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La prononciation du français langue étrangère: Perspectives linguistiques et didactiques
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À propos de ce livre électronique

Ce livre réunit des résultats actuels de la recherche sur l'interphonologie du français et présente une base scientifique pour l'enseignement du français langue étrangère (FLE). Il permet de sensibiliser les (futurs) enseignants de français aux problèmes typiques des apprenants. De plus, il présente des approches didactiques du FLE très diverses, dans une perspective à la fois historique et pratique.
LangueFrançais
ÉditeurNarr Francke Attempto Verlag
Date de sortie9 août 2021
ISBN9783823302889
La prononciation du français langue étrangère: Perspectives linguistiques et didactiques

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    Aperçu du livre

    La prononciation du français langue étrangère - Elissa Pustka

    Introduction

    Elissa Pustka (Vienne)

    L’enseignement de la prononciation du français langue étrangère (FLE) se base jusqu’à aujourd’hui essentiellement sur l’intuition : les enseignant.e.s s’appuient sur leur expérience professionnelle (plus ou moins longue), et la formation d’enseignant.e.s (s’il y en a une dans ce domaine) recourt à des manuels qui, eux aussi, découlent de l’expérience personnelle des auteur.e.s. À l’école, la prononciation est souvent négligée, sous couvert du manque de temps, mais probablement surtout en raison du manque de formation des enseignant.e.s (cf. Horvath et al. 2019). La mise en place d’une formation, initiale et continue, s’avère pour sa part difficile car le fondement scientifique nécessaire fait défaut – aussi bien sur le plan de l’interphonologie des apprenant.e.s que sur le plan didactique. On observe donc une insuffisance à deux niveaux : au niveau universitaire, dans la formation des futur.e.s enseignant.e.s de français, ainsi qu’en salle de classe.

    Certes, il existe des manuels de prononciation du français, depuis presque aussi longtemps que l’enseignement du FLE. Le premier d’entre eux est à ma connaissance Palsgrave 1530, un manuel dédié aux Anglais.e.s qui évoque entre autres déjà la phrase accentuelle. À la fin du 19ème siècle, alors que l’enseignement des langues vivantes se propage, l’on invente l’alphabet phonétique international à la demande des enseignant.e.s de langues (voir Durand/Lyche dans ce volume). À partir de cette époque, les manuels de prononciation française se multiplient, en partant de ceux de Passy 1887, de Martinon 1913 et de Grammont 1914, jusqu’au grand classique de Fouché 1959. Écrits en français, ils s’adressent à un public international. Parallèlement, les premiers manuels écrits dans la L1 de groupes spécifiques d’apprenant.e.s sont publiés, dont notamment Beyer 1888 et Quiehl 1906 pour les germanophones (pour une analyse des ouvrages plus généraux de Münch 1895 et Wendt 1895 voir Reimann dans ce volume). Les générations actuelles des universitaires et des enseignant.e.s du secondaire ont grandi avec Klein 1963 et Rothe 1972 ou bien, pour les plus jeunes, avec Eggs/Mordellet 1990, Röder 1996, Meisenburg/Selig 1998 et Pustka 2011 ainsi qu’avec le grand classique Phonétisme et prononciations du français [1994] (⁶2011) du franco-canadien Pierre Léon. Ces ouvrages accumulent intuitions et expériences personnelles, les plus récents se basant également de plus en plus sur les résultats d’une phonologie de corpus en forte croissance, qui jusqu’à récemment se restreignait au français L1.

    Le premier programme de recherche dédié à la prononciation du FLE, Interphonologie du Français Contemporain IPFC (cblle.tufs.ac.jp/ipfc/, Detey et al. 2010, Racine et al. 2012), n’a vu le jour qu’en 2008. Il fait lui-même partie du programme Phonologie du Français Contemporain PFC mis en place en 1999 (projet-pfc.net, Durand et al. 2002). Aujourd’hui, ce programme de recherche international comprend quatre sous-projets qui portent sur les apprenant.e.s germanophones, localisé.e.s à Munich (Chervinski 2013, Pustka 2015), Osnabrück (Pustka/Meisenburg 2017), Vienne (Pustka/Forster/Kamerhuber 2018) et Zurich (Isely et al. 2018). C’est sur ce fondement qu’a été mis en place le projet de recherche Pronunciation in Progress : French Schwa and Liaison Pro²F à l’université de Vienne (2018–2022 ; https://pro2f.univie.ac.at/, Kamerhuber/Horvath/Pustka 2020, Heiszenberger et al. 2020, Pustka/Heiszenberger/Courdès-Murphy, dans ce volume). Par ailleurs, deux autres programmes de création de corpus phonétiques et phonologiques pour le FLE ont vu le jour : PhoDiFLE (Landron et al. 2010), qui à ma connaissance ne comprend pas de locuteur L1 de l’allemand, et COREIL, qui pour sa part en comprend 8 (Delais-Roussarie/Santiago/Yoo 2015).

    Dans les pays germanophones, parallèlement aux projets IPFC-allemand et Pro²F, un vaste projet longitudinal sur le plurilinguisme Mehrsprachigkeitsentwicklung im Zeitverlauf MEZ (2014–2019 ; https://www.mez.uni-hamburg.de) a été réalisé à l’université de Hambourg. L’on y étudie entre autres la prosodie, le VOT (voice onset time) et le dévoisement final chez les apprenant.e.s bilingues allemand-turc et allemand-russe (Gabriel/Stahnke/Thulke 2015, Gabriel/Kupisch/Seoudy 2016, Gabriel/Krause/Dittmers 2018, Özaslan/Gabriel 2019, Gabriel/Grünke dans ce volume). En phonétique, le projet binational Individualized Feedback for Computer-Assisted Spoken Language Learning IFCASL (2013–2016 ; http://www.ifcasl.org), affilié aux universités de Sarrebruck et de Nancy, étudie notamment la question des pauses et de la fluidité (Trouvain et al. 2013, Fauth et al. 2014, Trouvain et al. 2016, Trouvain/Fauth/Möbius 2016, Trouvain dans ce volume). La question du voisement des obstruantes en français avait déjà été analysée par Schmid 2012 dans une étude-pilote auprès de locuteurs suisse alémaniques.

    Un premier objectif de ce volume, intitulé La prononciation du français langue étrangère : perspectives linguistiques et didactiques, sera donc de réunir de nouveaux résultats sur l’interphonologie du français afin de fournir une base scientifique pour l’enseignement de la prononciation du FLE qui permette de sensibiliser les (futur.e.s) enseignant.e.s de français aux problèmes des apprenant.e.s (voir les contributions de Pustka/Heiszenberger/Courdès-Murphy, Gabriel/Grünke et Trouvain dans ce volume). La contribution de Wurzer/Wolf fournit par ailleurs de premiers résultats d’un projet de thèse en cours de Wurzer sur la perception des normes du français par les apprenant.e.s autrichien.ne.s. Étant donné que dans le domaine germanophone le nombre de chercheurs travaillant sur ces questions est encore assez restreint, le volume comprend également des contributions sur l’acquisition du français par des apprenant.e.s d’autres L1 : l’anglais irlandais (Chamot/Racine/Regan/Detey dans ce volume) et l’espagnol mexicain (Santiago/Mairano dans ce volume). Finalement, Trouvain (dans ce volume) expose le potentiel didactique des corpus phonétiques d’apprenant.e.s pour l’enseignement du français.

