À propos de ce livre électronique
Et si votre mort était programmée depuis votre naissance ? Et si l'espoir était un acte de rébellion ?
Cent trente - cinq ans après la dernière guerre, les Sicaires gouvernent le monde d'une main invisible et cruelle. À Caelestibus, nul ne vit au -delà de trente ans. Le jour de votre anniversaire, vous êtes exécuté. Pas de prénom. Pas d'identité. Pas de futur.
Avelyne Grey
Née dans le sud de la France, à Marseille, Avelyne GREY a ensuite grandi entre la Drôme et l'Ardèche, bercée par les paysages sauvages et les histoires qu'elle s'inventait déjà enfant. Aujourd'hui enseignante, elle n'a jamais cessé de rêver, de lire, d'explorer des univers imaginaires. Passionnée de dystopie et de fantastique, elle a grandi avec Harry Potter, Hunger Games, Divergent et Le Labyrinthe. Ces mondes l'ont nourrie, inspirée, et lui ont donné envie de créer le sien. Avec ce premier roman, Avelyne Grey nous invite à plonger dans un histoire qu'elle porte en elle depuis longtemps : une aventure où l'imaginaire devient résistance, et où chaque mot est un pas de plus vers la liberté.
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Aperçu du livre
Lilly - Avelyne Grey
L’autrice
Née dans le sud de la France, à Marseille, Avelyne GREY a ensuite grandi entre la Drôme et l’Ardèche, bercée par les paysages sauvages et les histoires qu’elle s’inventait déjà enfant. Aujourd’hui enseignante, elle n’a jamais cessé de rêver, de lire, d’explorer des univers imaginaires.
Passionnée de dystopie, elle a grandi avec Harry Potter, Hunger Games, Divergent et Le Labyrinthe. Ces mondes l’ont nourrie, inspirée, et lui ont donné envie de créer le sien.
Avec ce premier roman, Avelyne Grey (Anna Gret) nous invite à plonger dans une histoire qu’elle porte en elle depuis longtemps : une aventure où l’imaginaire devient résistance, et où chaque mot est un pas de plus vers la liberté.
À ceux qu’on a brisés, mais jamais éteints.
À ceux qui ont survécu sans vraiment savoir comment.
À ceux dont les cicatrices ne se voient pas.
Lui.
Depuis toujours je l’observe, elle est si belle, si pure. Son regard profond et lumineux, capture la lumière comme un ciel étoilé. C’est une présence qui m’apaise, une lumière qui me réchauffe. J’aimerais qu’elle soit éternelle.
Elle
Comment, moi, pouvais-je prendre une telle décision à leur place ? Ce n’est pas à moi de faire ça. Je ne suis pas Dieu. Je ne suis qu’une putain de gamine de 20 ans ! Personne ne devrait avoir de telles décisions à prendre dans sa vie. Comment savoir si c’est la bonne. Y’a-t-il une autre issue ?
Il posa sa main sur mon épaule. Son regard comme à son habitude était à la fois glacial et affectueux. Il me donna encore une fois le courage nécessaire. Nous sommes comme toujours, ensemble pour franchir une étape. Je regarde le levier une dernière fois. Je le fais pour tous. Je tire le levier. C’est fait. C’est fini. Il me prend dans ses bras et me questionne de sa voix douce dans un murmure.
— Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
— On vit.
Sommaire
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Prologue
La dernière guerre de 2102 a tout ravagé. La dernière ? Parce que les Sicaires ont décidé que c’était la dernière. Tout simplement. Ils sont peu nombreux, certes, mais trop puissants pour être combattus. Sans adversaires, il ne peut y avoir d'autres guerres. Logique. C’est tout ce que je sais. Je ne sais pas combien sont encore vivants sur Terre. Je ne sais même pas sur quel continent je me trouve. Tout ce que je sais c’est que le monde est mort en 2102. L’ humanité aussi.
