Explorez plus de 1,5 million de livres audio et livres électroniques gratuitement pendant  jours.

À partir de $11.99/mois après l'essai. Annulez à tout moment.

De terre et d’éternité: À l'ombre des oliviers - Tome 2
De terre et d’éternité: À l'ombre des oliviers - Tome 2
De terre et d’éternité: À l'ombre des oliviers - Tome 2
Livre électronique184 pages1 heureÀ l'ombre des oliviers

De terre et d’éternité: À l'ombre des oliviers - Tome 2

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

"De terre et d’éternité" nous invite au voyage dans un monde où les aléas, les désordres apportés par le vent et la mer bouleversent la vie des hommes et des femmes. Il y est question de jardins à cultiver, de terres à ensemencer, de plantes à recueillir, d’îles à repeupler, de montagnes, de refuges, de songes, de prophéties, de sortilèges et de secrets au gré des saisons de la Terre. Sept petits contes pour rêver l’avenir et l’éternité de la Terre.

À PROPOS DE L'AUTRICE 

Après "le secret d’Emilia", le 4e ouvrage d’Alix Roche "De terre et d’éternité" renoue avec les histoires courtes initiées dans le premier opus "À l’ombre des oliviers" paru en 2023. Les territoires y sont toujours à l’honneur, esquissant l’écrin singulier d’une chaîne humaine et sociale qui réinvente sa relation à la nature et au vivant
LangueFrançais
ÉditeurPublishroom
Date de sortie4 juil. 2025
ISBN9782386259562
De terre et d’éternité: À l'ombre des oliviers - Tome 2

Autres titres de la série De terre et d’éternité ( 1 )

Voir plus

En savoir plus sur Alix Roche

Auteurs associés

Lié à De terre et d’éternité

Titres dans cette série (1)

Voir plus

Livres électroniques liés

Fiction littéraire pour vous

Voir plus

Catégories liées

Avis sur De terre et d’éternité

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    De terre et d’éternité - Alix Roche

    1. Mānava Fenua

    Un monde dans une bouteilLE

    Tahiti, Taiarapu, Papeete, Arue, Mehetia

    « L’espérance est un risque à courir… »

    Georges Bernanos

    I - La prophétie

    Depuis l’aube, je scrute l’océan en quête de La vague. J’ai waxé ¹ ma planche, enfilé ma combi néoprène et j’attends. Voilà plusieurs jours que le ciel déverse des déluges de pluie sur Taiarapu, le « Petit Tahiti ». Ces conditions difficiles ne sont pas des plus favorables à l’entraînement. À huit mois des épreuves de la Tahiti Pro Teahupo’o, organisée par la World Surf League, au mois d’août de notre hiver austral, je n’ai pas le droit à l’erreur.

    Vanina, signifie « pluie qui chasse une pensée triste », je devrais être au top avec ce temps. J’aime relever les défis. Je pratique le surf depuis toujours, mais la concurrence est rude, mes adversaires viennent du monde entier chez moi, ici, avec la même volonté : gagner !

    Mon atout majeur est d’être née à proximité de la presqu’île. La fameuse vague de Teahupo’o ou Tchopes connue dans le monde entier, réputée pour ses tubes parfaits et déroulants sous une eau turquoise et peu profonde, est à la fois redoutable et majestueuse. La passe peut accueillir des vagues de dix à quinze mètres de haut. C’est dire…

    Longtemps interdite aux femmes, elle est devenue mon principal terrain de jeu, mais j’en connais aussi les dangers. J’ai de l’ambition, toutefois pour percer dans la compétition, chaque année compte, c’est pourquoi cette saison, je dois me démarquer.

    Je me mets sans doute un peu trop la pression, mais coup de blues ou de fatigue, ces dernières semaines, j’ai tendance à douter. Chaque nuit maintenant, je vois la vague, mais ce n’est pas celle avec laquelle je peux jouer. Celle-là, puissante, indomptable, submerge tout, détruisant le rivage, les habitations, mon île. J’ai peur. Je me réveille brusquement le cœur haletant, des kilos de plomb sur l’estomac, les jambes en coton, une sueur froide parcourant le long de ma colonne vertébrale.

