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Livre électronique373 pages4 heures

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À propos de ce livre électronique

Réciter le Notre Père, le prier ou le vivre ? Joël Guibert nous éclaire : « Pour que le Notre Père porte du fruit, il faut le prier mais surtout en vivre. Cette prière ne contient pas que des mots, mais une présence. »

L'auteur laisse d'abord résonner les deux versions du Notre Père transmises par Jésus dans les Évangiles. Sur cette base, il suit pas à pas la progression des sept demandes, livrant leurs interprétations et leur compréhension. Pourquoi un Dieu père et non mère ? Pourquoi Jésus demande-t-il qu'on n'appelle personne sur terre « Père » ? N'est-il pas naïf de se reposer sur la Providence ?

Pasteur d'âmes, l'auteur connaît nos blessures et les obstacles à notre renouvellement intérieur. Il nous met en garde contre une compréhension seulement intellectuelle de Dieu et nous invite à nous laisser purifier par l'Esprit Saint en nous guidant par ses conseils spirituels repris de la tradition de l'Église, pour arriver à vivre de la tendresse du Père.

« Les fruits de l'enfance retrouvée seront alors au rendez-vous : unification intérieure, liberté intérieure, confiance en soi, abandon paisible face au lendemain, bienveillance pour les autres enfin reconnus comme frères d'un même Père. »

À PROPOS DE L'AUTEUR

Joël Guibert, prêtre du diocèse de Nantes, exerce sa mission entre la prédication de retraites et l'écriture de livres de spiritualité. Il est l'auteur aux éditions Téqui de Rendre amour pour amour, La puissance de la Foi, Contempler l'au-delà pour mieux vivre l'ici-bas et L'Heure est venue
LangueFrançais
Date de sortie17 avr. 2020
ISBN9782740322796
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    Aperçu du livre

    Vivre le Notre Père - Père Joël Guibert

    www.perejoel.com

    Introduction

    Voir Jésus prier, quelle grâce !

    Voir Jésus en prière, ce devait être vraiment quelque chose ! Ce témoignage de Jésus priant a tellement frappé les apôtres qu’au fur et à mesure de leur compagnonnage, ils ont fini par lui demander : « Seigneur, apprends-nous à prier (cf. Lc 11,1)… Tu as l’air de vivre des choses tellement fortes dans ta méditation. Que fais-tu dans ta prière ? À qui t’adresses-tu ? Comment lui parles-tu ? » Jésus n’a pas commencé la formation spirituelle de ses disciples en leur divulguant au préalable un cours sur la prière, puis en leur faisant faire des travaux pratiques en classe entière. Jésus a d’abord prié en s’exposant à leurs regards. Avant d’apprendre à prier avec le cœur ou avec des mots, n’apprend-on pas à prier d’abord avec les yeux ? Quelle grâce en effet, pour un enfant, de voir des adultes en prière, et qui prient vraiment. Dom André Louf, ancien abbé du Mont des Cats, a déposé cette magnifique dédicace sur les premières pages de son ouvrage Seigneur apprends-nous à prier : « À mon père et à ma mère que j’ai vus souvent prier et de qui j’ai appris la prière¹. » Prier, même silencieusement, avec d’autres, c’est déjà enseigner à prier. Prier à l’écart, sans même être vu ‒ Jésus le faisait souvent (Mt 14,23) ‒ c’est déjà allumer en l’autre, mystérieusement mais réellement, le désir de prier. J’imagine donc avec quelle pudeur mêlée de respect et d’adoration les apôtres ont fini par avouer à Jésus leur soif d’entrer dans les secrets de sa propre prière : « Jésus, introduis-nous dans les secrets de ta prière, fais-nous participer à ce dialogue intime d’amour qui irradie de tout ton être. »

    Une formule pour une méthode

    À la demande des disciples, Jésus ne se défile pas. Mais, de prime abord, sa réponse est déconcertante. En effet, les apôtres demandent une méthode pour prier ‒ « Apprends-nous à prier » ‒ et, en réponse, Jésus leur livre une formule : « Quand vous priez, dites : Notre Père… » Jésus mépriserait-il leur requête précise, bottant en touche ? Non, procédant ainsi, il fait d’une pierre deux coups : d’une part, en livrant la prière du Notre Père, Jésus rejoint le débutant qui a souvent besoin de mots très simples pour balbutier une prière ; d’autre part, notre Seigneur dirige immédiatement le regard en direction de celui vers qui toute prière doit être orientée, le Père. En somme, en laissant la formule du Notre Père, Jésus offre du même coup une prière et une méthode de prière, plus précisément le mouvement même que doit emprunter toute prière chrétienne digne de ce nom. Enfants chéris de Dieu, ne débutons pas notre prière par : « Moi et mes petits problèmes », mais par : « Toi, Dieu le Père, et tes intérêts ». Ensuite seulement viennent nos besoins humains, qui ne sont pas méprisés par le Seigneur, mais disposés à leur juste place. Dieu premier servi, pour que l’homme soit mieux servi et comblé par Dieu !

