Le Crépuscule des Normidons
Par Sergio Llanes, Sue Burke et Ediciones Dokusou
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À propos de ce livre électronique
Après trois mille ans sous le règne de la dynastie des Sforza, les fondements de l'Empire Aurien semblent s'effondrer. La rébellion d'Auvernia et la présence inquiétante des pillards barbares aux frontières font craindre le pire.
Le général Antonius Sforza, premier-né de l'empereur Valentinus III, est celui qui a été choisi pour mettre fin à la résistance des Auverniens et partir en campagne en commandant ses puissantes légions.
Pendant ce temps, l'empereur est à peine capable de dormir. Allongé dans son palais de Majeria, sous la protection de son indéfectible garde normidonne, il se méfie même du Sénat présidé par son frère Claudius.
La force de l'Empire Aurien a été la clé pour que le monde antique reste pratiquement inchangé avec le temps. L'hégémonie des Sforza a duré trop longtemps et beaucoup demandent un changement dans l'ordre établi. Mais cette décision ne concerne pas seulement les hommes; des êtres oubliés sont cachés entre les deux mondes. Les choses ne sont pas toujours ce qu'elles semblent être à Auria.
Sergio Llanes
Nota do Autor Começarei com algumas informações para ajudar o leitor a entender o mundo no qual ocorrem os eventos do primeiro romance da saga. Antes de tudo, tenho que dizer que desde a infância fui um menino que sonhava. Sempre fantasiei que um único lugar poderia ter diferentes planos de existência e imaginei todo tipo de culturas, civilizações e aventuras ocorrendo em paralelo ao mundo real em que vivemos. Isso permite que eu localize os eventos do meu romance na geografia da Europa, África e Ásia, como se todas as histórias estivessem acontecendo em um desse planos que existiriam em paralelo ao nosso mundo. O leitor vai descobrir que algumas das culturas do primeiro episódio da saga correspondem a culturas que realmente existiram e respeitam algumas de suas tradições e costumes, já que tentei procurar um ponto de referência para recriar seus habitantes do modo como eu os via. Em segundo lugar, devo dizer que minha paixão pela Roma antiga me levou a criar o Império Auriano como um reflexo do esplendor daquela magnífica civilização. Muitos dos costumes e da terminologia dos aurianos são bem semelhantes aos dos romanos, usando o mesmo sistema de tempo e um calendário semelhante, e também uma organização militar bem comparável. Por outro lado, assim como na civilização romana, a vastidão dos domínios do Império Auriano também constituía um de seus maiores problemas. Essa vastidão de território era difícil de ser controlada com eficácia na época em que ocorre o primeiro romance. Por fim, quero falar um pouco da linha do tempo. No âmbito desta fantasia medieval, o Ano Zero é um ponto de referência que assinala um acontecimento muito importante na história de Áuria. Do mesmo modo que na linha de tempo contemporânea do mundo ocidental o Ano Zero assinala o nascimento de Jesus Cristo, na Saga das Lágrimas de Gea, o Ano Zero assinalava a ascensão da dinastia Sforza ao poder. Seu domínio durou
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Aperçu du livre
Le Crépuscule des Normidons - Sergio Llanes
LE CRÉPUSCULE DES NORMIDONS
Première partie de la saga Les larmes de Gaia
Sergio Llanes Romera
Traduction de Javier Gómez Tejeda
Dessin de couverture : Jorge et Manuel Rodríguez Morán
Mappe d´Auria : Jorge et Manuel Rodríguez Morán
Remerciements
À ma chère épouse Isabel et à ma petite Rocío, pour être la source de mon bonheur.
À mes éditeurs, Asun Martín et Raúl Gómez, pour leur excellente orientation littéraire.
À Paco et Carmen, dont le parrainage a rendu possible que mes livres soient traduits de l´anglais par Sue Burke, exceptionnelle écrivain et traductrice américaine.
À l´écrivain et correctrice des épreuves de Canal Literatura, Elena Márquez, pour un travail qui n´a pas pu être dépassé. Tu es géniale !
À Manu et Jorge, nos géniaux illustrateurs, pour avoir partagé leur talent illimité avec le projet.
À Víctor Mirete, Alexander Copperwhite et tous mes collègues de Palin.
Au bon écrivain Lawrence Schimel qui nous a mis en contact avec Sue.
À Ginés Bernal, l´ « alchimiste de la web ». Tu es un as et tu le sais !
À mon avocat et grand ami Javi Ferrer, de son padawan préféré. Ne changes jamais, maître !
À David Torres et Nacho Moñino, pour l´excellent travail qu´ils ont réalisé pour préparer la mappe d´Auria.
À Luisa Núñez, président de Canal Literatura, à l´écrivain Antonio Marchal-Sabater et à Amelia Pérez de Villar pour le support inconditionnel qu´ils m´ont donné.
À mon extraordinaire groupe de premiers lecteurs : Miguel Ángel du groupe « El Cepo », Tommy de Jaén, Manu, Jorge, Armando Moreno, Juan Honesto, Nacho Moñino, Isabel, Tomás Pérez Gil, David Torres, Fabio, Jesús Carillo, Alex Díaz, Tao, Manolo, Giuseppe Skynet, Ginés, Raúl, Inma, Lola, Gabi et Estrella.
À Shinobi d´Alcantarilla, Emilio de la Press Workshop et toutes les librairies qui m´ont supporté.
À l´École San Pablo CEU de Molina pour ses magnifiques professeurs.
À ma famille et mes amis. Vous êtes inestimables !
In memoriam de Clemente Romera Navarro, mon grand-père et la personne la plus admirable que je n´aie jamais rencontrée, de don Adolfo, mon mentor et ancien proviseur de mon école, d´Úrsula Mol, qui m´a toujours traité comme un autre de ses fils, et de mon grand ami José Luis Hernández Estaca.
