.

    Comprend des références bibliographiques.

    Publié en formats imprimé(s) et électronique(s).

    ISBN 978-2-7606-3916-4

    ISBN 978-2-7606-3917-1 (PDF)

    ISBN 978-2-7606-3918-8 (EPUB)

    1. Autochtones. 2. Autochtones - Canada. 3. Indiens d’Amérique - Amérique du Nord. 4. Autochtones - Droits. 5. Blancs - Relations avec les Indiens d’Amérique. 6. Coopération. 7. Coalitions. 8. Justice sociale. 9. Impérialisme. I. Davis, Lynne, 1951-, éditeur intellectuel. II. Titre. III. Collection: Expressions autochtones.

    E77.A4414 2018. 305.8. C2018-940869-3

    C2018-940870-7

    Mise en pages et Epub: Folio infographie

    Dépôt légal 3e trimestre 2018

    Bibliothèque et Archives nationale du Québec

    © Les Presses de l’Université de Montréal 2018

    www.pum.umontreal.ca

    La version originale anglaise de Alliances. Re/Envisioning Indigenous-Non-Indigenous Relationships a été publiée par © University of Toronto Press 2010.

    Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC). Elles remercient également le gouvernement du Canada de son soutien financier pour ses activités de traduction dans le cadre du Programme national de traduction pour l’édition du livre.

    Table des matières

    Gchi Miigwech: «merci»

    Premières paroles

    Avant-propos

    Introduction

    La conférence Penser et repenser les relations

    La multiplicité des lieux et des discours

    Assumer nos responsabilités

    PREMIÈRE PARTIE

    Les visionnaires

    CHAPITRE 1

    Kanikonriio: le «pouvoir d’un bon esprit»

    CHAPITRE 2

    La cérémonie iroquoienne de condoléances dans la ville

    Condoléances

    Recevoir une «vision»

    Une histoire autochtone de Toronto, Ontario, Canada

    Le format que l’on propose pour l’emplacement du site cérémoniel

    La construction du site cérémoniel

    L’ordre cérémoniel fondé sur le Cycle des cérémonies hotinonshon:ni

    Cérémonie du bois

    Cérémonie de la sève d’érable

    Cérémonie du tonnerre

    Festin des morts du printemps

    Cérémonie hadoui du printemps

    Cérémonie du soleil/cérémonie de la lune

    Cérémonie de bénédiction des semences

    Cérémonie de la fraise

    Cérémonie de la fève

    Cérémonie du petit maïs vert

    Cérémonie du grand maïs vert

    Gaiwi:io

    Grande loi

    Cérémonie de la moisson

    Cérémonie hadoui de l’automne

    Festin des morts d’automne

    Mi-hiver

    Le démantèlement du site cérémoniel

    Épilogue

    CHAPITRE 3

    Trouver notre voie en dépit de la modernité

    La prière protocolaire d’action de grâce

    Notes autobiographiques et enseignements wampanoag

    Le travail

    Conclusion

    DEUXIÈME PARTIE

    Des nouvelles du front

    CHAPITRE 4

    La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones: des partenariats pour l’avancement des droits humains

    La nécessité de la Déclaration

    Des droits différés

    Répondre aux besoins distincts et aux aspirations des peuples autochtones

    Le rôle des ONG non autochtones

    La volte-face du Canada

    Conclusion

    CHAPITRE 5

    Grassy Narrows: défendre la Terre mère et ses habitants

    CHAPITRE 6

    Les contradictions du colonialisme canadien: les réactions des non-Autochtones à la revendication des Six Nations de Caledonia

    L’état des lieux: la revendication de Douglas Creek Estates

    Gary McHale et Caledonia Wake-Up Call

    Community Friends: le soutien non autochtone aux Six Nations

    Conclusion

    CHAPITRE 7

    Gagner le droit de pêcher: les Chippewas de Nawash et leurs alliés communautaires contre vents et marées

    Les éléments interreliés

    Les priorités des partenaires

    Les forces et les limites des alliés non autochtones

    Le racisme comme point de convergence pour l’action et le changement social

    Leçons à retenir

    Conclusion

    CHAPITRE 8

    La ceinture de wampum, symbole de protestation

    CHAPITRE 9

    Les enseignements de la collaboration entre les Autochtones et les organisations environnementalistes pour la protection de la forêt pluviale du Grand Ours et des Premières Nations de la Côte

    Les gens et le lieu

    L’escalade du conflit

    Le chemin de la négociation

    Le tournant des Premières Nations

    Un changement de philosophie: l’entente sur un nouveau cadre

    Un processus décisionnel fondé sur des évaluations scientifiques indépendantes

    Une nouvelle approche de l’exploitation forestière et de la gestion foncière

    L’adhésion à une nouvelle économie

    Les accords de gouvernement à gouvernement

    Du cadre à la solution

    Les zones protégées

    La gestion des terres et des ressources (la gestion écosystémique)

    La transition économique et l’Initiative des investissements et des incitatifs pour la conservation

    Les relations suivies de gouvernement à gouvernement

    Les leçons retenues

    AUDACE: il faut définir une vision enlevante du changement

    POUVOIR: pour effectuer un changement tangible, il faut détenir de vrais pouvoirs

    RESPECT: ce sont les gens qui changent les choses et non les institutions; il faut nouer des liens avec les gens

    DIVERSITÉ: il faut conclure des alliances, créer de «drôles de couples»

    INTELLIGENCE: plus le système est complexe et institutionnalisé, plus il faut user de créativité et d’innovation pour le changer

    RESTER optimiste: l’optimisme tenace est contagieux

    Conclusion

    CHAPITRE 10

    La réconciliation dans le cyberespace? Les enseignements de Turning Point: Native Peoples and Newcomers On-Line

    CHAPITRE 11

    Le projet VIVA: décoloniser l’art, l’éducation et la recherche

    Le projet VIVA

    Cadres théoriques: des tensions créatives à la décolonisation

    La décolonisation de l’art, de l’éducation et de la recherche

    Art

    Éducation

    Recherche

    Décoloniser VIVA: du macro au micro

    Décoloniser le projet VIVA: un travail continu (Deborah)

    Les participants et la représentation

    Le financement du projet

    Les cadres évolutifs

    Les produits

    La direction

    Le point de vue d’une stagiaire: le Projet kuna d’art pour enfants (Laura)

    Dernières paroles, voix multiples

    CHAPITRE 12

    L’Institut Nakwatsvewat inc.: mettre la justice hopi au service de son peuple

    La nation hopi: origines et organisation

    Les problèmes que posent les litiges fonciers à la Cour des Hopi

    L’Institut Nakwatsvewat: mettre la justice hopi au service du peuple hopi

    Quatre principes de collaboration, et le faux départ qui a présidé à leur naissance

