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1987, Un Printemps
1987, Un Printemps
1987, Un Printemps
Livre électronique169 pages2 heures

1987, Un Printemps

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À propos de ce livre électronique

En ce printemps de l’année 1987, le narrateur est un papillon de 17 ans, qui multiplie les flirts et les rencontres éphémères.
Dans les discothèques de la capitale, ce jeune idéaliste joue tous les jeux de la séduction, qu’il se plaît aussi à esthétiser dans son univers onirique.
Bientôt, il va recevoir le choc d’une première passion amoureuse.
La rencontre avec Isabelle, jeune femme ensorcelante, ambivalente, et de sept ans son aînée, va emmener le jeune homme, plus loin que l’idée de croissance, jusqu’à la notion du temps.
Isabelle, dans sa fonction conjuguée de Muse et de Pygmalion, va user de toute sa finesse, de tous ses charmes, pour hisser son amant jusqu’à elle, avant de se laisser, à son tour, pièger par le parfum retrouvé de la prime jeunesse.
À l’orée de l’Automne, une nouvelle rencontre enrichira le paysage amoureux du narrateur.
Marlène, une escort girl de haute volée, tentera, par d’autres moyens, de briser les résistances de celui qu’elle a surnommé « Peter Pan ».
La belle hétaïre entraînera son protégé dans un parcours parisien haletant, qui, au delà des lasers du Palace, le conduira jusqu’à des dissipations plus feutrées, afin d’ériger sa statue d’homme.
LangueFrançais
Date de sortie17 sept. 2019
ISBN9782312068138
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    Aperçu du livre

    1987, Un Printemps - Arnaud de Lansay

    978-2-312-06813-8

    Préface

    UN PRINTEMPS FIN DE SIÈCLE

    OU

    LES CHARISMES DE LA NUIT

    Tout acte vrai d’écriture enrichit, irise la langue ; tout acte vrai d’écriture la réinvente. Et Arnaud de Lansay écrit. La magnificence de son style, si singulière de nos jours, demanderait une étude. L’auteur exhausse ses mots, sertit ses phrases serpentines et architecturées, dont certaines dissimulent des vers et des rimes, constelle d’images sa narration. Les figures dites de style retrouvent ici leur sens premier de figures chorégraphiques. Il théâtralise son récit, et personnifie, allégorise les sensations, les sentiments et les idées lesquels, tels des personnages, s’animent, et semblent mener une vie autonome : « tous mes sens se précipitent au balcon que forment mes yeux ». Ce faste rhétorique n’est pas sans rappeler les écrivains dits fins-de-siècle, qu’exhuma avec bonheur Hubert Juin. Comment ne pas entendre le chant du Voyage dans les yeux de Georges Rodenbach ? Littérature au balcon. Mais ce style exacerbé n’est en rien celui d’un épigone ; il s’impose pour dire cette quête de liberté que poursuit le personnage principal.

    En cette année 1987, le narrateur – adolescent riche de « l’or des nuits » – ne se laisse pas assujettir par le Jour, le maître des hommes. Romantique, il se voue à la Nuit musicale dispensatrice de dons, Nuit aux couleurs de l’arc-en-ciel, laquelle n’est blanche que pour des yeux profanes, afin de se déprendre de l’égo autocrate, et devenir l’hôte d’un Tout, le membre d’un Corps adolescent. « Il me suffit, pour tout connaître, de garder ma poitrine ouverte, un cœur instruit de chaque chose en mouvement ». Ni des discothèques, ni des boîtes, mais des théâtres, des sanctuaires, des paradis retrouvés.

    Sur le parvis de la « discothèque-cathédrale », le récipiendaire se dépouille des oripeaux de la Civilisation et revêt ses somptueux et singuliers habits d’Harmonie. Civilisation, Harmonie… Fourier sur le dancefloor ? Certes, le narrateur ne danse pas sur des concepts ; il ne cite pas le Newton des passions, mais, comme toute cette jeunesse gravitationnelle des années 80, il vit des nuits utopiques. Non une philosophie, mais une musique : « des frôlements polygames et polychromes ». Il côtoie des êtres qui se délestent du Jour et prennent leur essor sous les lasers, telle Élise, fleuriste dans le Val-de-Marne, et gardienne, la nuit, du dancefloor. Elle prévient les dissonances. Élise « a vu des merveilles »… Merveilles dont le verbe attraire est le sésame. Merveilles du « mouvement cinétique » des cœurs et des corps, négation absolue de l’autarcie.