J´aimerais que vous fussiez ici et que vous pourriez lire mon œuvre.
Mappe
+d´info : http://laslagrimasdegea.com/map/
Notes de l´auteur
Je commencerai en donnant quelques informations pour aider le lecteur à comprendre le monde où se déroulent les événements du premier roman de la saga.
Tout d´abord, je dois dire que, depuis mon enfance, j´ai été un garçon qui rêvait. J´ai toujours fantasmé qu´un seul endroit pouvait avoir différentes sphères d´existence, et ainsi j´ai imaginé toutes sortes de cultures, de civilisations et d´aventures parallèles au monde réel dans lequel nous vivons. Cela m´a permis de situer les événements de mon roman dans le cadre géographique de l´Europe, de l´Afrique et de l´Asie, comme si toutes les histoires se passaient dans l´une de ces sphères qui existaient parallèlement à notre monde. Le lecteur découvrira que certaines des cultures du premier épisode de la saga correspondent à des cultures qui ont vraiment existé et respectent certaines de leurs traditions et coutumes, puisque j´ai essayé de chercher un point de référence pour récréer leurs habitants comme je les vois.
Deuxièmement, je dois dire que ma passion pour l´ancienne Rome m´a poussé à créer l´Empire Aurien comme un reflet de la splendeur de cette magnifique civilisation. Beaucoup de coutumes et de termes auriennes sont très similaires à celles des Romains, qu´utilisaient le même système de temps et un calendrier similaire, ainsi qu´un schème d´organisation militaire qui peut être très facilement comparé à ce des Romains. D´autre part, tout comme avec la civilisation romaine, la taille des vastes domaines de l´Empire Aurien est également l´un de ses plus grands défis. Ces vastes extensions de territoire sont difficiles à contrôler efficacement dans les temps où le premier roman a lieu.
Finalement, j´aimerais parler de la chronologie. Dans le cadre de cette fantaisie médiévale, l´année 0, en tant que point de référence, marque un événement important dans l´histoire d´Auria. De même que l´année 0 de l´époque contemporaine occidentale marque la naissance de Jésus-Christ, dans la saga des Larmes de Gaia l´année 0 marque la montée au pouvoir de la dynastie des Sforza. Sa domination dure plus de trois millénaires, jusqu´aux intrigues qui déclenchent les événements du roman en l´année 3142 sous le règne de Valentinus III, le 69e empereur de la longue dynastie des Sforza.
LIVRE IER
Prologue
Villa du Sénateur Guerini
Au début de l´automne, à un peu plus de cinq lieues de Majeria[1], le célèbre Sénateur Claudius Sforza avait convoqué la plupart des membres du Sénat pour assister à un conclave secret. Il n´a agi derrière le dos de l´empereur que par précipitation, pour résoudre une crise qui avait mis en péril le puissant Empire Aurien.
Le lieu de la réunion était la villa appartenant au Sénateur Guerini, membre de l´une des sept prestigieuses familles qui avaient fondé Auria il y a quatre millénaires. Le domaine était situé relativement près d´une route principale, l´une des nombreuses routes qui reliaient un bout de l´empire à l´autre.
Deux colonnes de marbre couvertes d´une épaisse couche de mousse se dressaient de chaque côté de l´entrée de la villa. En pénétrant de plus en plus dans le domaine, le trottoir était divisé en deux routes étroites. Celle à droite conduisait directement au manoir du sénateur, une énorme structure grise qui se voyait au loin avec des rangées d´arcs et colonnes décorant sa façade. Celle à gauche était flanquée d´une variété d´arbres, parmi lesquels il y avait des chênes, des érables et des hêtres. Leurs feuilles baignaient le terrain avec leur gamme spectaculaire de couleurs : brun, rouge intense, orange et jaune ocre.
Au centre de cette grande forêt, caché sous l´ombre, se dressait un énorme bâtiment circulaire couvert de marbre couleur ivoire veiné de travertin vert qui le camouflait dans les bois. Un cadre de colonnes s´élevait au plafond devant une large porte donnant sur l´intérieur, et les colonnes se tordaient sept fois pour rappeler les sept familles qui avaient fondé Auria. Au-delà du seuil, une série d´escaliers menait à une salle lumineuse de marbre blanc brillant, couronnée par une voûte hémisphérique.
L´intérieur de la grande salle était construit pour représenter la forme traditionnelle d´une curia, avec une tribune élevée sur la droite faisant face à une double rangée de sièges. Les sièges supérieurs étaient réservés aux invités les plus illustres.
Un après l´autre, les sénateurs entrèrent et prirent place dans les fauteuils de chêne. Parmi les plus importants, outre le sénateur Bernardus Guerini, se trouvaient les autres six descendants des familles qui avaient fondé Auria : Henricus Cosato, descendant direct du premier roi d´Auria ; Franciscus Dacua, membre de l´une des familles les plus riches de l´empire ; Aentius Giovanni, Cornelius Belluci, Hector Pisanni et Filippo Mattia.
Tous notèrent l´absence du sénateur Franciscus Ceron, l´un des grands hommes d´Auria à la fois pour ses réalisations militaires et politiques et pour son sang impérial. La famille Ceron occupait une place prépondérante dans la politique aurique depuis plus de mille ans, dès que le grand Ceron Sforza, « le Conquérant », vainquit les Turkhan d´Heraclia lors de la grande bataille de Balmipolis et fut récompensé par son frère, l´empereur Antonius IV. Il devint le prince de la province d´Heraclia et son propre nom de famille fut officiellement reconnu.