    Consulter, mais sans conclure

    Écouter, mais sans sermonner

    Fournir des ressources, mais sans réglementer

    Suivre le rythme, ne pas essayer de l’imposer

    Conclusion

    CHAPITRE 13

    Le programme d’études amérindiennes en Virginie: un cas de figure

    L’histoire

    La naissance du programme de Virginia Tech

    Les réalisations du programme

    Les défis

    Développer un modèle collaboratif

    Conclusion

    TROISIÈME PARTIE

    Le pont entre théorie et pratique

    CHAPITRE 14

    L’avènement d’une glocalité: les leçons de la résistance dans la lutte du Secwepemc Watershed Committee contre Sun Peaks Resort en Colombie-Britannique

    La résistance secwepemc à Sun Peaks Resort

    L’émergence d’une glocalité

    Les structures glocalement incorporées

    Les structures glocalement exportées

    Conclusion

    CHAPITRE 15

    Au-delà de la reconnaissance et de la coexistence: le vivre ensemble

    Les origines des théories normatives de la reconnaissance contemporaines

    Les théories normatives de la reconnaissance contemporaines

    Les critiques des théories normatives de la reconnaissance

    Les théories dans la pratique: problèmes et solutions

    CHAPITRE 16

    La solidarité autochtone dans le contexte de l’antiracisme Le National Secretariat against Hate and Racism in Canada: une étude de cas

    Le contexte de la militance antiraciste au Canada

    Les stratégies du NSAHRC

    Définir le terrain de la lutte

    Des stratégies de résistance conflictuelles

    Charte canadienne des droits et libertés: possibilités et limites

    «Conflit et concurrence»: les réparations pour la taxe d’entrée chinoise et pour les pensionnats autochtones

    Une stratégie «conflictuelle» de résistance: Africville et les réparations pour la traite des esclaves africains

    L’espoir de réparations?

    Conclusion

    CHAPITRE 17

    Une nouvelle relation, vraiment? Partager la responsabilité de la justice et de la durabilité écologique en Colombie-Britannique

    Le cadre théorique: la prise de décisions mutualisée et le rendement socioéconomique

    La Nouvelle Relation: un changement véritable ou non?

    L’ancienne relation

    La promesse de la Nouvelle Relation

    Est-ce bien une Nouvelle Relation?

    La voie de l’avenir: quelques recommandations en vue d’instaurer une relation transformatrice

    Diminuer la consommation

    La prise de décision partagée

    Être un allié

    CHAPITRE 18

    Repenser la conservation collaborative dans l’optique du savoir autochtone en Guyana

    Comment se tailler une place dans le monde autochtone et dans le milieu de la conservation

    Le climat politique, économique et conservationniste du Guyana

    Les perspectives autochtones sur la conservation collaborative et la mise en commun du savoir

    Syncrétiser les formes de savoir dans les partenariats de conservation

    Les espaces éthiques pour la collaboration expliqués par la métaphore du tabouret à trois pattes

    Repenser la conservation collaborative chez les jeunes générations

    CHAPITRE 19

    D’adversaires à alliés: forger des alliances respectueuses entre Autochtones et colons

    Le problème des alliances hégémoniques

    Le colonisateur qui se refuse

    Que devrions-nous faire? – Une question honnête?

    L’expérimentation radicale

    Conclusion – Pas de solutions concrètes? Pas de modèles?

    CHAPITRE 20

    L’esprit des relations: la leçon à tirer des alliances et des coalitions entre Autochtones et non-Autochtones

    La coalition comme microcosme des relations coloniales

    Respect et confiance

    Le contrôle du programme d’action

    La voix

    La coalition comme site d’apprentissage et de transformation

    La coalition comme espace de douleur

    L’ignorance et l’arrogance

    La colère

    Les erreurs

    Réflexions en guise de conclusion

    QUATRIÈME PARTIE

    Le personnel est politique

    CHAPITRE 21

    Les Blancs ont-ils fait leur temps? Le savoir autochtone et l’allié colon au Canada

    Le pouvoir comme force coloniale et la résistance autochtone

    La race et la question de la blancheur

    La contre-racialisation et l’avènement d’un professeur blanc

    Une idéologie coloniale tenace et «l’allié qui se refuse»

    Le savoir autochtone et la nécessité d’une direction nordique

    CHAPITRE 22

    La politique de bon voisinage dans les alliances entre Blancs et Autochtones: la guerre de la pêche de 1995

    Chapitre 23

    L’histoire d’une amitié, ou quelques réflexions sur l’évolution d’une alliance

    Dorothy Christian

    Victoria Freeman

    CHAPITRE 24

    Les collaborations interculturelles, amies ou ennemies? Autonomiser l’individu dans son milieu et ailleurs avec l’art interactif

    L’Institut des arts indiens de l’Amérique (IAIA)

    L’expérience turque

    Les collaborateurs

    Références

    Cet ouvrage honore la mémoire de Sam George, lui qui n’a pas cessé de demander justice après le meurtre de son frère, Dudley George. Sam George est un modèle sans égal pour tous ceux qui luttent pour un monde de justice et de paix. Que notre action profite aux générations futures et à tout ce qui vit.

    Gchi Miigwech: «merci»

    Je tiens à exprimer ma reconnaissance aux Mississaugas dont j’habite le territoire. C’est chez eux, sur les rives du lac Pigeon et le long de la rivière Otonabee, à l’Université Trent, que ce livre a vu le jour, chez ces Mississaugas qui ont eu la générosité de nous faire profiter de précieuses amitiés, de ces eaux magnifiques, de ce paysage vallonné et boisé.

    Je dois tout à ceux et celles qui ont fait ce livre. Tous et toutes ont répondu sans attendre aux nombreuses suggestions rédactionnelles avec une bonne humeur qui n’a jamais faibli et un souci exemplaire du détail. Leur enthousiasme et leurs paroles d’encouragement ont fait en sorte que je me sens vraiment honorée d’avoir dirigé la réalisation de ce livre. Gchi Miigwech à eux, à l’érudite anishinabe Leanne Simpson, qui a accepté de préfacer le livre, et à l’érudite et artiste anishinabe-kwe Renée Bédard, à qui nous devons la photo du fagot de brindilles qui orne la couverture de l’édition anglaise.

    Ce recueil n’aurait pu se faire sans la subvention ordinaire de recherche (410-2004-1404) du Conseil de recherches en sciences humaines, laquelle a donné une impulsion au Projet Alliances et permis la tenue, en 2006, de la conférence Penser et repenser les relations, dont sont issus bon nombre des chapitres du livre. La conférence a pu avoir lieu grâce aux efforts d’un groupe de personnes extraordinaires qui possédaient la vision et l’expérience profonde nécessaires pour imaginer une rencontre unissant divers dirigeants autochtones et non autochtones, des militants et des intellectuels, tous résolus à collaborer et à réfléchir sur la complexité des rapports entre Autochtones et non-Autochtones dans des domaines comme l’autodétermination des peuples autochtones et la justice sociale et environnementale. Parmi les membres de ce comité organisateur figuraient Marilyn Buffalo McDonald, Victoria Freeman, Joan Kuyek, Ann Pohl, Dan Smoke, Merran Smith et Rick Wallace. La conférence a pu être menée à bien grâce au concours d’une armée d’étudiants du baccalauréat et du niveau supérieur magnifiquement dirigés par Mara Heiber. Nos remerciements sincères vont à Heather Yanique Shpuniarsky et Karyn Drane, étudiantes à la maîtrise du Centre Frost, ainsi qu’à ces étudiants à l’enthousiasme contagieux du cours Études autochtones 305 de 2006-2007.