Ma ville s’appelle Caelestibus. Nous vivons dans les bois, entourés de grands pins de dix mètres de haut qui nous protègent du froid et de l’air marin. Au loin on voit un océan immense qui s’étend à perte de vue. L’air est chargé d’un parfum iodé, une senteur fraîche et vivifiante qui s’élève avec la brise marine. Les vagues parfois douces, parfois puissantes, avancent et se retirent avec une régularité presque envoûtante, racontant les histoires sombres et heureuses du passé à ceux qui prennent le temps d’écouter. Elles viennent mourir sur le rivage dans un bruissement apaisant. À l’horizon, le ciel et la mer se confondent en une ligne floue, comme si l’océan s’étendait jusqu’à l’infini, une promesse d’aventure et d’inconnu. C’est un monde en perpétuel mouvement.
Malheureusement je n’ai jamais pu mettre les pieds dans l’eau, des barbelés entourent notre ville. Nous sommes dans une sorte de prison. Les Sicaires, eux, vivent à Ambrosios. Personne n’est jamais allé là-bas. Mais on le sait, c’est tout. D’ailleurs, je n’ai jamais vu de Sicaire. Ils restent cachés et contrôlent les masses de loin, en laissant leurs sbires faire le sale boulot. Certaines rumeurs disent qu’ils se cachent dans des bunkers, d'autres disent qu’ils sont parmi nous et qu’ils nous espionnent pour plus facilement nous punir.
Les ressources, depuis la dernière guerre, sont de plus en plus précieuses. C’est pourquoi, depuis que les Sicaires sont au pouvoir, nous ne voyons plus personne de plus de trente ans à Caelestibus. Ils contrôlent la masse, nous ne devons pas être trop nombreux. À l’âge de trente ans, nous sommes exécutés. Et oui, à Caelestibus, on naît pour servir. On meurt à trente ans. Entre les deux, on espère.
Cela nous laisse le temps de faire et d’élever des enfants qui serviront comme esclaves au gouvernement, comme moi, à produire plus, toujours plus. Les grands apprennent aux jeunes et à trente ans, on meurt. Toutes les femmes doivent avoir au moins un enfant avant leurs vingt-trois ans pour avoir le temps de l’élever. Si vous n’en avez pas ?
C’est enfreindre la loi et vous êtes exécutée sur la place principale, devant tout le monde.
« Que ta mort soit pire que ta vie. »
Avant chaque exécution, cette phrase inhumaine est prononcée par le bourreau, en guise d’adieu. Cette phrase, je l’ai entendue bien trop souvent.
La Dernière guerre a été gagnée par les Sicaires le 12 juillet 2112 après des années de destruction, de sang, de feu, de familles déchirées. Cette guerre était ignoble. Nos parents qui nous forment jusqu’à leur mort afin qu’on soit prêt à remplir notre rôle d’esclave docile, nous parlent régulièrement de cette guerre, pour ne pas oublier. Ne pas oublier les atrocités dont l’homme est capable. Ça nous apprend à rester à notre place, à ne pas faire de vague. Ça nous apprend la peur.
Donc pour eux, les sicaires, le 12 juillet c’est le commencement d’une nouvelle année au pouvoir. Pour fêter cela, les sbires tirent au sort une maison et tuent tous ses occupants, juste pour nous rappeler que nous ne sommes à l’abri nulle part; puis ils font la fête sur la place principale jusqu’au bout de la nuit.
L’an dernier, c’est la maison de ma voisine qui a été attaquée. On était amis depuis toujours. Souvent j’allais manger chez elle, sa mère était très empathique et vendait son corps régulièrement pour avoir plus de ration. Je lui serai reconnaissante éternellement pour le nombre de fois où elle m’a sauvée de la famine.
Ce jour-là nous avions passé la journée ensemble ma voisine et moi, comme tous les 12 juillet à vrai dire, craignant toujours que ce soit notre dernier jour sur cette fichue planète. Nous nous sommes quittés au moment du couvre-feu. Pour elle, cette fois ci, c’était réellement sont dernier jour. Boum. Une explosion. Plus de maison, plus de voisine.
Souvent dans mes cauchemars je la vois, avec son joli sourire, tendre et sincère, puis son sourire fond comme de la cire, elle hurle, un cri déchirant qui lacère le silence et s’élève dans les airs comme un écho de souffrance pure. Puis je me réveille, en me rendant souvent compte que ce cri est le mien.
