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Si tu t'appelles Mélancolie
Si tu t'appelles Mélancolie
Si tu t'appelles Mélancolie
Livre électronique435 pages5 heures

Si tu t'appelles Mélancolie

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À propos de ce livre électronique

Ecrire le résumé de mon roman? Rien de plus simple, je suis tellement douée pour me vendre ! Euh, est-ce bien moi qui viens d'affirmer cela ? Moi qui serais incapable de vendre le dernier rouge à lèvres sur terre dans un concours de Mademoiselle Univers ! Ok, ok… Trouvons le petit tiroir de confiance en soi, enfoui quelque part au plus profond de ma matière grise, et essayons de pondre quelques lignes qui te donneront le goût de plonger dans mon univers.

Je commence : je m'appelle Mélancolie. Pour répondre à ton air interrogateur : OUI, j'en ai voulu à ma mère d'être fan de Joe Dassin… (Interdiction de prendre un air de pitié.) Je partage ma vie avec Fred, ma meilleure amie, Féline Dion (mon chat) et Caline Sutto (le chien de Fred). Je t'entends penser et NON, je ne suis pas lesbienne. Mais j'aimerais presque l'être ! J'assume mon célibat (la plupart du temps), mais j'ai parfois des rechutes qui m'entraînent bien malgré moi sur des sites de rencontres quétaines. Dans de tels moments, j'en veux à l'humanité entière d'avoir créé autant de crétins pathétiques, célibataires de surcroît et trentenaires…

Alors me voilà, en pleine crise de la trentaine, me questionnant sur le bonheur et sur ma vie avec un grand V… J'essaie de me convaincre que j'ai tout pour être heureuse, mais je n'y arrive pas (toujours). La solution ? J'ouvre une énième bouteille de rouge ou… je saute dans un avion ! Passer ma vie à voyager, c'est mon plus grand rêve. Quoi ? Tu crois que je fuis la réalité ? Tu as peut-être raison… Je te promets de réfléchir à ta théorie sur le sable brûlant de Montanita.
3, 2, 1… décollage !
LangueFrançais
ÉditeurDe Mortagne
Date de sortie24 févr. 2012
ISBN9782896621378
Si tu t'appelles Mélancolie
Auteur

Mélanie Leblanc

Montréalaise depuis quinze ans, Mélanie Leblanc est amoureuse de sa ville, mais rêve de la tromper un jour avec New York. Toujours à la recherche d’une nouvelle destination à visiter en sac à dos, elle croit sincèrement que la vie ne mériterait pas d’être vécue si les tomates, la mer et le vin n’existaient pas. Quand elle n’écrit pas, elle travaille sur des émissions de télé comme Le Gala Artis, En direct de l’Univers ou Belle & Bum. Si tu t’appelles Mélancolie est son dernier premier roman. Le milieu artistique n’a plus aucun secret pour Mélanie Leblanc. Avec un baccalauréat en journalisme, une maîtrise en communication et un certificat en scénarisation, nul doute qu’elle se destinait à y travailler un jour ! Et voilà qu’à peine la trentaine passée, elle a été scriptrice pour le Gala Mannequin d’un jour à TVA en 2008, pour L’Autre Gala de l’ADISQ à Musique Plus/MusiMax en 2008 et pour plusieurs émissions à MusiMax. Elle a également travaillé comme recherchiste sur d’autres émissions de télévision comme Sucré Salé, Des kiwis et des hommes, Souper de filles ou Pièce d’identité (Vrak TV), pour ne nommer que celles-là. Elle se passionne aujourd’hui pour la mise en scène aux côtés de Jean-François Blais. Et malgré son horaire chargé, elle trouve le temps de voyager et de s’inspirer de ses expériences pour écrire un roman hilarant : Si tu t’appelles Mélancolie…

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    Aperçu du livre

    Si tu t'appelles Mélancolie - Mélanie Leblanc

    Mélanie Leblanc

    Édition

    Les Éditions de Mortagne

    C.P. 116

    Boucherville (Québec) J4B 5E6

    Distribution

    Tél. : 450 641-2387

    Télec. : 450 655-6092

    Courriel : info@editionsdemortagne.com

    Tous droits réservés

    Les Éditions de Mortagne

    © Ottawa 2010

    Dépôt légal

    Bibliothèque et Archives Canada

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque Nationale de France

    1er trimestre 2010

    Conversion au format ePub : Studio C1C4

    Pour toute question technique au sujet de ce ePub :

    service@studioc1c4.com

    ISBN : 978-2-89074-954-2

    ISBN : 978-2-89662-137-8 (ePub)

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) et celle du gouvernement du Québec par l’entremise de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) pour nos activités d’édition. Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

    Membre de l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL)

    à maman, papa

    et

    à mon couple

    13 avril 2008

    Montañita, 34 ˚C

    MÉLANCOLIE est en vacances !