    L’idée du Projet Alliances a germé quand Kiera Ladner, Leanne Simpson – des collègues de Trent – et moi-même avons reçu une petite subvention de recherche à l’interne de l’université. Après leur départ de Trent, le projet a grandi avec l’aide d’un certain nombre d’associés de recherche au doctorat et autres assistants. Vivian O’Donnell et Heather Yanique Shpuniarsky ont fortement contribué au stade conceptuel, et Heather Yanique a porté le projet pendant plusieurs années. Karyn Drane a donné un coup de main pour la recherche en milieu communautaire et Adrian Edgar a travaillé à la transcription et à l’analyse. Mara Heiber, Chantal Fiola et Eliza Tru ont collaboré activement à la préparation du manuscrit pendant trois ans. Il s’agit d’un effort collectif et exemplaire.

    Des collègues aux études autochtones à Trent, notamment Joeann Argue, Marlene Brant Castellano, Mark Dockstator, Vern Douglas, Chris Furgal, Rosalie Jones, Dan Longboat, Edna Manitowabi, Don McCaskill, Neal McLeod, Marrie Mumford, David Newhouse, Brenda Maracle O’Toole, Barb Rivett, Paula Sherman, Skahendowaneh Swamp, Christine Welter, Doug Williams et Shirley Williams, ont créé un cadre encourageant et inspirant pour ce travail.

    Virgil Duff, de University of Toronto Press (UTP), a saisi la vision qui animait cet ouvrage dès le départ et en a encouragé la concrétisation. Anne Laughlin d’UTP et la réviseure Patricia Thorwaldson nous ont fait profiter de leurs excellents conseils et ont déployé une patience infinie dans le polissage du texte. Je tiens aussi à souligner la contribution de plusieurs lecteurs anonymes dont les commentaires ont enrichi le recueil dans son ensemble.

    Ce livre est né d’un immense effort collectif qui s’est étalé sur plus d’une décennie. Des mentors, des professeurs, des collègues, des militants et des amis, autochtones aussi bien que non autochtones, ont façonné en profondeur le monde conceptuel qui a présidé à la direction de cet ouvrage. Ma première intention de vous nommer tous, de l’Atlantique au Pacifique et des Grands Lacs à l’Arctique, s’est révélée irréaliste, je ne peux donc que vous dire, simplement: vous savez qui vous êtes et avez droit à ma profonde gratitude.

    Je dois beaucoup à mon mari, Cameron Brown, à sa famille (Bev Brown, Pam Brown, Bess Brown, Chuck Brown et leurs conjoints) et à ma famille immédiate (Evelyn Moraff Davis, Harold Davis, Beverley Davis, Patrick Taylor, Shira Taylor et David Taylor), qui m’ont soutenue dans toutes mes entreprises.

    Ces simples mots de remerciement ne rendent pas compte de la contribution directe et indirecte de ces nombreuses personnes. Ce modeste ouvrage récompense bien mal votre enseignement et votre amitié. À vous tous, Gchi Miigwech – Nia:wen – Giáxsixa – Kinanâskomitiniwâw!

    Premières paroles

    LEANNE SIMPSON

    Il y a plus de cinq cents ans que les peuples autochtones luttent pour la justice, la liberté et un renouveau politique sur l’île de la Tortue. Nous avons exprimé notre résistance collective et individuelle dans notre quotidien et notre vie à l’échelle des communautés, des nations et des confédérations. Pourtant, on a peu écrit sur nos traditions politiques de dissidence et de mobilisation, nos actes de résistance individuels et collectifs et les stratégies que nous avons mises en avant pour créer et nourrir le mouvement social le plus ancien de l’histoire du Canada. On a peu écrit aussi sur le soutien qu’ont apporté de grandes coalitions internationales à nos actions communautaires ou sur la manière dont nous avons tissé nos liens de solidarité avec nos amis et alliés.

    Ceux d’entre nous qui sont actifs dans le mouvement pour l’autodétermination des peuples autochtones et la justice sociale et environnementale savent bien que toute victoire âprement remportée était le fruit des alliances et des liens de solidarité que nous avons forgés, soutenus et nourris avec le concours de nations autochtones qui nous aidaient, de réseaux environnementalistes et d’organisations vouées à la justice sociale. De Haida Gwaii à Eeyou Istchee, de Grassy Narrows à Burnt Church, de Caledonia à la Première Nation algonquine d’Ardoch et de Kitchenuhmaykoosib aux Lubicons, pour ne mentionner que quelques exemples récents, nous avons sollicité des appuis dans toute la société canadienne. Ces groupes confessionnels, ces réseaux environnementalistes et ces organisations militant pour la justice sociale nous ont accompagnés à titre d’alliés et d’amis, combinant souvent divers rôles et responsabilités, toujours dans des circonstances très difficiles.

    Dans notre mouvement visant le changement, l’établissement de relations avec nos sympathisants a été une stratégie essentielle. Mais ces relations ne sont pas toujours faciles. Elles se sont butées trop souvent à des incompréhensions interculturelles, de mauvaises communications, des stéréotypes et du racisme. Trop souvent, nous avons noué ces relations sans avoir pris le temps nécessaire pour discuter franchement de nos rôles et responsabilités. Trop souvent, les tensions et l’incompréhension minent même les meilleures intentions.

    Et c’est ici que réside l’importance même du livre. Il est absolument essentiel pour les peuples autochtones et nos alliés de discuter de l’établissement de rapports solides en ce qui concerne les alliances et la solidarité en temps de paix relative, quand nous avons tous le temps de prendre du recul, de réévaluer les choses, de nous remettre en question, de méditer et de penser. Nous avons ici l’espace qu’il faut pour réfléchir à la façon d’interagir d’une manière respectueuse et responsable, d’une manière qui donnera naissance au genre de justice que nous recherchons à une plus grande échelle, un type de justice qui honore ce qu’il y a de mieux dans nos traditions.

    Les aînés nishinaabeg de chez nous me disent que les bonnes relations fondent le mno bimaadiziwin, la «bonne vie». C’est le fondement qui permet de créer des relations saines au sein de nos familles, de nos communautés et de nos nations. C’est le fondement de relations justes avec les autres nations autochtones, les États-nations et le monde naturel qui nous donne vie.

    Les aînés nishinaabeg de chez nous me disent aussi que, pour créer de bonnes relations, il faut de la conviction, de la patience et de la persévérance. Ce livre est un jalon important dans notre parcours. Il s’inscrit dans la responsabilité collective que nous avons de réfléchir à la manière dont nous allons œuvrer avec nos alliés, bâtir des mouvements de solidarité et maintenir des alliances solides et des coalitions capables de déjouer la stratégie colonialiste qui consiste à diviser pour conquérir. C’est la responsabilité collective que nous avons d’entendre les témoignages des uns et des autres, afin que chacun de nous prenne son bout du wampum de l’amitié et s’engage dans un périple nouveau inspiré par la paix, la justice, le respect et la droiture.

