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Bouillon de poulet pour l'âme de grand-maman
Bouillon de poulet pour l'âme de grand-maman
Bouillon de poulet pour l'âme de grand-maman
Livre électronique440 pages5 heures

Bouillon de poulet pour l'âme de grand-maman

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À propos de ce livre électronique

Ce livre célèbre les souvenirs que nous avons de nos grands-mères et des précieux moments passés avec elles: ces femmes qui peuvent à la fois gâter leurs petits-enfants et les réprimander, leur prodiguer un amour inconditionnel et faire preuve d'une sagesse inestimable, de même que leur donner de précieux conseils tout en partageant une glace. Bouillon de poulet pour l'âme de Grand-maman est le moyen parfait pour adresser nos remerciements aux grands-mères où qu'elles soient, ces femmes particulières qui enrichissent nos vies de joie et d'amour.
LangueFrançais
ÉditeurBéliveau
Date de sortie22 janv. 2014
ISBN9782890925885
Bouillon de poulet pour l'âme de grand-maman

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    Aperçu du livre

    Bouillon de poulet pour l'âme de grand-maman - Canfield Jack

    divin.

    Introduction

    Quand nos enfants ont quitté le nid familial, nous avons eu un soupir de soulagement : leur éducation avait été faite et bien faite. Heureusement, ce répit a été de courte durée, car juste au moment où nous pensions qu’il était impossible d’aimer un autre enfant aussi profondément que nous avions aimé les nôtres, notre enfant a déposé dans nos bras son propre enfant… et l’amour du genre je-dépose-ma-vie-à-tes-pieds recommençait.

    Rien dans ce monde ne peut nous préparer à ce moment, et rien ne peut rivaliser avec cet enfant de notre enfant pour nous couper le souffle et prendre possession de notre cœur. Et puis nous observons comment l’arrière-grand-mère de cet enfant — notre mère — assume ce miracle, témoignant encore une fois du mystère insondable de l’amour maternel.

    Avec bonheur, nous renouons avec l’expérience de prendre soin d’un enfant — mais cette fois avec moins de stress et encore plus de plaisir ! La danse de la vie continue, et le cercle de famille s’agrandit.

    Bouillon de poulet pour l’âme applaudit la façon dont nos grands-mères sont une bénédiction dans nos vies, et nous sommes heureux de leur rendre hommage. Les histoires vraies contenues dans ce livre apportent espoir et bonheur à celles qui nous câlinent non seulement avec leurs mains, mais aussi avec leur cœur. Bouillon de poulet pour l’âme de Grand-maman célèbre l’amour et la joie que seule une grand-mère peut connaître. Qu’elle se berce ou qu’elle soit rock and roll, qu’elle tricote ou fasse du surf, qu’elle câline ou gravisse des montagnes, toutes les grands-mères se retrouveront dans ces histoires d’amour, de rires et même de sauvetage de vie.

    Nous vous disons merci de la part de toutes les personnes dont la vie a été touchée et changée à jamais par vous, les grands-mères !

    1

    LA NAISSANCE

    D’UNE GRAND-MÈRE

    Je serai bientôt une vieille dame

    aux cheveux blancs, sur les genoux

    de laquelle on déposera un bébé en disant :

    « Souris, grand-maman ! », moi qui fus

    photographiée il n’y a pas si longtemps

    sur les genoux de ma propre grand-mère.

    Liv Ullmann

    Les bébés, l’ennui

    et le bonheur

    Quand un enfant naît, naît aussi une grand-mère.

    Judith Levy

    « On ne va pas entrer là, n’est-ce pas ? » ai-je demandé, consternée, en regardant à l’intérieur du magasin d’articles pour bébés dans lequel mon amie était déterminée à entrer.

    Je suis venue de loin pour la visiter... des centaines de kilomètres, et mon amie désire faire des emplettes dans une boutique d’articles pour bébés !! Franchement, cela m’ennuie de magasiner dans ce genre de magasin, tout comme les bébés d’ailleurs. On ne m’a jamais accusée de trop d’enthousiasme pour ces petites créatures qui ne peuvent pas marcher, parler ou faire quoi que ce soit d’autre, sauf hurler, faire du dégât et réclamer une attention totale.

    Tournant sur les talons très usés de ses souliers de course, mon amie m’a lancé un regard glacial.