    Les chercheurs impliqués dans les projets de recherche sur la prononciation du FLE ont commencé tout récemment à publier des articles destinés aux enseignant.e.s de français (Pustka 2020, Heiszenberger/Jansen 2020, Gabriel/Grünke/Schlaak 2020, Pustka 2021a/b, Heiszenberger 2021, Heiszenberger/Trouvain 2021, Bäumler/Wagenpfeil 2021). Ils communiquent ainsi non seulement leurs résultats de recherche, mais aussi des conseils et exercices développés sur cette nouvelle base et souvent testés en classe au préalable. Dans les numéros spéciaux de ces revues pratiques, l’on trouve également des articles de practicien.ne.s aux niveaux scolaire et/ou universitaire (Di Luca 2020, Le Bescont 2021). Cependant, une didactique empirique étudiant l’efficacité de ces méthodes n’a pas encore vu le jour, notamment pour le FLE dédié aux apprenant.e.s germanophones (L1). Il n’existe que quelques études pionnières dans ce domaine de recherche en émergence portant sur d’autres premières langues, en l’occurrence l’anglais (Sturm 2013) et l’italien (Schmid/Rajic dans ce volume).

    Ce qu’on observe davantage dans le domaine de la didactique sont des études historiques (Galazzi 2010), notamment sur la prononciation dans les manuels de FLE (Reimann 2016). De plus, les sondages effectués auprès d’enseignant.e.s de français quant à la prononciation se sont multipliés durant ces dernières années en Allemagne et en Autriche (Reimann 2017, Gabriel/Thiele 2017, Abel 2018, Horvath et al. 2019). Un deuxième objectif de ce volume a donc été d’inciter des chercheurs à mener de nouvelles études en didactique, notamment sur la prise en compte de la prononciation dans les manuels (voir Fäcke, Chalier et Kondo dans ce volume). On y trouve également un aperçu de différentes méthodes didactiques issues de divers pays. Elles vont de l’alphabet phonétique international API développé en Europe à la fin du 19ème siècle (Durand/Lyche dans ce volume) aux méthodes mises en place dans le cadre des recherches sur l’allemand langue étrangère (Valman dans ce volume) en passant par la méthode verbo-tonale fondée en Croatie et en France (Alazard-Guiu/Massa dans ce volume). Mordellet-Roggenbuck (dans ce volume) présente ensuite non seulement des recommandations didactiques concernant les phénomènes de prononciation du français qui devraient être enseignés en priorité, mais également des méthodes adéquates en fonction de l’âge des apprenant.e.s. Finalement, la contribution d’Abel (dans ce volume) est dédiée à un défi qui suscite actuellement de plus en plus d’intérêt : la question de l’évaluation.

    Ainsi, le présent volume fournit une contribution fondamentale à une didactique de la prononciation du FLE naissante, aussi bien pour les recherches à venir que pour la pratique de l’enseignement.

    Vienne, le 30 avril 2021, Elissa Pustka

    Remerciements

    Je tiens à remercier les 36 relecteurs internationaux qui ont permis une évaluation par les pairs en double aveugle (double blind peer review). Chaque article a été évalué par au moins deux relecteurs ainsi que par l’éditrice du volume. Mes remerciements s’adressent en particulier à Christoph Gabriel, qui a assuré le processus d’évaluation anonyme pour l’article dont je suis moi-même co-auteure. Merci finalement à Marc Chalier pour la relecture de cette introduction.

    Références

    Abel, Clémentine (2018) : Ausspracheschulung : Erhebung der Kompetenzen, Überzeugungen und Praktiken von Französischlehrkräften : Entwicklung eines bedarfsbezogenen Förder­moduls, Tübingen : Narr.

    Bäumler, Linda/Wagenpfeil, Cornelia (2021) : « Vrais amis du sens–faux amis du son ? Sportlich durch die Welt der Internationalismen », in : Der Fremdsprachliche Unterricht Französisch 170, 30–36.

    Bäumler, Linda/Hirdina, Anja/Trosbach, Raimund (2020) : « Lernaufgaben zur Lautschrift : ein Praxisbericht », in : französisch heute 51.1, 22–26.

    Beyer, Franz [1888] (⁶1932) : Französische Phonetik für Lehrer und Studierende, Cöthen: Schulze.

    Chervinski, Juri (2013) : Aussprachefehler von Münchner Lehramtsstudenten im Französischen – eine korpusbasierte Studie im Rahmen des Projekts IPFC (mémoire de Master, université de Munich).

    Delais-Roussarie, Elisabeth/Santiago, Fabián/Yoo, Hi-Yon (2015) : « The extended COREIL corpus : first outcomes and methodological issues », in : Trouvain, Jürgen/Zimmerer, Frank/Gósy, Mária/Bonneau, Anne (eds.) : Proceedings of the workshop on Phonetic Learner Corpora. Satellite event of the 18th International Congress of Phonetic Sciences (ICPhS 2015), Glasgow, Scotland, UK, 57–59.

    Detey, Sylvain, Racine, Isabelle, Kawaguchi, Yui, Zay, Françoise, Bühler, Nathalie, Schwab, Sandra (2010): « Evaluation des voyelles nasales en français L2 en production : de la nécessité d’un corpus multitâches », in : Actes de CMLF’10. Paris : ILF, 1289-1301. DOI 10.1051/cmlf/2010119.

    Di Luca, Sonja (2020) : « Das Unaussprechbare aussprechen, eintrainieren und inszenieren : bewegungsdidaktische und theaterpädagogische Ansätze », in : französisch heute 51.1, 27–31.

    Durand, Jacques/Laks, Bernard/Lyche, Chantal (2002) : « La phonologie du français contemporain : Usages, variétés et structure », in : Pusch, Claus/Raible, Wolfgang (eds.) : Romanistische Korpuslinguistik : Korpora und gesprochene Sprache, Tübingen : Narr, 93–106.

    Eggs, Ekkehard/Mordellet, Isabelle (1990) : Phonétique et phonologie du français. Théorie et pratique, Tübingen : Niemeyer.

    Fauth, Camille/Bonneau, Anne/Colotte, Vincent/Fohr, Dominique/Jouvet, Denis/Laprie, Yves/Mella, Odile/Trouvain, Jürgen (2014) : « Constitution d’un corpus de français langue etrangère destiné aux apprenants allemands », in : Neveu, Franck/Blumenthal, Peter/Hriba, Linda/Gerstenberg, Annette/Meinschaefer, Judith/Prévost, Sophie (eds.) : 4ème Congrès Mondial de Linguistique Française (CMLF-2014, Berlin), 1237–1250, https://doi.org/10.1051/shsconf/20140801186.