    Avant-propos

    LYNNE DAVIS

    Quand l’idée de ce livre a vu le jour, j’ai tout de suite pensé qu’il permettrait de fédérer de nombreuses conversations au sein de l’université, dans les cercles militants, sans parler de maints foyers d’interactions quotidiennes où l’on s’emploie à nouer des relations, à travailler dans la solidarité et à conclure des alliances. Mais ces échanges semblaient tous cloisonnés. Nous ne pouvions pas alors savoir que le terreau propice aux rapprochements connaîtrait une expansion féconde. Quelques mots ici sur les catalyseurs qui, au cours de la dernière décennie et encore aujourd’hui, ont configuré ce milieu porteur de liens nouveaux et d’alliances.

    On a vu d’abord se multiplier les mobilisations sur lesquelles les entreprises extractrices qui convoitent les terres autochtones se sont butées. Ce n’est pas d’hier que les nations autochtones défendent leurs territoires: mais de Kanesatake (Oka) à la baie James, les Autochtones et leurs sympathisants ont appris à s’unir dans l’action et à attirer l’attention du grand public sur leurs enjeux. Tirant parti des médias sociaux et de leur savoir-faire, et s’appuyant sur leurs victoires juridiques et la reconnaissance de leurs droits à l’échelle internationale (comme par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones), le mouvement Idle No More et les opposants à l’oléoduc Kinder Morgan ont montré que les alliances peuvent faire naître du jour au lendemain des réseaux mondiaux s’opposant aux forces hégémoniques, et tout cela sous une direction autochtone.

    Puis sont apparues les théories, les analyses et les pratiques autochtones qui sont le fait d’intellectuels et de militants amérindiens, dont Leanne Simpson (2017; 2015), Glen Coulthard (2014), Audra Simpson (2014), Tuck et Yang (2012), Taiaike Alfred (2015), Jeff Corntassel et d’autres. Leur regard acéré a débusqué les mécanismes de colonisation à l’œuvre dans des pays comme le Canada. D’autres intellectuels autochtones s’intéressent à la germination de la «résurgence radicale» autochtone (par exemple, Simpson, 2017) au sein des générations d’aujourd’hui et de demain. Les pratiques fondées sur la terre, les traditions spirituelles, la revitalisation des langues autochtones, la remise en question de la binarité des genres ainsi que les pratiques pédagogiques, les arts et les performances autochtones sont au cœur de ces interventions qui visent à nourrir et à modeler des sociétés fidèles à leurs propres traditions intellectuelles et spirituelles.

    Dans le milieu universitaire, on a vu se constituer au cours de la dernière décennie un nouveau champ interdisciplinaire: les études coloniales. Leurs chercheurs posent un regard critique sur les États-nations qui ont élu domicile sur les terres autochtones et qui se sont efforcés de se doter d’une identité bien à eux, bridant et occultant au passage les peuples autochtones. Ces analystes ont ainsi défini les mécanismes et les pratiques que l’État utilise pour dépouiller les Autochtones de leurs terres, noyer leur souveraineté et régenter les populations. Les érudits comme Wolfe (2006), Veracini (2010), Regan (2010) Tuck et Yang (2012), Battell Lowman et Barker (2015) et Mackey (2016), montrent jusqu’où les peuples colonisateurs sont prêts à aller pour pérenniser le statu quo, notamment ceux qui sont actifs dans le contexte de la justice sociale. Les études coloniales, conjuguées avec celles que mènent les intellectuels de la résurgence autochtone, dévoilent la complicité des colons dans la neutralisation des mouvements importants susceptibles d’ébranler les relations de pouvoir à l’origine des structures fonctionnelles du colonialisme conquérant.

    Enfin, on a vu le public se ranger massivement derrière les appels à l’action qui ont fait suite au rapport de la Commission Vérité et Réconciliation de 2015. Les gouvernements, les organisations professionnelles, les universités et les collèges, les écoles et les organisations de la société civile ont répondu présents avec la mise en œuvre des activités créatrices de liens. Cette mobilisation de la société canadienne favorise l’émergence d’une nouvelle génération de Canadiens issus du milieu colonisateur qui désirent s’associer aux peuples autochtones. Ils sont nombreux de ce côté à nourrir des espérances, à vouloir faire le bien, et on les sait anxieux à l’idée de commettre des erreurs. L’apprentissage de ceux qui ont tissé de tels liens documente largement ce mouvement récent.

    Dans la foulée de la Commission Vérité et Réconciliation, ce livre a beaucoup à offrir. Sa structure est garante de son intégrité et de sa vitalité. La première partie, Les visionnaires, rappelle l’essentiel, à savoir que les peuples autochtones ont de longues traditions en matière d’alliances: celles-ci précédaient la venue des Européens et ont alimenté plus tard les interactions avec ces derniers; leurs principes directeurs peuvent servir aujourd’hui de base à la construction de relations respectueuses. La deuxième partie, Des nouvelles du front, parle de militants qui se sont alliés à d’autres en vue d’atteindre des objectifs communs. La troisième, La théorie, résume les efforts qu’entreprennent des universitaires pour comprendre la façon de créer des liens, et elle montre comment la théorie s’applique ou peut s’appliquer dans des contextes tangibles. La quatrième, Le personnel est politique, explique comment la «différence» se fait sentir dans la vie, les interactions quotidiennes et l’amitié entre de vraies personnes. Elle éclaire les tensions sous-jacentes qui font surface en dépit des bonnes intentions de personnes qui ont pourtant collaboré pendant de longues années.

    La réconciliation est un projet ambitieux et controversé, particulièrement quand l’État colonial s’entête à imposer ses structures assimilatrices dans le quotidien et les systèmes culturels des peuples autochtones. Les Canadiens issus du milieu colonisateur demeu-rent captifs de la logique du colon dont ils sont les premiers bénéficiaires, logique qui s’exprime dans des pratiques quotidiennes qui leur demeurent largement invisibles. Dans ce contexte, nous devons admettre que la création d’alliances est un processus complexe qui doit s’étaler sur plusieurs générations si l’on veut aboutir à des relations fondées sur le respect, l’honnêteté, la dignité et l’amitié.

    Introduction

    LYNNE DAVIS

    Nous roulions vers le nord sur l’autoroute de l’île de Vancouver en direction de Port Hardy, où nous devions prendre l’avion pour Bella Bella, sur la côte centrale de Colombie-Britannique, et le ciel de juillet était d’humeur pluvieuse. Nous avions filé à l’aube pour prendre le traversier de Vancouver à Nanaimo après un départ qui n’annonçait rien de bon. Après avoir chargé la voiture à Vancouver, j’avais refermé le coffre en y oubliant les clés. Les lueurs de l’aurore pointaient quand nous avons béni la fidèle Association des automobilistes de Colombie-Britannique, qui avait répondu promptement à notre appel.

