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La divine bibliothèque
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Livre électronique182 pages2 heures

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À propos de ce livre électronique

Dans La divine bibliothèque, Juan Manuel de Prada relève le défi de proposer un ouvrage qui vient dépasser les canons littéraires attendus. Comme l'auteur le dit lui-même, ce livre rassemble « des œuvres sublimes d'un bout à l'autre, aux côtés d'œuvres décidément mineures, mais qui, pourtant, nous ont conquis par le sujet traité, ou par l'approche envisagée pour le traiter, ou encore parce qu'elles intercalent de temps en temps des pages mémorables desquelles jaillit une idée qui nous convainc, une phrase qui nous émeut, une observation qui nous interpelle. Ceux d'entre nous qui se consacrent à la redécouverte des livres gardent dans leur âme une lueur de compréhension divine, qui tend toujours à sauver, plutôt qu'à condamner, quiconque s'en approche ».

Les œuvres présentées dans La divine bibliothèque ont toutes une caractéristique commune : elles nous parlent de Dieu, sous des formes diverses, voire imprévues ; mais aussi de l'alliance que Dieu a établie avec les hommes. La littérature, la plus inspirée soit-elle, aborde tôt ou tard les drames de l'être humain. Parce que ce sont les vies conflictuelles et dramatiques qui nous aident à comprendre l'imperfection de la nature humaine et la valeur inestimable de la Rédemption.
LangueFrançais
ÉditeurBookBaby
Date de sortie2 nov. 2021
ISBN9782384040025
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    Aperçu du livre

    La divine bibliothèque - Juan Manuel de Prada

    Prologue

    Manuel Azaña affirmait qu’en Espagne, « la meilleure façon de garder un secret est de le publier dans un livre ». Donc, je profite de n’être lu par personne pour vous révéler (je veux dire, conserver !) le secret le plus lancinant qui se cache dans mon cœur. Je me suis fait connaître comme écrivain, il y a plus de vingt-cinq ans, alors que j’étais encore un tout jeune novice qui n’avait pas atteint le quart de siècle. Et, pour diverses raisons que j’hésite à qualifier aujourd’hui de providentielles ou de sinistres, j’ai immédiatement goûté au succès (ou à ce que le monde entend par succès). La vanité nous fait croire que le succès – quand il est le nôtre – est la conséquence naturelle (et très juste) de nos mérites et le ressentiment nous fait croire que le succès des autres est la conséquence de la fortune (et donc injuste, voire arbitraire). Ces deux considérations sont erronées et, au fond, filles de la même malignité insidieuse. Le succès, à proprement parler, n’est rien d’autre que la récompense accordée par le monde lorsque ce dernier pense pouvoir profiter de nos dons, en nous utilisant comme des pantins ou des idiots utiles à ses propres desseins. Et la durée du succès dépendra exclusivement de la docilité avec laquelle nous nous montrerons prêts à obéir à ces desseins. Je ne veux pas dire par là que celui qui profite (ou plutôt souffre) du succès ne le mérite pas, ou que pour l’atteindre, il s’est résigné à devenir un pantin ou un idiot utile. Je pense au contraire qu’il y a des personnes qui connaissent le succès et qui possèdent des atouts admirables, tout comme je pense que toutes les personnes qui connaissent le succès ne se sont pas forcément résignées à devenir un pantin ou un idiot utile. Mais là n’est pas l’essentiel, car ce qui caractérise le succès n’est pas ce que nous sommes, mais ce que l’on perçoit de nous, de l’extérieur. Le succès est toujours trompeur, car il ne dépend pas de nos mérites. Et ceux qui y goûtent, ainsi que ceux qui le recherchent sans jamais l’atteindre, sont victimes du même mirage.