    Les « essentiels » du Notre Père

    Le drame de tout prédicateur, dit-on, est le manque de temps pour enseigner des choses fondamentales. Mais cette difficulté est aussi sa chance, car cela l’oblige à dire l’essentiel sans noyer son auditoire dans un flot de considérations plus ou moins superflues. Le Pater représente véritablement la prédication concentrée de Dieu au sujet de la prière. Dans cette prédication toute divine, déclinée en sept demandes, Jésus y rassemble « l’essentiel des essentiels » en ce qui concerne la prière et l’existence chrétienne. Les trois premières demandes élèvent notre regard vers notre origine et notre but, Dieu le Père : que son Nom soit adoré, son règne invoqué et sa volonté faite. La seconde partie de la prière du Seigneur concerne l’homme avec ses quatre besoins fondamentaux : ses nourritures indispensables, le pardon des offenses, lesquelles blessent irrémédiablement notre relation à Dieu, et enfin que nous ne tombions pas dans les griffes du démon, ennemi du genre humain.

    Nombre de nos contemporains jugent la vie humaine aujourd’hui particulièrement compliquée. Si nous ne savons plus par quel bout prendre notre existence humaine et chrétienne, revenons au Notre Père, la prière du Seigneur : nous y trouverons nos indispensables, nos essentiels. Bien des fatigues inutiles, dues à la course effrénée après des choses souvent superficielles et insignifiantes, nous seront ainsi évitées.

    Le Notre Père, une prière à vivre

    La prière du Seigneur est à ce point fondamentale pour un fidèle du Christ qu’elle résume en quelque sorte tout l’Évangile. Si, par pur hasard, en tant que chrétiens, nous étions jetés sur une île déserte, privés de tout et même des Écritures pour nourrir notre foi, et qu’il ne nous restait que le Notre Père imprimé au fond du cœur, nous aurions tout l’Évangile avec ! C’est l’enseignement de Tertullien, un des grands témoins des premiers siècles de l’Église : « L’Oraison dominicale [autre nom du Notre Père] est vraiment le résumé de tout l’Évangile². »

    Si le Pater nous conduit au cœur de la prière, dont l’Écriture est l’âme, il nous conduit par là même au cœur de la vie, avec ce pouvoir étonnant de réellement la transformer. Marthe Robin aimait à dire : « Qui dira ce que la prière peut mettre et répandre dans une âme, de vérité, de paix, de force, de consolation, d’espérance ? Elle n’est pas seulement de la lumière, elle est de la chaleur, elle est de la vie³. » Comme l’opposition entre foi et vie est néfaste ! Si la prière est vraiment un cœur à cœur avec le Père, elle ne peut pas, avec le temps, ne pas transformer, apaiser une existence. Le Pater ? Pas de simples mots creux, mais bien une véritable transfusion d’amour qui fait naître et renaître, vivre et revivre. Le Catéchisme de l’Église catholique précise que « le Sermon sur la montagne est doctrine de vie, l’Oraison dominicale est prière, mais dans l’un et l’autre l’Esprit du Seigneur donne forme nouvelle à nos désirs, ces mouvements intérieurs qui animent notre vie. […] De la rectitude de notre prière dépendra celle de notre vie en lui⁴ ».

