Histoires en désordre

Par Luke De Saint Pierre

Vingt-huit histoires inédites…

Portraits de divers personnages, humains, non-humains, tantôt réalistes, tantôt fantasques ou imaginaires, mais comment les reconnaître ?

De surprenantes aventures, des voyages, des souvenirs, de nouvelles expériences, des pensées vagabondes.

Mélange de récits et d'époques, confusion, effervescence, désorganisation.

 

« Deux heures du matin, je pose ma tête contre le mur et je ferme les yeux ; si au moins je pouvais dormir un peu... le gars menotté ne m'as pas dit un seul mot et au fond je préfère ! »

« C'est plutôt mal parti. Personne ne lira ce livre… Et tous ces gribouillages sur ce petit cahier ! Est-ce ainsi que vous écrivez ? »

 « Pourtant des personnes s'adressent à moi, comme si elles avaient investi l'intérieur de mon esprit ou mon corps tout entier... mais d'enveloppe physique, j'en suis totalement dépourvu. »

 « Aussitôt, obéissant à l'ancien, l'homme-tigre au somptueux pelage blanc et aux yeux rougis par la haine s'élance vers ceux qui ont osé occire Ehcks. »

 « Autrefois mon ombre restait au comptoir et sirotait son Bourbon, maintenant je suis moins rapide, elle arrive à me suivre ! »

« Moi je n'aime pas écrire, je n'écris jamais rien, je préfère prendre des photos. »

• Langue: Français
• Éditeur: Luke De Saint Pierre
• Date de sortie: 21 nov. 2024
• ISBN: 9798230074700

Aperçu du livre

HISTOIRES EN DESORDRE

Luc DE SAINT PIERRE

HISTOIRES EN DESORDRE

ISBN : 9798230074700

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Copyright © 2024, Luc De Saint Pierre

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Le Padre

L’éclaireuse

Fantôme des montagnes

La traque

Le gang des ombres

L’héroïne

Le premier arrivé

Clair de forêt

Monsieur Gévaudan

Dans ses yeux

Turquoise

Une découverte

Un jour de retard

Un monde parfait

Géante rouge

Planète inconnue

En haut

Ituango

Emeraude

Volage

L’amour et la chance

Amoco

Recherche manoir isolé et hanté

Dépareillés

La Camarde

Mort imminente

La vieille dame

Conversation avec mon rêve

Le Padre

Des gouttes qui tombent sur du métal... plus jamais je ne pourrai de nouveau entendre ce bruit sans me mette à frissonner. Pourtant ce son est banal, anodin, mais désormais il résonnera dans ma tête comme un atroce souvenir, une mémoire gravée au plus profond de mon être, en me rappelant sans cesse les représentations de la peur et du malaise.

—  Hombre, alors vous allez attendre dans le petit salon juste à côté, suivez-moi !

Derrière un lourd rideau mon guide qui parle français avec un fort accent espagnol ouvre une petite porte dérobée que je n’avais tout d’abord pas remarquée...

— Asseyez-vous ici, les fauteuils sont confortables ! Et pas un bruit, le Padre il aime pas être dérangé ; je viendrai vous chercher plus tard.

La pièce est sombre, seule une fenêtre très étroite en forme de meurtrière et qui donne sur cette inextricable jungle Colombienne parvient faiblement à l’éclairer.

Peu à peu mes yeux s’habituent à l’obscurité.

Sommairement meublé avec deux larges sièges, un guéridon et une chaise, avec ses tentures épaisses recouvrant l’ensemble des murs en bois, l’endroit est silencieux et douillet ; au fond de ce petit salon se dresse un meuble haut comportant plusieurs étagères chargées de grimoires, de bibelots, de statuettes en bois plus ou moins hétéroclites devant sans doute servir aux cérémonies organisées par le maître des lieux.

Au milieu de tout cela trône le portrait magnifiquement peint d’une très belle jeune femme ; j’ignore qui elle peut bien être mais ses yeux observent intensément ceux qui se sont aventurés dans ce lieu et qui se permettent de la regarder, elle apparaît ainsi comme la gardienne supposée d’un trésor ou d’un sanctuaire. Je m’approche encore plus près et je distingue posé devant cette superbe peinture un merveilleux bracelet que je suppose être en or mais dont je ne parviens pas à lire l’inscription gravée sur sa surface ; j’aimerais le prendre et l’approcher de la lumière afin de pouvoir déchiffrer ses caractères. Mais le regard de cette femme me suit, me pèse, m’obsède et m’empêche de faire le moindre geste ou de m’approcher davantage.