    Ni dévot de la transgression, ni esthète du désoeuvrement et des aubes mélancoliques, le jeune narrateur s’abandonne aux délices des attractions éphémères et passionnées. Cette jeunesse « cristalline » s’aimante. Ces filles haut chaussées qui « crépitent », ces blondes vinyles pleines de lumière entrent dans la danse avec des garçons rieurs mais éconduisent « les guerriers et les stratèges » ; toute chasse est vaine et d’un autre âge.

    Ces enfants de la nuit – cœurs en stéréo – sacrent le printemps sous un soleil rouge mais ne sacrifient pas de vierges ! Mi-papillons, mi-vampires mais des vampires d’un genre particulier qui ne redoutent pas la lumière, et se satisfont de prélever « des fragments d’âme ».

    Durant cette année bénie – un long printemps – le narrateur grandit, et croît en sensibilité et en amour à l’ombre de deux jeunes femmes magnétiques, Isabelle et Marlène.

    Monégasque, Isabelle peint, et se rend à Paris pour exposer ses toiles. Son âme « érotisée » irradie toutes les nuances et subtilités de sa beauté grave et enfantine. Au Palace, Isabelle élève le narrateur au degré supérieur de la Fête, et de la volupté d’être. Dans cet ancien théâtre, les aristocrates de la nuit exhibent leurs quartiers de noblesse festive, leurs quartiers de désir et de rêve. Affranchis du dogme de l’identité, ces filles et ces garçons de nulle part – « nowhere girl » chante Be Movie – se mêlent au Tout-Paris et renaissent à la lumière. Ils inventent une dramaturgie de soi, ils s’essaient à divers rôles, exaltent l’apparence pour dire leur vérité de l’instant ; leurs danses sont des métamorphoses. Occupé à affiner ses sens, le narrateur n’est pas pour autant la dupe de son enthousiasme. Il sait la fragilité du merveilleux, prompt à s’évaporer, et n’ignore pas, que, pour beaucoup de ces aristocrates de la fête, franchir les portes des toilettes de cette discothèque enchantée c’est pénétrer dans un paradis artificiel !

    D’aucuns, imbus de scepticisme, crieront à l’illusion et ressasseront les arguments des intellectuels grincheux qui ne voyaient dans le Palace que le temple kitsch du marché des plaisirs de la nuit. Sans donner dans l’argument d’autorité, comment ne pas citer Roland Barthes, auteur d’un texte mémorable d’intelligence et de sensibilité sur ce lieu légendaire ? Barthes le rapproche de la soirée à l’opéra chez Proust, et d’écrire que « Le Palace n’est pas une simple entreprise mais une œuvre et que ceux qui l’ont conçu peuvent se sentir à bon droit des artistes » et de distinguer la Fête de la Distraction. De même que les artistes du Faubourg Montmartre hissent leur moi au faîte de leur subjectivité et à la hauteur de leur propre mythologie, le narrateur hisse la langue, conscient – paradoxe à bien des égards scandaleux – que « la vie, à ce moment, n’était plus qu’une métaphore, et je sentais, confusément, qu’elle n’était qu’un prétexte dont la matérialité cachait l’absolu ». Si le Palace est une œuvre, qu’il soit permis d’adjectiver, pour nommer ce faste verbal : une écriture palacienne ! Cette écriture précieuse, sensuelle, sollicite tous les sens du lecteur ; ce roman se lit avec l’âme et le corps. Le corps ? Le narrateur se joue de l’opinion. En effet, auprès d’Isabelle, il se déprend de ses préjugés sur son attribut viril. Isabelle, instruite dans la science des « caresses exponentielles », lui révèle que le corps masculin, tout le corps masculin, est un corps de plaisirs… Ils se quitteront, se retrouveront à Monaco – le narrateur pose sur la Principauté le regard d’un enfant – ce qui est pour le moins unique – et prendront des chemins différents.