    Ça y est, je le confirme, ces premières lignes le confirment : je me prends pour une auteure. Je viens de déballer fièrement, bon, peut-être pas tant que ça, mon premier Moleskine ¹. Fred m’a quasiment obligée à en acheter un. « Ça porte chance aux auteurs. » Pourquoi pas ? Si ça a fonctionné pour Hemingway, je ne vois pas pourquoi ça ne marcherait pas pour moi ² ?

    Comme je ne fais jamais les choses à moitié, j’ai décidé de commencer ce premier… oserais-je dire roman ? journal ? récit de vie ? Oui, c’est bon ça, récit de vie. Donc, ce premier récit de vie, j’ai décidé de l’écrire face à la mer, de la salsa dans les oreilles, les orteils dans le sable brûlant avec les pénibles choix s’offrant à moi : Mojïto ou Margherita ? De la « 30 » ou de la « 15 » pour le visage ? Amie lectrice, ne va pas penser que ma vie est si simple, que je vis dans un conte de fées. Oh que non madame !

    • Je n’ai pas d’amoureux.

    • Je n’ai pas d’amant.

    • Je n’ai pas une carrière passionnante.

    • Je n’ai pas (beaucoup) d’argent.

    • Je n’ai pas (beaucoup) de sexe.

    • Je n’ai pas de projets qui fonctionnent.

    • Je n’ai pas mon poids idéal.

    • Je vais avoir trente ans dans moins d’un mois.

    AU SECOURS !

    Pour la liste des « ce que j’ai », ça tient sur une ligne : quatre-cinq meilleures amies dont Frédérike, mon âme sœur. Avec elle, je partage tout, sauf ma vie sexuelle. J’ai un duplex avec Fred (disons qu’on entretient une maison appartenant à la caisse pour les quarante prochaines années). J’habite avec Féline Dion, mon chat et un demi-chien, celui de Fred : Caline Sutto. Notre duplex est à Montréal, où je tente de me faire croire que Lachine est un si joli quartier n’ayant rien à voir avec la banlieue. Pour le moment, je ne suis pas très auto-convaincante. Mon numéro de téléphone commence par le code régional 514, je me le répète cent fois dans la journée, seule preuve de ma situation géographique montréalaise.

    Beau constat de vie, n’est-ce pas ? J’ose à peine me relire. Au fait, je t’ai dit ? Je m’appelle Mélancolie ? Ça, ça achève sa femme. Hasta luego, j’ai besoin d’un Mojïto.

    Ça va déjà mieux. Le rhum parcourt tranquillement mes veines. Parfois, comme ça, je pense à mes veines. Est-ce qu’il t’arrive de prendre conscience de tes veines ? À chaque première gorgée d’alcool, je les sens se réveiller et picoter partout dans mes bras et dans mes jambes. Un autre des bienfaits de la boisson ³. Tout va toujours mieux avec un peu d’alcool, non ?

    Je viens de relire mon récit depuis le début et à la relecture, je t’entendais crier dans ma tête : « Tu te plains le ventre plein, ta vie est géniale et toi tu as les yeux fermés ! » Mais attends, tu me connais depuis deux pages et tu te permets d’avoir une opinion sur mon existence ? Ok, j’ai peut-être le ventre plein, mais j’ai le droit de chialer. Je. Suis. En. Crise. Bon. En foutue crise de la trentaine. Quiconque ayant déjà vécu ce genre de crise me comprendra et poursuivra sa lecture. Si tu n’as pas connu ce genre de crise, deux choix s’offrent à toi :

    1) Tu refermes le livre en te privant de purs moments de bonheur.

    « Chiant »… ça c’est le genre de mot dont les éditeurs ont peur. « Pourquoi les gens auraient envie de lire quelque chose de chiant ⁴ ? » Disons alors que je te promets un récit drôle, divertissant, j’ajouterais un brin instructif et légèrement grinçant.