Personne n’a de prénom ici, comme c’était fait dans l’ancien temps. On nous a retiré toute identité. Nous ne sommes personne. Inutile de préciser que nous crevons la dalle. Nous n’avons rien à manger. Si l’on veut manger ou boire, c’est en échange de quelque chose : un travail, un vêtement, ou parfois même notre corps. La vie est dure ici, je dirais même extrêmement déprimante et difficile, donc certains ont d’autres priorités.
Ils vendent leur corps aux sbires de temps en temps pour obtenir cette drogue qui fait des ravages depuis la dernière guerre. C’est une drogue dure qui vous permet de ne plus rien ressentir. Les dirigeants en donnent aux sbires pour qu’ils puissent tuer sans scrupule. Et dans un monde comme ça, nous, les 99 %, nous nous entretuons pour en avoir. Pour ne plus avoir peur, ne plus souffrir, ne plus déprimer à cause des pertes que nous avons subies.
J’ai appelé cette substance « la drogue de la déshumanisation » le jour où j’ai vu un sbire tuer un enfant de deux ans, juste parce qu’il n’arrêtait pas de pleurer. Mais bon, cette drogue, je l’aime bien. Mon meilleur ami et moi vendons notre chair parfois quand tout va mal, pour prendre cette petite merveille et nous sentir bien pendant quelques heures.
Un soir, après une journée compliquée, je me suis sacrifiée sur l’autel du besoin pour avoir cette drogue. C’était la première fois. J’avais 13 ans… 13 ans et j’avais déjà attaqué la longue descente qui m’emmène tout droit aux enfers.
Je me souviens quand j’ai eu ce Crystal entre mes doigts pour la première fois. Il m’avait coûté le prix de ma pureté et de mon innocence. Je l’ai gobé tout rond. D’un coup.
Je me suis sentie puissante, invincible. J’étais lucide, mais je me sentais différente. Mon dieu, que ce trip était putain de bon. Il s’ensuivit des années d’addiction, juste pour ressentir de nouveau ce sentiment de puissance encore et encore. Je préférais largement avoir ma dose plutôt qu’un repas complet. A mon avis ce n’est pas conseillé de mélanger l’alcool et cette drogue, mais mes amis et moi on adore ça.
D’abord, il y a cette chaleur qui monte. Les pensées deviennent plus fluides, et les mots sortent avec une facilité surprenante. Tout semble plus vibrant, comme si un filtre atténuait les soucis et amplifiait le plaisir. Les lumières paraissent plus vives, les conversations plus profondes… ou totalement absurdes. Puis vient la perte de contrôle progressive. Le corps vacille, les gestes deviennent imprécis, et la perception du temps se dilate ou s’accélère. Les émotions s’emballent. Les visages autour se déforment légèrement, les sons se mélangent, et marcher droit devient un défi.
À mesure que l’alcool prend le dessus, tout devient flou, comme si le monde tanguait au rythme d’une mer invisible. Certains souvenirs s’effacent presque instantanément, d’autres se figent étrangement. L’esprit flotte entre lucidité et abandon, entre exaltation et vertige.
Mélangez ça avec la drogue de la déshumanisation et vous pouvez être sûre d’être loin de tout soucis pendant quelques heures, du moins jusqu’à que la réalité vous rattrape.
Nous avons tout de même une liberté. Nous pouvons aller partout dans le rayon des quelques dizaines de kilomètres que couvre notre grillage. Il est vrai que notre ville est grande. Nous y sommes exactement 9 256 depuis hier ; deux ont eu trente ans hier et cinq ont été tués parce qu’ils ont désobéi. Chaque jour, l’effectif est affiché. Chaque jour, il change.
Il y a quelques mois, mon meilleur ami et moi avons trouvé une cabane cachée loin de la ville, dans les bois, Nous avions passé une journée affreuse et nous voulions aller voir l’océan de loin après avoir vendu nos charmes pour une micro-dose de drogue. On a donc marché des heures pour trouver le spot parfait pour se poser loin de tout et de tous, puis nous sommes tombés sur cette cabane, nichée au cœur de la forêt qui était de plus en plus dense à chaque pas. Elle ne fait pas plus de 20 m², mais cela est largement suffisant, nous offrant un espace modeste pour nous réfugier. À l'intérieur, il y a quelques canapés usés, recouverts d'une épaisse couche de poussière, témoignant de l'abandon et du passage du temps. Les vitres des fenêtres sont brisées, laissant entrer des courants d'air frais et des rayons de lumière tamisée. Cette cabane délabrée dégage une aura mystérieuse, comme si elle avait mille histoires à raconter.