    « Ce ne sera pas long », a-t-elle promis en rentrant à grands pas dans la boutique.

    Je l’ai suivie péniblement. Elle a changé, ai-je pensé maussadement tout en réprimant un bâillement et en parcourant d’un pas chancelant, du haut de mes talons hauts, les allées bondées de clients. Sans aucun doute, elle a changé, ai-je observé avec aigreur, tandis que mon amie passait les deux heures suivantes à s’ébahir devant tous les articles destinés aux nourrissons, jusqu’à ce que je croie devenir folle.

    Que puis-je dire en faveur de mon amie autrefois élégante qui, maintenant, sent le vomi et avance en trébuchant de fatigue dans un magasin, l’œil voilé par des larmes de joie ?

    Elle est devenue une grand-mère.

    Ce fait est responsable de sa joyeuse obsession pour l’univers des petites choses, de sa négligence à masquer ses cheveux gris, de sa tenue qui est passée des vêtements classiques à des fringues de jogging, et du peu d’intérêt qu’elle manifeste pour toute conversation. Sauf de bébés. Et plus particulièrement d’un petit-fils.

    Après l’avoir aidée à entasser ses achats dans tous les coins et recoins de son auto, j’ai rappelé à mon amie le dîner-rencontre que nous allions avoir avec nos amies du collège, dans un nouveau restaurant à la mode au service élégant, dans une atmosphère apte à satisfaire des gens comme moi — des touristes dont le temps a été chèrement gagné et avec de l’argent à dépenser, et qui veulent être choyés dans un environnement sans enfants.

    Je me suis glissée sur le siège du passager en tenant sur mes genoux un énorme ourson en peluche, heureuse de pouvoir bientôt être parmi mes pairs, où la conversation tournerait autour des spas, des salons de beauté et du magasinage.

    Mais je faisais pathétiquement erreur. Dès que nous sommes arrivées au restaurant, mon amie a sorti de son porte-monnaie des photos de son petit-fils et s’est mise à les distribuer autour de la joyeuse table, espérant de nous des oh ! et des ah ! devant ce môme chauve au sourire édenté. Toutes les femmes se sont exclamées, y compris la serveuse.

    Pas moi.

    Que se passe-t-il ? ai-je pensé, déprimée. Suis-je la seule femme au monde qui n’aime pas les conversations sur les bébés ? Ce n’est pas que je n’aime pas les bébés. Je les aime. J’en ai moi-même mis un au monde et je l’ai élevé. Lisa est devenue une jeune femme adorable, intelligente, gentille et ambitieuse. J’ai eu avec elle une bonne relation basée sur le respect, l’amour et nos affinités réciproques. Mais je n’ai jamais été ce qu’on peut appeler « maternelle ». Mon amie, elle non plus, ne l’a jamais été, ai-je pensé en lui jetant un regard furieux, un verre de vin à la main. Je ne pouvais pas comprendre ce qui lui était arrivé.

    Nous avons été toutes les deux des mères adolescentes. Nous nous sommes mariées et avons grandi ensemble avec nos filles. Ensuite, comme mères célibataires, nous avons lutté dans un monde où nous sommes parvenues à conjuguer le travail, les relations et l’éducation des enfants. Nous étions les meilleures des amies.

    Qu’était-il donc arrivé pour nous séparer ainsi ?

    Je ne trouvais qu’une réponse. Qu’un mot. En fait, deux mots. Grand. Mère.

    Qu’y avait-il de si « grand », de si extraordinaire à être grand-mère ? pensai-je avec agacement.

    Des mois plus tard, ma fille m’a appelée.

    « Maman, devine ce qui m’arrive ? »

    J’étais en train de me limer les ongles d’une main et jonglant avec le téléphone de l’autre, tâchant de ne pas faire couler mon masque facial.

    « Je vais avoir un bébé ! »

    L’appareil glissa le long de mon visage : la vision des cheveux gris et des pantalons en molleton me traversa l’esprit, et celle des cris rauques, à toute heure du jour et de la nuit, envahit mes oreilles. J’ai ressenti de la lassitude en m’imaginant courant vers un nourrisson qui a besoin que sa malodorante couche soit changée, vérifiant en même temps la chaleur de son lait pour nourrir ce nouvel être affamé et vagissant.

    Nouvel être.