    Les Premières Nations de la côte Ouest, du nord au sud, s’étaient donné rendez-vous à Bella Bella le lendemain matin. Le festival ´Qátuwas de 1993 promettait d’être un événement historique qui réunirait les Premières Nations de la Côte aux pirogues pélagiques, lesquelles avaient presque disparu de la côte Ouest depuis près d’un siècle1. Les Premières Nations préparaient cette rencontre depuis plusieurs années. Pour cela, elles avaient dû réapprendre à tailler ces grandes pirogues aux côtés de ceux qui se souvenaient encore des métiers traditionnels; elles avaient dû se prêter à une formation intensive pour ramer dans ces grandes embarcations; elles avaient dû tracer le parcours vers Bella Bella avec les embarcations de soutien et le ravitaillement nécessaires; elles avaient dû, enfin, apprendre par cœur les chants et les protocoles qui définissent les rapports respectueux avec les autres Premières Nations dont elles allaient pénétrer le territoire. Telle était la mise en scène de ce moment historique extraordinaire.

    À Port Hardy, nous avons organisé nos bagages stratégiquement pour le voyage en avion, parce que nous savions que l’espace à bord du petit aéronef serait limité. Mais nous étions aussi chargés de cageots de fraises et de framboises que la famille de mon mari échange traditionnellement à Bella Bella contre du poisson. Faire en sorte que les baies arrivent dans un état parfait était un souci constant de notre voyage estival annuel. Mais ce jour-là n’avait rien d’ordinaire. Au moment de l’enregistrement au comptoir de la compagnie aérienne, on nous a informés que le vol était surréservé et que certains d’entre nous devraient prendre un vol plus tardif. Nous avons regardé autour de nous à l’aéroport et compris qu’on nous avait évincés pour faire place à un voyageur plus illustre que nous, le grand écologiste David Suzuki. Nous allions l’entendre le lendemain prononcer un discours inspirant à la cérémonie inaugurale du ´Qátuwas, mais, pour l’heure, toutes mes pensées étaient occupées par les baies qui étaient restées sur un chariot, sur le tarmac, sous la pluie.

    Dans les années qui ont suivi ce rassemblement extraordinaire, nous avons vu naître un nombre croissant de partenariats et d’alliances entre les Premières Nations et les groupes de protection de l’environnement de la côte Ouest. Les organisations écologistes finançaient des projets communautaires, et de nouveaux partenariats et de nouvelles alliances se forgeaient avec les Premières Nations. Ces relations émergentes m’intriguaient, moi la chercheuse et militante non autochtone, et c’est ce qui nous a conduits à un projet pilote en vue de déterminer si la recherche sur la nature de ces relations serait une enquête prometteuse2. Après un certain nombre d’entrevues préliminaires menées auprès de dirigeants autochtones et environnementalistes, nous avons mis au point un projet de recherche en bonne et due forme afin d’explorer les relations contemporaines entre peuples autochtones et mouvements sociaux de manière générale, et plus particulièrement les alliances et les coalitions qui en résultent.

    Par cette recherche, nous avions essentiellement pour objectif d’acquérir une compréhension pointue de la manière dont les non- Autochtones, ceux qui s’emploient à œuvrer dans le domaine de la justice sociale et environnementale, peuvent travailler dans la solidarité avec les peuples autochtones, mais sans toutefois reproduire les relations coloniales qui caractérisent encore aujourd’hui le cadre général des rapports entre Autochtones et non-Autochtones au Canada. Est-il même possible d’imaginer des rapports fondés sur le respect mutuel tout en prenant en compte la dure vérité du traumatisme autochtone et la dépossession que la colonisation a causée historiquement et qui se perpétue dans les procédés de violence coloniale? Le «respect» est-il suffisant? Quelles sont les responsabilités éthiques des non-Autochtones, à titre collectif et individuel, dans l’appui à l’autodétermination des peuples autochtones? Nos relations peuvent-elles être pensées ou repensées en fonction d’un avenir partagé sur les terres autochtones et d’une adhésion sans compromis à l’idée de l’autodétermination autochtone?

    Ces questions s’inscrivent dans des sentiers bien battus que d’autres ont tracés pendant ces siècles de transactions entre Autochtones et non-Autochtones. Hier et aujourd’hui, aussi bien des particuliers que la société canadienne tout entière ont essayé de comprendre les rapports entre Autochtones et non-Autochtones, chaque fois en prenant en considération les cadres ontologiques, épistémologiques et idéologiques de l’époque (Haig-Brown et Nock, 2006). Pour expliquer comment devait intervenir le principe des relations respectueuses entre les Autochtones et la société colonisatrice, on a eu recours, par le passé, aux paradigmes autochtones des relations entre peuples, comme le Gus-Wen-Tah (on écrit aussi KasWenTah) ou Wampum à deux rangs3, ainsi qu’aux pratiques fondées sur les liens de parenté. Les érudits occidentaux connaissent moins bien les paradigmes relationnels des Autochtones qu’ils ne connaissent leurs propres théories et idéologies occidentales. On s’est servi des théories de la colonisation, du postcolonialisme, de la décolonisation, de l’anticolonisation et d’une foule d’autres théories sociales, culturelles, spatiales, économiques et politiques pour encadrer, justifier, infléchir et contester les politiques de l’État, et pour orienter l’analyse et planifier l’action stratégique.

    À l’époque, l’affrontement de 1990 à Kanesatake (Oka) semblait avoir marqué un tournant dans les relations entre Autochtones et non- Autochtones au Canada. Les images télévisées du peuple mohawk de Kanesatake luttant pour empêcher qu’on ne saccage son cimetière sacré pour en faire un terrain de golf, et le recours automatique à la force par la police du Québec et l’armée canadienne pour réprimer cette résistance, avaient galvanisé le public canadien. La Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA) avait été créée peu après par des politiciens appartenant à tous les partis fédéraux pour définir la relation entre les Canadiens et les peuples autochtones au Canada. Dans son rapport final publié en 1996, la CRPA, qui avait disséqué 60 000 pages de témoignages et d’innombrables rapports d’experts, concluait que les relations entre Autochtones et non-Autochtones n’évolueraient que si l’on osait rompre avec le passé afin d’instaurer une relation fondée sur la reconnaissance, le respect, le partage et la responsabilité. Les gouvernements, qui sont normalement peu enclins à procéder à un changement important sans disposer au préalable d’un appui électoral massif, ont aussitôt fait comme si les motivations les plus profondes de cette recommandation n’existaient pas.

    À l’époque du rapport de la CRPA, et après sa publication, des érudits autochtones et non autochtones ont poursuivi leur examen critique de la manière dont on pourrait transformer cette relation. Des théoriciens autochtones, comme Taiaiake Alfred (1999, 2005), Dale Turner (2006), Kiera Ladner (2008) et Leanne Simpson (2008), incarnent une génération d’universitaires qui analysent sérieusement les options qui s’offrent à la survie et à la résurgence des Autochtones au xxie siècle. De grands intellectuels non autochtones, tels Alan Cairns (2000), Will Kymlicka (1995) et James Tully (1999), ont aussi conceptualisé les possibilités d’une relation entre Autochtones et non-Autochtones au sein de l’État canadien. L’intellectuel cri Willie Ermine (2005, 2007) a ouvert une piste très prometteuse d’exploration conceptuelle avec son concept d’«espace éthique» qui articule les possibilités d’une relation qui réside au confluent de deux mondes ontologiques et épistémologiques fort différents. Si Ermine, au départ, a développé sa théorie dans le cadre de la recherche relationnelle, il n’en demeure pas moins qu’elle comporte des implications profondes pour tout contexte relationnel rassemblant Autochtones et non-Autochtones.