Depuis ce jour, nous nous y rendons tous les soirs avec d’autres amis, pour oublier. Nous partageons nos maigres rations gagnées durement, nous nous droguons quand nous le pouvons et nous buvons tous les jours pour oublier nos vies misérables et notre mort programmée; parfois on rêve d’un monde sans sicaires; dans notre monde, vivre jusqu’à trente ans, c’est déjà une victoire. Réussir à rêver, c’est une révolution.
Je ne l’ai pas précisé mais bien évidemment l’alcool est illégal à Caelestibus. Un ami à nous en fabrique en cachette grâce aux pommes de terre que nous obtenons chacun de notre côté, de différentes manières. Une amie s’est fait prendre avec de l’alcool en se rendant à la cabane, elle a été exécutée sur le champ; ne la voyant pas arriver nous avons vite compris son triste sort. Depuis, nous essayons d’être plus discrets. Nous passons donc nos journées à faire cela, mais surtout à compter les jours avant notre mort. Personnellement, il m’en reste 4003.
Je me demande comment se sentent les futurs trentenaires la veille de leur anniversaire. Je me souviendrai toujours du visage de ma mère, pâle et glaciale, le jour où elle s’est fait exécuter. Ici nous ne fêtons pas nos anniversaires. Un anniversaire, c’est un deuil. Tout le monde meurt un jour. Notre jour à tous, c’est le jour de nos trente ans, si la faim, une exécution anticipée, la maladie, ou encore l’overdose, ne nous emportent pas avant.
Quand j’étais petite, ma mère m’a raconté qu’un homme avant ma naissance, avait pris la fuite avec son fils. Il avait réussi à faire passer son fils de cinq ans par-dessus le grillage mais avait été abattu avant de pouvoir l’escalader à son tour. Je sais qu’ils n’ont pas retrouvé l’enfant, car ils ne l’ont pas utilisé comme symbole ou trophée pour montrer leur puissance. Je ne sais pas si cet enfant est encore vivant, mais rien que le fait qu’il ait réussi à échapper aux sbires était une énorme victoire pour notre ville. Et cela me donne toujours de l’espoir. Le lendemain, les sbires étaient en colère. Ils ont exécuté une vingtaine de personnes pour des raisons futiles, encore plus que d’habitude. Ce jour-là, ma mère m’a dit : « Dum spiro, spero » en me souriant.
Je lui avais souri à mon tour, même si je n’avais pas compris, car je savais que le lendemain je ne la reverrais plus jamais. Elle a eu trente ans. Je n’ai toujours pas compris le sens de ces mots.
Voilà ma vie. Elle est remplie de peur, de haine, de sang et d’espoir. L’espoir, c’est important. C’est ce qui m’a empêché de sauter d’un toit à chaque fois que j’ai vendu mon corps pour de la drogue, et que des sbires affamés par ma chair fraîche ont posé leurs bouches, leurs mains répugnantes sur moi. C’est ce qui m’a évité de m’effondrer quand mes parents ont été exécutés.
Oui, c’est bien l’espoir qui m’a permis de tenir les jours où je n’avais rien à manger. Ils nous ont enlevé nos noms. Nos droits. Notre futur. Mais pas notre rage de vivre.
1
Je me lève, comme chaque matin, avec des douleurs sur tout le corps. Mes journées sont simples. Épuisantes, mais simples. Je travaille dans les champs, à couper le blé du matin au soir. Mon meilleur ami, lui, s’occupe du bétail. Il passe ses journées avec les vaches pendant que je lutte contre la chaleur et la poussière. Les journées sont longues. Usantes. Sans fin.
Je sors de ma chambre. Je vis seule. Autrefois, cette maison était un foyer. Aujourd’hui, c’est juste une prison.