Le dernier à entrer fut le sénateur Claudius Sforza, dont les caractéristiques majestueuses étaient soutenues par le poids et la vigueur. Quand il entra, l´expression de son visage arrêta momentanément les murmures de ses collègues, et un silence sépulcral emplit la pièce. Tout le monde retenait leur souffle, en attendant qu´il occupe la place qui lui était due pour sa lignée et qu´il annonce pourquoi il les avait convoqués là. Lentement, il descendit le tapis rouge qui menait à la tribune. La lumière du soleil qui brillait à travers les fenêtres l´illuminait, montrant qu´il avait conservé son élégance habituelle malgré son âge avancé. Il avait des gros sourcils droits, une barbichette parfaitement parée, devenue tout à fait blanche au fil du temps, un nez aquilin sur une longue bouche fine, et des yeux froids et cruels qui, pris ensemble, le rendaient fort et déterminé.
S´ils reculent maintenant, ils en subiront les conséquences, pensa Claudius. Mais non, ils ne le feront pas. Ils ont autant à perdre que moi. Ses yeux rencontrèrent ceux de Bernardus Guerini et de Franciscus Dacua. Ils le répondirent avec un bref signe de la tête et un sourire complice.
« Chers collègues du Sénat, » commença Claudius d´une voix puissante qui résonna dans tous les coins de la grande salle en levant le bras pour réprimander ceux qui avaient osé rompre le silence. « Bien que certains d´entre vous puissent essayer de le cacher, vous connaissez tous la raison qui m´a amené à vous convoquer ici ce soir, si loin de la curia destinée aux réunions formelles de notre illustre chambre. L´empire est malade ! » Il regarda chaque sénateur dans les yeux. Son regard pénétrant était plus profond que ses mots. Après une brève pause, il continua.
« Malheureusement, depuis que l´Impératrice nous a quittés, mon frère semble être inconscient des graves problèmes qui dévastent les vastes extensions d´Auria et qui sans doute la dévoreront de l´intérieur si nous ne trouvons pas de solution à temps. Vous savez tous aussi bien que moi que cela fait un mois que notre empereur ne se fait voir en public, et qu´il permet seulement son valet de chambre, son médecin, le commandant de sa garde personnelle et un seul serviteur de confiance de lui rendre visite, et qu´il a de plus en plus négligé les problèmes qui menacent de faire tomber les fondements de notre pays. »
Certains sénateurs osèrent marmonner entre eux.
« Silence ! » beugla Claudius. « Je n´ai pas fini. Vous devriez savoir que mon frère envisage de réclamer les privilèges des principales familles qui président notre illustre chambre, en plus d´inclure plus des familles au Sénat, parmi lesquelles certaines d´origine plébéienne. Tout cela a été suscité par l´un des sénateurs qu´aujourd´hui sont absents de cette salle : mon cousin Franciscus Ceron. »
« C´est inacceptable ! » cria le sénateur Dacua. « Je n´ai aucune intention de tolérer qu´un plébéien s´assisse à mes côtés ! »
Beaucoup d´autres sénateurs ajoutèrent leurs protestations.
« Chers collègues ! » cria le sénateur Guerini, hôte de la réunion. « Laissez Claudius continuer. »
« Merci, Bernardus » répondit Claudius, et il laissa suffisamment de temps pour que son message pénètre le public. « Le sénateur Ceron a remarqué, comme moi, l´état fragile de l´esprit perturbé de l´empereur. Mais contrairement à moi, il veut en profiter pour ses propres intérêts, peu importe le prix que nos gens devraient payer. Auria saigne chaque seconde que nous passons à nous regarder, impassibles et incapables de réagir. Le moment est venu de prendre des décisions drastiques. »
Tandis que Claudius Sforza parlait, il scrutait chaque visage dans la salle, à la recherche de n´importe quel geste, regard ou signe qui pourrait montrer qui était avec lui et qui était en désaccord avec un seul des mots qu´il a prononcés. Il repéra facilement son détracteur principal, qui ne faisait aucun effort pour cacher ses pensées. Le sénateur Cosato ne pouvait pas croire ce qui était en train de se passer dans la salle, et il regardait avec perplexité le chef de l´ancien conseil.
« Qu´insinuez-vous, Claudius ? » demanda le sénateur Cosato. « Choisissez vos mots prudemment. Déjà le simple fait que vous nous ayez convoqués ici sans en informer l´empereur pourrait être considéré comme une trahison. En dépit de cela, nous sommes venus par considération envers votre réputation et envers les liens de famille qui vous relient à la dynastie impériale, disposés à écouter. L´empereur nous a toujours guidés avec sagesse, tout au long de son règne. Souvent, le Sénat lui-même était en désaccord avec ses décisions, mais à la fin le passage du temps a montré qu´il avait raison. Je ressens la même chose pour le sénateur Ceron, et il m´est difficile de le voir comme ennemi de l´État. Ne vous méprenez pas, je ne doute pas de vos bonnes intentions, mais souvenez-vous que notre seul devoir est de conseiller notre empereur et d´accepter ses décisions, quelles qu´elles soient. »
Un mélange de murmures et d´applaudissements traversa l´improvisée salle de réunion, mais immédiatement le sénateur Sforza rétablit l´ordre avec un coup dur sur la tribune où il se trouvait.
« Silence ! » cria-t-il. « Je sais que vous avez tous la même question. » Une pause emplit l´aire de tension, comme il l´avait prévu, et il continua à briller au soleil. « Je me suis posé la même question avant de réaliser que la passivité ne ferait que ruiner notre pays. » Il fit de nouveau une pause pour reprendre son souffle. « Comme l´a dit mon estimé ami, nous vivons pour servir l´empereur, mais il y a un principe supérieur que Valentinus III ne peut même pas oublier et qui est encore plus haut de lui : l´empire lui-même. »
Cette fois, il s´arrêta assez longtemps pour montrer que la grande majorité le soutenait avec des mots qui résonnaient dans la salle et des gestes d´approbation. Bernardus Guerini et Franciscus Dacua avaient rempli leurs rôles en convaincant leurs partisans de soutenir le sénateur Sforza, qui leva la main jusqu´à ce que l´atmosphère fut à nouveau enveloppée dans le même silence fantomatique qui avait précédé son entrée.