    Je te recommande chaleureusement la deuxième option, aussi chaleureusement que ce soleil d’Équateur qui s’est donné pour unique mission de la journée de me cramer le nez. Bonjour la tomate séchée.

    13 avril 2008

    Montañita, 33 ˚C, chaud soleil, ça sent bon la crème solaire à la noix de coco.

    MÉLANCOLIE fait les présentations familiales.

    Faut-il absolument parler de ma famille dans mon récit de vie ? Honnêtement, je n’en vois pas trop l’intérêt. Tu vas avoir bien assez de te taper mes péripéties. Celles de ma famille et amis sont-elles vraiment nécessaires ? Depuis toujours, j’observe le comportement des gens de mon entourage. Grâce aux valeurs transmises par mes parents, je mène ma vie comme je l’entends. Chez nous, c’était très permissif, justement pour nous empêcher de faire des bêtises. Ma première gorgée d’alcool et toutes celles ayant suivi cette journée-là, ont été prises sous la supervision de mon père. Il n’était pas plus frais que moi. À l’époque, je le trouvais super cool. Dans le fond, c’était juste pour m’avoir à l’œil. J’ai commencé à sortir dans les bars à quinze ans et j’étais bien avisée : si jamais j’étais prise dans une descente policière, j’avais juste à l’appeler et il viendrait me chercher. Mes amis m’enviaient tellement. J’étais fière d’avoir des parents comme les miens, mais des fois, j’aurais voulu jouer avec les règles. Défier l’autorité, j’aurais été bonne là-dedans. Aujourd’hui, je constate à quel point j’ai eu de la chance de grandir avec eux. Mes fondations, mes racines me suivent. J’ai parfois essayé de les repousser, de m’en défaire ; chaque fois, elles m’ont rattrapée dans un détour de la vie. Mes valeurs sont profondément ancrées. C’est un soulagement de pouvoir m’y rattacher.

    Mes parents, Thérèse et Gaston ⁵, sont ce qu’on peut qualifier de quétaines, mais heureux. Ma mère possède son agence de voyages depuis toujours et mon père est retraité ; il était un fonctionnaire malheureux. Ils se sont rencontrés dans le bureau de ma mère, elle était alors employée dans sa présente agence. Elle avait vingt-six ans, lui trente. Papa surmontait un chagrin d’amour. Il voulait s’évader, voir du pays, et il a décidé d’aller à Atlantic City. C’est bien connu, quand on veut découvrir le monde, c’est à Atlantic City que ça se passe. Tu me crois maintenant quand je te dis que mes parents sont quétaines ? Ma mère a subtilement décidé de partir le même jour que lui, par le même avion. Elle a aussi débarqué dans le même hôtel. Tout ça, dans le but de mieux servir ses clients, évidemment. Le lendemain de leur arrivée, Thérèse se baladait tranquillement sur la plage, quand elle s’est pris les pieds dans des sables mouvants. Elle a été engloutie en dix secondes. Comme mon père aime le rappeler, tout ce qu’on voyait de loin c’était un énorme chapeau flottant à la surface et une chemise fleurie s’enlisant. Armé d’une bouée, Gaston a sauté dans la mer, juste avant de se souvenir qu’il ne savait pas nager. Il fut à son tour projeté dans le ventre des sables mouvants. À ce moment précis, il a juré à la vie que si elle les épargnait il ne laisserait plus jamais Thérèse faire un pas sans lui. Les secours sont arrivés. Moi, je suis arrivée neuf mois plus tard. As-tu déjà entendu le récit d’une rencontre plus romantique ?