Je me dirige vers la salle de bain… enfin, si on peut appeler ça une salle de bain. À vrai dire, à part un vieux seau pour nos besoins, il n’y a pas grand-chose. Parfois, il y a un filet d’eau courante, mais elle est toujours glaciale. Alors, on se lave vite. Très vite.
Ma peau est sèche, craquelée. L’air marin qui charrie du sable sur nous toute la journée, couplé à la brûlure du soleil, n’arrange rien. Chaque mouvement est une agression sur ma peau abîmée. J’enfile un vieux pantalon, un pull élimé, et je sors affronter une nouvelle journée de travail. Dans la rue, en direction de la place principale, les visages sont éteints. Personne ne parle. Personne ne sourit. Chacun marche en silence, perdu dans ses pensées. J’aperçois quelques amis. Nous détournons le regard. Nous faisons semblant de ne pas nous connaître. Il ne faut pas que les sbires sachent. Il ne faut pas qu’ils comprennent que nous nous retrouvons, le soir, dans l’ombre. Alors, nous restons discrets. Invisibles.
Je passe devant l’école. Les enfants sont assis par terre, dehors. Certains jouent, d’autres restent allongés, fixant le ciel, l’air absent. Même les rires des plus petits sonnent creux. Un enfant qui joue devrait être une vision joyeuse… ici, c’est juste tragique. Ils s’inventent des jeux avec des cailloux, avec des morceaux de bois. Mais on voit bien qu’ils s’ennuient. Qu’ils sont tristes. Et puis, il y a les sbires. Armés. Silencieux. Toujours là. Quelle joie…
J’arrive au champ, et sans un mot, je me mets au travail.
La chaleur est insoutenable, étouffante. Le soleil brûle la peau, le sable s’infiltre partout, rendant chaque geste encore plus pénible. Mon corps est en feu, mes vêtements me collent, imbibés de sueur et de poussière. L’air est lourd, chargé de fatigue et de résignation. Autour de moi, les autres travaillent en silence. Têtes baissées, épaules voûtées, les gestes sont mécaniques, presque robotiques. Ramasser, porter, jeter. Encore et encore. Personne ne se plaint. Personne ne parle. Parce qu’on sait ce qui nous attend si on ralentit. Les sbires veillent. Leurs ombres glissent entre les rangées de blé, menaçantes, oppressantes. Ils ne disent rien, mais leurs regards suffisent à nous rappeler notre place. À la moindre baisse de rythme, un coup part. Un cri étouffé, un corps qui vacille. Pas de pause. Pas de répit. Seulement la douleur et la peur.
J’entends un sifflement, puis une claque brutale. Quelqu’un vient de recevoir un coup. Un instant, je lutte contre l’envie de tourner la tête, mais je sais que si je regarde, ce sera moi, la prochaine. Alors, je me force à fixer le sol, à continuer.
Travailler. Avancer. Survivre. L’idée de résister me traverse l’esprit. Et après ?
Ils sont armés, nous sommes brisés. Lutter, c’est mourir. Alors, je serre les dents et j’endure. Encore une journée sous un soleil impitoyable.
Encore une journée sous le joug de ceux qui nous considèrent à peine comme des êtres humains. Encore une journée d’enfer.
Douze heures passent, douze heures sans pause, sans souffle. Pas de répit. Le soleil, qui semblait immobile dans le ciel, commence enfin à décliner. La lumière dorée devient rougeâtre, teintant le champ d’une lueur presque irréelle. Pourtant, rien n’a changé : la chaleur colle encore à la peau, la poussière ronge la gorge, et la douleur pèse sur chaque muscle. Ma journée se termine enfin. Je suis épuisée, vidée de toute force. Mes bras tremblent sous l’effort, mes jambes peinent à me porter. Chaque mouvement me coûte, comme si mon propre corps refusait de m’obéir après cette journée d’enfer.