« Vous savez tous aussi bien que moi que la révolte a commencé lorsque Auvernia a exigé l´autodétermination et l´indépendance. Cela a été rejeté grâce à l´intervention du Sénat, qui a arrêté notre empereur avant qu´il puisse accepter ses intentions pernicieuses. Si nous ne l´aurions pas amené à raisonner, combien de temps serait-il passé avant que les autres provinces ne se joignent à la même quête d´indépendance tandis que l´empire ne faisait rien ? »
Claudius fit une pause de nouveau, cette fois pour laisser son message tomber dans l´esprit des sénateurs et gagner plus de soutien.
« En outre, je sais en bonne autorité que mon frère envisage de changer le système des taxes et des frais ainsi que concéder certaines responsabilités à la province d´Auvernia pour faire la paix avec les rebelles. À court terme, il pourrait même parvenir à une paix réelle, mais à long terme ce serait le début de la désintégration d´Auria en tant que force hégémonique dans la terre où nous nous trouvons maintenant. Si de telles concessions arriveraient, aux yeux des barbares[2] cela montrerait juste notre faiblesse. Bientôt, nous serions immergés dans une guerre sanglante avec les Turkhan, les Dalvac, les Kazaks et les Nordiques, car seule la peur de notre force, de notre ordre et de notre union les a gardés sous contrôle jusqu´à maintenant. Ne doutez pas un instant que nos féroces ennemis n´hésiteront pas à attaquer nos frontières avec force et détermination, une fois qu´ils auront découvert notre faiblesse. Est-ce que c´est ça ce que nous voulons ? »
Personne ne répondit. Après avoir attendu quelques secondes, Claudius continua.
« Même l´empereur n´est pas au-dessus de tout, car il doit aussi loyauté à l´empire. Je considère donc qu´il est notre devoir d´agir immédiatement pour éviter que cela ne se produise. Personne n´aime mon frère plus que moi, mais au-dessus de cet amour, au-dessus de ma famille et de mes propres intérêts, c´est mon amour pour Auria ! » exclama-t-il avec de la rage contrôlée.
Le murmure emplit la salle jusqu´à ce que Claudius leva à nouveau la main pour montrer qu´il voulait continuer. Petit à petit, le silence retomba.
« L´empereur a rendu de grands services à notre peuple pendant des nombreuses années, et on se souviendra toujours de lui pour cela. Mais récemment il semble avoir perdu le bon sens, comme le montrent ses intentions politiques et économiques actuelles. Avec le cœur plein de douleur, je vous dis que mon frère veut livrer Auria aux mains de nos ennemis, et je n´ai qu´un nom pour cela : traître ! »
Les voix s´élevèrent à ce qu´il avait osé appeler Valentinus III. Quand le bruit recula finalement, Claudius continua.
« Le moment est venu d´agir. Nous devons éliminer l´empereur pour le bien d´Auria. Une fois qu´il sera mort, le pouvoir résidera de nouveau au Sénat comme il l´a fait dans le passé, à l´époque de l´ancienne République, avant que mes ancêtres n´avaient monté sur le trône. Qui d´entre vous est avec moi ? »
Avec cette question, Claudius étudia les réactions de ses collègues, un par un. Il avait conclu son adresse avec des mots mortels. Le soutien à sa cause semblait unanime, à l´exception de trois sénateurs assis près d´Henricus Cosato, qui avait refusé de s´asseoir parmi les sénateurs les plus illustres pour siéger parmi les autres. Mentalement, Claudius prit note des trois qui n´étaient pas d´accord.
Le sénateur Cosato avait écouté pensive et attentivement en silence, les yeux mi- ouverts, posant son menton sur ses longs doigts. La tension monta dans la salle comme une menace latente, rendant l´air difficile à respirer. Après quelques minutes de réflexion, un à un les membres de la salle levèrent la main pour soutenir la motion de Claudius. Il ne manqua pas de remarquer le changement d´opinion des trois sénateurs qui semblaient soutenir le sénateur Cosato et qui furent les derniers à se joindre à lui dans sa cause.
Ne pensez pas que vous pouvez me tromper, se dit-il.
Finalement, seul le sénateur Cosato resta ferme dans son opposition.
« Je ne peux pas croire ce dont je suis témoin. Avez-vous perdu vos sens ? La fin ne peut jamais justifier les moyens. Si la solution n´est pas de céder du terrain dans nos provinces, notre devoir est de persuader l´empereur et de ne jamais l´attaquer. Un tel acte détruirait toutes les valeurs qui ont formé notre empire. Je vous donne l´opportunité de vous rétracter de telle atrocité. Si vous ne le faites pas, vous ne me laissez pas d´autre choix que de rapporter vos intentions. »
Claudius répondit rapidement.
« Votre dévotion à nos lois et aux anciennes coutumes m´émeut, mais vous êtes simplement naïf. Votre ferveur pour mon frère a obscurci votre esprit. Nous devons voir au-delà de cela. Et pourtant, je ne peux pas vous obliger à suivre notre exemple. Vous êtes libre de partir quand vous le voudrez. »
Le doute assombrissant son visage, Cosato regarda autour de lui et, sans un mot en plus, s´apprêta à quitter la salle. Les trois sénateurs que Claudius avait remarqués plus tôt acquiescèrent brusquement et se levèrent pour l´accompagner vers la sortie.