Tout à coup je frissonne... quelque chose d’étrange a attiré mon attention, un objet blanchâtre et assez volumineux que je n’avais tout d’abord pas remarqué... bien posé en haut de ce meuble, dans la partie la plus ténébreuse, se trouve une tête de mort, le malheureux crâne d’une personne sans doute disparue depuis bien longtemps... je sursaute puis aussitôt je recule et je baisse les yeux.

Je finis par m’assoir dans l’un des grands fauteuils et je me contente de regarder la petite fenêtre et le faible jour qu’elle laisse passer ; je sais que derrière moi le portrait et le crâne continuent inlassablement de m’observer mais je ne me retournerai pas, je n’essaierai plus de leur faire face et je ne chercherai pas à connaître ce mot secret gravé sur le bracelet.

Ce lieu est vraiment bizarre, à la fois apaisant et imprégné de mystère, troublant et à la longue angoissant ; j’espère que mon séjour dans ce petit salon ne s’éternisera pas trop longtemps...

J’attends patiemment et finalement je me demande si j’ai eu raison de vouloir rencontrer ce personnage ; quelle stupide conversation dans l’arrière salle de ce cabaret sordide ! L’Aguardiente était puissante et cet homme qui me disait sans cesse que je devrais essayer car le Padre peut tout connaître au sujet de mon avenir... alors en partie éméché j’ai fini par accepter l’invitation, après tout pour trois cent mille Pesos cela me ferait vivre quelque chose de surprenant et une histoire de plus à raconter !

Mais soudain j’entends des voix provenant de la salle commune et aussitôt je colle mon oreille à l’une des tentures en essayant de comprendre ce qui se dit de l’autre côté, néanmoins je ne parviens à saisir que quelques mots isolés qui sont prononcés assez vite et toujours en langue espagnole. Les deux individus parlent assez fort et peut-être sont-ils en train de se disputer ; je perçois un bruit de pièces de métal que l’on frotte l’une contre l’autre et des pas précipités, comme si quelqu’un cherchait à s’enfuir puis ce qui ressemble à une supplique et la chute d’un corps ou d’un objet lourd sur le plancher...

Désormais je ne parviens plus à entendre aucun son, je colle davantage mon oreille au rideau...

—  Hombre, c’est pas bien ! Le Padre il aime pas quand on l’espionne !

Mon guide est juste derrière moi et m’observe d’un air contrarié ; à ma grande surprise il tient un pistolet dans sa main mais pour l’instant il ne me menace pas, le canon est baissé.

—  Allez, venez !

Enfin j’entre dans cette grande salle seulement éclairée de quelques bougies. L’odeur est nauséabonde, insoutenable ; des animaux de basse-cour se trouvent là un peu partout, ils vont et viennent et ont l’air effrayés. Puis au fond de la pièce, devant un feu de cheminée se trouve un homme assez massif qui se tient face aux flammes et me tourne le dos ; il est vêtu d’une tunique de couleur mauve et il porte un vague bonnet sur la tête, je crois qu’il est en train d’aiguiser un couteau et cela me rappelle le bruit que j’avais entendu auparavant.

Mon guide est resté derrière moi et m’oblige brutalement à m’agenouiller puis il saisit mes poignets et sans ménagement les lie dans mon dos ; ensuite il pointe le canon de son arme contre mon cou.

—  Vous bougez pas !

Pendant ce temps celui que je suppose être le Padre attrape l’un des poulets qui passait tout près de lui et lui tranche le cou puis il récupère son sang dans une écuelle, en jette aussitôt une partie dans le feu et observe la couleur des flammes avec attention.

Il prononce des incantations, une série de mots incompréhensibles puis allume un gros cigare et enfin se retourne vers moi...

— ¡ Creo que el chico necesita un baño ! ¡ Sí, un baño de sangre, porque la sangre es la vida !