    Dès que j’atteignis le succès, dans ma jeunesse étourdie et futile, je reçus de nombreuses offres de collaboration pour les publications et les médias les plus variés. Des offres toujours flatteuses, qui semblaient correspondre aux préoccupations littéraires que reconnaissait en moi celui qui faisait cette proposition, ou à l’intérêt que mes recherches intellectuelles ou ma vision particulière du monde suscitaient. Et comme ma vocation d’écrivain comportait aussi une facette de journaliste, j’acceptai ces offres à plusieurs reprises. Il m’aura fallu beaucoup de temps pour accepter que les applaudissements et les offres du monde ne soient pas une conséquence de nos mérites incertains, mais du bénéfice qu’un monde calculateur pouvait obtenir de nous. Et l’accepter fut une très rude épreuve.

    Ainsi, en quelques années, je me suis retrouvé à honorer des offres qui n’avaient rien à voir avec mes recherches intellectuelles ou ma vision particulière du monde, ni avec mes préoccupations littéraires. Bien sûr, ceux qui nous proposent de collaborer avec tel ou tel moyen de communication nous amadouent en affirmant qu’ils désirent ardemment cette collaboration parce qu’ils souhaitent précisément offrir un moyen d’expression à de telles recherches et faire une place à ces préoccupations. En somme, ils veulent que notre vision particulière du monde occupe une tribune d’où l’on peut s’expliquer librement. Rapidement, ces promesses se sont révélées fausses, à des degrés divers. Certes, il nous a été parfois autorisé de présenter notre vision du monde (forcément à contrecœur et dans un contexte constamment hostile), mais au prix de renoncements successifs à nos recherches intellectuelles et à nos préoccupations littéraires. À d’autres moments, nous nous sommes obstiné, ignorant les avertissements, chaque fois plus cinglants, de ceux qui auparavant nous avaient flatté pour collaborer, toujours à condition d’être progressivement acculé ou réduit à l’insignifiance. Nous nous sommes retrouvé tout simplement dans des tribunes où tout ce que nous sommes, nos préoccupations littéraires, nos recherches intellectuelles, notre vision particulière du monde (raisons pour lesquelles on prétendait nous offrir de telles tribunes), étaient durement méprisées, ignorées, voire rejetées ouvertement. Des tribunes où il était immédiatement démontré que nos recherches intellectuelles n’avaient tout simplement pas leur place. Des tribunes où nos préoccupations littéraires étaient systématiquement bafouées. Et où, finalement, nous avons dû nous compromettre avec les laquais de tel ou tel débat politique, dans des discussions sur des sujets qui ne nous intéressaient pas. Des querelles de chapelle illustrant ce que Leonardo Castellani avait à raison qualifié, à propos de la liberté d’opinion, de « brevet du sophiste » et de « cri des imbéciles pour faire taire les sages » (même si, au milieu de ce pandémonium, il n’y a jamais de sage). Malheureusement, les médias s’adressent à des audiences – qu’eux-mêmes ont façonnées – toujours plus fanatiques et pavloviennes qui ne souhaitent ni lire ni écouter les mots qui interpellent, mais plutôt des slogans qui les confortent dans leur étroitesse d’esprit sectaire. Entre le pandémonium de slogans malintentionnés et les consignes délibérément partisanes, le niveau de discussion est totalement impossible à élever. Car ce qui intéresse le moins le journalisme de bas niveau qui s’impose aujourd’hui, c’est que le public qu’il endoctrine puisse réussir à entrevoir la cause des calamités qui l’affligent.

    Tel est le secret lancinant que je souhaitais confier à ces pages. Au cours du quart de siècle qui s’est écoulé depuis mes débuts en tant qu’écrivain à succès, j’ai découvert que ma vocation de journaliste était irrévocablement condamnée à l’asphyxie. Car il est de plus en plus difficile de trouver une tribune qui accueille en toute sincérité mes préoccupations littéraires, mes recherches intellectuelles et ma vision particulière du monde, inévitablement inspirées par la foi que je professe. Et, au lieu de réprimer l’homme que je suis vraiment, ceux qui demandent ma collaboration – soi-disant poussés par ce que je suis – me forcent au contraire à traiter de questions qui n’ont aucune importance pour moi. Des questions qui, dans la plupart des cas, d’ailleurs, sont choisies délibérément pour fanatiser les gens, pour les bourrer de slogans qui les abrutissent, pour modeler leur conscience en fonction des idéologies en vogue, pour faciliter leur asservissement. Le plus triste est que l’on doit souvent accepter ces offres, pour des raisons purement alimentaires.