Alors que Cosato était sur le point de tendre sa main pour ouvrir la porte, il sentit que quelque chose de froid et de pointu traversait la chair de ses côtés droites. Il leva son visage vers le plafond en plein douleur tandis que son hurlement terrifiant faisait tomber la salle en sourdine. Avec ses yeux grands et angoissés, il regarda en bas et resta bouche bée en tremblant quand il vit la pointe de l´épée qui émergeait de son corps. Il comprit alors que sa fin était venue. Il essaya désespérément de se retourner pour faire face à son assassin, mais, à cet instant, quelqu´un derrière lui attrapa son visage et trancha son cou. Le sang jaillit et éclaboussa la porte, et avec un dernier cri, il tomba sur ses genoux alors qu´il essayait de fermer la plaie avec ses mains.
Son corps s´effondra et sa tête heurta le sol. Le bruit de l´impact résonna dans la salle, intimidant les sénateurs qui étaient assis en silence, horrifiés. Leur vieux collègue gisait sur le sol dans une mare de sang en respirant son dernier souffle.
Ce n´est qu´à ce moment que les autres sénateurs remarquèrent une présence qui avait émergé de l´ombre comme si elle était elle-même une ombre. Enveloppé dans une cape de cuir noir et avec le visage partiellement couvert pour ne révéler que son vitreux œil gauche et une énorme cicatrice, l´assassin se pencha et essuya ses armes sur un coin de la tunique de soie blanche du sénateur. Sans scrupule ni rancœur, et avec une insensibilité qui glaça le cœur des spectateurs, il se fonda à nouveau dans l´ombre comme s´il faisait partie des ténèbres.
Claudius remarqua avec satisfaction comment la peur envahissait les sénateurs, leur terreur reflétée dans leurs visages, éliminant toute trace de doute.
« Est-ce que quelqu´un d´autre souhaite quitter la salle ou parler ? »
Personne n´a répondu.
« Quelqu´un ? » Encore une fois, Claudius fit face au silence. Vous êtes à moi, pensa-t-il. « Très bien. Il n´y a pas de temps à perdre », déclara-t-il avec autorité. « Nous devons nous dépêcher et exécuter le coup rapidement, pendant que nous avons encore le temps de sauver Auria. »
Le sénateur Guerini fut le premier à oser rompre le silence et accepter le défi de Claudius Sforza. Sans manifester la moindre peur malgré la brutale démonstration de force dont ils avaient tous été témoins, il marcha fermement jusqu´à ce qu´il se trouva à dix pas de Claudius.
« Je suis complètement d´accord, mais il y a un petit détail que je n´arrive pas à comprendre. Comment pourrions-nous le faire ? »
Claudius sourit, satisfait.
« Nous devons essayer de le séparer de la Garde des Normidons », dit-il. « Une fois que nous aurons fait cela, le reste sera facile. Donnez-moi quelques jours pour savoir comment, et ensuite nous agirons. J´accepte la responsabilité de prendre la vie de mon frère. Étant donné que nous sommes proches et qu´une affection mutuelle nous unit, il sera facile de trouver une bonne opportunité. Quand le moment sera arrivé, aucun témoin ne devra survivre pour le raconter. Pour être sûrs que nos familles soient à l´abri de la colère de l´empereur si, finalement, notre plan échoue, j´ai pris la liberté de placer vos fils premiers-nés sous ma protection et sous la vigilance attentive de quelques hommes en qui j´ai pleine confiance. »
Claudius laissa tomber le silence pendant un long moment. Aucun des sénateurs ne fit des commentaires sur sa menace voilée. Ils étaient dans ses mains, et ils n´avaient d´autre choix que d´espérer que le dangereux plan du frère de l´empereur réussisse. Sinon, ils subiraient tous la même sorte.
Cette fois, ce fut le sénateur Filippo Mattia qui osa rompre le silence.
« Et qu´arrivera-t-il si le général Antonius Sforza ou Franciscus Ceron apprennent notre trahison ? Avec la majorité de l´armée de leurs côtés, nous n´aurions aucune chance contre eux. »
Voilà un autre lâche dont je vais devoir m´occuper, pensa Claudius Sforza.
« Ne pensez pas que j´aie oublié l´illustre Franciscus Ceron. Je vous assure que bientôt il ne représentera plus une menace pour nos intérêts. Et quant au général Antonius Sforza... ne vous inquiétez pas pour mon neveu. »
Chapitre 1
Snowburg, Royaume Nordique d´Icelung.
À l´aube par une belle matinée froide d´automne, les rues de Snowburg[3] étaient couvertes de congères fraîches. Cela aurait été surprenant dans cette période de l´année dans « les lointaines terres du sud », comme ses habitants appelaient Auria, mais pas pour les hommes et les femmes de ce royaume lointain, habitués comme ils l´étaient à profiter d´une blanche couverture de neige pendant presque toute l´année.
Les Islandais, comme s´appelaient les indigènes de l´île, étaient un peuple dur et endurci, craint par ses cibles. Les hommes et les femmes étaient instruis dans l´art de la guerre depuis leur plus petite enfance, en particulier dans le tir à arc et l´utilisation de l´épée longue. Ils faisaient de fréquentes incursions tout au long des côtes d´Anglia et d´Auvernia, et les pauvres paysans victimes de ces attentats s´enfuyaient habituellement par terreur de leur approche. En plus du pillage, la chasse et la pêche constituaient leurs principales sources de subsistance.
Ce n´était pas un jour quelconque pour les Islandais. C´était la veille de l´une de leurs cérémonies les plus sacrées : la première chasse de la saison du majestueux mammouth blanc, un animal originaire des royaumes nordiques qui avait disparu depuis longtemps, au-delà des confins naturels de leur île. Les enfants de la capitale du royaume couraient joyeusement à travers les longues rues, pleines de batailles de boules de neige remplies de rires, pendant que les adultes travaillaient régulièrement. Seuls deux enfants ne semblaient pas partager le bonheur général. Pour eux, cette date ne marquait qu´un douloureux souvenir.