    Fouché, Pierre (1959) : Traité de prononciation française, Paris : Éditions Klincksieck.

    Gabriel, Christoph/Grünke, Jonas/Schlaak, Claudia (2020) : « Autonomes digitales Lernen : Materialien zur Förderung der Aussprache deutsch-türkischer Französischlernender », in : französisch heute 51.3, 32–37.

    Gabriel, Christoph/Grünke, Jonas/Schlaak, Claudia (à paraître) : « Unterstützt die Herkunftssprache Türkisch den Erwerb der französischen Prosodie ? Eine Pilotstudie zur Förderung mit digitalen Aussprachetools », in : Schöpp, Frank/Willems, Aline (eds.) : Unterricht der romanischen Sprachen & Inklusion : Rekonstruktion oder Erneuerung ?, Stuttgart : ibidem.

    Gabriel, Christoph/Stahnke, Johanna/Thulke, Jeanette (2015) : « Acquiring English and French speech rhythm in a multilingual classroom : A comparison with Asian Englishes », in : Gut, Ulrike/Fuchs, Robert/Wunder, Eva-Maria (eds.) : Universal or diverse paths to English phonology ?, Berlin : De Gruyter, 135–163.

    Gabriel, Christoph/Thiele, Sylvia (2017) : « Learning and teaching of foreign language pronunciation in multilingual settings : A questionnaire study with teachers of English, French, Italian and Spanish », in : Schlaak, Claudia/Thiele, Sylvia (eds.) : Migration, Mehrsprachigkeit und Inklusion. Strategien für den schulischen Unterricht und die Hochschullehre, Stuttgart : ibidem, 79–104.

    Gabriel, Christoph/Krause, Marion/Dittmers, Tetyana (2018) : « VOT production in multilingual learners of French as a foreign language : Cross-linguistic influence from the heritage languages Russian and Turkish », in : Revue française de linguistique appliquée 23, 59–72.

    Gabriel, Christoph/Kupisch, Tanja/Seoudy, Jeanette (2016) : « VOT in French as a foreign language : A production and perception study with mono- and multilingual learners (German/Mandarin-Chinese) », in : Neveu, Franck/Bergounioux, Gabriel/Côté, Marie-Hélène/Fournier, Jean-Michel/Osu, Sylvester/Planchon, Philippe/Hriba, Linda/Prévost, Sophie (eds.) : 5ème Congrès Mondial de Linguistique Française (CMLF-2016, Tours), 1–14, https://doi.org/10.1051/shsconf/20162709002.

    Gabriel, Christoph/Meisenburg, Trudel/Wocker, Bénédict (2018) : « Intonation and (re)syllabification in L2 French interrogatives produced by L1 German learners : Comparing different proficiency levels », in : Klessa, Katarzyna/Bachan, Jolanta/Wagner, Agnieszka/Karpiński, Maciej/Śledziński, Daniel (eds.) : Proceedings of the 9th International Conference on Speech Prosody 2018, Poznań : Uniwersytet im. Adama Mickiewicza w Poznaniu, 833–837.

    Galazzi, Enrica (2010) : « L’enseignement de la prononciation : petit historique », in : Detey, Sylvain et al. (eds.) : La prononciation du français dans le monde : du natif à l’apprenant, Paris : CLE international, 217–220.

    Grammont, Maurice (1914) : Traité pratique de prononciation française, Paris : Delagrave.

    Heiszenberger, Elisabeth (2021) : « ‘Top, c’est parti !’ Enseigner la prononciation en jouant », in : Der Fremdsprachliche Unterricht Französisch 170, 9–15.

    Heiszenberger, Elisabeth/Trouvain, Jürgen (2021) : « ‘Entendre, voir, comprendre’ » Aussprache hören, sehen und begreifen, in : Der Fremdsprachliche Unterricht Französisch 170, 16–22.

    Heiszenberger, Elisabeth/Courdès-Murphy, Léa/Jansen, Luise/Pustka, Elissa (2021) : « Le cas de la liaison après les formes des verbes être et avoir chez des adolescents autrichiens apprenant le FLE », in : 7ème Congrès Mondial de Linguistique Française (CMLF-2020, Montpellier).

    Heiszenberger, Elisabeth/Jansen, Luise (2020) : « Explizite Instruktion im Ausspracheunterricht am konkreten Beispiel von Liaison und Schwa », in : französisch heute 51.1, 17–21.

    Horvath, Julia/Kamerhuber, Julia/Bäumler, Linda/Jansen, Luise/Pustka, Elissa (2019) : « Aussprache im Französischunterricht : Ergebnisse einer Online-Umfrage unter bayrischen und österreichischen Lehrerinnen und Lehrern », in : Zeitschrift für Romanische Sprachen und ihre Didaktik 13.2, 81–124.

    Isely, Romain/Racine, Isabelle/Detey, Sylvain/Andreassen, Helene/Eychenne, Julien (2018) : « Le rôle de l’immersion dans l’apprentissage du schwa chez les apprenants alémaniques avancés de FLE », in : Neveu, Franck/Harmegnies, Bernard/Hriba, Linda (eds.) : 6ème Congrès Mondial de Linguistique Française (CMLF-2018, Mons), https://doi.org/10.1051/shsconf/20184607010.

    Kamerhuber, Julia/Pustka, Elissa/Horvath, Julia (2020) : « Lecture, répétition, parole spontanée : l’impact de la tâche sur le comportement du schwa en FLE », in : Journal of French Language Studies 30.2, 161–188.

    Klein, Hans-Wilhelm [1963] (⁶1982) : Phonetik und Phonologie des heutigen Französisch, Munich : Hueber.

    Landron, Simon et al. (2010) : « Le corpus PhoDiFLE1 : un corpus commun de français langue étrangère pour une étude phonétique des productions de locuteurs de langues maternelles plurielles », in : Cahiers de praxématique 54.55, 73–86.

    Le Bescont, Karin (2021) : « Les kikoolol KeskeC ? Écrire des textos comme les jeunes francophones », in : Der Fremdsprachliche Unterricht Französisch 170, 23–29.

    Léon, Pierre [1994] (⁶2011) : Phonétisme et prononciations du français, Paris : Armand Colin.

    Martinon, Philippe (1913) : Comment on prononce le français : Traité complet de prononciation pratique avec les noms propres et les mots étrangers, Paris : Librairie Larousse.

    Meisenburg, Trudel/Selig, Maria [1998] (³2006) : Phonetik und Phonologie des Französischen, Stuttgart : Klett.

    Münch, Wilhelm (1895) : Didaktik und Methodik des französischen Unterrichts, Munich : C.H. Beck.

    Özaslan, Merve/Gabriel, Christoph (2019) : « Final obstruent devoicing in French as a foreign language : Comparing mono-lingual German and bilingual Turkish-German learners », in : Gabriel, Christoph/Grünke, Jonas/Thiele, Sylvia (eds.) : Romanische Sprachen in ihrer Vielfalt : Brückenschläge zwischen linguistischer Theoriebildung und Fremdsprachenunterricht, Stuttgart : ibidem, 177–209.