    Aujourd’hui comme par le passé, les communautés et les organisations autochtones ont de nombreux rapports avec des entités non autochtones, notamment les gouvernements, l’industrie et les organisations non gouvernementales. Ces rapports peuvent s’établir dans des conditions contraignantes parce que des intérêts opposés ou convergents font en sorte qu’un mode quelconque de coopération ou de consultation devient inévitable, ou ils peuvent résulter des avantages mutuels que procure la collaboration. Parfois, ces rapports découlent d’un mélange de toutes ces conditions. On a beaucoup écrit sur les relations entre Autochtones et non-Autochtones de manière générale; il existe aussi de nombreuses analyses historiques (p. ex., Miller, 2000) et des guides sur la formation de partenariats entre des communautés autochtones et le secteur privé (Hill et Sloan, 1995; Joseph et Joseph, 2007; Gouvernement de l’Ontario, 2001). S’il est un domaine où il s’est fait trop peu de recherche, c’est celui des relations entre les peuples autochtones et les organisations du mouvement social comme les groupes voués à la justice sociale, le mouvement des femmes, les organisations environnementalistes et les syndicats.

    Le Projet Alliances, qu’a financé le Conseil de recherches en sciences humaines, était, à l’origine, un courant de recherche qui visait à combler cette lacune. Il s’agit ici d’examiner les relations contemporaines ayant pris la forme d’alliances et de coalitions et de comprendre la micro-dynamique des relations de pouvoir entre les peuples autochtones et les organisations et acteurs du mouvement social. Comme l’ont montré avec force des théoriciens autochtones, critiques et postcoloniaux comme Smith (1999), Foucault (1980) et Said (1979), non seulement les relations de pouvoir imprègnent les grands récits dont s’enveloppent les sociétés quand elles parlent d’elles-mêmes et des Autres, mais elles constituent aussi l’ADN des interactions quotidiennes. Par l’examen d’un certain nombre d’études de cas sociaux et environnementaux, et par des entrevues effectuées auprès de militants et de dirigeants autochtones et non autochtones qui ont une longue expérience de rapports mutuels, il a été possible de dégager une compréhension fondamentale de la façon dont ces relations fonctionnent (Davis, O’Donnell et Shpuniarsky, 2007).

    La recherche dans ce domaine est limitée, mais elle continue d’avancer. Dans son livre phare, Becoming an Ally (2002), Anne Bishop applique les principes de l’antiracisme et de l’anti-oppression pour formuler des conseils pratiques sur la création d’alliances. Le militant Kevin Thomas (2002) a écrit sur l’expérience qu’il a vécue avec l’organisation des Amis des Lubicons, et David Long (2000) a étudié la même organisation d’un point de vue théorique. Les conflits relatifs aux pêches ont donné lieu à des études (Grossman, 2001a, 2001b, 2002; Koening, 2005) qui portaient sur les tensions et les alliances locales. Il existe aussi un corpus d’études émergent traitant des relations sur le plan environnemental avec les Premières Nations (p. ex., Bobiwash, 2003; Cheechoo, dans Simpson, 2008), et particulièrement dans le cas de la baie de Clayoquot (p. ex., Magnusson et Shaw, 2003; Braun, 2002) et de la forêt pluviale du Grand Ours (p. ex., Rossiter, 2004; Smith, Sterritt et Armstrong, s.d.).

    Une des dimensions importantes qui interviennent dans la compréhension des alliances et des coalitions, comme on l’a vu dans la recherche du Projet Alliances, tient au fait que les personnes et les organisations peuvent interagir en vertu de conceptions très différentes des relations, qui découlent de configurations de pouvoir variées. Celles-ci ne sont pas nécessairement définies ou explicites, et elles peuvent influer profondément sur l’établissement et le maintien de relations. Parfois, on s’entend pour dire que l’alliance est constituée de partenaires qui marchent côte à côte; d’ailleurs, le Gus-Wen-Tah, ou Wampum à deux rangs, décrit justement ce genre de relation, où le navire symbolique de la société colonisatrice et le canot de la société autochtone cheminent chacun de son côté, chacun ayant ses propres lois, coutumes et culture, l’un ne se mêlant pas des affaires de l’autre. Dans ce genre de relation, les partenaires autochtones et non autochtones peuvent s’entendre sur un programme particulier pour atteindre un ensemble de buts dans un certain laps de temps. Ou, comme Wallace, Struthers et Bauman le montrent (chapitre 7), les partenaires peuvent avoir des rôles différents à jouer ou des tâches à accomplir, selon les circonstances, ce qui a pour effet de créer un partage net des responsabilités.

    Il y a un deuxième type de relation, le paternalisme, legs immémorial de la colonisation. Dans les relations de ce type, les «partenaires» non autochtones peuvent adopter une position de supériorité en s’imaginant qu’ils savent comment agir pour le bien des Autochtones; malheureusement, ces attitudes peuvent transparaître dans des comportements ou des paroles subtils et conditionnés, souvent inconsciemment. Il existe une troisième posture, dans laquelle les partenaires autochtones prennent l’initiative et les non-Autochtones agissent dans le sens qui a été défini par les Autochtones en cause. C’est un modèle qui apparaît souvent dans les cas où l’affirmation du droit à l’autodétermination est essentielle pour les peuples autochtones concernés. L’on pourrait débattre longuement de la manière dont les alliances entre Autochtones et non-Autochtones devraient être structurées. Même quand les parties sont désireuses de régler les problèmes relatifs au leadership et à la prise de décision, le paternalisme peut s’insinuer dans le processus, d’où des tensions et des relations acrimonieuses. Dans la pratique, les relations peuvent comporter des éléments des trois types d’interaction et peuvent chambarder le processus. Il faut donc, dès le départ, définir la nature de l’alliance afin de négocier la relation de pouvoir qui en découlera. La recherche sur les études de cas nous a permis de dégager certaines tensions dynamiques dans les relations (Davis, O’Donnell et Shpuniarsky, 2007; Davis, 2009; Davis et Shpuniarsky, chapitre 20).

    La conférence Penser et repenser les relations

    Outre l’examen des relations par le biais de la recherche sur les études de cas, une mission importante du Projet Alliances consistait à rassembler divers acteurs qui avaient été engagés dans des alliances et des coalitions entre Autochtones et non-Autochtones. La conférence Penser et repenser les relations a eu lieu à l’Université Trent, à Peterborough, en Ontario, dans les premiers jours de novembre 2006. Un comité de direction, formé de dirigeants et de militants autochtones et non autochtones chevronnés, s’est chargé de définir la vision qui allait orienter la conférence, en a guidé la planification et facilité le déroulement. Marilyn Buffalo McDonald (Crie, ancienne présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada), Victoria Freeman (historienne, Université de Toronto), Dan Smoke (Seneca, communicateur et militant de London, en Ontario), Joan Kuyek (coordonnatrice nationale, Mining Watch Canada), Rick Wallace (doctorant en études de la paix à l’Université de Bradford), Merran Smith (militante forestière, Forest Ethics) et Ann Pohl (fondatrice du Turtle Island Support Group) méritent nos félicitations pour la planification de cette conférence où l’on avait à cœur la qualité de l’apprentissage et des échanges entre participants.