    Ce dimanche, j’ai ouvert mon cœur à māmā rū‘au, ma grand-mère, pour lui demander conseil. J’ai besoin de me reconnecter au Mana o te Moana, la force sacrée de l’océan.

    Rarahu, ma māmā rūau, est aussi une Tahu’a ², « celle qui voit » et « celle qui sait ». Malgré leur caractère devenu un peu clandestin, ces prêtres ou prêtresses, un peu chamanes, sont des êtres de sciences, d’humanités et de culture, ils sont reconnus, considérés comme de véritables guides porteurs de savoirs et de sagesse, dotés de pouvoirs mystérieux.

    Māmā Rarahu, ne peut rien me refuser. Elle me donne rendez-vous pour une consultation à la nuit tombée, dans le marae ³ de la famille, devant l’ahu ⁴.

    Elle est allée chercher les plantes et les herbes nécessaires pour préparer la potion de lumière. Elle les assemble avec délicatesse, une feuille dans un sens, une dans l’autre, avant de les plonger dans un liquide chaud pour les infuser, sur un feu de bois bordé de grosses pierres rondes.

    Le soir, assise sur l’herbe devant l’ahu, à proximité du Ti’i ⁵ protecteur, à peine éclairée par le croissant de lune et les flammes, Māmā Rarahu commence le cérémonial :

    – Mānava ia « oe ⁶ Vanina, que les ancêtres nous écoutent et nous protègent ! Que veux-tu savoir ?

    – Māmā, je suis inquiète et tourmentée. Je suis assaillie de doutes et de visions dans mon sommeil que je ne sais expliquer.

    3 - Marae — Tahiti-AR

    Māmā Rarahu me sourit et me tend la coque d’une noix de coco. Nous buvons chacune à notre tour quelques gouttes de potion. Puis, nous invoquons le tâura ⁷ de notre famille et nous mettons en position de recueillement et d’ouverture, dans l’attente de la révélation.

    Les tâura sont des animaux, végétaux et minéraux qui sont alliés avec des êtres humains, des familles, des clans. Ils sont considérés comme des pères, des mères, des frères, des sœurs. La relation avec eux est fraternelle et respectueuse. Ils apportent force et pouvoir.

    La nuit nous enveloppe de son ombre profonde et calme.

    Après quelques minutes, apparaît soudain un oiseau noir, qui volette au-dessus de nous en émettant des sifflements brefs et sonores, comme s’il voulait nous intimer de le suivre. C’est un monarque de Tahiti : ‘omama’o en reo tahiti surnommé « Pomarea nigra » par le naturaliste Charles-Lucien Bonaparte, le neveu de Napoléon qui associa le nom de Pomaré à celui du monarque de Tahiti.

    C’est notre tâura.

    Nous levons la tête vers l’oiseau, prêtes à le suivre dans son voyage. Nos pensées rejoignent le monarque et s’envolent dans le ciel jusqu’à l’emplacement d’un des plus grands maraes de l’île, au bord de la mer.

    Il nous emmène à la pointe "Outu’ai’ai à Arue où repose le dernier roi de Tahiti, Pomare V (1839-1891), dans un mausolée connu sous le nom de « Tombeau du roi ». Avec sa forme imposante, pyramidale et rectangulaire à sa base, le fameux tombeau du roi est impressionnant. Ses murs sont constitués de blocs de coraux. Mais le plus surprenant, c’est que cette construction est surmontée d’une sorte d’amphore. Certains vont même jusqu’à dire qu’il s’agirait de la forme d’une bouteille d’absinthe. On sait en effet que le roi appréciait particulièrement cette boisson, qu’il considérait comme un nectar.

    Devant le tombeau, il n’y a personne. En dehors du monarque, on entend seulement les aboiements de quelques chiens au lointain. C’est alors que l’oiseau s’arrête en voletant au-dessus de la bouteille. Soudain, il plonge à l’intérieur de l’amphore et en retire une sorte de petit nid en tapa ⁸, tissu d’écorce polynésien, empli de graines multicolores.

    Puis, chargé de son précieux trésor, il repart vers le marae de la presqu’île où nous nous trouvons. Il le dépose à nos pieds et s’envole vers d’autres cieux.