    J’ai fondu en larmes.

    « Es-tu contente ou contrariée ? » me lança Lisa.

    La main tremblante, j’ai jonglé avec le récepteur et je lui ai dit, la gorge soudainement sèche : « Je ne suis pas certaine. » En silence, j’ai essayé l’étiquette à laquelle je n’étais pas encore habituée. Grand-mère. « C’est pour quand ? » ai-je chuchoté d’une voix rauque.

    « Pour le jour de Noël ! »

    Noël à Seattle.

    Je me suis envolée le 23. Lisa est venue me prendre à l’aéroport. Resplendissante. Énorme. Je me suis rappelé cette sensation. Je me suis rappelé comment… à quel point c’était merveilleux ! À quel point c’était épanouissant ! À quel point j’étais impatiente ! Pour la deuxième fois depuis la nouvelle de la grossesse de ma fille, j’ai fondu en larmes.

    Le vingt-six décembre, Bronwyn a fait son entrée dans le monde, et elle a volé mon souffle, mon cœur et mon âme. Mon identité entière.

    « Laisse grand-maman la prendre », ai-je crié, bousculant mon pauvre gendre quand je lui ai arraché ma petite-fille des bras. J’ai regardé ce précieux petit visage d’ange et… j’ai fondu en larmes.

    Les jours suivants, je me suis battue comme une tigresse pour la prendre, la nourrir, la changer. Je suis allée faire des courses au supermarché du coin les cheveux négligemment tirés et attachés en queue de cheval, des cernes noirs sous les yeux à cause du mascara de la veille, des nuits sans sommeil et des larmes de tendresse.

    Assise au café du marché, berçant Bronwyn dans mes bras tout en tentant de préserver mon vêtement de jogging de la bave du bébé, j’ai réfléchi à mon nouveau cœur, à mes nouveaux yeux, à mes nouvelles sensations. Et j’ai compris que, jusqu’au jour de sa naissance, j’avais été aveugle. Le miracle de sa naissance avait produit un miracle en moi, un de ces miracles dont on ne se lasse pas. Des bébés. J’ai pensé appeler mon amie pour vérifier si elle serait disponible pour visiter les magasins la prochaine fois que je serai en ville. Il y avait quelques boutiques d’articles pour bébés que j’étais impatiente de voir. J’espérais qu’elle apporte des photos.

    J’étais impatiente de lui montrer les miennes.

    Janet Hall Wigler

    Avec un autre nom

    Qu’y a-t-il dans un nom ? Ce que nous appelons

    une rose sentirait tout aussi bon sous un autre nom.

    William Shakespeare

    Afin d’envisager avec sérieux mon rôle imminent de grand-parent, j’ai passé d’innombrables heures au cours de multiples conversations pour débattre de la manière dont mon nouveau petit-enfant devrait m’appeler. Après tout, il s’agit d’une décision importante : un surnom sacré, inscrit dans la pierre, qui sera utilisé par d’innombrables futurs petits-enfants.

    J’ai songé aux avantages et aux désavantages de divers noms, les roulant sur ma langue, les goûtant, les savourant, les enfilant pour vérifier s’ils étaient de la bonne taille. Grand-mère ? Trop guindé. Grand-maman ? Ordinaire, banal. Nana ? Non.

    Du bizarre Punkin’ au Mamie familier, du fantaisiste Oma¹ au solennel Grand-ma-man (avec un joli petit accent sur la dernière syllabe), je les ai tous essayés.

    « Laisse tomber, m’ont recommandé mes amies les plus expérimentées. Ta première petite-fille t’appellera bien comme elle le voudra. Et, transportée de joie, la manière n’aura plus d’importance. Fais-nous confiance, m’ont-elles dit en se regardant avec un signe de tête affirmatif, ça ne te dérangera pas. »

    Puis, ma petite-fille Avery a eu un an et ma fille lui a mis le récepteur du téléphone sur l’oreille pour que, malgré les trois mille deux cents kilomètres qui nous séparaient, je puisse l’entendre bavarder. Je savais que son répertoire en éclosion comprenait maintenant des mots comme boire, balle, banane, bonjour et même le nom de plusieurs animaux. Avec un peu de chance…

    « Bonjour, petite fleur, ai-je lancé. Bon anniversaire ! »

    « Avery, dis bonjour à ta grand-maman, a suggéré ma fille à l’autre bout du fil, en tentant d’amadouer l’enfant. Dis bonjour. »

    Et puis, c’est arrivé. Vraiment. Une petite voix voilée et chérie a tiré de son vocabulaire deux mots et a roucoulé dans le récepteur : « Bonjour, chien. »

    Ma fille a ri bêtement, puis a éclaté de rire et bébé Avery a répété son nouvel exploit avec enthousiasme, heureuse que cela ait semblé faire autant plaisir à sa maman.