    Vivre la prière du Notre Père

    Le Notre Père, une prière à vivre ! Loin d’être un slogan un peu facile, c’est une évidence pour qui veut bien entrer dans la prière du Seigneur. Nous voudrions entraîner le lecteur dans cette expérience afin qu’il éprouve à son tour, si ce n’est pas déjà fait, à quel point la prière du Seigneur peut informer et transformer sa vie. Ce souci de passer de la prière à la vie, et de la vie à la prière, est en quelque sorte le fil rouge qui sous-tend toutes ces pages. Dans un tout premier temps, nous laisserons résonner les mots : le texte et le contexte des deux versions du Notre Père, rapportées par Matthieu et Luc, ouvrent beaucoup de perspectives pour la prière et la vie. Sur cette base, nous suivrons pas à pas la progression des sept demandes de l’Oraison dominicale. Chacune des phrases de cette prière est dense. Nous tenterons d’en montrer les enjeux et les diverses interprétations. Que le lecteur ne s’effarouche pas devant les difficultés et les divers sens possibles, car, dans ces pages, l’« exégèse » de chacune des demandes sera toujours abordée de manière très accessible. Notre douce obsession est de conduire le lecteur à vivre le Notre Père, et non de le perdre dans des spéculations purement intellectuelles et exégétiques, bonnes au demeurant. « Le Pater a formé la prière d’innombrables chrétiens depuis deux mille ans, dont la plupart n’avaient entre les mains aucune édition critique de la Bible avec notes et références », note très justement Mgr Perrier⁵. Entrons sans tarder dans les richesses du Notre Père, afin de nous laisser former par lui, pour mieux en vivre, jusqu’à la transformation intérieure.


    1. Dom André LOUF, Seigneur apprends-nous à prier, éd. Foyer Notre-Dame, 1979.

    2. TERTULLIEN, Or. 1. Dans le même sens, saint Augustin écrit : « Parcourez toutes les prières qui sont dans les Écritures, et je ne crois pas que vous puissiez y trouver quelque chose qui ne soit pas compris dans l’Oraison dominicale », Ep. 130, 12, 22.

    3. Marthe ROBIN, Journal. Décembre 1929 - novembre 1932, éd. Foyer de Charité, 2013, p. 169.

    4. Catéchisme de l’Église catholique, no 2764.

    5. Mgr Jacques Perrier, L’art de la prière. Notre Père, Mame-Edifa, 2005, p. 15.

    I

    Regard sur « les » Notre Père

    La prière du Notre Père est rapportée uniquement par les évangélistes Matthieu et Luc. Lisons-les d’abord en laissant retentir le texte : nous tenterons d’expliquer les quelques différences remarquées. Il est intéressant aussi de considérer le contexte dans lequel les deux évangélistes ont inséré cette prière du Seigneur : il est en lui-même riche d’enseignement pour notre propre vie spirituelle.

    Laissons parler le « texte »

    Deux versions différentes du Notre Père

    Voici une traduction assez « littérale » du Notre Père tel qu’il nous est rapporté par Matthieu et Luc. Cette mise en parallèle aide à mieux percevoir les différences¹.

    Des différences notoires

    La version de Matthieu nous surprend moins, tout simplement parce qu’elle est plus apparentée à la traduction liturgique actuelle. Alors que la version de Matthieu contient les sept demandes que nous connaissons, celle de Luc n’en retient que cinq. Or le Notre Père nous fut donné par Jésus lui-même, et il est devenu rapidement central pour la prière chrétienne : comment expliquer de telles différences ? Jésus aurait-il enseigné deux versions différentes ? Est-ce Luc qui a rétréci la prière du Seigneur, ou à l’inverse, Matthieu qui l’a étoffée ? De saint Matthieu ou de saint Luc, lequel a reproduit la formulation du Pater la plus proche des paroles mêmes de Jésus ? Quelle est la version la plus primitive ?

    À ces questions légitimes, il est difficile d’apporter une réponse bien arrêtée pour le lecteur moderne soucieux ‒ et parfois obsédé ‒ de vérités scientifiques. Parmi les exégètes et autres spécialistes de la Bible, chacun y va de sa petite interprétation. Selon l’état des lieux des découvertes actuelles, contentons-nous d’esquisser les réponses suivantes :

    ‒ Pourquoi deux versions ? Il serait fort étonnant que Luc ait décidé de retrancher des paroles à cette prière considérée par les premières communautés chrétiennes comme un testament sans prix de la part de leur Maître. Il serait tout aussi surprenant que Matthieu se soit permis, de son propre chef, de rajouter des paroles aux saintes paroles du Christ. Il est donc possible que Jésus ait prononcé deux versions du Notre Père : en quoi cela serait-il impossible ou hérétique ? On peut tenter cette autre explication : Matthieu aurait très bien pu insérer des paroles fondamentales de Jésus, peut-être prononcées en lien direct avec le Notre Père, pour aboutir ainsi au texte définitif. La question reste ouverte.