Mes mains sont en feu. À force de serrer, de porter, d’arracher, ma peau s’est ouverte à plusieurs endroits. Des ampoules éclatées, des plaies noircies par la saleté. Mais qu’importe. La douleur n’a plus d’importance. Autour de moi, les autres s’effondrent presque. Certains restent figés un instant, les yeux perdus dans le vide, incapables de bouger. D’autres titubent en silence vers la sortie, le dos courbé sous le poids de l’épuisement. Personne ne parle. Pourquoi le ferait-on ? Nous sommes tous vides, aussi bien physiquement que mentalement. Les sbires, eux, ne montrent aucun signe de fatigue. Ils nous jettent un regard froid, un regard qui nous rappelle que demain, tout recommencera. Alors, sans un mot, je prends une grande inspiration; ou du moins, j’essaie. Mon souffle est court, ma poitrine serrée, mes côtes douloureuses. Mon corps crie grâce, mais je n’ai pas le droit de flancher.
Un pas après l’autre, je rentre.
Ce soir, on se rejoints tous à la cabane comme tous les soirs, car nous ne sommes pas certains d’être encore vivants le lendemain. Ce genre de moments me donnent l’impression de mener une vie d’adolescente normale, une vie de l’ancien temps.
Cela fait presque une heure que je marche. Je devrais arriver d’ici quelques minutes. Ce chemin je le connais par cœur à présent. Je longe la place principale, je jette un regard derrière moi pour être sûre de ne pas avoir été suivie. Je prends un virage à gauche et j’entre dans une ruelle étroite et lugubre. À chaque fois je me sens observée dans cette rue. Je m’y sens mal à l’aise. J’accélère donc le pas. Il n’y a personne dans les rues ce soir, ils doivent tous être cloîtrés chez eux à mourir de faim. Il est vrai que les récoltes ces derniers mois ont été mauvaises … une tempête de sable a ravagé la plupart de nos champs en septembre, puis les pluies d’octobre et la neige de décembre n’ont rien arrangé. Malheureusement, beaucoup sont morts de faim cet hiver. Je continue mon chemin en faisant extrêmement attention à ne pas être suivie.
Notre cabane est le seul lieu où nous nous sentons heureux, pas surveillés. Le jour où nous l’avons trouvée on s’y est tellement senti en sécurité que nous y avons passé la nuit, à parler de tout et n’importe quoi. À divaguer sur la possibilité d’un monde meilleur, d’un autre monde, de l’ancien monde. Le lendemain nous sommes revenus. Petit à petit nous l’avons rafistolée comme on pouvait. Avec nos maigres ressources et notre peu de compétences. Mais plus les semaines passaient plus cela se rapprochait d’un « chez nous ». Nous avons emmené nos amis et c’est devenu notre lieu de rendez-vous. Comme nous aimons l’appeler : « le bureau. »
C’est vrai que souvent on imagine des plans pour renverser les sicaires, on a l’impression d’être des espions. Mais rien de tout cela ne sera jamais réel malheureusement, nous ne pouvons que subir nos misérables existences.
Après plusieurs kilomètres de marche j’arrive enfin à la cabane, mes amies sont déjà là. Je rentre et salue tout le monde de la main et lance mon plus beau sourire à mon meilleur ami. À peine ai je le pied posé dans la pièce qu’on me demande déjà :
— Tu veux jouer ?
Je hausse un sourcil.
Jouer à quoi ? C’est simple, un vieux jeu venu d’un autre temps, un vestige d’une époque insouciante. Le jeu de la bouteille.
Un cercle se forme, presque automatiquement, comme un vieux rituel que tout le monde connaît par cœur. On s’installe au sol, en rond, serrés les uns contre les autres, comme pour se réchauffer de la froideur du monde extérieur. Au centre, une vieille bouteille en verre, ébréchée, tachée par le temps. Elle trône là, comme un artefact sacré de notre illusion. Le principe est idiot, mais c’est justement ce qui plaît. On fait tourner la bouteille, et quand elle s’arrête, elle pointe quelqu’un. Celui ou celle sur qui elle tombe doit choisir : embrasser ou relever un gage. Parfois on s’embrasse, souvent on boit. On rit fort, on fait semblant d’avoir honte, on se bouscule gentiment, on fait mine de refuser avant de céder. C’est puéril, oui. Stupide, même. Mais ça fait du bien !