    « Bonjour chien, bonjour chien, bonjour chien. »

    Ooh, j’ai ri moi aussi. Mes amies se trompaient. Cela m’importe. Cela m’importe même beaucoup.

    Carol McAdoo Rehme

    Une grand-maman est née

    De toutes les joies qui illuminent une planète souffrante, laquelle est plus souhaitée que celle de l’arrivée d’un enfant ?

    Caroline Norton

    C’est l’appel que j’attendais depuis neuf longs mois ; néanmoins, quand il arrive, c’est tout de même un choc.

    « Ça y est, a dit notre gendre d’une voix entrecoupée. Le travail est commencé. »

    Et c’est ainsi que l’aventure commença. En allant à l’hôpital, nous ne pouvions pas parler, mon mari et moi. Pour un homme et une femme qui sont en train de devenir des grands-parents pour la première fois, tout avait été dit. Toutes les ferventes prières pour avoir un bébé parfait et en santé avaient été adressées au Pouvoir suprême.

    Nous roulions donc en silence, le silence de l’appréhension, de l’excitation et de la joie, prêts à exploser.

    Dans la salle d’attente qui jouxte la chambre des naissances, tout est surréel. Pendant que le reste des habitants de la planète Terre vaquent à leurs affaires et à leur bien-être un après-midi de soleil éblouissant, mon univers à moi est contenu entre les murs de cette salle.

    Mon mari essaie de lire. J’arpente la salle comme la caricature improbable de pères en attente, du temps des Néandertaliens, quand les mères faisaient le travail toutes seules. Tout à coup, je comprends ce qu’ont dû ressentir ces pères. De temps à autre, la sage-femme apparaît avec un « bulletin ». Ces bulletins de santé ont l’allure fébrile d’un jugement sur l’avenir de la paix dans le monde.

    Une heure passe. Deux. Trois. « Bientôt », nous dit notre gendre à bout de souffle, durant la seule pause que son travail d’accompagnateur du travail de la parturiente le lui permettait.

    Et, à 15 heures 42 d’un après-midi ordinaire, debout près de la porte d’une chambre des naissances moderne, j’ai entendu un cri. Le pleur d’un bébé.

    Mon cœur s’est arrêté.

    Rien au monde n’aurait pu me préparer à vivre ce moment. Dorénavant, rien ne sera jamais plus pareil pour moi dans ce magnifique univers.

    Aujourd’hui, je suis la grand-mère de quelqu’un.

    Hannah, avec ses 3,5kilos, a fait irruption dans le monde.

    Je l’ai rencontrée quelques instants plus tard et je suis devenue follement et éperdument amoureuse de cette enfant. Nichée dans les bras de ma fille, je vois l’enfant de mon enfant, une miniature parfaite en rose et blanc. Je pleure, je ris et je remercie Dieu de nous avoir donné ce moment, ce cadeau, ce jour.

    Le temps s’est arrêté. C’est un privilège incommensurable que de pouvoir observer ces nouveaux parents en train de câliner leur bébé, d’observer ce petit visage incroyablement joli, sa peau de satin et sa tête couverte d’un petit duvet.

    Les parents de notre gendre sont aussi bouche bée que nous. Hannah est le « nous » de leur fils et de notre fille devenu réalité. Dans cette chambre, en ce jour, nous savons tous que ce nourrisson représente notre lien avec l’immortalité. Cet hôpital urbain et terne devient soudainement un lieu sacré !

    Un autre instant mémorable a été celui pendant lequel j’ai observé l’arrière-grand-mère d’Hannah, ma propre mère, faire connaissance avec elle. Je peux témoigner avec joie de l’impressionnant, l’incroyable désir de la vie de se perpétuer, d’assurer sa pérennité.