    Alors que j’avais perdu tout espoir d’être sollicité sans ces arrière-pensées, Pablo Cervera, rédacteur en chef de Magnificat Espagne, est apparu dans ma vie. Il m’a demandé d’écrire une série d’articles pour son inestimable revue dans laquelle il me serait possible de donner libre cours à mes préoccupations littéraires, à ma recherche intellectuelle, à ma vision particulière du monde. Comme il me l’avait expliqué, il s’agissait de commenter tous les mois une œuvre littéraire qui traiterait de questions religieuses et incarnée dans les réalités concrètes de la vie. Des œuvres même profanes qui envisageraient le paysage humain à la lumière globale de la foi. Même si, au moment de cette proposition, je connaissais bien la personnalité de Pablo Cervera, je dois avouer que les mille échaudages précédents m’avaient mis en garde : « Je suis certain, pensais-je, que dans quelques mois il cherchera à orienter mes choix, et les mois suivants il m’imposera directement les titres des sujets qu’il aura voulu que je choisisse pour finalement me forcer à écrire sur de la littérature pieuse. Et, entre-temps, il me demandera de nuancer mon intempérance, de refréner mes ardeurs, de m’abstenir de porter des jugements téméraires ou simplement audacieux. Et si je ne le fais pas, ce sera lui qui le fera pour moi, en se passant de ma collaboration (comme cela m’est arrivé tant de fois, y compris dans les milieux catholiques) ou du moins en me rabaissant (cela m’est arrivé aussi dans les endroits les plus divers qui ensuite se présentent comme les champions de la liberté d’expression).

    Mais, miraculeusement, rien de tout cela n’est arrivé. La collaboration que j’entretiens depuis plus de quatre longues années avec Magnificat a été – en plus d’être la plus agréable – la plus libre de toutes celles que j’ai entretenues depuis mes débuts d’écrivain. Et pas seulement « libre » selon l’appellation courante que notre époque utilise avec tartufferie et qui, en même temps, met au point des méthodes pour qu’une telle liberté ne voit pas le jour, en formatant les consciences de telle sorte que tout ce qui en provient soit erroné et systémique. Non seulement « libre » parce que je n’ai jamais reçu d’indications fallacieuses qui tentent de canaliser mes préférences ou de déterminer mes choix, et encore moins d’influencer mes jugements ou évaluations. Ma contribution mensuelle avec Magnificat m’a également permis d’être « libre » dans son sens beaucoup plus profond et entier. Les ouvrages sur lesquels j’ai écrit ont été des jalons qui m’ont permis de marcher vers la vérité, de l’explorer et d’entrer dans ses méandres, de m’y fondre joyeusement à travers l’expression littéraire d’écrivains les plus variés. Certains sont élevés au rang de classiques, d’autres sont pleinement contemporains. Certains sont des maîtres reconnus, d’autres sont des écrivains opaques relégués dans les greniers de l’incurie. Certains sont lus mille fois, relus et médités parce qu’ils font partie de mes favoris, d’autres ne sont jamais consultés jusqu’à ce que je me décide à les incorporer dans ce recueil pour partager ma découverte avec les lecteurs de la revue. J’ai toujours aimé agir comme un mercédaire* au profit d’auteurs et d’œuvres condamnés à l’oubli, et en cette occasion, je n’ai pas non plus échappé à cette tentation.