    Un temps, le narrateur s’exerce au donjuanisme, cédant à l’impératif catégorique de séduction. Mais il reprend sa quête et rencontre Marlène. Sa beauté « vénusienne » l’éblouit ; sa « lascivité passive » le questionne. Il pressent une blessure qu’il souhaiterait guérir. C’est Marlène, laquelle, le jour, habille les messieurs – elle tient une boutique de vêtements pour homme – et, la nuit, les déshabille, et se laisse déshabiller par eux selon une stricte tarification, qui le guide dans le monde.

    Les gens du monde ne vivent pas sous les lois de l’hospitalité des cœurs et des corps. Prédateurs et prédatrices des choses de la nuit, des choses de l’amour, leur âge importe peu. En effet, afin de prévenir tout malentendu, rappelons, que, dans ce roman, l’adolescence désigne moins un âge qu’un état intérieur, une qualité de sensibilité, une manière de sentir et de s’unir aux êtres. Marlène présente son jeune amant chez Adele’s – club des vanités aux antipodes du Palace – Puis, sous une lune « au teint d’hostie » – couleur de sacrifice – il franchit aux côtés de Marlène, hiérophante et louve, le seuil d’un hôtel particulier de l’Île de la Cité, qui lui évoque « un château Transylvanien ». Elle l’introduit chez un milliardaire, sosie de Dirk Bogarde, commanditaire et spectateur d’une partie, et qui regarde, avec mélancolie, un Tadzio démembré en plusieurs corps masculins et féminins. Marlène se livre aux « caresses autoritaires », subissant, impassible, « le durcissement des egos » des hommes qui la possèdent. Tous ces corps nus enchevêtrés ne s’aimantent pas, mais s’additionnent. Éros ne virevolte plus. Selon l’amoureuse réversibilité des joies et des peines, le narrateur éprouve dans sa chair cette profanation, et, sensible aux dissonances, il ressent une vive douleur au coccyx – Éros ne scrute-t-il pas les cœurs et les reins ? – et se tient en retrait. Son attitude tire un instant de sa torpeur « Dirk Bogarde » lequel semble se dire à lui-même : « Finalement il se passe des choses à Venise. » Comme chez les Fins-de-siècle, la Cité des Doges est la métaphore de la littérature, son palimpseste. Le chevalier de L’Amoureuse initiation de Milosz ne surprend-t-il pas son égérie – allégorie vivante de la Sérénissime – nue, au centre d’une mêlée ? Le narrateur, afin de surmonter l’épreuve, déploie son écriture palacienne pour suggérer l’indicible, et, bien qu’il ne le formule pas en ces termes, pris dans une spirale, il remonte le temps jusqu’à l’origine des métaphores, lesquelles se substituent au tabou ; d’où cette bacchanale d’images, cette traversée des strates de l’imaginaire érotique : « lit Babylonien », « couche Romaine », « carnaval Vénitien », « salon Belle-Époque », « cabaret Berlinois des années 30’… ». Toutes ces images gravitent à l’entour du point aveugle. Le narrateur ne reverra pas Marlène.

    1987 s’éloigne. Le narrateur s’apprête à souffler ses trente bougies qui « se dressent comme des torches barbares ». Se reniera-t-il ? Deviendra-t-il un barbare de la sensibilité ? Mais au « royaume Graalesque » des Sables d’Olonne, entre onze heures et minuit, le narrateur connaît sa nuit de feu. Feu vivant de la mémoire ; feu divin des reviviscences. En cette heure nocturne et lumineuse, le narrateur, tel le saint douteur, se prénomme Thomas. Il voit et touche. Ses souvenirs prennent corps. « J’aurais pu tendre le bras pour toucher physiquement le passé ». Le dieu proustien de la mémoire le transite et le comble de joie.

    1987, c’était au siècle dernier. Et aujourd’hui ? Le spectre d’un Dieu Autocrate, Vampire Céleste, rôde. En autarcie, les egos déclinent leur identité, et, à l’Attraction universelle ils opposent la Gestion universelle et son langage d’items et d’indicateurs. Mais l’Histoire, dit-on, a ses ruses. Pour terrasser Goliath, une fronde a suffi. Il se pourrait que ce court roman d’apprentissage à l’écriture magnifiée, que ce conte des nuits de lumières, que cette curiosité littéraire, au regard de ce qui, massivement, se publie aujourd’hui, soit une fronde. Arnaud de Lansay le sait : tout acte vrai de littérature est une promesse de liberté, l’espérance d’un printemps.