    Plus tard, ses nouveaux oncles et ses nouvelles tantes ont souhaité la bienvenue à Hannah, s’extasiant joyeusement sur sa perfection, touchant ses toutes petites mains.

    Nous sommes ébahis, complètement subjugués par cette minuscule impératrice, qui, de son côté, semble savourer l’attention qu’elle reçoit en ce premier jour de sa vie.

    Cela dit, ces moments précieux ont été minutieusement enregistrés par une caméra vidéo ; après tout, nous sommes dans l’ère de la technologie ! Un jour, nous la regarderons, cette vidéo, et nous rirons de notre folie.

    Mais pour l’instant, il est tout à fait acceptable d’adorer cette enfant et de s’émerveiller devant cette nouvelle vie qui commence, grâce à l’amour d’un homme et d’une femme.

    En dépit de ce que nous savons, dans ce monde moderne de la biologie, en dépit de tous les excès de cette ère d’information que nous vivons —, l’émerveillement est le même. L’admiration demeure aussi forte.

    Un bébé est né. La famille humaine universelle — et notre famille — a grandi encore une fois.

    Ce phénomène est aussi vieux que le temps, et aussi nouveau que le lever du jour à l’aube.

    La danse de la vie se continue. Le cercle grandit.

    Et une nouvelle grand-mère abasourdie, submergée d’émotion sort de la chambre sur la pointe des pieds, là où un miracle est arrivé, se demandant ce qu’elle a bien pu faire pour être si chanceuse.

    Sally Friedman

    La semaine la plus longue

    Une délicieuse et nouvelle floraison d’humanité, récemment parvenue de la maison même de Dieu, pour embellir la terre.

    Gerald Massey

    C’était un samedi matin d’hiver et je dormais encore quand le téléphone a sonné, mais l’urgence que dénotait la voix de Matthew m’a complètement réveillée.

    « Les eaux d’Esmeralda sont rompues, m’annonce mon fils aîné. Nous croyons que le travail est commencé. »

    Mon cœur a basculé. En tant que monitrice en périnatalité et conseillère en allaitement maternel depuis longtemps, je ne sais que trop bien les risques potentiels et les défis que représente la naissance d’un bébé deux mois avant terme.

    Nous avons passé les heures qui ont suivi à arpenter des couloirs de l’hôpital tandis que les contractions d’Esmeralda augmentaient progressivement. Finalement, la sage-femme s’est mise à genoux devant elle, Matthew s’est assis derrière elle pour soutenir son dos, et la mère d’Esmeralda et moi avons pris place de chaque côté pour tenir ses jambes. En quelques poussées, le bébé est sorti, rose et en santé, un beau garçon.

    Beau, oui, mais oh ! si incroyablement petit. Sébastien Rhys Pitman pesait à peine deux kilos.

    Le visage d’Esmeralda rayonnait de joie alors qu’elle tenait contre elle son enfant. Mais quelques minutes plus tard, la respiration du bébé s’est mise à décliner. Nous pouvions le voir lutter pour prendre chaque inspiration ; Sébastien le nouveau-né a été amené à la pouponnière et placé dans un incubateur.

    J’étais devenue une grand-mère ! Mais même si j’étais là pour me réjouir de son arrivée, j’ai à peine vu, encore moins touché, mon nouveau petit-fils, et mon cœur était rongé d’inquiétude.

    Autour de minuit, nous avons eu encore plus de raisons de nous inquiéter. La respiration du bébé continuait à se détériorer. Le pédiatre décida donc de transférer Sébastien dans un plus gros hôpital, où il serait possible de le mettre sous assistance respiratoire. Une ambulance l’a emporté après qu’une équipe de professionnels de la santé a enfoncé des tubes dans son nez et dans sa gorge et l’a branché à des moniteurs pour la durée du voyage. Cela nous a tous effrayés de voir le corps de ce minuscule bébé décharné couvert de tubes et de fils.

    Comme il n’y avait pas de place dans l’ambulance pour mon fils, je l’ai conduit à l’hôpital, à une heure de route. Bien que Matthew soit plus grand que moi de trente centimètres, il a posé sa tête sur mon épaule et il a pleuré pendant que nous roulions dans la nuit noire et neigeuse.