    Pour finir, j’ai découvert que les titres que je glosais chaque mois pour les lecteurs de Magnificat avaient quelque chose d’une radiographie spirituelle. On y retrouvait inévitablement mes auteurs de prédilection (les plus récurrents étant les favoris), mais aussi des auteurs vivants qui osent défier la détermination de notre époque à vouloir tuer l’esprit. Les œuvres les plus populaires et les plus appréciées y étaient rassemblées (parfois même pour recevoir un coup de canne) aux côtés d’œuvres plus obscures et moins répertoriées. Des œuvres sublimes d’un bout à l’autre aux côtés d’œuvres décidément mineures, qui pourtant nous ont conquis par le sujet traité, ou par l’approche envisagée pour le traiter, ou encore parce qu’elles intercalent de temps en temps des pages mémorables dans lesquelles jaillit une idée qui nous convainc, une phrase qui nous émeut, une observation qui nous interpelle. Ceux d’entre nous qui se consacrent au sauvetage des livres gardent dans leur âme une lueur de compréhension divine, qui tend toujours à sauver, plutôt qu’à condamner, quiconque s’en approche.

    Tous les ouvrages de cette Divine bibliothèque nous parlent de Dieu et de l’alliance que Dieu a entamée avec l’homme, qui embrasse tout son être spirituel et corporel et qui atteint l’une de ses expressions les plus glorieuses à travers la littérature. Mais la littérature, même la plus divinement inspirée, ne peut éviter de se confronter au « drame » humain qui se trouve au cœur de tout art digne de ce nom. Éviter cette confrontation revient à rejeter le dogme du péché originel, qui nous montre les conséquences du mal dans la nature humaine. Tel est le cas pour la littérature futile dont les valeurs morales sont brouillées au point de devenir interchangeables, ou pour la littérature cynique dans laquelle le mal devient fatalement invincible et où la capacité de l’homme à le combattre et à le vaincre est niée. Dans la sphère catholique, cette infection puritaine a également eu des conséquences désastreuses, donnant naissance à une littérature infantilisée qui rejette le principe de felix culpa et de la nature dramatique de la vie humaine, cette « liberté imparfaite » qui caractérise la lutte de l’homme en quête de rédemption, en quête du Rédempteur. Une lutte qui, comme nous le disait Flannery O’Connor, se déroule sur un territoire qui est en grande partie « le territoire de l’Ennemi ». Une lutte qui se traduit soit par un triomphe, soit par une défaite, soit, finalement, par un conflit déchirant avec une infinité de zones d’ombre. Nier ces ombres, c’est comme nier l’art. D’ailleurs, c’est aussi un blasphème sordide.

    Le grand Leonardo Castellani s’est rebellé contre les catholiques qui exigent une littérature faite de solutions claires, de triomphes et d’apothéoses, sans ténèbres ni conflits. Ces catholiques qui veulent attribuer au Christ « le rôle de conquérant, d’un Attila égalitaire et dévastateur ».

    Mais le Christ a déjà goûté plusieurs fois à l’échec. N’a-t-il pas échoué avec le jeune homme riche ? N’a-t-il pas échoué avec les neuf lépreux qui ne sont pas revenus le remercier après leur guérison ? N’a-t-il pas échoué avec Pilate ou Judas ? À Gethsémani, malgré la sueur de son sang, ne savait-il pas que son sacrifice serait rejeté par beaucoup ? Le Christ savait que la vie de l’homme est un drame. Il savait que, dans la vie, il y a des jeunes hommes riches, des lépreux ingrats, des gens conciliants ou lâches, des traîtres et des apostats. Et il les a tous aimés, en sachant que beaucoup vacilleraient et hésiteraient, jusqu’à même refuser sa Rédemption. Et si le Christ les a aimés, comment une littérature qui se dit catholique peut-elle les ignorer ? Certes, écrire la vie des saints peut être une excellente source d’inspiration littéraire (et plusieurs magnifiques hagiographies sont répertoriées dans ce volume). Mais écrire la vie de ceux qui ne

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