Pendant quelques minutes, on oublie. On oublie où on est. Ce qu’on a perdu. Ce qu’on endure. Ce jeu, c’est notre échappatoire. Notre façon de défier la misère et la douleur. Une parenthèse absurde, mais nécessaire. Parce qu’en vérité, c’est le seul moment où nous pouvons faire semblant d’être normaux. De ne pas vivre dans un monde brisé. De ne pas être brisés nous-mêmes. Alors oui, on joue à faire tourner une bouteille. Et pendant que le verre glisse sur le sol, on laisse tourner aussi un peu notre douleur. Juste assez pour l’oublier. Quelques instants. On joue à ça pendant des heures, à rire, à crier, à se lancer des défis de plus en plus absurdes, à s’embrasser sans réfléchir.
La bouteille tourne, encore et encore, comme si elle pouvait faire tourner le monde avec elle, l’emporter ailleurs. Et puis, peu à peu, l’alcool fait son effet. Les gestes deviennent plus lents, les rires plus bruyants, les regards plus flous. Les voix déraillent, les mots s’embrouillent. On n’est plus très sûr de qui a embrassé qui, ou de pourquoi on rigole, mais ça n’a plus vraiment d’importance. Je sens mes joues chauffées par l’ivresse, ma tête légèrement lourde. Mon estomac aussi commence à protester. Pas à cause de l’alcool, non, mais à cause de tout ce que je retiens depuis des jours. Depuis des semaines. Peut-être même des années. Alors, à un moment, je lève les mains comme pour me rendre. Je regarde les autres, avec un sourire un peu forcé, et je lâche :
— Bon… j’crois que j’en ai un peu marre, là.
Les autres rient, pensent que je plaisante. Mais moi, je sens que ça monte. Pas juste l’alcool. La fatigue. Le ras-le-bol. La nausée de cette fausse légèreté. Parce qu’au fond, ce jeu, ce n’est qu’un petit pansement sur une plaie béante. Et là, ce soir, j’ai juste plus la force de faire semblant. J’ai envie de silence. De solitude. De respirer. Même si je sais que dehors, ce ne sera pas mieux. Mais pour l’instant, je me contente de me reculer un peu, le monde tourne un peu trop vite. La bouteille aussi. Et moi, j’ai juste besoin qu’elle s’arrête.
Je viens alors me blottir contre mon meilleur ami et commence à lui caresser les cheveux. Il adore que je fasse ça, depuis qu’il est petit, ça l’endort. Au bout de quelques minutes, il sourit et attrape ma main pour me dire d’arrêter, car il n’a pas envie de s’endormir tout de suite.
J’en profite pour me servir un nouveau verre d’alcool. C’est dégueulasse, comme toujours, ça brûle la gorge, et pique les yeux mais ça nous rend heureux. Enfin, ça nous rend moins malheureux plutôt. Mais peu importe.
Mes amis et moi commençons à faire notre activité préférée : imaginer le monde d’avant.
Mon meilleur ami est en plein débat sur la vie en 2050. Il est plutôt grand, élancé, mais sec et musclé, avec des bras puissants et des abdos bien dessinés. Sa silhouette est fine, presque effilée, mais son physique laisse deviner une force discrète, une agilité naturelle. Ses cheveux sont courts et bruns, légèrement ébouriffés. Ses yeux, d’un marron profond, sont vifs et perçants, empreints d’une lueur malicieuse qui semble toujours prête à lancer une réplique piquante. Un sourire narquois trône souvent sur son visage, oscillant entre amusement et défi, un sourire qui donne envie de lui faire confiance autant que de se méfier de lui. Il est beau. Pas d’une beauté classique ou parfaite, mais d’un charme brut et charismatique, de ceux qui attirent autant qu’ils intriguent. Il a cette assurance naturelle, cette façon d’être protecteur sans être envahissant, drôle sans être lourd. Un mélange entre force et espièglerie, quelqu’un sur qui on peut compter, mais qui ne ratera jamais une occasion de te faire rire ou de te provoquer juste pour le plaisir. Cette pensée me fait sourire. Il a toujours fait des ravages. Parfois pendant des nuits trop arrosées on succombait tous deux à de longs baisers pleins de sauvagerie et on en riait le lendemain. C’est une relation assez bizarre que l’on a. On s’aime comme deux amis, comme une famille, comme deux amants. Je suis là quand il est au plus bas. Il est là, lors de mes angoisses. On s’aide l’un l’autre. Je l’aime tellement. Il est ma famille. J’ai besoin de le protéger. Quitte à y perdre la vie.