    Palsgrave, John [1530] (2003) : L’esclarcissement de la langue françoyse, composé par maistre jehan palsgrave, angloys, natyf de londres et gradué de paris, Paris : Honoré Champion.

    Passy, Paul (1887) : Sons du français, Paris : Firmin Didot.

    Pustka, Elissa (2015) : « Die Liaison im Fremdspracherwerb : Fortgeschrittene Lerner mit Erstsprache Deutsch », in : VALS-ASLA 102, 15–37.

    Pustka, Elissa (2020) : « Und immer wieder die Schrift ! Alte und neue wissenschaftliche Erkenntnisse zu den Aussprachefallen des Französischen », in : französisch heute 51.1, 5–11.

    Pustka, Elissa (2021) : « Liaisons dangereuses ? Mit Marie Curie induktiv das Phänomen der liaison entdecken », in : Der Fremdsprachliche Unterricht Französisch 170, 37–43.

    Pustka, Elissa (2021) : « Pas de communication sans prononciation. Aussprache von Anfang an motivierend und effizient unterrichten », in : Der Fremdsprachliche Unterricht Französisch 170, 2–8.

    Pustka, Elissa [2011] (²2016) : Einführung in die Phonetik und Phonologie des Französischen, Berlin : Erich Schmidt.

    Pustka, Elissa/Forster, Julia/Kamerhuber, Julia (2018) : « Failures in Vocabulary Learning instead of Pronunciation Difficulties : Schwa and Liaison in Learner French », in : Belz, Malte/Mooshammer, Christine/Fuchs, Susanne/Jannedy, Stefanie/Rasskazova, Oksana/Żygis, Marzena (eds.) : Proceedings of the Conference on Phonetics & Phonology in German-speaking countries (P&P 13).

    Pustka, Elissa/Meisenburg, Trudel (2017) : « Les germanophones », in : Detey, Sylvain et al. (eds.) : La prononciation du français dans le monde : du natif à l’apprenant, Paris : CLE International, 130–136.

    Quiehl, Karl [1906] (2012) : Französische Aussprache und Sprachfertigkeit, Paderborn : Salzwasser.

    Racine, Isabelle/Detey, Sylvain/Zay, Françoise/Kawaguchi, Yuji (2012) : « Des atouts d’un corpus multitâches pour l’étude de la phonologie en L2 : l’exemple du projet ‘Interphonologie du français contemporain’ (IPFC) », in : Kamber, Alain/Skupiens, Carine (eds.) : Recherches récentes en FLE, Bern : Lang, 1–19.

    Reimann, Daniel (2016) : Aussprache im Unterricht der romanischen Sprachen (Französisch, Spanisch, Italienisch, Portugiesisch. Eine Einführung. Münster : LIT.

    Reimann, Daniel (2017) : « Aussprache im Unterricht der romanischen Sprachen. Eine Befra­gung von Lehrkräften des Französischen, Spanischen und Italienischen », in : Bürgel, Christoph/Reimann, Daniel (eds.) : Sprachliche Mittel im Unterricht der romanischen Sprachen. Aussprache, Wortschatz und Morphosyntax in Zeiten der Kompetenzorientierung, Tübingen : Narr, 115–176.

    Röder, Peter (1996) : Französische Phonetik und Phonologie, Erlangen/Jena : Palm & Enke.

    Rothe, Wolfgang [1972] (²1978) : Phonologie des Französischen, Berlin : Erich Schmidt.

    Schmid, Stephan (2012) : « The pronunciation of voiced obstruents in L2 French : a preliminary study on Swiss German learners », in : Poznan Studies in Contemporary Linguistics 48, 627–659.

    Trouvain, Jürgen/Bonneau, Anne/Colotte, Vincent/Fauth, Camille/Fohr, Dominique/Jouvet, Denis/Jügler, Jeanin/Laprie, Yves/Mella, Odile/Möbius, Bernd/Zimmerer, Frank (2016): « The IFCASL corpus of French and German non-native and native read speech », in : Proceedings of the 9th Language Resources and Evaluation Conference (LREC), Portorož, 1333–1338.

    Trouvain, Jürgen/Fauth, Camille/Möbius, Bernd (2016) : « Breath and non-breath pauses in fluent and disfluent phases of German and French L1 and L2 read speech », in : Proceedings of Speech Prosody (SP8), Boston, 31–35.

    Trouvain, Jürgen/Laprie, Yves/Möbius, Bernd/Andreeva, Bistra/Colotte, Vincent/Fauth, Camille/Fohr, Dominique/Mella, Odile/Jügler, Jeanin/Zimmerer, Frank/Nancy, Loria (2013) : « Designing a bilingual speech corpus for French and German language learners », in : Proceedings Corpus et Outils en Linguistique, Langues et Parole : Statuts, Usages et Mésusages, Strasbourg, 32–34.

    Sturm, Jessica (2013) : « Explicit phonetics instruction in L2 French : A global analysis of improvement », in : System 41.3, 654–662.

    Wendt, Otto [1888] (²1895) : Encyklopädie des französischen Unterrichts. Methodik und Hilfsmittel für Studierende und Lehrer der französischen Sprache mit Rücksicht auf die Anforderungen der Praxis, Hanovre : Meyer.

    Comment enseigner le schwa et la liaison ?

    Ce que nous apprend l’analyse d’un corpus de parole de 145 élèves autrichiens

    Elissa Pustka, Elisabeth Heiszenberger, Léa Courdès-Murphy (Vienne)

    1 Introduction

    ¹

    Le schwa et la liaison sont les deux phénomènes les plus étudiés de la phonologie du français (cf. Lyche 2016). Dans les deux cas a lieu une alternance : concernant le schwa, il s’agit d’une alternance entre une voyelle et zéro (1) et, dans le cas de la liaison, d’une alternance entre une consonne et zéro (2) :

    (1) s(e)ra [səʁa]~[sʁa]

    (2) les amis [lezami], mais les copains [lekɔpɛ̃]

    De plus, les deux phénomènes ont en commun que le segment en question possède un équivalent orthographique (respectivement et dans les exemples (1) et (2)) qui est généralement le point de départ de l’apprentissage des langues étrangères. La principale difficulté rencontrée par les élèves est que ce segment peut rester sans réalisation. En outre, les apprenant.e.s plus avancé.e.s doivent finalement découvrir puis maîtriser le conditionnement sociolinguistique et pragmatique des schwas et des liaisons variables. Jusqu’à présent, la plupart des études sur le développement de la compétence sociolinguistique se concentrent sur les apprenant.e.s avancé.e.s étudiant le français à l’université. L’objectif de cette contribution est double. Premièrement, nous souhaitons étudier le comportement du schwa et de la liaison chez des apprenant.e.s moins avancé.e.s apprenant le français à l’école. Tout au long de nos analyses, nous nous demanderons si cette variation peut être acquise de façon implicite à partir de l’input limité en classe ou si une exposition plus importante à des matériaux authentiques et une instruction explicite sont nécessaires. Deuxièmement, nous tenterons de guider les (futur.e.s.) professeur.e.s de français en leur exposant, à partir d’une large base empirique actuelle, les points sur lesquels insister dans leur l’enseignement. Ces conseils s’appuient sur les premiers résultats du projet de recherche Pronunciation in Progress : French Schwa and Liaison (2018–2022) qui vise à étudier la prononciation française de 145 élèves autrichiens (L1 allemand). Son sigle, Pro²F, est composé des débuts des mots centraux qui composent son titre (soulignés ci-dessus) et se lit [pʁɔf], comme l’abréviation familière prof en français pour le mot professeur, soulignant ainsi son potentiel d’application didactique.