    Raphaël Prudencio

    « Pendant la caresse, douce princesse, entre dans cette caresse comme dans une vie qui n’a pas de fin »

    Paris 1987

    Il est trois heures du matin dans cette discothèque-cathédrale, aux murs pavés de miroirs, qui se disputent le privilège de réfléchir des bonheurs adolescents, pressés, mais pas fuyants.

    Les lasers balayent de leurs traits, faussement aléatoires, l’aura puis la silhouette de quelques élus, qui se déhanchent, loin des coursives, sous les feux des croisées d’ogives. La musique, aux sonorités chaudes et mélodieuses, est gorgée d’intentions fusionnelles, aux aimantations animales, mais saines. Les temps obscurs, et leurs hymnes martelants et mécaniques, n’ont pas encore fondus sur nous. On respire une autre ère, et l’on souffle un autre air.

    Chef d’orchestre des lieux, l’insouciance, par nature, n’a pas la conscience de son état de grâce, privilège saisissant, mais légitime, accordé par les Dieux. Enchanteresse feutrée, discrète, souple comme un élastique prodigue et généreux, mais qui cède, brutalement, à la moindre rumeur de sérieux… Telle est l’insouciance… Aussi belle mais aussi fragile qu’une promesse faite à un ange, et qu’une génération tient encore comme elle peut. Un bruit d’ingratitude, un moment d’égarement, un changement d’attitude et puis encore un an, un zeste de parjure, et nous pourrions, lentement, glisser vers le côté obscur ; vers des frôlements virtuels, des pensées linéaires, et ces rythmes binaires, qui ne seront pas faits pour les cœurs qui battent.

    La jeunesse, en ces lieux, se conjugue à tous les temps du présent, mais aussi du parfait.

    Filles et garçons ondoient, serpentent, glissent jusqu’à un même but, la morsure d’un baiser, dans une vampirisation rituelle et fiévreuse. Les acteurs de ce bal, assoiffés d’étreintes, qui, pour certaines, se renouvelleront jusqu’au bord du calice, savent précisément ce qu’ils font, et l’on ne saurait douter de leur sérieux. Ils tiennent religieusement leurs promesses envers leur âge, et par la raison même que leur âge est un Dieu. Ils parlent le même langage et distillent la même sève ; et quand la sève monte, naturellement, la langue suit.

    De couloirs en banquettes, en passant par les marches des escaliers, qui hissent le lieu sur trois niveaux, les papillons se lovent, séduisent, jouent, s’étourdissent de flirts et de baisers tourbillonnants, qu’ils exhibent joyeusement tels des clins d’œil à la nuit.

    Ces enfants, nés sous le signe de l’amour, ne cherchent pas l’alcôve ; prophétiques, ils laissent la fausse pudeur, les vices drapés de vertu, à la porte des temps affadis. Ils sont fiers de s’aimer, pour une heure, une minute, ou, qui sait, pour la vie. Dans quelques instants, ils seront peut être plongés dans d’autres bras, dans d’autres yeux, ou dans une autre aura ; par curiosité ou par jeu, plus que par nécessité, pour le plaisir de la découverte, et par un devoir de convivialité, par ignorance de l’autarcie et de ses visions cloisonnées. Pour l’exaltation, enfin, d’une sensation feutrée ou bien forte, pour un échange dense ou dérisoire, qu’importe… Les apprentis vampires, enivrés dans leur élans, ne repartiront pas sans avoir, de l’autre, prélevé de son âme un fragment, dans une oblation nécessaire, renouvelée sans fards, à chaque partenaire.

    1987, défile devant mes yeux comme de la haute couture.

    Ils ont de quinze à dix neufs ans. Tout le reste n’est que littérature.

    Il est quatre heures, et les lumières se tamisent. Le chef d’orchestre, de sa baguette, a ordonné le Lento, pour entamer, puisqu’il est l’heure, l’ultime ballet des slows. Les mouvements se sont ralentis, parfois stoppés. Les visages ont changé d’expression, complices pour certains, recueillis pour d’autres. Le slow est un appel officiel à la prière, puis à la communion. Mais au delà de son aspect rituel, cette danse est une promesse démocratique de frissons. Ici s’arrête la souveraineté des apparences physiques et sociales, et si la question d’argent se posait, elle ne tiendrait pas,

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