    L’Université Trent était l’emplacement tout désigné pour une telle rencontre. Le premier recteur de l’Université Trent, Tom Symons, était l’homme derrière la création du premier programme canadien d’études autochtones dès les débuts de l’université. Ceux qui ont assisté à la conférence Penser et repenser les relations étaient des personnes et des représentants d’organisations présentes dans tout le spectre des activités liées à l’établissement d’alliances partout au Canada. Il y avait parmi les conférenciers de marque l’aîné mohawk Jake Swamp, qui a souligné l’importance d’instaurer une ère de paix globale pour toute vie sur la planète; Bev Jacobs, alors présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada, a parlé des femmes autochtones disparues ou assassinées dont le sort n’a pas encore fait l’objet d’une enquête attentive; la dirigeante communautaire Judy Da Silva, qui a parlé du barrage routier toujours en cours à Grassy Narrows; et feu Sam George, qui a raconté sa quête ardue de justice après le meurtre de son frère, Dudley George, au parc provincial d’Ipperwash, le 6 septembre 1995. Il y avait aussi des représentants d’Églises et d’organisations vouées aux droits de la personne (notamment, le Comité central mennonite, les Quakers, KAIROS, Amnistie internationale, Droits et Démocratie), qui nous ont fait part de leur action et de leur expérience de la solidarité avec les peuples autochtones. Des représentants du Traité no 3 et de la ville de Kenora, dans le nord-ouest de l’Ontario, ont exposé leur action novatrice dans la création de Common Ground, qui a pour objet de transformer les relations antagoniques locales en relations fondées sur une histoire commune et sur la formation identitaire.

    Nous avons également entendu parler, à la conférence, de l’action de personnes conscientisées, autochtones et non autochtones, qui ont lancé des projets débouchant sur des relations soutenues entre Autochtones et non-Autochtones. Certaines de ces relations ont un fondement institutionnel, par exemple entre une université ou un institut de recherche et des communautés autochtones ou des organisations communautaires. D’autres tablent seulement sur l’énergie et la conviction pures des parties concernées, avec un minimum de ressources financières et institutionnelles. Certains participants ont raconté comment ils ont accompli la tâche qui consistait à découvrir et à analyser les macro et micro-dynamiques relationnelles, et les difficultés qu’ils ont eux-mêmes éprouvées à s’y retrouver dans l’interaction complexe des relations entre Autochtones et non-Autochtones et dans leur vie personnelle. Ils ont abondamment parlé de leurs réussites, mais aussi de leurs faux pas, des obstacles qu’ils ont rencontrés et de leurs échecs. Certains textes lus à la conférence, de même que d’autres textes qui avaient été sollicités, se trouvent réunis dans ce livre.

    La multiplicité des lieux et des discours

    Ce que nous avons retenu de la conférence, et ce que l’on peut comprendre de ce recueil, c’est que nombre d’Autochtones et de non-Autochtones se préoccupent des enjeux qui accompagnent les alliances, les coalitions et les partenariats. Ils œuvrent dans des lieux différents, notamment les communautés autochtones, les organisations, les gouvernements, l’entreprise, le milieu universitaire, les organisations vouées à la justice sociale et les groupes de protection de l’environnement. Ils ont leurs propres théories et leur propre langage pour parler de ces relations. Par exemple, quand j’ai demandé à un dirigeant d’une Première Nation de la côte Ouest de nous parler des «alliances et coalitions» avec les écologistes, il a répondu qu’il n’employait pas ces mots. Il a dit que sa nation avait des «partenariats» avec les écologistes, de même qu’avec les gouvernements et l’industrie, et il prenait bien soin de ne pas faire de distinction particulière entre les parties externes. De même, des auteurs, dans cet ouvrage, parlent de leur propre action ou de leur formation théorique. Les militants et théoriciens qui ont contribué à ce livre viennent de programmes d’études autochtones ou indigènes, d’études de la paix, de sciences politiques, d’études environnementales, de gestion des ressources, de sociologie, d’éducation et de droit. Ils ont vécu des luttes concrètes où le langage est fluide et se voit constamment redéfini et remis en question.

    Cette diversité a fait en sorte que nous avons divisé le recueil en quatre parties, chacune précédée d’une introduction. La première partie, «Les visionnaires», illustre les possibilités qu’offre la création d’alliances lorsque celles-ci sont conçues dans l’optique de la compréhension ontologique et épistémologique qu’ont les Autochtones des relations entre peuples, compréhension qui est antérieure à la présence coloniale dans les Amériques. La deuxième partie, «Des nouvelles du front», présente des exemples concrets de création d’alliances et fait état de nombre de réussites, de tensions et de complexités qui résultent des tentatives de collaboration. La partie suivante, «Le pont entre théorie et pratique», tire sa matière de compréhensions théoriques provenant de disciplines variées et fait des liens avec la pratique dans divers contextes où des alliances ont vu le jour. La quatrième partie, «Le personnel est politique», s’intéresse à la création de liens à un niveau personnel, où les gens essaient de définir les tenants et aboutissants de leur positionnement au confluent des identités sociales et de l’action.

    Il y a de nombreux points de convergence entre les quatre parties. Par exemple, Keefer (chapitre 6), Wallace, Struthers et Bauman (chapitre 7) et Struthers (chapitre 22) traitent tous de la manière dont des non- Autochtones peuvent pâtir de leur soutien aux droits autochtones quand un conflit éclate dans une petite localité. Partout dans le livre, les auteurs se débattent dans de grandes questions de dynamique sociétale, mais aussi dans des questions fort pointues de positionnement et d’identité.

    Haig-Brown et Nock, dans leur recueil With Good Intentions (2006), puisent dans l’histoire de la société coloniale des exemples d’actions où des individus ont rompu avec les idées dominantes du jour pour démontrer que le Canada colonial pratiquait une oppression injuste et déshonorante dans ses relations avec les peuples autochtones. Les directeurs de ce recueil nous mettent en garde et nous rappellent que, en dépit des bonnes intentions des uns et des autres, les non-Autochtones traînent toujours avec eux l’empreinte de leur société: «Nous tâchons de ne jamais perdre de vue le fait que ceux dont l’action est illustrée ici participent pleinement à la colonisation en dépit de leur sensibilité. Si ce livre porte essentiellement sur des non-Autochtones qui ont œuvré de concert avec les Premières Nations de notre pays, souvent dans la résistance à l’injustice, il nous rappelle aussi notre situation actuelle où nous continuons de participer à un vaste réseau de relations coloniales.»