    Comment t’as pu trouver

    Un homme qui n’a pas peur

    Qui promet sans trembler

    Qui aime de tout son cœur

    J’le disais y a longtemps

    Mais pas d’la même manière

    T’as d’la chance maman

    Le plus fort c’est mon père

    Le plus fort c’est mon père

    Lynda Lemay

    Quand j’y repense, je me dis que c’est bien normal que je sois célibataire. Ce genre de conte de fées ne passe pas deux fois dans la même famille. Je crois que leur histoire a grandement contribué à l’illusion que je me fais de l’amour. Plutôt que de m’encourager à croire que le couple est possible, ça produit l’effet contraire. Je vis en parfaite harmonie (la plupart du temps) avec mon célibat. On ne se chicane jamais, on ne se tombe par sur les nerfs. Tout va bien ! Quand j’observe mon père et ma mère, j’admire l’amour qu’ils nourrissent encore au quotidien. Et là, je me mets à délirer. Si, inconsciemment, je l’attendais, mon prince charmant ? Freud dirait sans doute que je recherche mon père dans mes relations. FRAN-CHE-MENT. Admettons que je voudrais un chum, moi, tout ce que je demanderais, c’est de le rencontrer normalement. Je ne voudrais pas qu’il me sauve la vie. Tu imagines la pression pour que ça réussisse ? Si je voulais un chum, je me verrais bien le rencontrer à l’épicerie, en choisissant mes piments. Une histoire banale, mais qui me rendrait fière. Mais bon, la question ne se pose pas, je ne veux pas de chum. Du moins, pas pour l’instant.

    .

    Quand j’ai eu sept ans, mes jumeaux sont nés : David et Daphnée. Comme ma mère était très prise par son agence de voyages, je suis rapidement devenue leur deuxième maman, c’est pourquoi ils sont MES jumeaux. Pour moi, c’était tout naturel. Je les aimais tellement. Je les aime encore autant, mais la différence d’âge et la distance nous ont rattrapés. Tu sais cette impression d’être le sixième doigt de la main ? Elle ne m’a jamais quittée. Ils se complètent si bien, ils sont un tout et n’ont pas besoin de plus. À l’adolescence, je me suis rebellée contre eux. Je ne leur adressais plus la parole. Bon, ça a duré cinq jours et ils ne comprenaient pas pourquoi j’étais fâchée contre eux. Pour moi, c’était important d’exprimer mon individualisme non choisi. J’imagine qu’en amitié, j’ai voulu reproduire ce modèle. J’ai toujours recherché mon complément. Fred, c’est plus qu’une amie, c’est une âme sœur, un peu comme une jumelle. L’amitié fusionnelle peut ne pas paraître saine pour certains ; pour moi, c’est synonyme de sécurité. Je sais exactement comment elle réagira et comment moi je dois réagir pour éviter les catastrophes ou pour les provoquer. Nous complétons les phrases l’une de l’autre. Tu ne nous as jamais rencontrées si tu ne crois pas en la télépathie. Bref, en Fred, j’ai trouvé ma Daphnée ou mon David.

    David, c’est le phare de la famille. Monsieur Mathéma-tiques. C’est un bonheur d’avoir un comptable dans la famille. On peut toujours compter sur lui, sans mauvais jeu de mots. Il est toujours le premier à rendre service. Le fait d’avoir eu deux sœurs l’a rendu très protecteur. Il a appris très jeune à être attentionné envers les filles. David et moi, on se ressemble peu : il ne voyage pas, est très casanier et sa maison est un vrai terrain de jeu : table de billard, table de baby foot, toutes les consoles de jeux vidéo, machine à pop-corn grandeur immense, cinéma maison, écran géant… Tout pour avoir la vie la plus parfaite, en direct de son sofa. C’est le genre à envier les vendeurs des magasins électroniques : ils sont les premiers à connaître les nouveaux gadgets (et en plus, ils ont des rabais). Si David recevait en cadeau des billets d’avion pour faire le tour du monde, il ne saurait pas quoi en faire. En fait, il les donnerait sûrement à sa grande sœur ⁶.

    Quand elle a eu dix-huit ans, il y a cinq ans, elle a participé à un programme d’aide humanitaire en Afrique. Depuis, elle a décidé de s’investir dans sa propre communauté. Elle a réalisé, en Afrique, qu’il valait mieux aider son prochain que partir au bout du monde, pour aller aider le prochain des autres. Elle n’a ni micro-ondes ni lave-vaisselle et sa télé est un des vestiges poussiéreux du sous-sol de David. Elle écrit des guides de simplicité volontaire et les distribue dans sa communauté. Oui, ça peut être complexant de se retrouver à ses côtés. J’ai parfois été jalouse, mais elle est si pure et vraie. On ne peut lui en vouloir plus de deux minutes.