    Dans ce travail, nous présenterons en premier lieu (cf. section 2) l’état des connaissances actuelles concernant la (non-)réalisation du schwa et de la liaison tant chez les francophones natifs que chez les apprenant.e.s. Nous détaillerons ensuite (cf. section 3) la méthodologie d’enquête du projet de recherche Pro²F en décrivant les participant.e.s, les types de tâches enregistrées ainsi que le protocole de transcription et de codage. Nous poursuivrons par un examen détaillé des observations des taux de réalisation du schwa et de la liaison menées sur notre propre corpus d’étude (cf. section 4) avant de conclure et de discuter ces résultats.

    2 État de l’art

    2.1 La norme-cible de la prononciation du français

    Étant donné que le schwa et la liaison sont des phénomènes soumis à une forte variation en français langue première (L1), la prononciation à enseigner ne va pas de soi. Une norme de référence, certes artificielle, est néanmoins présentée dans les manuels de prononciation (Pustka ²2016 : 14–15). Pour le français, les trois manuels de prononciation les plus souvent cités sont Martinon 1913, Grammont 1914 et Fouché 1959. Dans le domaine de la liaison, l’article de Delattre 1947 fait encore figure de référence aujourd’hui. Une nouvelle approche est de chercher la norme de façon empirique à partir des représentations et perceptions des francophones natifs (Chalier 2019). Ceux-ci considèrent généralement les présentateurs de radio et de télévision comme des modèles. À l’heure actuelle, il n’existe toutefois qu’une seule étude sur la liaison en lecture chez les présentateurs (Pustka/Chalier/Jansen 2017). Une étude comparable est celle de Pustka 2015 sur la liaison dans des livres-audio pour enfants, lu par des comédiens. De plus, on peut se référer aux productions de locuteurs et locutrices non-professionnel.le.s décrites dans le cadre de la phonologie de corpus (Durand/Gut/Kristoffersen 2014). La liaison n’a toutefois pas encore été étudiée dans des tests de perception où ces données de production doivent être évaluées.

    2.1.1 Le schwa

    Concernant le schwa, les manuels de référence fournissent de longues listes de règles et d’exceptions. Ceux-ci dégagent trois grands facteurs pour expliquer leur (non-)réalisation : (i) la longueur du mot (monosyllabique vs polysyllabique) et, pour les mots polysyllabiques, la position dans le mot (syllabe initiale, interne ou finale), (ii) la position dans le groupe accentuel (début, milieu ou fin) ainsi que (iii) le contexte gauche (après une ou deux consonnes). Le tableau 1 montre que, dans les trois manuels, les mêmes régularités émergent : après une seule consonne, le schwa tombe – sauf dans les clitiques (monosyllabiques) et en syllabe initiale de mots polysyllabiques où il est variable ; en revanche, après deux consonnes, le schwa est réalisé – sauf en syllabe finale devant consonne où il est variable et en finale absolue où il est élidé. Les quelques petites divergences constatées entre ces trois auteurs concernent des exceptions lexicales. À titre d’exemple, Fouché 1959 considère que le schwa peut être prononcé dans un s(e)cret à cause des deux consonnes qui le suivent, et Martinon 1913 note en syllabe interne quelques exceptions comme appart(e)ment qu’il ne considère cependant pas comme correctes. Concernant la position finale devant consonne, tous admettent que la réalisation du schwa après un groupe obstruante-liquide est variable (3) :

    (3) quatr(e) [katʁə]/[katʁ̩]/[katʁ̥]/[kat])

    Pour ce qui est des autres groupes consonantiques, les avis divergent : en opposition aux deux autres, Fouché 1959 admet que l’élision est ici de règle (4) :

    (4) il rest(e) debout [il.ʁɛst.də.bu]

    Tab. 1 :Le comportement du schwa selon les manuels classiques (encadré en gras : classification remise en cause par la recherche actuelle au profit de [ə]/∅).

    Ces dernières décennies, la phonologie de corpus a légèrement modifié mais aussi précisé ces propos. Le point le plus discuté est certainement la réalisation fréquente du schwa en syllabe initiale, voire sa stabilisation dans un nombre important de mots : p. ex. depuis, relation, secrétaire. Dans d’autres mots et groupes figés, en revanche, c’est la variante sans schwa qui s’est (presque) stabilisée : p. ex. d(e)mi, p(e)tit, s(e)maine, s(e)ra ; je ne sais pas [ʃepa], qu’est-c(e) que/qui, tout l(e) temps (cf. Hansen 1994, Pustka 2007).

    Des travaux plus récents ont également permis de montrer que les contextes variables sont fortement influencés par des facteurs sociolinguistiques classiques. Ainsi, des études telles que celle d’Hansen 2000 ou encore de Lyche 2016 établissent que le genre et le niveau d’éducation n’influencent pas l’élision du schwa, en revanche l’âge et l’origine géographique jouent un rôle très important. En effet, d’une part, les jeunes locuteurs élident plus fréquemment des schwas variables que leurs ainés et, d’autre part, dans le nord de la France le schwa est plus souvent élidé que dans la Sud de la France (cf. Lyche 2016), mais moins fréquemment qu’au Canada (cf. Côté 2012). Cependant, le facteur explicatif le plus important semble être la présence ou l’absence d’un support graphique. Plusieurs études ont souligné la grande différence entre les tâches de lecture et de parole spontanée : selon Hansen 1994/2000 et Lyche 2016, les francophones réalisent le schwa considérablement plus fréquemment en lecture qu’en parole spontanée. En lecture, entre seulement 0 % et 23 % des schwas sont élidés dans les contextes variables (clitiques et première syllabe de mots polysyllabiques).

    Ce bref survol de l’état de l’art sur le schwa en français de référence montre donc qu’un petit nombre de régularités et d’exceptions lexicales se cachent derrière la variation qui peuvent donc facilement être traduites en règles normatives pour la production. En ce qui concerne la perception, en revanche, on ne peut pas nier que la variation régionale constitue un véritable défi. À titre d’exemple, le schwa est bien plus fréquent (mais pas catégorique) dans le Sud de la France (cf. Pustka 2007) et très rare (mais non exclu) au Québec (cf. Côté 2012).