    Nous avons eu de la chance, car il y avait une maison Ronald McDonald à côté de ce gros hôpital, où l’on offre aux parents dont les enfants sont hospitalisés un endroit où se loger. Pendant les semaines qui ont suivi, cette maison est devenue la maison de Matthew et d’Esmeralda alors que leur fils Sébastien se battait pour rester en vie. Ils passaient le plus clair de leur temps assis près de l’incubateur, parlant au bébé et lui chantant des berceuses afin qu’il comprenne qu’il n’était pas seul.

    Dès le début, les infirmières ont encouragé les parents à participer aux soins prodigués à Sébastien. L’enfant était trop fragile pour supporter beaucoup de manipulations et devait être aidé de l’appareil respiratoire pour continuer à respirer ; cependant, quand la couche avait besoin d’être changée ou quand on devait sortir l’enfant de l’incubateur pendant quelques minutes, c’était Esmeralda et Matthew qui changeaient la couche ou qui le tenaient dans leurs bras.

    J’avais hâte de le câliner, juste une fois, mais je savais que c’était beaucoup plus important pour les parents que ce soient eux qui établissent ce premier lien avec l’enfant. Je me souviens à quel point il m’était difficile, comme nouvelle maman, de « prêter » mon bébé à quelqu’un d’autre. Je n’ai donc pas voulu voler ne fut-ce qu’une minute de ce précieux temps pendant lequel ces nouveaux parents pouvaient tenir leur fils dans leurs bras.

    Je pouvais être patiente. Mais mes bras mouraient d’envie de le tenir.

    J’étais habituée d’être la mère, celle qui a ce lien très intime avec le bébé. Je ne savais pas encore comment être une grand-mère, et je vivais difficilement ce sentiment d’être mise à l’écart. Si au moins je pouvais le tenir une seule fois dans mes bras, je me sentirais davantage comme une vraie grand-mère.

    Mais je pouvais être patiente. J’ai vu le bonheur dans les yeux d’Esmeralda quand Sébastien réagissait à son toucher et à sa voix qui lui était familière à cause des mois précédant sa naissance. J’attendrais.

    Quatre jours plus tard, Sébastien était devenu plus fort. Il commençait à respirer par lui-même et le tube du respirateur a pu être enlevé et remplacé par un tube d’oxygène plus petit. Les infirmières ont commencé à le nourrir du lait maternel qu’Esmeralda avait pompé et elle pouvait le tenir dans ses bras chaque jour plus longtemps.

    J’ai continué à me rendre à l’hôpital tous les jours afin de réconforter les parents et de m’émerveiller devant les progrès de Sébastien. Parfois, quand Esmeralda serrait le bébé sur elle, je pouvais effleurer sa petite main ou toucher doucement un pied qui se risquait hors de la couverture. Mais mes bras mouraient d’envie de le tenir.

    Quand il a eu une semaine, les infirmières nous ont dit que le bébé était presque prêt à retourner à l’hôpital de la petite ville où nous habitions et où il était né. Bien sûr, il avait encore besoin d’être tenu au chaud et nourri au moyen d’un tube pendant quelques semaines de plus avant qu’il puisse rentrer à la maison, mais il n’avait plus besoin de tout cet équipement spécialisé.

    Pendant que nous étions en train de célébrer cette bonne nouvelle avec des sourires et des étreintes, l’infirmière a dit : « Maintenant qu’il peut être hors de l’incubateur un peu plus longtemps, est-ce que grand-maman aimerait à son tour tenir Sébastien dans ses bras ? »

    Est-ce que j’aimerais ? Est-ce que j’aimerais ?! Depuis les sept derniers jours, je n’ai pas rêvé à grand-chose d’autre.

    Je me suis installée dans la berceuse et l’infirmière me l’a tendu. Il était si léger dans mes bras… un si tout-petit paquet. Il est venu blottir son visage contre moi et s’est pelotonné. J’ai ressenti une bouffée d’amour et l’émotion m’a envahie ; des larmes se sont mises à couler sur mes joues. Il était là, mon merveilleux petit-fils, dans mes bras enfin, respirant tout seul, en santé, et plus près de rentrer à la maison. J’étais sans voix. Tout ce que je pouvais faire était de pleurer. Mes bras ne se languissaient plus puisque je le tenais tout près de moi et que je savourais la magie du moment de le tenir pour la toute première fois.