    J’admire la facilité de vivre de mes jumeaux. Le bonheur semble avoir été inventé le jour où ils sont nés. Ils habitent tout près de chez mes parents, dans un village de Lanaudière, près de la petite ville où j’ai passé mon adolescence. Le genre de ville où les voisins gonflables poussent aussi vite que le gazon, toujours plus vert de l’autre côté de la clôture. Je ne me suis jamais sentie chez moi dans cette ville du 450 où tout le monde se connaît. Où les gens se considèrent urbains. Quand, dans ton « centre-ville » ça sent tellement le fumier que ça finit par goûter, je m’excuse, mais on est loin de la mégapole. Bref, mon frère et ma sœur vivent proche des parents. Ils prennent soin d’eux et me laissent la liberté d’habiter loin. Dans leur patelin, l’ancien mien, les jumeaux sont de vraies vedettes. Daphnée a une patience exemplaire et comme elle donne des cours de toutes sortes, elle a enseigné à la moitié du village. Mon frère, lui, connaît les moindres réussites ou soucis financiers de tous ; c’est Monsieur-rapports-d’impôt. Quand je pense à eux, je pense inévitablement à leurs conjoints, aussi bien assortis qu’eux. C’est un quatuor du tonnerre : ils se font des BBQ l’été et partent en expédition de motoneige l’hiver. On peut vraiment dire qu’ils ont reproduit le modèle familial reçu. En leur compagnie, je l’admets, la pression est forte. Si je me prends au jeu des comparaisons, j’en ai pour des semaines à manger des litres de crème glacée, à même le pot.

    Je me relis et j’ai peur que tu te prennes à détester mes jumeaux. Ils peuvent paraître « trop » : trop parfaits, trop heureux, mais en plus, ils sont trop fiers de leur grande sœur et ça, ça me fait fondre le cœur. Ils sont contents d’avoir une sœur moderne, prenant sa vie au grand galop, n’attendant après rien ni personne pour que les choses se passent. Nous sommes si différents tous les trois. J’ai longtemps pensé que nous n’avions pas le même père. Ils sont grands, blonds aux yeux bleus et moi, je mesure 1,60 m, j’ai les yeux bruns et la dernière fois que j’ai vu la couleur naturelle de mes cheveux, ils étaient d’un châtain terne sans vie. Ma mère n’aurait jamais réussi à nous cacher ce secret. Elle serait plutôt du genre à nous sortir, pendant le souper, un mardi soir : « C’est une nouvelle recette de potage aux carottes et gingembre. À propos, les enfants, est-ce que je vous ai déjà dit que j’ai trompé votre père avec un de mes collègues dans un congrès à Venise ? C’est une vraie chance. Sans cette petite aventure, Daphnée et David ne seraient pas dans notre vie. » C’est peut-être Paul, son partenaire d’affaires, le père des jumeaux ? Impossible, Paul est roux. À moins que JE ne sois l’adoptée ⁷ ?

    7 février 2008 )

    Montréal, il fait trop froid, mon thermomètre est cassé.

    MÉLANCOLIE végète dans son bureau.

    OK, ça fait quoi ? Six mois que je suis célibataire ? Je n’ai même pas croisé un gars intéressant depuis ce temps-là. Sais-tu quoi ? Ça ne me dérange pas (trop). Le célibat, c’est un sacré cercle vicieux. Tu le vis ou l’endures. Tu l’apprécies ou le détestes. Une journée, tu te sens libre, l’autre journée, tu fantasmes sur la routine dans le couple. En ce moment, ça va bien. Mais l’impression de ne pas être normale est persistante. Parce que je suis célibataire, je devrais être à la chasse, ou réceptive. Le nombre de fois où je me fais dire que la solitude doit être lourde à porter… En ce moment, ça va bien. Mais peut-être que la semaine prochaine, j’aurais envie de dormir à côté de quelqu’un. Quand j’en parle à ma sœur, j’ai droit au classique :

    — C’est quand tu ne cherches pas, que tu trouves.

    Peut-être. Mais nous sommes en 2008. Qui rencontre encore normalement, en 2008 ? Ce à quoi ma mère répond :

    — Qui te parle de rencontrer normalement ? Va sur Internet !

