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Trompe l’œil
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Livre électronique101 pages1 heure

Trompe l’œil

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À propos de ce livre électronique

Trois récits fantastiques qui se déroulent dans un futur imprécis ou dans un présent inhabituel. « En route vers une nouvelle colonie » suit le périlleux exode d’une petite caravane qui doit abandonner une terre devenue hostile. « Je peux lire un album de Mickey ? » retrace avec ironie la frontière subtile qui existe entre la vie quotidienne et la folie. « Les enfants A.O.C. » rend hommage à la science-fiction de Philip K. Dick.

LangueFrançais
ÉditeurBadPress
Date de sortie19 juin 2020
ISBN9781071546833
Trompe l’œil

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    Aperçu du livre

    Trompe l’œil - Alessandro Caselli

    A Philip et Marzia

    dont je suis dingue

    En route vers une nouvelle colonie

    Les convois étaient bien alignés, l’un derrière l’autre ; une file tellement ordonnée et compacte qu’on pouvait à peine distinguer où finissait l’un et où commençait le suivant. Le terrain était très irrégulier à ce niveau et de profonds fossés portaient encore la trace d’une pluie récente, la énième en peu de temps à cet endroit ; de la boue, du limon et de la végétation en putréfaction créaient une strate qui ralentissait les convois. De plus, de gros troncs et de lourds rochers rendaient le cheminement difficile et, dans certains cas, comme il n’était pas possible de les déplacer, la caravane devaient les contourner, perdant ainsi un temps précieux pour rejoindre le sommet de l’ascension, qui allait les conduire vers le ciel, vers une nouvelle colonie, en sécurité des inondations toujours plus fréquentes qui faisaient de la terre un endroit plus très hospitalier.

    – Ici leader STOP Obstacle insurmontable STOP Déviation et probable changement de route STOP

    Timothy était le leader de la caravane, non seulement parce qu’il était le plus âgé, mais aussi le plus sage et le plus expérimenté ; ainsi, son convoi était le plus gros de la file. Timothy avait communiqué son message au second convoi, et seulement à celui-ci, grâce à un système qui utilisait des molécules organiques à basse intensité et qui donc, pouvaient être reçues seulement par ceux qui se trouvaient très près de lui, avant qu’elles ne se volatilisent dans l’air. Ces mêmes molécules pouvaient, une fois récupérées et lues, être à nouveau utilisées pour transmettre le même message au membre suivant de la caravane. De cette manière, on réduisait pratiquement à zéro la possibilité que quelqu’un infiltre la communication, l’intercepte et en décode les messages. Evidemment, ce système, comme tous les systèmes de communication, avait ses défauts. Le premier et le plus évident était le temps nécessaire à transmettre le message : à l’ère des télécommunications instantanées, un système de ce genre semblait plutôt antédiluvien. Le second défaut consistait dans le fait que les messages étaient unidirectionnels, c’est-à-dire qu’ils pouvaient être transmis seulement dans le sens contraire au sens de la marche, d’un convoi à l’autre : en pratique le message était abandonné sur le terrain dans un paquet de molécules organiques qui disparaissaient rapidement, ce qui était utile pour éviter que d’éventuels ennemis puissent repérer la caravane et interpréter ses messages, mais cela voulait dire également qu’il n’était pas possible de faire passer un message important au leader. Si, par exemple, ils étaient attaqués par surprise et par derrière, il y avait de grandes chances qu’ils soient rapidement détruits, avant que Timothy n’en soit informé. Le troisième défaut, et peut-être celui qui avait les effets les plus imprévisibles, venait du fait que le message devait être échangé par paires : le leader communiquait avec le second, le second avec le troisième et ainsi de suite. Un peu comme le font les enfants quand ils jouent au « téléphone sans fil » et qu’ils disent une phrase dans l’oreille du camarade qui se trouve à côté d’eux ; ils doivent ainsi répéter le message à leur voisin, espérant l’avoir bien compris et que le copain fera de même. Bien souvent le message initial est déformé par une ou plusieurs erreurs de transmission, ce qui suscite l’hilarité générale. Pour les convois, cependant, il ne s’agissait pas d’un jeu d’enfant, ni de rire en cas d’erreur : c’était leur vie qui était en jeu. Il fallait émettre la juste quantité de substance afin que le signal soit compréhensible par le convoi qui suivait, mais de façon à ce qu’elle se soit complètement évaporée en peu de temps, afin d’économiser les précieuses molécules.