« Voyons, mon frère, il me manque aussi » dit Skög Mörd à son frère Garkahür en lui donnant un petit coup sur l´épaule pour tenter de l´arracher de sa mélancholie. « Tu ne devrais pas te torturer de cette façon. Ce ne fut pas ta faute. En outre, notre père eut une mort digne d´un héros, une mort que tout guerrier islandais souhaiterait, avec une arme à la main en sauvant la vie de son roi. Hey, souris ! »
« Tu ne le comprends pas » répondit Garkahür. « J´aurais pu empêcher la mort du père. En outre, pendant ces jours-ci, il est vraiment évident que je n´appartiens pas à ton peuple et que je ne le ferai jamais. Ici, tout le monde me regarde toujours étrangement, et je ne les blâme pas. Je suis bizarre. Tous les autres enfants ont peur de moi. »
Une femme de constitution solide, avec des cheveux blonds abondants et épais, si pâles qu´ils semblaient presque blancs, apparut derrière eux. Elle s´approcha de Garkahür et lui donna un claquement retentissant.
« Ne dites ça plus jamais ! » cria Gilda. « Est-ce que tu m´entends ? Tu es mon fils tout aussi que Skög. Tu t´es nourri à mes seins comme lui et tu portes notre nom de famille. Alors, arrête de dire des stupidités, va avec ton frère et profites-en bien du festival. »
Gilda ressemblait au prototype de femme nordique, forte et dure comme un clou. Garkahür voulait pleurer, mais il réussit à contenir ses larmes en utilisant toute sa force et sa détermination. Il n´y avait pas de place pour la faiblesse, chez les Islandais.
« Pardonne-moi, maman. Je n´ai pas voulu t´offenser » confessa Garkahür avec honte. « C´est juste que papa me manque. »
« Il me manque aussi, ton père » dit-elle en tapotant les têtes des deux garçons. Puis elle resta là un moment sans rien dire de plus. « Maintenant sortez, jouez avec les autres enfants et n´osez rien faire pour déranger la fille du roi Elkjaer[4]. Aujourd´hui, c´est son douzième anniversaire, et vous êtes tous les deux invités par respect à la position que votre père avait quand il était vivant, en tant que skjöldur[5] du roi. Ne faites rien pour me faire honte. »
Les mots de Gilda ressemblaient plus à un ordre qu´a un conseil maternel. Elle regarda de sa cour arrière tandis que ses deux fils partaient en sautant comme des faunes, et elle réalisa à quel point ils avaient grandi dans les dix dernières années. Il semblait presque hier quand elle et son défunt mari avaient trouvé Garkahür au milieu de la forêt sacrée.
En ce jour d´il y a très longtemps, Gilda et Björn Mörd revenaient d´une visite chez une shaman ermite qui vivait au cœur de la forêt. Ils étaient allés la voir pour qu´elle bénisse leur nouveau fils Skög, leur premier-né, âgé seulement de deux mois. Lars Sorensen, le meilleur ami de Björn et membre du prestigieux skjöldur du roi, les avait accompagnés dans son rôle de parrain du bébé. Malgré le bruit du vent, Gilda crut entendre un bébé qui pleurait dans la brosse. Elle le dit à son mari et à Lars Sorensen, et ensemble ils allèrent regarder. Après avoir traversé plusieurs couches de végétation épaisse, ils tombèrent sur une petite clairière où ils trouvèrent la source du son.
Une jeune femme gisait sur terre au milieu des feuillages, nue et couverte de sang. Des blessures de flèche pouvaient être vues partout dans sa chair, ce qui avait sans aucun doute causé sa mort. Elle serrait dans ses bras un petit nouveau-né qui pleurait sans s´arrêter. Ils avaient l´air différent aux nordiques, qui généralement avaient les cheveux blonds et les yeux bleus. La mère et le bébé avaient les cheveux couleur du feu et d´étranges yeux jaunes. Aussi incroyable que cela parût, la femme avait réussi à retarder la mort assez longtemps pour donner naissance à son bébé, et par la chaleur de sa peau, elle semblait avoir continué à vivre presque jusqu´à ce qu´elle fut retrouvée. C´était comme si elle avait su qu´ils allaient venir sauver son fils, et elle les avait attendus jusqu´à ce qu´elle respira son dernier souffle.
Alors que Gilda se penchait pour prendre le bébé des bras de cette malheureuse femme, un magnifique autour des palombes atterrit sur le rocher derrière eux. À ce moment-là, elle sut comment nommer le petit garçon : Garkahür[6]. Puis elle découvrit une de ses généreuses poitrines et commença à le nourrir. Avec un appétit vorace, le nouveau-né téta jusqu´à ce qu´il fut satisfait puis s´endormit, en ignorant totalement le drame qui se déroulait autour de lui.
Quand Gilda se leva avec Garkahür dans ses bras, elle remarqua les regards désapprobateurs de son mari et de Lars. Éminemment superstitieux, l´étrange événement dont ils venaient d´être témoins, ainsi que l´apparition du garçon et de celle qui était supposée être sa mère, les poussèrent tous les deux à s´opposer par principe à prendre avec eux ce mystérieux nouveau-né. Mais Gilda avait décidé qu´elle le ferait, et elle n´allait pas reculer. Björn pouvait nier peu de choses à sa femme bien-aimée, telle était la dévotion profonde et vraie qu´il sentait pour elle. Alors, elle a réussi. Après tout, elle avait donné naissance à Skög il y avait seulement deux mois, et elle avait assez de lait pour allaiter tous les deux.
Après cela, ils retournèrent à Snowburg et cachèrent l´étrange origine du petit garçon à leurs compatriotes. Skög et Garkahür devinèrent frères laitiers. En plus, Garkahür fut légitimement reconnu par Björn, portant ainsi leur nom de famille à juste titre.