    Elle viendrait de découvrir une nappe de pétrole dans son jardin qu’elle aurait le même ton. Internet. Mais oui, il fallait y penser ! L’amie d’une voisine a rencontré l’homme de sa vie sur Internet. Je suis très cynique à ce sujet. Malgré moi, je finis quand même par me faire avoir. J’embarque dans leurs histoires et me dis qu’il vaut mieux commencer à chercher. Comme dirait ma mère, tout d’un coup que je le rencontrerais, LUI. Tu sais amie lectrice, le LUI qu’on attend si longtemps ? Si jamais il existait ? Je suis lucide, ce n’est pas dans mon salon de Lachine que je vais le croiser. Je ne suis pas fière de te le dire. J’ai cédé. Je. Ne. Sais. Pas. Pourquoi. Le. Lobbying. Familial. Sans. Doute. Jemesuisinscriteàunsitederencontres. Juste pour voir. Je ne cherche pas l’homme de ma vie, c’est très clair. Il faut voir l’expérience comme une thérapie. Je pourrais passer des heures coûteuses dans le bureau branché d’un thérapeute. Il me dirait que je n’ai pas confiance en moi. Vraiment ? Je le sais, ça fait vingt-neuf ans que je vis avec moi ! Je sais que je possède tous les atouts pour séduire. Maintenant, aussi bien en faire un objectif personnel. Je vais rencontrer des gars, coûte que coûte. Ne serait-ce que pour prouver à la terre entière que j’ai le choix de rester célibataire, si je le veux.

    La reconnaissance de mon potentiel de fille fatale est inexistante dans ma vie. Tu l’avais peut-être deviné. Je me demande d’où ça vient… Bonjour le sarcasme, je sais très bien d’où ça vient : des jeunes morveux au primaire. Ils arrivaient chaque jour avec un nouveau surnom « super cool ». Dans ma tête, ça sonnait plutôt comme une insulte encore plus méchante que celle de la veille. Si au moins ils s’en étaient pris à mon nom, j’aurais compris, mais ils étaient sûrement trop débiles pour en connaître la signification, alors ils s’inspiraient de mon physique. Manque d’originalité totale. Ne va pas croire que je les laissais faire et que je me morfondais seule dans mon lit, la nuit venue. Bon, ok, je dois avouer que je me morfondais, seule dans mon lit, la nuit venue, mais c’était plus parce que j’avais peur qu’un bandit entre par la fenêtre de ma chambre.

    Pour en revenir à nos morveux, chaque fois qu’on me lançait une insulte, je la prenais et la transformais en écaille. De toutes petites écailles fines et tranchantes servant à me bâtir une belle carapace. Une fois la carapace construite, les insultes ont commencé à rebondir et retournaient aussi vite à l’expéditeur. À défaut d’être la reine de la cour d’école, je suis devenue la reine des répliques assassines. Si je vivais mon enfance aujourd’hui, mes parents m’auraient envoyée m’allonger sur le sofa d’un psychologue réputé pour sauver les enfants de leurs tourments. Comme ce n’était pas la mode en 1986, j’avais droit aux répliques classiques parentales du genre : « Ne les laisse pas te parler comme ça ! Montre-leur que tu es plus intelligente qu’eux. » Ou la fameuse : « Tu vas voir, un jour, tes faiblesses seront tes forces. » Un jour… un jour… un jour… Bien facile à dire ça « un jour… » Vingt ans plus tard, je l’attends toujours ce « un jour ».

    10 février 2008

    Montréal, le thermomètre n’a toujours pas ressuscité.

    MÉLANCOLIE entretient son état végétatif, dans son bureau.

    Depuis trois jours, j’explore le réseau de célibataires. Ça ne m’a pas pris beaucoup de temps pour comprendre que le marché des réseaux de rencontres, c’est vide de sens et plutôt déprimant. Moi, je me suis forcée pour écrire ma fiche. J’ai vérifié mes fautes d’orthographe et j’ai même pris le temps de faire des blagues. J’aurais dû consulter les fiches des gars, avant. À croire que tous les célibataires de Montréal sont attentionnés, drôles, aiment les soupers à deux ou entre amis, le bon vin et l’escalade. Depuis quand l’escalade est devenue une bonne ligne pour cruiser ? Mentalement, fais le tour de tes amis, tous sexes confondus. Tu en connais combien des célibataires adeptes d’escalade ? Passons.