    ‒ Qui de Matthieu ou de Luc détient la version la plus ancienne ? C’est un débat sans fin, qui varie selon les époques. Aujourd’hui, parmi les spécialistes, la tendance est plutôt de considérer la version brève, donc celle de Luc, comme la primitive. Le spécialiste reconnu du Notre Père, l’abbé Jean Carmignac, tranche au contraire en faveur de Matthieu : « D’autres [savants] pensent, avec raison semble-t-il, que celle de Matthieu doit être préférée, d’abord parce que saint Luc aime parfois abréger ses sources, ensuite parce que Matthieu nous offre un beau poème, bien construit selon l’art poétique de cette époque, qui ne peut être le fruit de retouches artificielles². »

    Quoi qu’il en soit des diverses conclusions des spécialistes, nous sommes en définitive invités à accueillir dans la foi, comme un don de l’Esprit, la version du Notre Père dans son état actuel. En effet, pour un catholique, l’action de l’Esprit ne peut jamais être enfermée dans l’Écriture seule. Le Saint-Esprit a certes inspiré les auteurs de la Bible, mais il assiste aussi l’Église et son Magistère afin d’en donner la juste interprétation : « La charge d’interpréter de façon authentique la Parole de Dieu, écrite ou transmise, a été confiée au seul Magistère vivant de l’Église dont l’autorité s’exerce au nom de Jésus-Christ. Pourtant, ce Magistère n’est pas au-dessus de la Parole de Dieu, mais il la sert, n’enseignant que ce qui fut transmis, puisque par mandat de Dieu, avec l’assistance de l’Esprit Saint, il écoute cette Parole avec amour, la garde saintement et l’expose aussi avec fidélité³. »

    Laissons parler le « contexte »

    Le contexte du Notre Père chez Luc

    Habituellement, les récits de Luc ne sont pas avares de précisions historiques, chronologiques. Mais, pour ce qui est du contexte plus précis du Notre Père, nous disposons de peu d’éléments : « Il advint, comme Jésus était quelque part à prier » (Lc 11, 1), dit l’introduction de manière plutôt sommaire. Tentons tout de même d’en tirer davantage.

    Le lieu

    Chez Luc, l’épisode qui précède la mention du Pater est la rencontre de Jésus chez Marthe et Marie. Pourquoi ne pas localiser l’enseignement du Notre Père aux environs de Béthanie, le village de Lazare et de ses deux sœurs ? Un élément chez Marc semble confirmer notre conclusion. Certes, cet évangéliste ne parle pas explicitement du Notre Père, mais le passage biblique suivant en est une allusion manifeste : « Quand vous êtes debout en prière, si vous avez quelque chose contre quelqu’un, remettez-lui, afin que votre Père qui est aux cieux vous remette aussi vos offenses » (Mc 11,25). Or cette mention de Marc est justement localisée entre Béthanie et Jérusalem : « Quand ils approchent de Jérusalem, […] et de Béthanie, près du mont des Oliviers » (Mc 11,1). Notons aussi qu’il existe encore de nos jours une tradition orale qui situe l’enseignement du Notre Père au mont des Oliviers, dans une grotte appartenant aux Carmélites, qui possèdent un couvent en ce lieu. Un certain nombre d’éléments penchent donc en faveur de cette interprétation, mais rien n’est absolument certain.

    L’occasion

    Ces précisions présentent un intérêt pour les esprits soucieux d’enracinement géographique et historique. Mais ce qui peut être encore plus intéressant, c’est l’occasion qui a poussé Jésus à livrer son enseignement sur le Notre Père. Il est dit en Luc 11,1 : « Il advint, comme Jésus était quelque part à prier, quand il eut cessé, qu’un de ses disciples lui dit : Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean [Baptiste] l’a appris à ses disciples. » Reprenons les deux segments de cette dernière phrase.

    1) « Comme Jean-Baptiste »

    L’Évangile de Jean nous apprend que, parmi les apôtres de Jésus, il y avait au moins deux anciens disciples du Baptiste : « André, le frère de Simon-Pierre, était l’un des deux qui avaient entendu les paroles de Jean et suivi Jésus » (Jn 1,40). Le deuxième compagnon, non nommé, a toutes les chances d’être saint Jean lui-même, le disciple bien-aimé. Il y a tout lieu de penser que la demande adressée à Jésus ‒ « Seigneur, apprends-nous à prier » ‒ émane d’André ou de son compagnon. Ayant profité assidûment de l’enseignement de Jean le Baptiste, ayant discerné des similitudes dans la manière de vivre et de prier entre le Précurseur et Jésus, ils ont voulu en savoir davantage de la part de leur nouveau Rabbi. D’où cette demande : « Jésus, apprends-nous à prier, comme Jean-Baptiste nous l’a appris ! »

