Eric au pays des insectes: Un roman d'aventures !
Par Godfried Bomans et Lisbeth Renardy
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À propos de ce livre électronique
Cette nuit-là, le jeune Éric Pinksterblom a bien du mal à s'endormir, angoissé par un devoir sur les insectes à rendre le lendemain. Heureusement pour lui, son rêve va enfin se réaliser : il entre dans le tableau accroché au mur de sa chambre, un paysage bucolique peuplé de curieuses créatures. Ainsi commence un fabuleux voyage au pays des insectes… Éric ira de surprise en surprise dans ce monde fascinant, moins éloigné du nôtre qu'il y paraît…
Un best-seller au Pays-Bas (900 000 exemplaires), enfin publié en français !
EXTRAIT
Cette histoire commence tandis que le jeune Éric vient de se coucher dans le vieux lit à baldaquin de grand-mère Pinksterblom. Il est douillettement installé, bien au chaud sous sa couette et voit l’obscurité gagner peu à peu l’espace au-delà de la ligne blanche que dessine le drap près de son visage. L’heure du coucher est un moment bien particulier pour les petits enfants, un moment de la journée dont les grandes personnes ont perdu le souvenir. L’environnement familier se fond peu à peu dans une obscurité de plus en plus profonde et silencieuse — si silencieuse qu’on a la sensation que toute vie a disparu. Parfois, un bruit de pas rompt le silence : quelqu’un passe au-dehors ; ou bien la voix aiguë d’un garçon hèle un camarade au loin. L’appel résonne dans l’air du soir et on envie ce veinard qui a la chance de ne pas encore être au lit.
A PROPOS DE L’AUTEUR
Né en 1913 à La Haye, Godfried Bomans déménage bientôt à Haarlem avec sa famille. Ses parents lui donnent une éducation catholique rigide, qui va marquer le jeune Godfried. Il envisage d’ailleurs de se vouer à l’Église catholique et d’entrer dans un monastère. Il étudie le droit, la psychologie et la philosophie à Amsterdam. Il publie ses premiers récits dans le journal de son école. Par la suite, il rédige une œuvre abondante, composée de romans, nouvelles, essais, articles, pièces de théâtre et contes pour enfants et adultes. Il écrit également pour la télévision.
Godfried Bomans se décrit ainsi : « Je n’essaie pas de me faire passer pour quelqu’un d’autre : je suis quelqu’un d’autre. Je ne raconte pas de mensonges, mais une vérité différente. J’ai deux vies et un seul corps. »
Passionné par Les aventures d’Oliver Twist et Les Grandes Espérances, de Charles Dickens, il joue un rôle important dans la traduction de l’œuvre du romancier anglais aux Pays-Bas. Les romans de Godfried Bomans, dont Éric, le plus célèbre, relève à la fois du récit d’aventure et du conte philosophique, sont d’ailleurs largement teintés d’un humour anglo-saxon. Mêlant parodie et imaginaire, ils s’adressent aussi bien aux enfants qu’aux adultes.
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Aperçu du livre
Eric au pays des insectes - Godfried Bomans
Piccolomini)
CHAPITRE I
DE L’AUTRE CÔTÉ DU TABLEAU.
Cette histoire commence tandis que le jeune Éric vient de se coucher dans le vieux lit à baldaquin de grand-mère Pinksterblom. Il est douillettement installé, bien au chaud sous sa couette et voit l’obscurité gagner peu à peu l’espace au-delà de la ligne blanche que dessine le drap près de son visage. L’heure du coucher est un moment bien particulier pour les petits enfants, un moment de la journée dont les grandes personnes ont perdu le souvenir. L’environnement familier se fond peu à peu dans une obscurité de plus en plus profonde et silencieuse — si silencieuse qu’on a la sensation que toute vie a disparu. Parfois, un bruit de pas rompt le silence : quelqu’un passe audehors ; ou bien la voix aiguë d’un garçon hèle un camarade au loin. L’appel résonne dans l’air du soir et on envie ce veinard qui a la chance de ne pas encore être au lit.
Éric était donc allongé tranquillement et promenait son regard tantôt tout là-bas en direction de la fenêtre, tantôt sur les portraits accrochés le long des murs. Il éprouvait toujours à ces moments-là l’impression qu’il allait se passer quelque chose. Cette nuit, peut-être ! Alors, contrairement aux autres soirs, il décida de s’appliquer de toutes ses forces à garder les yeux ouverts afin de rester éveillé pour voir si, oui ou non, quelque chose allait arriver. Et il avait un moyen infaillible pour cela : avant de se coucher, il avait glissé sous son oreiller le livre de M. Solm intitulé Petit Précis d’histoire naturelle. Demain après-midi, à l’école, il y aurait une interrogation écrite sur les insectes décrits dans ce petit livre. Éric avait passé tout l’après-midi de ce mercredi à l’étudier, mais n’avait pas eu le temps de terminer. Il lui restait encore le chapitre sur les éphéméroptères qu’il avait prévu de lire pendant la récréation du lendemain matin.