    Après avoir jasé avec bon nombre d’imbéciles, un gars m’envoie un message instantané. Je m’empresse d’aller regarder sa photo. OMIGOD, la surprise ! Le sosie de Stéphane Archambault, en veston Armani à cinq mille dollars. Non mais, je rêve ? Ok, ok, confiance, confiance, je suis Audrey Hepburn ⁸. On clavarde un peu et ma foi, il est beaucoup très intéressant. Bon, c’est un businessman et il n’a pas négligé d’écrire sur sa fiche « situation financière aisée ». Peut-on faire confiance à un businessman ? Euh… non ! Pour moi, ils sont tous dans la catégorie des-beaux-requins-aux-sourires-effilés. Ils n’ont jamais assez de compliments à ton égard, de clients et de contacts.

    Businessman dit :

    Ça te tenterait d’aller prendre un café cette semaine ?

    Oh oui, oh oui. Même si c’est un escroc, je ne peux pas refuser. D’un coup que ce serait le plus beau gars que je rencontrerais de ma vie ? Colie, tu es pathétique.

    Mélancolie dit :

    Bonne idée. Pourquoi pas jeudi ?

    Businessman dit :

    Hiiiiii, jeudi c’est la Saint-Valentin et je vais souper avec ma mère.

    Mélancolie dit ⁹ :

    Mélancolie dit qu’elle voudrait fondre dans son clavier pour disparaître à jamais dans l’univers cybernétique, quelque part derrière la touche delete. Maintenant, il doit se dire que je suis une romantique finie ne pouvant rester seule un soir de Saint-Valentin. Ou pire, il pense être tombé sur une blasée frustrée qui ne fait pas de différence entre le 14 février ou le 28 mars.

    Businessman dit :

    Mais mardi, ça serait bon.

    Parfait gentleman, je te disais.

    Mélancolie dit :

    Vite, vite vite, ça me laisse peu de temps. Voyons voir, nous sommes dimanche. Grosse planification en perspective avant de rencontrer le sosie en Armani : coloration, nouvelle coupe, épilation. Il faudrait bien que je me trouve un nouveau kit sexy. Si j’ai le temps, peut-être une ou deux petites liposuccions, aussi ? Merde. Je vais manquer de temps. Je m’enligne pour un café qui va me coûter combien, douze mille dollars ? Bon, je remplace la liposuccion par un manucure. C’est ça, des ongles impeccables, ça va me donner confiance.

    J’ai conscience d’être complètement déprimante. C’est tout moi, ça : je suis certifiée pathétique. Ça fait treize pages que j’ai mal au cœur. Mal au cœur de devoir me décrire physiquement. Quand les gens se décrivent, ça me tombe sur les nerfs. Habituellement, quand ils disent : « je suis comme ça, un peu comme ci, mais tellement pas comme ça », c’est toujours le contraire de ce que je pense. Si je pouvais, je repousserais le moment jusqu’à la dernière page, jusqu’au mot FIN ¹⁰ et tu te serais fait ta propre interprétation. Comme je ne veux pas que tu me voies pire que je suis, va bien falloir que je me lance. Et puis non, pourquoi je devrais me lancer ? J’ai toujours pensé que les non-voyants devaient avoir un monde imaginaire tellement intéressant. Ils ne peuvent pas se baser sur une impression physique ou sur le langage corporel… Je me demande jusqu’à quel point ils ne saisissent pas mieux que nous la vraie nature d’une personne ?

    Je suis qui, moi, pour me décrire ? Bon, je sens que tu es en train de t’impatienter, mon futur éditeur aussi. Disons que je me situe quelque part entre France Beaudoin et Sonia Vachon, entre Mahée Paiement et Ginette Reno. Je suis en santé, je n’ai aucune déformation physique, j’ai des cheveux et tout ce qui vient avec : des seins, des épaules et même des avant-bras. Wow, n’est-ce pas sensationnel ? Même si je te disais que je voudrais être plus ceci ou moins cela, tu te ferais une idée différente à mon sujet ? De toute façon, si je te disais que j’ai des tout petits seins, tu me répondrais que j’ai de la chance, parce que les tiens sont énormes et te donnent mal au dos. Si je te disais que j’ai des kilos en trop, tu me répondrais que j’exagère. Si je te disais que mes cheveux sont moyens, tu me dirais : « Bien au contraire, ils sont soyeux, beaux et tu peux tout faire avec ta tête, toutes les couleurs te

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