Tout à coup, dès la fin de ces paroles retentit une violente détonation ! Je sursaute et je me demande si l’homme qui est derrière moi a utilisé son arme mais je ne ressens absolument rien, je suis toujours en vie mais je suis complètement assourdi ! 

J’ai bien compris ce que le Padre avait dit auparavant, il parlait d’un bain de sang et cela a semblé l’amuser ; à présent il se dirige vers moi en tenant fermement son poignard tandis que l’autre gars appuie de plus en plus fort le canon de son pistolet contre ma nuque.

—  ¡ Trescientos mil Pesos y quiere conocer su futuro !

Puis les deux hommes se mettent éperdument à rire et le Padre s’en retourne vers l’âtre ; il chauffe la lame de son coutelas au-dessus du feu et de nouveau il revient avec l’écuelle contenant le reste du sang de l’animal qu’il vient de sacrifier. Le métal est brûlant, il le place tout près de mes yeux et laisse lentement tomber des gouttes de sang qui se vaporisent presque aussitôt en dégageant un fumet écœurant. 

Durant toute cette opération il n’a de cesse de scruter l’expression de mon visage mais moi je préfère fermer les yeux...

—  ¡ Mírame, no cierra los ojos !

Puisqu’il le veut alors nos regards se croisent et le sien est impassible jusqu’au plus profond de ses yeux sombres mais dont le fond blanchâtre est rougi par les fumées et l’accablante chaleur ambiante, ce qui lui donne l’aspect d’un être appartenant au monde des cauchemars.

—  ¡ Tú, un día escribirás !

Aussitôt il souffle toute la fumée de son cigare sur mon visage et je ne peux m’empêcher de tousser.

—  ¡ Sí, escribiras !

L’entretien est terminé, mon guide défait mes liens et m’entraîne rapidement à l’extérieur puis sans prononcer un seul mot nous parcourons le chemin inverse jusqu’à la petite ville dans laquelle j’ai loué une chambre.

—  Attention à vous étranger ! ¡ Buenas noches !

Epuisé, je m’allonge sur mon lit ; je réalise que ces gens se sont bien moqués de moi et par moments ont même réussi à m’effrayer, en outre je viens de perdre trois cent mille Pesos.

« Toi un jour tu écriras », c’est ce que le Padre a dit. Foutaise ! Moi je n’aime pas écrire, je n’écris jamais rien, je préfère prendre des photos.

Et pourtant bien des années plus tard j’ai entre autres écrit cette étrange histoire !

Il faut croire que le Padre avait raison...

L’éclaireuse

Enfin le retour du Printemps !

C’est du moins ce que j’entends sans cesse autour de moi, et les stridulations vont bon train !

De nouvelles naissances, une belle effervescence ; apparemment je fais partie des dernières portées et nous sommes particulièrement nombreuses.

Je dois tout apprendre, la discipline, les us et coutumes, chacune à sa place dans le respect des tâches assignées.

La reine, notre mère universelle, ne fait pas trop attention à nous, ses responsabilités sont importantes et son pouvoir est infini ; en effet, de cette géante dépendent la survie de notre communauté et le renouvellement de notre population.

Nous sommes les petites noires, furtives et très rapides, les rouges sont absentes de notre territoire et cela nous ravit car ces dernières sont toujours agressives et belliqueuses. Nous n’aurons donc pas à combattre, mais tout de même, nul ne sait quel assaillant peut nous menacer.

Chez nous, il existe la caste supérieure des guerrières... celles-ci ne me regardent pas, ne me parlent pas, elles sont puissantes et orgueilleuses, elles occupent leur temps à parader, à parcourir nos galeries, à surveiller les entrées, les sorties, à s’aventurer aux abords.

D’après ce que les autres disent en souriant, je suis bien trop gentille et amicale pour appartenir à l’une de leurs escouades et finalement c’est mieux ainsi, je n’aime pas leur mentalité.

Les anciennes m’ont aussi expliqué qu’il y a la catégorie très importante des ouvrières. Elles sont lentes mais leurs reins sont solides, elles transportent des charges plus lourdes qu’elles, troncs d’arbres, nourriture, rochers, elles vont et viennent sans relâche, je ne sais si elles sont ouvrières ou bien esclaves mais mieux vaut ne pas poser la question... elles doivent aussi creuser, réparer, consolider, bâtir, et bien sûr nous approvisionner de tout ce dont