    Teresa Pitman

    Elle ressemble tant à…

    Dans quelques centimètres carrés de sa figure, un homme trouve de la place pour les traits de tous ses ancêtres, afin d’y exprimer toute son histoire et tous ses désirs.

    Ralph Waldo Emerson

    Tandis que je contemplais avec admiration ma petite-fille nouvellement née, je ne pouvais que penser à cette enfant comme à une merveilleuse créature de Dieu, jusqu’à ce que j’entende les mots suivants : « Elle est tout le portrait de sa mère, même ses orteils. » Chaque mot était prononcé avec emphase, suivi en écho d’un « Oui, même ses orteils », comme si tout avait été dit sur ce sujet.

    J’étais là, noyée dans une mer de membres de la belle-famille, regardant les dix petits éléments de preuve devant le tribunal de l’opinion familiale, et je ne suis pas arrivée à voir le code génétique cité en référence qui, apparemment, était gravé dans ces délicats appendices d’un rose tendre.

    Mon fils ne pourrait-il pas réclamer ne fut-ce qu’un petit orteil au nom de notre famille ? me suis-je écriée intérieurement.

    Je n’avais aucune idée de ce à quoi ressemblerait devenir grand-mère pour la première fois. Toutes mes amies m’avaient dit que ce serait la plus merveilleuse expérience du monde. Jusqu’ici, mon expérience n’était pas si extraordinaire.

    Les convictions de la belle-famille se sont doucement imprégnées en moi. J’ai quitté l’hôpital avec une idée qui me martelait l’esprit : Je suis la grand-mère du bébé d’une autre famille.

    La petite place intime de mon cœur réservée à mon rôle de grand-mère a fermé ses portes. Après une attente de trente ans, elle n’avait vu circuler du sang de grand-mère que pendant un petit trente minutes seulement.

    Tu as besoin de te ressaisir, pensai-je en montant dans ma voiture. Soudain, les premiers souvenirs de la mère du bébé me sont revenus : à quel point son sourire illuminait le sanctuaire quand elle avait joué le rôle d’un ange de haut calibre dans la cathédrale Crystal, comment ses doigts jouaient une gigue irlandaise quand elle signait le langage des sourds, comment sa chevelure blonde et sa jupe fleurie volaient, agitées par le souffle de l’Esprit, quand elle a exécuté une danse liturgique. Une beauté unique, tant intérieure qu’extérieure, qui a ravi mon cœur.

    Même si mon fils ne l’avait pas épousée, elle aurait été mon amie pour toujours. Bien sûr, c’est un privilège d’avoir une petite-fille qui lui ressemble !

    Fébrile, je suis passée voir le bébé le jour suivant, et les autres jours. Je surveillais et j’attendais que ma petite-fille se réveille pour que je puisse très tôt entrer en contact visuel avec ce joli petit minois. Les jours sont devenus des semaines, et finalement les yeux les plus bleus, les joues les plus roses, les cheveux les plus blonds et le sourire le plus radieux m’ont accueillie. J’ai souri de joie à cette enfant jusqu’à ce que les muscles de mon visage soient douloureux.

    Quelques mois plus tard, ses doigts, comme des pinces de précision, tenaient le plus minuscule des objets. Je tapais des mains de stupéfaction.

    Quelques mois plus tard, elle dansait sur la pointe des pieds, faisait des tours sur elle-même et allongeait le bras pour essayer d’atteindre le soleil. Transportée de joie, je tournais et tournais avec elle.

    Elle était tout comme l’ange qu’était sa mère : même sourire, mêmes cheveux, mêmes doigts et aussi, oui, mêmes orteils.

    La petite place intime de mon cœur réservée à mon rôle de grand-mère s’activait avec délice — jusqu’à ce jour étonnant. J’ai regardé dans son petit lit et j’ai vu une enfant différente qui me fixait.

    Qu’est-ce qui se passe, Seigneur ? Vous m’avez donné une petite-fille qui ressemble à sa magnifique maman. Maintenant, vous l’enlevez de son lit pendant la nuit et vous la remplacez par une enfant qui ressemble à mon fils ?

    « Oui, elle a les yeux de son père et les mêmes expressions que lui », a confirmé le tribunal de l’opinion familiale.

    J’ai concédé. Quand elle me regardait, je voyais le regard profond et contemplatif de son père. Quand elle disait « ouh-oh » en ramassant par

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