Vodou -Le soufflle de la mort-
Par Maximilien CADE
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À propos de ce livre électronique
Quand l'agent spécial Marcus Toussaint, criminologue rationnel au FBI, est envoyé à Haïti pour enquêter sur une série de meurtres rituels, il est loin d'imaginer que cette affaire le forcera à confronter l'héritage mystique qu'il a fui pendant vingt ans.
Des cadavres sans cœur à Port-au-Prince aux zombis dans les bayous de Louisiane, chaque découverte l'entraîne plus profondément dans un monde où science et spiritualité s'entremêlent, où les frontières entre réalité et mystère s'effacent.
Confronté à une société secrète manipulant d'anciennes forces, Marcus doit accepter son double héritage – celui d'agent fédéral formé à l'analyse rationnelle et celui de descendant d'une lignée de prêtres vaudou chargés de protéger le monde contre des entités qui attendent, tapies derrière le voile entre les mondes.
Un thriller mystique haletant où traditions ancestrales et enquête moderne s'entrechoquent dans une course contre la montre pour empêcher l'éveil d'une puissance oubliée.
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Avis sur Vodou -Le soufflle de la mort-
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Aperçu du livre
Vodou -Le soufflle de la mort- - Maximilien CADE
Prologue
Port-au-Prince, 1805
La nuit haïtienne vibrait du son des tambours. Au cœur du cimetière, un cercle de silhouettes entourait un homme agenouillé devant une tombe fraîchement creusée. Agassou Toussaint, grand houngan respecté de tous, traçait des vèvès complexes dans la terre humide, sa main ne tremblant pas malgré la gravité de son acte.
Li pa kapab pase,
murmurait-il. "Il ne doit pas
traverser."
À ses côtés, son fils de dix ans observait, gravant chaque geste dans sa mémoire, comme son père le lui avait ordonné. Souviens-toi, Jean-Baptiste,
disait le vieux prêtre. Un jour, ce sera à toi de maintenir la barrière.
Au centre du cercle, une jarre en terre cuite noire attendait, son couvercle scellé par de la cire rouge gravée de symboles anciens. De l'intérieur provenait un léger bourdonnement, comme si quelque chose de vivant y était emprisonné.
Le vieux houngan versa sept gouttes de son propre sang sur le sceau, puis enfouit la jarre dans la tombe.
Tant qu'un Toussaint marchera sur cette terre,
déclara-t-il, Ti-Malis restera emprisonné de l'autre côté du voile.
Deux siècles plus tard, un agent du FBI nommé Marcus Toussaint recevrait un appel l'envoyant à Haïti, pour enquêter sur une série de meurtres rituels...
Chapitre 1
Le soleil de janvier se levait sur Port-au-Prince, projetant une lumière dorée sur les façades colorées des maisons qui s'étalaient à flanc de colline. Au cimetière national, les tombes blanches renvoyaient l'éclat matinal comme des miroirs de chaux. Un gardien avançait entre les allées, mâchonnant un bout de canne à sucre. La journée s'annonçait comme les autres, dans la chaleur sèche de l'hiver haïtien.
C'est alors qu'il le vit.
Le corps était allongé sur une tombe plate, bras et jambes en croix. Un homme d'une cinquantaine d'années, en costume sombre déchiré au niveau de la poitrine. La cage thoracique béait, ouverte comme un fruit mûr dont on aurait arraché le noyau. Pas de sang – ou si peu. Autour du cadavre, un cercle parfait de cendres grises délimitait un espace où s'entrecroisaient des signes tracés avec une précision mathématique.
Le gardien laissa tomber son morceau de canne à sucre. Il ne pria pas. Ne cria pas. Il savait exactement ce qu'il voyait, et ce n'était pas le moment de faire du bruit. Les choses qui faisaient ce genre de travail pouvaient encore rôder dans les parages.
Il recula lentement, puis courut vers le poste de police le plus proche.
À six heures quarante-cinq, l'inspecteur Jean-Pierre Mercier arriva sur les lieux, suivi par deux officiers en uniforme. À sept heures, le médecin légiste, Dr. Laurent Dubois, les rejoignit avec son matériel. À sept heures trente, le périmètre était établi, et les premières
photographies prises. Personne ne parlait plus que nécessaire.
Pas de trace de lutte,
constata Mercier en examinant le sol autour du cercle de cendres. Il a été tué ailleurs et déposé ici.
Le Dr. Dubois, un homme mince aux cheveux
grisonnants coupés court, s'accroupit près du corps sans franchir le cercle.
Qu'est-ce que tu attends?
demanda Mercier.
Je ne passe pas cette ligne,
répondit simplement le médecin. Pas avant qu'un houngan l'ait examinée.
Mercier soupira mais n'insista pas. Même lui, avec ses diplômes français et son costume impeccable, n'aurait pas traversé ce cercle. Pas avec ces symboles-là.
On a identifié la victime,
annonça un jeune officier en s'approchant. Antoine Lefèvre, 52 ans, directeur de la succursale haïtienne de Caraïbes Transit, une société d'import-export.
Un homme d'affaires,
murmura Mercier. Riche?
Très.
Famille?
Ex-femme en France. Aucune famille connue en Haïti.
Mercier hocha la tête et sortit son téléphone. Il composa un numéro, attendit quelques secondes.
C'est Mercier. On a un code 19 au cimetière national.
Il écouta un moment. Oui, avec des vèvès. Non, on n'a pas encore touché le corps. D'accord.