    Māmā Rarahu, dont l’esprit s’est empli de lumière, me dit alors :

    – Vanina, mon enfant, sois sans crainte, tu seras victorieuse et couronnée telle une reine. Mais ton monde va connaître de profonds changements ! Il pourrait bien disparaître sous la puissance furieuse de l’océan et de l’orage, semant désolation et solitude. Tu devras faire preuve de beaucoup de courage. Tu perdras peut-être des amis et des membres de ta famille. Mais tu survivras. Une grande mission t’attend sur des terres lointaines issues du mariage de te Moana ⁹et te Mau mou’a auahi. ¹⁰

    Tu représentes l’avenir des peuples de l’océan. Prends les graines du monarque, elles sont la semence d’un Nouveau Monde. Dans quelques mois, quand la lune sera pleine, tu partiras avec Pahi¹¹, la grande pirogue, à la conquête de la terre nouvelle. Suis le tâura, il te guidera !

    4 - Le monarque — Tetiaora-AR


    1 Ciré.

    2 Sorte de prêtre polynésien, chamane, médecin.

    3 Sanctuaire, lieu sacré polynésien.

    4 Autel.

    5 Tiki.

    6 Bienvenue à toi.

    7 Totem.

    8 Tissu fait en écorce en Polynésie.

    9 L’océan.

    10 Le volcan.

    11 Grande pirogue.

    II - La mission

    Lorsque je reviens à moi, je me sens très perturbée, comme si j’étais brutalement arrachée à ma vie, à mes projets. Je lève les yeux vers ma grand-mère et me place sous son regard bienveillant et confiant. Je prends le petit sachet de graines et le serre entre mes mains. J’ai alors l’impression d’une transformation profonde de mon être et me sens envahie d’une énergie nouvelle, d’un sentiment d’urgence.

    La prophétie de Māmā Rarahu m’oblige. Je respecte infiniment les anciens, emplis de sagesse et de traditions.

    Mais mon esprit bouillonne.

    Dois-je poursuivre ma préparation aux épreuves sportives, me faut-il tout arrêter, pour me concentrer sur la prédiction ? Le souci, c’est que je n’ai pas encore identifié concrètement ma destination. Mais je fais confiance à la vision et à mon tâura, je le saurai bien assez tôt.

    À partir de ce jour-là, loin des averses violentes, mais ponctuelles, les cieux se déchaînent sans discontinuer sur notre île durant quarante jours, rendant impossible la poursuite de notre vie habituelle : une forte dépression cyclonique emporte tout sur son passage, suivie de grosses inondations, les routes et établissements submergés doivent fermer, des bâtiments sont endommagés, voire détruits, des toitures de zinc et de tôle s’envolent dans la nature, faisant courir de grands risques à la population, des plans d’urgence sont délivrés par les autorités, obligeant tout un chacun à rester chez soi, certains motu ¹², dont celui de Nono, proche deTaiarapu,disparaissent purement et simplement… Chacun doit se terrer dans sa maison, d’autres se retrouvent à la rue, contraints de faire appel à la solidarité des voisins et du fenua ¹³.

    Gorgée d’eau, la terre devient dangereuse, des troncs arrachés et des déchets jonchent le sol. Les désordres sanitaires consécutifs à l’afflux des quantités d’eau se multiplient assortis, avec la prolifération des moustiques, des alertes à la leptospirose, la dengue.

    C’est un vrai désastre, une désolation. Mais c’est aussi comme une invitation à comprendre, à prendre la mesure de la gravité de ce que nous réserve l’avenir. Pour moi, c’est comme une injonction à tout laisser, là, sur le champ.

    Dans cette période catastrophique, mon esprit se met à tourner en boucle sur le sens de cette mission… Je repense aux paroles de Māmā Rarahu, les graines, l’avenir des peuples de l’océan… c’est comme une petite musique qui fait son chemin jusqu’à devenir obsédante. Ce doit être mon seul but, ma seule quête. Mais une autre question surgit. Comment le définir, comment appeler ce projet pour que l’on puisse comprendre immédiatement l’idée de fond, faciliter l’adhésion ?

    Je n’imagine pas accomplir la prophétie toute seule, dans mon coin.

    Je me dis qu’à bien y réfléchir, ce qui se dessine

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1