Gilda se souvint combien l´enfance de ses deux enfants avait été heureuse malgré les dures conditions de la vie dans leur pays. Garkahür était beaucoup plus petit que Skög, qui devint un garçon fort et vigoureux, très protecteur avec son petit frère. D´autres enfants prenaient soin de ne pas déranger Garkahür par crainte des représailles de Skög. Peu à peu, la présence de l´étrange fils adoptif de Gilda fut tolérée par les autres, bien que Garkahür lui-même semblait préférer la solitude à la compagnie des autres enfants. Tout ce bonheur commença à s´estomper le jour où les cadeaux mystérieux que la nature avait accordés à son fils adoptif commencèrent à se montrer, quand il n´avait que huit ans.
Ce jour-là, comme aujourd´hui, tout le monde était en train de se préparer avec impatience pour le début de la chasse au mammouth blanc, surtout les skjöldur du roi Elkjaer, car ils avaient l´honneur d´accompagner leur monarque dans cet événement sacré et de le protéger.
Au milieu des festivités avant la chasse, Garkahür appela son père. La conversation qu´ils eurent et la réaction de son mari se gravèrent pour toujours dans la mémoire de Gilda.
« Papa, je sais à quel point la célébration de la chasse au mammouth blanc soit importante pour notre peuple » commença timidement Garkahür. « Je sais aussi que c´est ton devoir de protéger notre roi. Mais je ne veux pas que tu y ailles cette fois. S´il te plaît, reste avec nous. »
Son père le regarda d´un air sombre.
« As-tu perdu tes sens ? » dit Björn, ouvertement en colère. « Pourquoi ne devrais-je pas remplir mon devoir ? Être l´un des skjöldur de notre roi est le plus grand honneur qu´un Islandais puisse recevoir. »
Le garçon bégaya un peu.
« Papa, si tu fais cette chasse, j´ai peur que jamais tu ne reviendras à nous. J´ai le sentiment que tu ne survivras pas à ce voyage. Je l´ai vu dans mes rêves. Je savais avant de le dire quelle serait ta réponse, mais je devais encore essayer. Pardonne-moi, papa, de t´avoir demandé quelque chose de si honteux. »
Garkahür dit tout cela rapidement et sans lever les yeux, clairement honteux. Soudain, le garçon se jeta dans les bras de son père adoptif, le serrant fort contre lui tandis que sa mère le regardait, étant témoin de toute la conversation. Björn se détendit et embrassa son fils.
« Tu es peut-être trop petit pour comprendre certaines choses » dit Björn d´un ton paternel, « mais tu dois apprendre à respecter et honorer les coutumes de ton peuple. Bientôt tu seras un homme et j´attends autant de toi que de Skög, puisque vous êtes tous les deux mes enfants. Ne craignes jamais la mort, car elle n´est que le seuil d´une vie meilleure, une vie éternelle avec nos dieux. Maintenant cours avec ta mère et ton frère. Il est tard et je dois m´en aller. »
Björn tapota la tête de Garkahür avant d´ouvrir ses bras musclés. Garkahür, avec des yeux brillants qui s´efforçaient de contenir ses larmes évidentes, se retourna et rentra docilement à la maison.
Trois jours plus tard, les escortes du roi retournèrent à Snowburg après la fin de la chasse. Gilda était en train de tanner la peau d´un loup quand elle vit Lars Sorensen entrer dans sa chambre, les yeux tristes, solennels et respectueux. Elle comprit immédiatement ce que cela voulait dire. Il commença à parler d´une voix étouffée et hésitante, dans une vaine tentative pour trouver les mots justes.
« Gilda... Je suis désolé » bégaya Lars.
D´un geste, elle l´interrompit et se leva de sa chaise, contrôlant la douleur de son cœur, et dit au guerrier :
« A-t-il eu une bonne mort ? Dis-moi la vérité. »
Lars hésita avant de pouvoir répondre.
« Oui. Il mourut comme un héros. »
Il nota le courage de la femme de son meilleur ami, se détendit un peu et commença à parler plus librement.
« Nous étions sur la piste d´un gros mammouth près de Goǧafoss, la cascade des dieux. Nous l´avons poursuivi toute la journée et finalement nous l´avons trouvé. Quand nous l´avons coincée près de la Falaise du Dent de Glace, il sut qu´il était piégé et se retourna contre nous. C´était une bête magnifique, l´une des plus grandes que j´aie jamais vues. Il chargea avec une telle furie qu´il nous a pris au dépourvu, et comme s´il s´agissait d´une grande stratégie, il s´est dirigé directement vers notre roi. Nous avons essayé de nous regrouper mais la surprise nous avait laissés dans une très mauvaise position, et nous sommes restés impuissants à regarder tandis que cet énorme animal menaçait la vie de celui que nous avions juré de protéger. Seul Björn fut assez rapide et assez calme pour réagir à temps. Il intercepta le mammouth sur son passage au moment où il allait écraser le roi Elkjaer. Il prépara sa lance le mieux qu´il a pu, bien qu´il savait que sa position était précaire. L´inertie de la ruée folle de la bête la fit s´empaler sur la lance que ton mari tenait si fort qu´elle passa dans son cou et se brisa en deux comme une lame de paille sèche. L´animal est tombé en avant, il est mort avant qu´il n´ait touché le sol. Björn n´a pas eu le temps de s´enfuir et le mammouth... »
Lars laissa cette phrase inachevée, ne sachant pas encore comment continuer à raconter son histoire. Après quelques instants, le silence sembla renouveler son esprit.
« Chaque Islandais voudrait prendre la place de Björn aujourd´hui, car avec son sacrifice héroïque, il sera reçu avec honneurs à la fois dans la grande salle des dieux et dans les chansons qui seront chantées pour toujours en souvenir de son grand acte. Je me sens honoré d´avoir eu le privilège de partager mes journées avec lui et d´avoir profité de son amitié et de sa compagnie. »
Lars pouvait à peine contenir ses émotions en tant qu´il parlait.