    Ce vaste réseau de relations coloniales continue de faire sentir sa présence dans les textes des auteurs de ce livre. Voilà pourquoi il est bon d’entreprendre une analyse qui prend en compte les perspectives et le vécu des Autochtones aussi bien que des non-Autochtones; la macro et la micro-analyse des rapports; le global et le local; le social et le personnel. Les actes qui entrent dans les rapports de colonisation et de décolonisation habitent les interstices de l’interaction sociale et trouvent leur expression à tous ces niveaux. Les auteurs de cet ouvrage offrent un examen riche et nuancé de la façon dont des forces multiples convergent dans les rapports entre Autochtones et non-Autochtones. Il y a des leçons à retenir sur tous les plans: dans la planification d’actions stratégiques visant à promouvoir la justice sociale; dans le développement et l’enrichissement des rapports fondés sur le respect mutuel; et dans une réflexion critique axée sur les vérités que charrient l’injustice, les complicités et les contradictions à l’échelle des acteurs pris isolément et dans l’ensemble de la société canadienne.

    Assumer nos responsabilités

    La couverture du livre en anglais, qui a été conçue à partir de la photo de l’artiste anishinabe-kwe Renée Bédard, a été inspirée par les mots que voici: «Une brindille seule peut se casser, mais le fagot de brindilles résiste…» C’est une parole bien connue du chef shawni Tecumseh, qui exhortait les nations autochtones à s’unir pour protéger leurs patries contre l’invasion des colonisateurs blancs. L’esprit de ce message d’unité résonne puissamment dans la thématique générale de ce recueil: les alliances.

    Même si nous pouvons conclure que les difficultés que pose la création d’alliances défient les solutions simples, les auteurs de la partie «Les visionnaires» nous rappellent les compréhensions autochtones des relations qui sont ancrées dans ces valeurs fondamentales que sont l’action de rendre grâce, l’honnêteté, l’amitié et la justice. D’autres auteurs nous signalent qu’il y a des principes et des signes marqueurs de possibilités. Même si les complexités et l’aspect brouillon de la constitution de relations dans un contexte colonial peuvent en décourager quelques-uns, l’aîné mohawk Jake Swamp (chapitre 1) nous rappelle que l’enjeu dépasse de loin le désir individuel d’entrer en rapport avec d’autres:

    Nous sommes nombreux dans le monde à faire cause commune, à former divers groupements: groupes de paix, groupes de protection de l’environnement, toutes sortes de groupes. Toutefois, il manque des personnes qui pourraient organiser tout cela afin d’en tirer une grande force, une force capable de changer le monde tel qu’il est gouverné aujourd’hui. Car les produits de base et les ressources vont commencer à nous manquer très bientôt. Donc nous, les gens, nous devrons nous associer pour régler ces problèmes. Nous devons regarder les institutions dans le blanc des yeux.

    Le message de Jake Swamp s’adresse directement aux Autochtones, mais aussi aux non-Autochtones, et c’est une invitation urgente lancée à tous pour que nous assumions nos responsabilités à titre d’êtres humains pour la survie de toute vie. Pour opérer un changement, avance-t-il, il nous faut une direction forte, unie et respectueuse si le monde juste de notre imagination veut devenir réalité. Le point de départ consiste à penser et à repenser nos relations dans le temps présent. Les lieux où l’on confronte les institutions et d’où l’on engage des actions sont multiples, comme le signalent les auteurs de ce livre. Jake Swamp nous met tous au défi de trouver des moyens d’agir dans la solidarité, de profiter de tout ce que nous avons appris grâce aux lumières qu’offrent la théorie, la pratique et la réflexion. S’il y a une aspiration qui se fait sentir dans tout cet ouvrage, c’est le désir de porter remède à des injustices qui ont trop duré et de déboucher sur un avenir commun qui soit respectueux, peu importent les difficultés qui nous attendent chemin faisant.


    1. La cinéaste Barbara Cramner a réalisé un documentaire sur le festival ´Qátuwas en 1997: ´Qátuwas: People Gathering Together.

    2. La recherche a été lancée par l’érudite anishinabe Leanne Simpson et l’érudite crie Kiera Ladner, professeures à l’Université Trent en 2000. Nous avons sollicité une subvention interne au Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) pour entreprendre un examen de la documentation existante et mener une enquête préliminaire. Après qu’elles ont quitté Trent, j’ai pris la tête du projet et demandé une subvention ordinaire au CRSH.

    3. Rapport final de la Commission royale sur les peuples autochtones, vol. 1, chap. 5, 1996, p. 103. Voir aussi le texte de Paula Sherman sur le wampum, au chapitre 8.

    PREMIÈRE PARTIE

    Les visionnaires

    Au moment où nous entreprenons cette quête qui nous conduira à «penser et repenser nos relations», il convient de rappeler que les modèles et les principes de la coexistence respectueuse avaient déjà droit de cité dans les Amériques à l’arrivée des premiers Européens et que ces conceptions ont balisé les premiers rapports avec les nouveaux venus. Celles-ci sont ancrées dans les ontologies et les épistémologies des peuples de l’île de la Tortue. Les trois auteurs de cette section nous donnent des exemples concrets de la manière dont les principes et les valeurs des Autochtones peuvent servir d’assises aux relations entre Autochtones et non-Autochtones aujourd’hui.

    Les «visionnaires» parlent de transcendance et de responsabilité. Les auteurs se meuvent dans un espace où se côtoient la vision autochtone, la réconciliation et l’idée du possible. Les trois ont une conception de la relation qui s’élève au-dessus des multiples indignités avec lesquelles les peuples autochtones doivent composer dans le quotidien. Ils préfèrent exalter une vision de ce qu’est être humain au sein de la Création, dans un monde où le respect pour la diversité humaine et non humaine prévaut en toute chose. Chacun à sa manière – l’aîné mohawk Jake Swamp, l’architecte hotinonshon:ni Bill Woodworth et le militant wampanoag gkisedtanamoogk – esquisse un avenir de paix auquel peut aspirer la société humaine, où la dignité de toute vie a droit au respect. Jake Swamp parle des responsabilités qui découlent du Discours d’action de grâce haudenosaunee et qui obligent divers groupes et diverses personnes à s’organiser pour défendre la Terre mère et la dignité de toute vie. Bill Woodworth explique son projet ambitieux, le «Phare des ancêtres», qui vise à restaurer l’harmonie entre les hôtes autochtones et les nouveaux venus à Toronto et qui se fonde sur la cérémonie de condoléances hotinonshon:ni. Quant à gkisedtanamoogk, il parle de l’action éducative et réconciliatrice qui a cours en ce moment dans les Maritimes et qui se propose de mobiliser les communautés et les citoyens (et pas seulement les gouvernements), pour qu’ils assument les responsabilités communes qui leur sont imparties dans les traités de paix et d’amitié conclus avec les peuples de la région, soit les Micmacs, les Malécites et les Passamaquoddy, traités qui sont antérieurs à la fondation du Canada.

    Dans les trois chapitres, qui sont fortement ancrés dans les traditions orales autochtones, on a tenté de préserver l’oralité du récit tel qu’il s’est transformé dans le texte écrit, tension dont il a été amplement fait état dans

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