    2.1.2 La liaison

    La tripartition en liaisons obligatoires, facultatives et interdites proposée par Delattre 1947 est encore aujourd’hui une référence incontournable (même si celle-ci a été modifiée à la lumière de la phonologie de corpus). Dans la phrase nominale, par exemple, une liaison doit obligatoirement être réalisée entre un déterminant et un substantif (5), elle est toutefois facultative après un substantif au pluriel (6), et elle est interdite après un substantif au singulier (7) :

    (5) vos enfants [vo.zɑ͂.fɑ͂]

    (6) des soldat(s) anglais [de.sɔl.da.zɑ͂.ɡlɛ]/[de.sɔl.da.ɑ͂.ɡlɛ]

    (7) un soldat anglais [œ͂.sɔl.da.ɑ͂.ɡlɛ]

    Nous ne reproduisons pas ses tableaux ici car ils ont subi de nombreuses modifications à la lumière de la phonologie de corpus, notamment suite aux études d’Ågren 1971 et de De Jong 1994, et surtout grâce aux résultats du programme de recherche international Phonologie du Français Contemporain PFC (projet-pfc.net, Durand/Laks/Lyche 2002).

    En partant de ces résultats empiriques, Pustka (2011) ²2016 propose dans son manuel de phonologie du français destiné aux étudiant.e.s germanophones de nouveaux tableaux normatifs pour les liaisons obligatoires (cf. tableau 2), fréquentes, rares et interdites. Son message le plus important est le suivant : la liaison facultative est, dans la plupart des contextes, tellement rare et de style si soutenu qu’on peut s’en passer dans l’enseignement du FLE, surtout au niveau scolaire. Une toute petite partie d’entre elle est, en revanche, si répandue qu’elle devrait être enseignée dès le début de l’apprentissage.

    Tab. 2 :La liaison obligatoire (selon Pustka ²2016 : 161).

    Delattre (1947 : 43–44) classifie également la totalité des contextes du tableau 2 comme des liaisons obligatoires. Les études de corpus auprès de francophones natifs, en revanche, montrent que la liaison n’y est pas réalisée à 100 % en parole spontanée. On y observe une grande variabilité en lien avec des facteurs sociolinguistiques (p. ex. l’âge) ainsi qu’avec la variation lexicale (Durand et al. 2011) qui rend la création de règles normatives pour la liaison plus difficile que pour le schwa. Ceci est dû à un conditionnement prosodique et lexical. Ainsi, alors qu’une réalisation *[leami] pour les amis [lezami] ne peut pas être rencontrée en français, chez une amie [ʃeynami] peut tout à fait s’entendre. On constate donc la régularité suivante : alors que la liaison est toujours réalisée après les prépositions monosyllabiques quand elles sont suivies du pronom monosyllabique elle(s) (8) des non-réalisations peuvent être observées devant un groupe nominal (9) :

    (8) chez elle [ʃe.zɛl]

    (9) che(z) une amie [ʃe.y.na.mi]

    Cette différence se manifeste avec des taux de non-réalisation différents en fonction de la préposition : dans le corpus PFC, en liaisonne pratiquement toujours, dans à 95 %, mais chez seulement à 88 % (Durand/Lyche 2008 : 44). Les adverbes présentent une variation lexicale encore plus importante, la liaison étant réalisée de manière presque catégorique après très (97 %), souvent après tout (83 %) et plus (64 %), de façon très variable après bien (43 %) et rarement après assez (5 %), pas (1 %) et toujours (0 %) (Mallet 2008 : 252, 281). Concernant les adjectifs préposés, les études menées sur la base du corpus PFC confirment les résultats de travaux antérieurs en expliquant que ces mots sont en grande partie évités devant des substantifs commençant par une voyelle et que s’ils s’y retrouvent tout de même, la liaison n’y est pas forcément réalisée (Durand/Lyche 2008 : 45–46, Durand et al. 2011 : 43–45).

    Ces résultats tirés du corpus PFC proviennent bien évidemment de locuteurs et locutrices francophones non professionnel.le.s de la parole publique (cf. section 2.1). L’étude de la lecture du texte PFC par des présentateurs de radio et de télévision dans Pustka/Chalier/Jansen 2017 montre que les taux de réalisation après la préposition dans (dans le contexte dans une impasse stupide) et l’adverbe très (très inquiet) atteignent 100 %. La réalisation systématique de la liaison après l’adverbe très se confirme dans le corpus de livres-audio de Pustka 2015 où, en outre, les taux de réalisation sont également très élevés pour les autres adverbes (entre 83 % et 90 %), mis à part pas avec 37 %. De plus, le taux de réalisation chez les présentateurs de Pustka/Chalier/Jansen 2017 s’élève à 100 % après grand en lecture (grand émoi, grand honneur) ainsi qu’à 90 % en parole spontanée pour les adjectifs préposés en général (exceptions : fort // accent, léger // accent belge). Ces résultats justifient la simplification didactique du traitement de la liaison après les adjectifs ainsi qu’après les prépositions et les adverbes monosyllabiques (hormis pas) comme obligatoires en cours de français.

    En plus de ces contextes, la liaison est assez fréquente après c’est, est, quand et dont – même si les taux de réalisation observés dans les différents corpus divergent (cf. tableau 3).

    Tab. 3 :Réalisation de la liaison fréquente.

    Face à cette variation se pose la question du traitement de la liaison dans ces contextes dans l’enseignement du français. La solution la plus facile est certainement d’enseigner ces liaisons dès le début de l’apprentissage comme si elles étaient obligatoires (Pustka ²2016 : 162). Étant donné que les programmes scolaires prévoient aussi un enseignement de la variation socio-stylistique, une alternative serait d’envisager d’enseigner au moins la forme est comme variable : « Pour la forme verbale est, une règle stipulant que la liaison est obligatoire en lecture, mais facultative en conversation semble adéquate » (Pustka/Chalier/Jansen 2017 : 113). Il faut souligner qu’au niveau de la perception, les apprenant.e.s vont forcément être confrontés à la variation en écoutant leur professeur.e de français et/ou l’assistant.e de langues et des matériaux sonores ou audio-visuels.

    Pour ce qui est de la liaison rare, les manuels traditionnels germanophones témoignent d’une certaine crainte que les étudiant.e.s en réalisent trop. De 1888 à 2016, ils donnent de manière unanime le conseil suivant : les élèves devraient se concentrer sur les liaisons obligatoires (cf. Pustka 2015 : 48). Quand on examine les manuels scolaires les plus répandus en Allemagne, on constate que la liaison après les déterminants et les pronoms clitiques (p. ex. les [z]amis, nous [z]avons) est enseignée dès les premières semaines dans le cadre de l’enseignement de la grammaire. La liaison après les prépositions et les adverbes (p. ex. chez [z]elle, très [z]intéressant) est en revanche négligée. Seul le manuel Découvertes note également la liaison après c’est, en s’abstenant pourtant de préciser que celle-ci est variable (Pustka 2021).