Il finit par remarquer que je le regarde depuis maintenant un bout de temps et tourne la tête vers moi perplexe. Je lui fais comprendre que tout va bien avec un sourire en coin et sors prendre l’air. Le ciel est noir, il fait penser aux ténèbres, mais avec tout de même un peu d’espoir.
Effectivement, ce soir, toutes les étoiles brillent de mille feux. J’aime à penser que mes parents me regardent de là-haut, je suis sûre que c’est eux qui brillent le plus. Penser à eux me réconforte, même si je ressens toujours un peu de tristesse, ils me manquent tellement.
Je marche une centaine de mètres et m’arrête près du grillage. C’est juste magnifique comme toujours. C’est une clairière où toutes les étoiles, plus belles les unes que les autres, m’offrent un spectacle splendide. Si je m’autorisais à tomber amoureuse je voudrais que cette personne soit à mes cotés maintenant.
Tomber amoureuse ? Dans ce monde, c’est hors de question ! Plus tu t’attaches, plus tu risques de souffrir. C’est une règle simple, brutale, mais inévitable ici. S’attacher, c’est ouvrir la porte à la perte. Et la perte… elle est partout. Elle rôde, elle attend. C’est pour ça que la seule personne à qui je me suis vraiment autorisée à m’attacher, c’est mon meilleur ami. Les autres, je les apprécie, vraiment. Je ris avec eux, je partage des souvenirs, je les respecte profondément. Mais je mets une distance. Une barrière. Je la construis volontairement, pierre par pierre, pour ne pas sombrer le jour où ils disparaîtront. Parce qu’ils finiront par partir, d’une manière ou d’une autre. Et moi, je veux être prête. Je me prépare au pire, tout le temps. Je vis en mode survie émotionnelle. Oui, c’est une façon de vivre assez pessimiste, j’en suis consciente.
Mais dans un monde où tout peut basculer en une seconde, aimer, c’est un luxe que je ne peux pas me permettre. Et espérer… c’est encore pire.
Je m’allonge et contemple les étoiles. J’entends d’ici, la puissance des vagues qui se cassent contre le sable. J’ai toujours rêvé de me laisser emporter par ces vagues gigantesques.
Je reste donc là à imaginer ce que ma vie aurait pu être sans les sicaires.
Je me baladerais avec les enfants sur la plage, les pieds nus dans le sable chaud. Le soleil caresserait l’horizon, teintant le ciel de couleurs douces et dorées. Je serais dans les bras de l’homme que j’aime, et mon meilleur ami , tiendrait tendrement sa bien-aimée contre lui. Plus loin, nos enfants joueraient dans les vagues, insouciants, éclaboussés par l’écume. Leurs rires résonneraient au loin, des rires vrais, purs, les rires d’enfants heureux. Et moi, blottie contre ma moitié, le cœur enfin léger, je me laisserais bercer par le murmure des vagues. Je fermerais les yeux, le sourire aux lèvres, apaisée. Et je m’endormirais dans cette paix-là, douce et silencieuse. Cette vie là aurait été tellement meilleure…
Quand tout à coup j’entends un bruit derrière moi à quelques mètres, cela me sort de ma rêverie et je deviens un animal dont l’instinct de survie est plus que développé. Ce bruit n’est pas humain, ni animal, j’en suis persuadée. C’est un bruit étrange, que je n’ai jamais entendu. Cela répète trois fois les mêmes sons puis s’arrête pendant quelques instants. Puis cela recommence.
Je me lève et marche vers ce bruit étrange. Je longe le grillage sur une vingtaine de mètres, le bruit est de plus en plus fort. J’y trouve la source du bruit. Un petit boîtier. Je l’examine de plus près. Il y a des touches avec des chiffres et des lettres, un écran; un texte s’affiche dessus : « Dum spiro, spero. »
Encore cette phrase que je ne comprends pas. Cette phrase que ma mère m’avait dite quand j’étais petite, la veille de sa mort. J’observe