« Je te remercie pour tes paroles de soutien » répondit Gilda sérieusement. « S´il te plaît, appelle mes enfants. Ils ont le droit de savoir comment leur père est mort. »
Bien qu´il la connaissait bien, Lars ne pouvait s´empêcher de se sentir fier de la force et de la détermination de la femme de son meilleur ami. Elle était une vraie nordique, et en tant que telle la compagnonne appropriée pour son vaillant ami.
« Je le ferai » dit-il, puis ajouta sincèrement : « Si tu as besoin de quelque chose, tu n´as qu´à le demander. »
Puis il se retourna et quitta la maison, laissant Gilda toute seule.
Skög avait tout entendu à travers l´une des fenêtres en bois qui donnaient sur la cour intérieure. Il essaya de toutes ses forces, mais il ne put pas retenir ses larmes. La prophétie de Garkahür avait été accomplie, rendant réelles les craintes que les deux garçons avaient partagées pendant ces trois jours. Personne n´avait eu connaissance de ce rêve prophétique à l´exception des membres de la famille Mörd. En sanglotant, Skög se promit que, comme son puissant père, il porterait son secret au tombeau.
Au cours des deux années suivantes, Skög et sa mère virent que les prémonitions de Garkahür se succédaient de plus en plus fréquemment. Ses prédictions se réalisaient toujours, à l´exception de certaines qui ne s´étaient pas littéralement accomplies, et donc, parfois il semblait que le garçon s´était trompé. Une nuit, il rêva qu´un grand poisson nageait dans les rues d´une Snowburg inondée, se déplaçant facilement entre les maisons de la ville. Soudain, la porte d´une maison s´ouvrit et vidangea toute l´eau qui avait inondé Snowburg, et un énorme poisson gisait épuisé devant la porte.
Au début, Garkahür pensa que cela annonçait que, dans les jours à venir, un des nombreux navires qui partaient pêcher quotidiennement ferait une prise exceptionnelle, mais cela ne s´est jamais produit. Plus tard, il supposa que Snowburg inonderait ou qu´il y aurait un incident en mer, mais cela n´est jamais arrivé non plus. Les autres théories du garçon étaient également fausses, alors il a finalement conclu que cette fois il avait eu tort, ou que cela n´avait pas été un rêve prophétique. Mais ce qui s´est passé c´est qu´Astrid, l´épouse d´Axil, l´un des pêcheurs les plus expérimentés de Snowburg, était enceinte. Elle a accouché d´un enfant mort-né. Ce fut alors seulement que Garkahür se rappela que la porte qui s´était ouverte, vidant toute l´eau de la ville, était celle de la maison où ils habitaient.
Les rêves de Garkahür n´étaient pas toujours mauvais. Un oiseau glacier apparaissait toujours dans ses rêves la veille du jour où il voyait Aurora, la fille du roi Elkjaer, bien qu´il ne savait pas toujours à l´avance s´il allait la rencontrer. C´était une autre caractéristique des rêves de Garkahür : il n´avait aucun contrôle sur eux. On pourrait dire qu´il n´était pas maître de son pouvoir. Simplement, parfois il rêvait de choses qui allaient arriver.
Une autre compétence de Garkahür, qui avait été bien notée, était sa capacité innée à communiquer avec les animaux. Même les animaux sauvages se comportaient comme s´ils étaient des simples animaux de compagnie en sa présence. Il semblait presque qu´ils lui obéissaient avec vénération. C´était le seul don qui laissait Garkahür tranquille parce qu´il se sentait mieux en compagnie des animaux qu´en celle des gens. Ses prémonitions n´étaient rien comme ça.
Au début, le garçon se méfiait de son propre pouvoir. Il souffrait profondément quand il rêvait, peut-être parce qu´il était tourmenté par le souvenir de son premier rêve prophétique, et sa mère passait de longues heures à le consoler et à essayer de le faire dormir à nouveau. Peu à peu, l´esprit joyeux et indiscipliné de l´enfance prit le dessus, et Garkahür et Skög s´efforçaient d´interpréter ses rêves, bien que cela irritât leur mère, qui finalement se résigna à la situation.
Tandis qu´elle se tenait au milieu de la petite cour arrière, tous ces souvenirs et pensées faisaient maintenant peur à Gilda, inquiète que son fils adoptif ne trouverait jamais le bonheur à cause de son étrange nature : peur que le jour viendrait où ses voisins commenceraient le craindre, ou le rejeter ou même le haïr... peur pour la sécurité de son petit chéri.
La voix aigüe de l´un de ses enfants l´arracha à ses pensées.
« Voyons, idiot ! » cria Skög à son frère. « On va bien s´amuser, tu verras. D´ailleurs, tu ne peux pas me tromper ! J´ai vu comment tu regardais Aurora. Je sais que tu l´aimes bien ! As-tu remarqué combien ses seins ont augmenté cette année ? Oh, qu´ils doivent être doux ! N´aimerais-tu pas le savoir ? »
Skög éclata de rire et passa ses mains dans l´air en forme de courbes de femme.
« Skög, ça suffit ! », gronda Garkahür, mais il était devenu aussi rouge qu´une tomate.
« Ou quoi, petit frère ? Tu me frapperas ? Voyons, je suis sûr que tu l´as pensé aussi. Tu meurs d´envie de les toucher, tout le monde le fait. »
Skög continua à parler, se moquant de la timidité de son petit frère. Garkahür commença à le pourchasser et à lui donner des coups de pied dans le dos, et Skög réagit en courant en rond et en riant hystériquement. Finalement, tous les deux se sont retrouvés en roulant sur