    2.2 L’interlangage des apprenant.e.s

    Durant les deux dernières décennies, plusieurs études dédiées à la (non-)réalisation du schwa et de la liaison chez les apprenant.e.s du français ont vu le jour. Étant donné que rares sont les publications portant sur des apprenant.e.s ayant comme langue maternelle l’allemand (Pustka 2015, Pustka/Forster/Kamerhuber 2018, Isely et al. 2018), nous prenons également en compte d’autres études portant sur des populations d’apprenant.e.s de L1 diverses.

    2.2.1 Le schwa

    Il n’existe que peu d’études examinant le comportement du schwa chez les apprenant.e.s du FLE (Andreassen/Lyche 2018, Isely et al. 2018, Thomas 2002/2004, Uritescu et al. 2002/2004). Ces travaux se sont basés sur un nombre relativement restreint de témoins (entre 8 et 12), excepté l’étude de Thomas 2004 comprenant 87 étudiant.e.s. De plus, la plupart de ces travaux se limitent généralement à des descriptions d’apprenant.e.s déjà avancé.e.s qui apprennent le français à l’université ou en immersion ou qui ont passé de longs séjours à l’étranger. Ajoutons que les effectifs de locuteurs dans ces enquêtes sont trop faibles pour en tirer des conclusions fiables. De même, l’influence de la L1 sur l’apprentissage du FLE n’a que trop peu été étudié. Au commencement du projet Pro²F et mis à part notre propre étude-pilote dans le cadre du projet IPFC-allemand/Vienne (Pustka/Forster/Kamerhuber 2018), il n’existait que deux publications ayant pour objet le schwa chez les apprenant.e.s du français (Uritescu et al. 2002/2004, Thomas 2002/2004). Toutes les deux portent sur des apprenant.e.s anglophones (au Canada). Deux autres études publiées entre-temps font également partie du projet Interphonologie du Français Contemporain (cblle.tufs.ac.jp/ipfc/, Racine et al. 2012) : IPFC-Norvège (Andreassen/Lyche 2018) et IPFC-allemand/Suisse alémanique (Isely et al. 2018). Jusqu’à présent, les apprenant.e.s qui ont fait l’objet d’une étude ont pour L1 l’anglais, l’allemand et le norvégien, toutefois, les travaux ne mettent pas en avant des particularités dues à la L1. La majorité des auteur.e.s contrastent parole spontanée et lecture, les taux de réalisation du schwa étant généralement plus élevés en lecture, comme chez les locuteurs et locutrices L1.

    Le tableau 4 résume les résultats quantitatifs de ces études dans trois contextes variables : dans les clitiques (au début et au milieu du groupe accentuel) et dans la première syllabe de mots polysyllabiques.

    Tab. 4 :Taux de réalisation du schwa variable chez les apprenant.e.s du français.

    Pour les trois contextes considérés, les résultats montrent que les apprenant.e.s tendent à plus souvent réaliser le schwa variable que ne le font les locuteurs et locutrices L1 avec des taux de réalisation pour la plupart entre 78 % et 98 %, à l’exception de l’étude d’Isley et al. (2018) (66/67 %). Il semble donc que les apprenant.e.s s’appuient sur la graphie et/ou manquent de contact avec des matériaux authentiques et/ou d’instruction sociolinguistique. Le taux surprenant de seulement 22 % chez les étudiant.e.s autrichien.ne.s dans le corpus IPFC-Autriche (Kamerhuber 2017, cf. aussi Pustka/Forster/Kamerhuber 2018) s’explique par le fait que c’est la seule étude à prendre en compte la qualité de la voyelle qui est très souvent prononcée de façon erronée : en effet, 58 % des étudiant.e.s autrichien.ne.s réalisent [e]/[ɛ] à la place du schwa en première syllabe de mots polysyllabiques.

    Thomas 2002 attire l’attention sur la variation lexicale qu’il observe chez les apprenant.e.s : ainsi le taux de réalisation varie-t-il de 0 % (chang(e)ment, jug(e)ments), en passant par 2 % (certain(e)ment) et 10 % (boul(e)versement) jusqu’à 58 % (enn(e)mis) et 78 % (vign(e)ron). Les deux derniers mots présentent cependant des cas particuliers : la prononciation d’ennemis avec schwa est probablement influencée par le mot correspondant anglais enemy [ˈenəmi] ; la prononciation de vigneron s’explique par la réalisation de comme /nj/ et non /ɲ/ (ce qui est également répandu parmi un bon nombre de francophones natifs ; cf. Lyche 2010 : 153). Il s’agit donc probablement d’un contexte situé après deux consonnes (où le schwa se prononce ; cf. section 2.2.1) et non après une seule. De plus, les participant.e.s de l’étude élident le schwa dans 10 % des cas dans le groupe figé c(e) qui alors qu’ils ne le font qu’à 0,1 % dans tous les autres cas de clitiques après une seule consonne.

    Les études précédentes montrent que quel que soit leur niveau d’apprentissage, les apprenant.e.s de FLE réalisent plus de schwas variables que les locuteurs natifs. Cependant, la (non-)réalisation du schwa semble être fortement dépendante de l’item. Outre l’élision du schwa, une autre grande difficulté se pose aux apprenant.e.s de FLE, à savoir la prononciation du timbre exact de la voyelle. Il semble donc nécessaire d’adapter l’enseignement de la prononciation et des correspondances graphème-phonème à la L1 d’origine des apprenant.e.s.

    2.2.2 La liaison

    Le comportement de la liaison chez les apprenant.e.s du français attire beaucoup plus l’intérêt des chercheurs que le schwa. En effet, plusieurs thèses sont dédiées à ce sujet (Mastromonaco 1999, De Moras 2011, Barreca 2015, Harnois-Delpiano 2016) ainsi que deux numéros spéciaux de revues (Racine/Detey 2015, Howard/Ågren 2019). Alors qu’à l’origine la majorité des travaux se concentrait sur des apprenant.e.s ayant l’anglais comme L1, comme dans le cas du schwa (cf. section 2.1.1), les populations étudiées se sont à présent diversifiées. Étant donné que cette contribution met l’accent sur les contextes de liaison à enseigner, nous limitons la présentation de l’état de l’art aux liaisons obligatoires et fréquentes.

    Les tableaux 5¹ à 7 montrent que les résultats des études existantes diffèrent de manière considérable.

    Tab. 5 :La liaison obligatoire chez les apprenant.e.s en parole spontanée (et d’autres tâches).

    Les résultats montrent qu’en parole spontanée (cf. tableau 5) les étudiant.e.s ont une assez bonne maîtrise de la liaison obligatoire avec des taux de réalisation se situant entre 85 % et 100 %. Racine/Detey (2015 : 11) avaient déjà formulé dans l’introduction de leur numéro spécial : « (…) les liaisons ‘obligatoires’ ne semblent pas poser de problèmes aux apprenants avancés. » (cf. également Howard/Ågren 2019 : 5).

    La lecture fournit des résultats semblables (cf. tableau 6 et 7). Nous soulignons que les résultats des quatre enquêtes présentées dans le tableau 7 peuvent particulièrement bien être comparées entre eux puisqu’il s’agit toujours de la lecture du texte PFC. On constate ici une grande différence entre les élèves de niveau A2 et les étudiant.e.s des autres enquêtes, les taux de réalisation étant beaucoup plus faibles chez ces premiers.

