LE RÉCONFORT
Dans les sous-sols du Centre d’études spatiales de Toulouse, Thomas Batta, un des chefs cuisiniers les plus prometteurs de sa génération, patientait pour un rendez-vous dont il ignorait complètement l’objet. À son arrivée, il avait transmis à un jeune homme austère sa lettre de convocation, signée du ministère de la Défense. Le jeune homme austère avait saisi un combiné téléphonique, signalé que Monsieur Thomas Batta était là, puis une jeune femme, pas plus souriante, était arrivée depuis le fond de la salle d’accueil. Elle avait tendu à Thomas deux badges à porter autour du cou, pour l’escorter ensuite le long de trois couloirs, lui faire badger deux portes, longer un hall menant à un ascenseur, qui descendit deux étages, menant à un quatrième couloir, dont elle ouvrit la dernière porte, révélant une salle d’attente.
— Les professeurs Lespert et Clavio sont encore en réunion, ils ne devraient plus beaucoup tarder.
Lespert. Clavio. C’était la première fois que Thomas avait enfin un indice sur les personnes qu’il devait rencontrer ici, et qui avaient été à l’origine de cette mystérieuse lettre de convocation. Une lettre de convocation! Personne ne l’avait jamais convoqué de sa vie, et son premier réflexe avait été bien sûr de refuser de venir. Son assistant avait tenté d’appeler, pour ressortir du coup de fil en sueur : on ne pouvait pas refuser une convocation du ministère de la Défense. Quand bien même s’appelait-on Thomas Batta, quand bien même avait-on la charge de cinq restaurants (tous étoilés) à travers le monde, on ne pouvait pas refuser une telle convocation. La vexation de Thomas fut telle, et cette convocation si incompréhensible, que cela avait fini par l’intriguer. Que pouvaient bien lui vouloir le Centre national d’études spatiales et le ministère de la Défense?
Très vite, une seule hypothèse devint évidente : la nourriture des spationautes. Oui, cela devait être cela, le Cnes voulait sûrement demander à Thomas d’élaborer les futurs plats des spationautes français, pour les missions à venir. C’était un beau challenge, au vu du traitement sévère que subissaient habituellement les plats préparés pour pouvoir voyager en navette : sachets métalliques, stérilisation à très haute température et à haute pression, soit deux cycles de cuisson avant d’être une dernière fois réchauffés dans l’espace entre deux plaques thermiques. Impossible de maîtriser correctement la texture
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