« Voyons…, se dit Éric. Combien la guêpe a-t-elle de pattes ? Six. »
Il poursuivit sa lecture : Les yeux sont situés en avant de la tête et fonctionnent indépendamment l’un de l’autre.
« Bon ! »
Les guêpes ne vivent pas dans des ruches comme les abeilles.
« Mais… mais alors, où donc vivent-elles ? Peut-être qu’elles vivent seules. Peu importe ! »
Elles appartiennent à la famille des hyménoptères et elles ont des antennes mobiles.
« Maintenant, passons aux papillons. »
Le papillon surprend le naturaliste attentif par un déploiement de brillantes couleurs (Éric se répéta cette phrase à deux reprises tant il la trouvait merveilleuse). Nous classifions les papillons parmi les insectes dits utiles, mais leurs petits, appelés chenilles, peuvent faire d’énormes ravages. Leur tête articulée est douée d’une grande mobilité. [Suit un long passage ennuyeux qui avait posé à Éric quelque difficulté de compréhension.] Elle est abondamment garnie de poils raides, formant comme une brosse, souvent entortillés, en dents de scie ou donnant l’impression d’avoir été passés au peigne fin. Leurs yeux simples sont protubérants et semiglobulaires. Ils sont dotés d’une mâchoire supérieure de petite taille ainsi que d’une langue extensible qui tient lieu de mâchoire inférieure.
« Et voilà ! Je parie que Lucas Leclercq ne serait pas capable de faire mieux ! », conclut Éric.
Lucas Leclercq était le plus fort de la classe de CE2¹; il était assis quelques rangs devant Éric.
« Maintenant, les fourmis ! »
Éric aimait bien les fourmis pour la raison suivante : le manuel de M. Solm comportait certains passages imprimés en tout petits caractères que les enfants de la classe de CE2 n’avaient pas à étudier. Or, c’était le cas pour les fourmis !
La fourmi, comme la guêpe, appartient à la famille des hyménoptères. On donne souvent les fourmis en exemple, et non sans raison, car ce sont des créatures laborieuses et diligentes. Elles vivent en très grand nombre dans ce que l’on appelle des fourmilières (c’est facile à retenir, se dit Éric : fourmis, fourmilières) où elles vaquent sans cesse à toutes sortes de travaux. Lorsqu’un danger les menace, elles libèrent un acide extrêmement caustique, l’acide formique. Les mâles, appelés fainéants, naissent à la fin de l’été. Ils ont des ailes, mais, contrairement aux femelles et aux ouvrières, ils n’ont pas d’aiguillon
« Voilà qui est bizarre, se dit Éric. On s’attendrait plutôt au contraire ! Allons voir ça de plus près. »
Il tira le Petit Précis d’histoire naturelle de M. Solm de dessous son oreiller et l’ouvrit au chapitre des fourmis. En effet, il y était bien écrit : Mais, contrairement aux femelles et aux ouvrières, ils n’ont pas d’aiguillon.
« C’est vraiment très bizarre, murmura Éric. En voilà de drôles de mâles ! »
Il jeta alors un coup d’œil sur le tableau qui était accroché au mur le long de son lit : La Vallée industrieuse. En fait, ce tableau, qui va jouer un rôle très important dans notre histoire, n’avait pas de nom. C’est Éric qui l’avait baptisé ainsi à cause des nombreux insectes et autres petites bêtes qui y étaient représentés et qui semblaient déployer une intense activité. Il y avait bien à l’arrière-plan quelques moutons à toison blanche paissant tranquillement dans le vert lointain d’une prairie tandis que leur berger se reposait, appuyé sur son bâton et qu’un jeune pâtre jouait de la flûte. Mais Éric préférait de beaucoup le premier plan du tableau où l’artiste avait figuré tous les insectes possibles et imaginables qu’il avait peints avec une patience infinie, dans un exquis souci du détail. Ces insectes étaient représentés en pleine activité : des chenilles et des scarabées rampaient le long de branchages en quête de nourriture ; de minuscules araignées tissaient leur toile ; de grosses abeilles butinaient parmi les fleurs. Tout en bas, contre le cadre, trônait une énorme coquille d’escargot. Éric se dit que, pour paraître si grosse, elle devait être tout près. Dans l’herbe, en bas à droite, un ver de terre se contorsionnait non loin d’un nécrophore² qui l’observait avec intérêt et semblait se demander dans quelle direction il allait partir. Il y avait aussi des fourmis très affairées, courant en processions et se croisant à travers les feuilles mortes qui jonchaient le sol. Éric n’arrivait pas à voir lesquelles avaient des aiguillons. Il pensa qu’il faisait probablement déjà trop sombre, mais il continua néanmoins à fixer le tableau en soutenant sa tête à l’aide de ses deux mains croisées derrière la nuque.