    – Ici 6 STOP Déviation STOP

    Le message initial, décidément altéré, portait encore l’information principale. Le convoi 7 ne saurait jamais pourquoi ils déviaient par rapport à leur itinéraire, jusqu’à ce qu’il soit arrivé à un obstacle dont il n’aurait jamais été fait mention, mais comme il suivait les autres à une courte distance, il ne se perdrait de toute façon pas. En réalité, aucun message n’était nécessaire, mais Timothy était le plus sage et savait qu’il était correct d’informer les autres de ce qu’il voyait, pensait et décidait. S’il n’en avait pas été ainsi, il n’aurait probablement pas été le leader et les autres n’auraient pas accepté ses décisions sans discuter.

    – Ici leader STOP Contournement lac alluvionnaire STOP

    Le second convoi, qui reçut ce message, était beaucoup plus petit que le convoi du leader, mais aussi plus petit que le troisième, qui était lui sensiblement de la même taille que le premier. Il était possible que le deuxième convoi ait une importance stratégique et doive être défendu par le premier et le troisième, qui étaient les plus imposants de la colonne. Les quatre autres, qui fermaient la colonne, étaient à peu près de la même taille que le second. Peut-être cette disposition était-elle dictée par une nécessité de défense, ou plus simplement était-elle un alignement aléatoire dû à l’urgence de partir : tout d’abord le leader, et ensuite que les autres s’organisent comme ils le veulent. L’aspect de la colonne était celui d’un long serpent qui déroulait ses anneaux tantôt à droite, tantôt à gauche, puis selon les obstacles qu’elle devait surmonter. Même la couleur des convois, un beau vert brillant, pouvait tromper les éventuels ennemis volants, en leur faisant croire qu’ils avaient à faire à une grande structure unique plutôt qu’à plusieurs petites unités. Mais comme cette supercherie n’était pas suffisante, les convois étaient doté d’armes à petite portée, à n’utiliser qu’en cas d’extrême danger.

    Cependant, toute l’expérience, toutes les communications et toutes les armes n’avaient servi à rien pour arrêter l’eau. La température moyenne de la planète continuait de s’élever, ce qui causait peut-être le déferlement de l’eau emprisonnée dans les glaces. En fait, de plus en plus souvent les plaines étaient submergées par des précipitations orageuses imprévues ainsi que par les crues de rivières ; et avec les plaines, les demeures des colons subissaient le même sort. Des groupes toujours plus nombreux abandonnaient leurs refuges pour rejoindre les sommets célestes, les colonnes qui pointaient du sol vers l’espace, et depuis lesquelles ils allaient enfin pouvoir s’envoler. La terre allait peut-être se transformer en un gigantesque océan, mais les colons n’allaient pas rester pour le découvrir et pour mourir noyés.

    – Ici leader STOP Passage entre rochers STOP Attention STOP Possible instabilité STOP

    Un message anormalement long : la caravane se fiait aveuglément à son leader et en général, avait tendance à économiser le plus possible les substances organiques pour l’échange de messages d’extrême importance. Le convoi 7 ne reçut que :

    – Ici 6 STOP Passage entre rochers STOP

    Et c’est ce qu’il firent. La chance fut avec eux et il n’y eut pas d’accidents. Même la météo semblait vouloir leur accorder une trêve : une brèche entre les nuages illuminait leur chemin et le paysage désolé qui les entourait. A première vue, cela pouvait ressembler à un désert post-nucléaire, mais la vie – celle qui du moins pouvait encore s’adapter à ce milieu-là – pullulait. Des petites créatures simples se déplaçaient en fuyant dans les débris du vieux monde, et avec elles des créatures encore plus microscopiques que Timothy ne pouvait pas distinguer à l’œil nu. Qui sait combien de celles-ci les accompagnaient en ce moment ? Elles allaient rester sur terre, elles ne l’abandonneraient pas, et peut-être qu’un jour elles deviendraient la race dominante du nouveau monde. Par contre, son temps à lui allait finir et il en était de même pour les autres colons : s’ils n’étaient plus en capacité de s’adapter, ils devaient changer de milieu et s’en aller. Et c’était ce qu’ils étaient en train de faire : ils étaient en procession pour partir. Ils n’étaient plus adaptés pour vivre ici-bas.

    Mais pourquoi tout ceci arrivait-il ? Dieu les avait-il abandonnés ? Et pourtant, il leur avait fourni un monde merveilleux dans lequel vivre.

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