    Tab. 6 :La liaison obligatoire chez les apprenant.e.s en lecture.

    Concernant la liaison fréquente, les taux de réalisation s’avèrent assez élevés en lecture et beaucoup plus faibles en parole spontanée (cf. tableau 7⁶). À l’instar des francophones natifs, les apprenant.e.s avancés possèdent donc une certaine compétence socio-stylistique (cf. tableau 3). À y regarder de plus près, on constate toutefois quelques différences. Ainsi, après la forme verbale impersonnelle c’est, les taux varient-ils entre 43 % et 78 % chez les apprenant.e.s, mais seulement autour de 28 % et 30 % chez les natifs. On peut supposer que cela est dû au fait que la liaison a pendant longtemps été considérée comme obligatoire dans ce contexte (cf. Delattre 1947 dans la section 2.1.2) et a donc probablement été enseignée comme telle. Après la conjonction quand, les taux reportés par Thomas 2002/2004 et Howard 2005 sont en revanche beaucoup plus faibles que chez les natifs.

    Tab. 7 :La liaison fréquente chez les apprenant.e.s (parole spontanée et lecture).

    En conclusion, les études précédentes montrent que les liaisons obligatoires ne semblent pas poser de problèmes aux apprenant.e.s avancé.e.s mais aux apprenant.e.s moins avancé.e.s. Cependant, même les apprenant.e.s avancé.e.s rencontrent des difficultés face aux liaisons fréquentes et tendent à en réaliser moins que ce qui est relevé chez les locuteurs natifs, et ce notamment en parole spontanée.

    3 Méthode

    Afin d’analyser le comportement de la liaison et du schwa ainsi que les trajectoires d’apprentissage chez les apprenant.e.s de FLE moins avancé.e.s, et ce notamment chez des élèves, largement négligé.e.s jusqu’à présent, le projet de recherche Pro²F (cf. section 1) fournit un corpus de grande taille. Celui-ci repose sur la méthodologie du programme de recherche international (Inter-)Phonologie du Français Contemporain (I)PFC (cf. Durand/Laks/Lyche 2002, www.projet-pfc.net ; Detey/Kawaguchi 2008, Racine et al. 2012, http://cblle.tufs.ac.jp/ipfc/). Le projet de recherche Pro²F reprend cette méthodologie en collectant pour la première fois des données de mineurs qui apprennent le français en contexte scolaire. Il est donc représentatif de la majorité des apprenant.e.s, d’où son impact pour la didactique du FLE.

    3.1 Participant.e.s

    145 élèves autrichiens, âgés de 12 à 18 ans, ont été enregistrés dans le cadre du projet de recherche Pro²F. Ces élèves sont issus d’un collège-lycée viennois et ont commencé à l’âge de 12 ans à apprendre le français qui est leur deuxième langue étrangère après l’anglais. Ainsi, les participant.e.s sont des apprenant.e.s débutant.e.s ou intermédiaires se situant selon les programmes scolaires officiellement entre les niveaux A1 et B1 du CECRL (Cadre européen commun de référence pour les langues, Conseil de l’Europe 2001). Tous apprennent le français en prenant appui sur les séries de manuels scolaires autrichiens Bien fait ! (Luner et al. 2014) et Parcours plus (Wlasak-Feik et al. 2016). Il faut souligner ici que ces manuels ne traitent de la prononciation que de manière très marginale contrairement aux manuels utilisés en Allemagne (cf. section 2.1). Ni la liaison ni le schwa n’y sont mentionnés.

    3.2 Corpus

    Dans le cadre du projet de recherche Pro²F, les enregistrements des apprenant.e.s autrichien.ne.s comprennent sept tâches :

    la lecture de la liste de mots PFC

    la lecture d’une liste de mots spécifique basée sur le projet IPFC et complétée par des contextes pour le schwa et la liaison

    la répétition de ces contextes pour le schwa et la liaison sur la base d’un enregistrement d’un présentateur de radio parisien

    la lecture du texte PFC

    la lecture d’un texte supplémentaire basé sur le manuel scolaire des élèves (niveau A1)

    la lecture d’un texte en allemand (« Nordwind und Sonne » ‘La bise et le soleil’) et

    un entretien mené par une Française originaire de la France septentrionale.

    L’entretien a systématiquement été adapté au niveau des élèves (A1–A2 ou B1) et se basait, d’une part, sur le protocole d’entretien du projet IPFC (questions sur les voyages et le rapport avec la langue française) et, d’autre part, sur les thèmes abordés dans le manuel scolaire utilisé (école, loisirs, famille, etc.). Étant donné que le texte PFC est d’un niveau grammatical et lexical assez élevé, nous avons laissé le choix aux élèves de première année de le lire ou non. En plus des tâches énumérées ci-dessus, les élèves ont rempli un questionnaire socio-démographique (en allemand), basé sur les questionnaires des projets PFC et IPFC. La méthodologie adoptée a auparavant été vérifiée sous l’angle psychologique et juridique par l’inspection scolaire de la ville de Vienne. Les 145 élèves participants ainsi que leurs parents ont signé un consentement de participation. Le travail de terrain s’est déroulé entre novembre 2017 et avril 2018. Les enregistrements se sont faits avec un enregistreur ZOOM H4n (44.1kHz/16 Bit, mono).

    3.3 Transcription et codage

    Le corpus Pro²F contient au total 108 heures et 45 minutes de parole enregistrée. Ces enregistrements ont été transcrits orthographiquement sous PRAAT (Boersma/Weenink 2020, www.fon.hum.uva.nl/praat/) suivant les conventions de transcription du projet PFC adaptées aux élèves autrichiens.

    En suivant la procédure du projet PFC, nous dupliquons dans PRAAT la tire de transcription pour y intégrer un codage (alpha-)numérique. Les systèmes de codage sont également basés sur ceux du programme PFC, mais adaptés aux besoins du projet Pro²F (cf. Kamerhuber/Horvath/Pustka 2020 pour une première version du codage schwa et Heiszenberger et al. 2020 pour le codage liaison). Comme ces changements n’affectent que des variantes supplémentaires observées chez les apprenant.e.s qui ne seront pas traitées par la suite (p. ex. réduction vocalique dans intéressant [ɛ̃təʁɛsɑ̃]/[ɛ̃tʁɛsɑ̃] pour [ɛ̃teʁɛsɑ̃]), nous ne rentrons pas ici dans ces détails méthodologiques.

    Dans l’analyse qui suit, nous nous limitons à la question phonologique de la présence ou de l’absence du segment. Nous faisons donc abstraction de la qualité phonétique du schwa ([ə]/[e]/[ɛ]) et de la liaison (notamment [z]/[s]). Afin de nous concentrer sur les contextes à enseigner, nous écartons ici les cas de rupture du mot suivant, d’alternance codique ainsi que

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