    Quelle pouvait être la veine particulière de la prière de Jean le Baptiste ? On la découvre tout simplement dans sa mission et sa prédication qui ne pouvaient que façonner sa vie et sa personnalité : « Repentez-vous, proclamait-il, car le Royaume des Cieux est tout proche » (Mt 3,2). Les disciples pressentaient très justement qu’outre le lien de parenté familiale entre Jésus et son cousin Jean-Baptiste, une profonde affinité dans la pensée et la prière les unissait. La prière de Jean-Baptiste est toute polarisée par la venue du Messie et de son Royaume ; de même la prière du Notre Père, certes toute tendue vers la gloire de Dieu, passe immanquablement par l’instauration de son règne d’amour dans le cœur des hommes.

    2) « Apprends-nous à prier »

    Pour mieux nous laisser surprendre par cette demande des disciples, il faut replonger dans la vie du peuple juif. Pour tout fils d’Abraham, la prière n’est pas un hobby facultatif et privatif pour fin de semaine. Elle est au cœur de l’existence d’un Juif, elle jalonne sa vie et les différentes activités de ses journées. S’il en est ainsi du bain religieux de l’époque, pourquoi donc les apôtres demandent-ils donc à Jésus de leur apprendre à prier ? Sans doute parce que les apôtres ont dû tout d’abord être « choqués » par la manière originale de prier de Jésus. L’Évangile nous dit que sa prière était longue, solitaire et nocturne : « Il s’en alla dans la montagne pour prier, et il passait toute la nuit à prier Dieu » (Lc 6,12). Sa prière devait vraiment choquer au point que ces bons Juifs spontanément priants qu’étaient les apôtres en viennent à l’interroger sur ce sujet particulier. Comme quoi, disions-nous en introduction, prier c’est déjà évangéliser !

    En effet, le priant lui-même évangélise par son témoignage. Combien de personnes disent avoir été marquées par le témoignage de parents ou de grands-parents à la vie intérieure profonde ? La petite Thérèse a des paroles très touchantes à l’endroit de son papa : « Que pourrai-je dire des veillées d’hiver […] sur les genoux de papa […] la petite reine était toute seule auprès de son Roi, n’ayant qu’à le regarder pour savoir comment prient les saints⁴. »

    Ajoutons que le priant évangélise par-delà les murs et les frontières, en laissant mystérieusement rayonner l’Esprit, qui est l’âme de sa prière. Charles de Foucauld était habité par cette conviction lorsqu’il adorait, perdu dans son désert : « Cœur Sacré de Jésus, merci de ce premier tabernacle en pays touareg. Cœur Sacré de Jésus, rayonnez du fond de ce tabernacle sur ce peuple qui vous entoure sans vous connaître. Éclairez, dirigez, sauvez ces âmes que vous aimez⁵. »

    Le contexte du Notre Père chez Matthieu

    L’Évangile de Matthieu ne nous donne aucune indication précise concernant les circonstances concrètes dans lesquelles le Notre Père a été enseigné par Jésus. Son souci est d’abord catéchétique. Il a inséré la prière du Seigneur dans ce grand ensemble qu’on appelle le « Sermon sur la montagne », qui est un exposé systématique de la vie chrétienne. Ceci dit, la manière dont le Notre Père est inséré chez Matthieu est riche d’enseignement pour notre manière de le prier et d’en vivre. En effet, notre évangéliste tient à mettre en lumière le caractère propre de la prière du chrétien par opposition à la dévotion hypocrite des pharisiens et à la piété formaliste des païens. Au moment même de délivrer le Notre Père, Jésus prend soin de dire à ses disciples : « N’allez pas faire comme eux » (Mt 6,8)… Eux, c’est-à-dire les païens, mais aussi les pharisiens dont il vient de dénoncer les travers.

    « Ne priez pas comme les hypocrites »… de pharisiens

    Les versets 5 et 6 du chapitre 6 de Matthieu visent la manière de prier des pharisiens : « Quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment, pour faire leurs prières, à se camper dans les synagogues et les carrefours, afin qu’on les voie. En vérité je vous le dis, ils tiennent déjà leur récompense. Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra » (Mt 6,5-6). Ce qui est rapporté, c’est cette intention plus ou moins consciente et avouée de se donner en spectacle. Avouons-le bien simplement, il y a de fortes chances qu’à un moment ou un

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