Toujours pour éviter de s’endormir, il se mit à parler à voix haute :
— Ce serait fantastique de pouvoir vivre là-bas ! Plus de leçons à apprendre sur les insectes, puisqu’on serait tous des insectes. Et toujours du miel en abondance ! On jouerait toute la journée dans l’herbe et, tout d’un coup, la journée serait finie. On pourrait rester debout aussi tard qu’on voudrait ; personne ne viendrait nous dire qu’il est l’heure d’aller se coucher. Et quand on serait fatigué, on irait dormir dans le champ de coquelicots écarlates ou bien dans la coquille de l’escargot — à condition de trouver de la place à l’intérieur. Le matin, quand on se réveillerait, on se laverait les mains dans une goutte de rosée et on serait prêt à recommencer une nouvelle journée ! On flânerait un petit peu, puis on irait vérifier la ponte et la couvaison des larves, puisqu’on serait le seul qui sache comment cela doit se passer ! Oh, comme j’aimerais cela !
Un léger éclat de rire rompit soudain le silence de la pièce. On aurait dit que quelqu’un s’y était caché et s’amusait tellement qu’il n’arrivait plus à se contenir.
Éric se redressa lentement et, tout en fixant l’obscurité, s’exclama avec surprise :
— Est-ce qu’il y a quelqu’un ici ?
— Ha ! ha ! répondit une voix qui venait du mur d’en face.
Stupéfait, Éric dirigea son regard dans la direction de la voix. Elle provenait du portrait du grand-père Pinksterblom.
Le grand-père Pinksterblom était le fondateur de la famille Pinksterblom. C’était un vieux monsieur d’aspect sévère dont la grande barbe couvrait le visage comme le lierre tapisse un mur. Il avait été enterré au cimetière sous une pierre tombale de taille si impressionnante que les noms de tous les membres de la famille Pinksterblom pourraient y figurer au grand complet. Or, ce personnage imposant tentait en vain de retenir un éclat de rire en se pinçant le nez entre le pouce et l’index. Lorsqu’il s’aperçut qu’Éric regardait dans sa direction, il remit vivement la main dans sa poche de gilet — là où cette main avait toujours été cachée depuis vingt ans — et reprit son regard empreint de sévérité fixant le mur d’en face.
« J’ai dû rêver », se dit Éric.
Cependant, il ne pouvait lâcher le tableau des yeux. Son cœur battait si fort qu’il lui semblait que le lit tout entier bondissait au même rythme. Il resta ainsi pendant une longue minute, mais rien ne se produisit.
« Je sais ce que je vais faire, pensa-t-il. Je vais lui tourner le dos et, quand il croira que je dors, je me redresserai subitement. »
Une idée astucieuse ! Éric s’allongea, ferma les yeux à moitié, mais ne put faire semblant de dormir bien longtemps. D’un geste brusque, il se retourna et surprit le grand-père Pinksterblom en train de frotter l’intérieur du cadre avec son index pour enlever la poussière.
Le grand-père était si absorbé par sa tâche qu’il ne s’aperçut même pas qu’Éric le regardait. Il sifflotait doucement, s’interrompant toutes les deux minutes pour mouiller son doigt, puis continuait à polir le cadre.
— Je t’ai vu ! s’exclama Éric. Tu es vivant !
S’attendant à ce que le grand-père saute au plafond d’étonnement ou, à tout le moins, jaillisse hors de son cadre, Éric fut extrêmement surpris car, en vérité, il n’en fut rien : le grand-père continua tranquillement à polir son cadre, ne produisant qu’un léger hochement de tête accompagné d’un gentil sourire. Mais quel sourire ! Un sourire merveilleux, riche de promesses et de plaisir anticipé à l’idée de ce qui allait suivre. Éric comprit alors que la grande aventure dont il rêvait depuis si longtemps était enfin sur le point de commencer et il n’en éprouvait aucune crainte. Son cœur battait plus calmement maintenant tandis qu’il continuait à observer le miracle en train de s’accomplir derrière le cadre du