Il raccrocha et se tourna vers son équipe.
Le commissaire Toussaint arrive de la capitale. Avec l'agent spécial américain.
Les policiers échangèrent des regards. Tout le monde connaissait ce nom: Toussaint. Le fils de l'île parti faire carrière aux États-Unis. Celui qui avait tourné le dos à son héritage.
À Miami, Marcus Toussaint dormait encore quand son téléphone vibra sur la table de nuit. Il tendit la main sans ouvrir les yeux, tâtonnant dans la pénombre de la chambre aux stores fermés.
Toussaint,
marmonna-t-il d'une voix rauque.
La voix de son supérieur résonna dans l'appareil.
"Marcus, on a une demande d'intervention du
gouvernement haïtien. Un meurtre rituel à Port-au-
Prince."
Marcus se redressa, soudain parfaitement éveillé. Il jeta un œil au réveil: 6:15.
Haïti? Pourquoi nous?
Parce que c'est exactement le même mode opératoire que les trois cas de 2018 à Little Haiti. Ceux que tu n'as jamais résolus.
Marcus ferma les yeux. Ces affaires l'avaient hanté pendant des années. Trois hommes d'affaires d'origine haïtienne, retrouvés sans cœur, avec des cercles de cendres et des symboles vaudou autour d'eux.
Et parce que tu parles créole,
ajouta son chef. Et que ton nom ouvre encore des portes là-bas.
Marcus serra la mâchoire. Son nom. L'héritage qu'il avait fui pendant vingt ans.
Je t'envoie les détails par mail. Ton vol part à 10h30.
La ligne coupa avant qu'il puisse protester. Marcus reposa le téléphone et se leva. Dans la salle de bain, il
s'aspergea le visage d'eau froide et observa son reflet dans le miroir. Un homme noir de quarante-quatre ans, aux épaules larges et au crâne rasé. Quelques fils d'argent dans sa barbe courte. Des yeux fatigués qui avaient vu trop de morts.
Il ouvrit l'armoire à pharmacie et prit un flacon d'antiacides. Les cauchemars avaient repris depuis
quelques semaines. Toujours les mêmes: des ombres qui dansaient autour de lui, des chuchotements en créole, et
sa grand-mère Céleste qui l'appelait.
Marcus avala deux comprimés sans eau et retourna dans la chambre. Sur le mur, au-dessus de son lit, pendait le seul objet qu'il avait gardé de son enfance haïtienne: un petit sac de jute contenant des herbes séchées et des fragments d'os, cousu de fils rouges et noirs. Un garde-corps, lui avait dit sa grand-mère quand elle le lui avait passé autour du cou, le jour de son dixième anniversaire. Une protection.
Marcus le regardait chaque matin et chaque soir, sans jamais le toucher.
Il s'habilla rapidement: costume sombre, chemise blanche, pas de cravate. Glissa son Glock dans son holster d'épaule et son badge à sa ceinture. Prépara un sac avec quelques vêtements, son kit de toilette, et son carnet de notes. Il hésita, puis décrocha le garde-corps du mur et le mit dans la poche intérieure de sa veste, contre son cœur.
Pas par superstition, se dit-il. Par pragmatisme.
Son téléphone vibra à nouveau. Un message de Rafael Morales, son contact à la police de Port-au-Prince, celui qui l'avait aidé à distance sur les cas de 2018:
Bienvenue chez toi, frère. Le mal ne dort jamais.
Marcus éteignit son téléphone sans répondre. Haïti n'était plus chez lui depuis longtemps. Et il ne croyait pas au mal, seulement aux hommes qui faisaient des choses mauvaises. À leurs motivations rationnelles, leurs pulsions explicables.
Pourtant, alors qu'il quittait son appartement, une odeur familière lui parvint. Un mélange de terre humide, d'herbes brûlées et de rhum. Une odeur impossible dans ce couloir climatisé, mais qui le suivit jusqu'à l'ascenseur.
Une odeur qu'il n'avait pas sentie depuis vingt ans.
À l'aéroport de Port-au-Prince, la chaleur frappa Marcus comme un poing dès qu'il descendit de l'avion. Une chaleur épaisse, vivante, chargée d'odeurs: essence, épices, poussière, mer. Une chaleur qui réveilla des souvenirs enfouis, comme un code dans son ADN soudain réactivé.
Rafael Morales l'attendait à la sortie, grand, mince, la peau cuivrée et les cheveux noirs coupés court. Il portait un jean, une chemise blanche et des lunettes de soleil. Son sourire révéla des dents parfaitement alignées quand il vit Marcus.
"Mi hermano! s'exclama-t-il en lui tendant la main.
Enfin face à face."
Ils s'étaient parlé des dizaines de fois par téléphone ou visioconférence, mais ne s'étaient jamais rencontrés en personne. Marcus serra la main tendue.
Merci pour l'accueil, Morales.
"Rafael, por favor. On a un cadavre sans cœur qui nous attend, on peut laisser tomber les formalités."
Marcus acquiesça et suivit Rafael vers une Jeep blanche garée non loin. L'air vibrait de chaleur au-dessus du bitume.
Alors, qu'est-ce qu'on a exactement?
demanda Marcus en montant dans le véhicule.
Rafael démarra et quitta le parking de l'aéroport.
Antoine Lefèvre, 52 ans, trouvé ce matin au cimetière national. Poitrine ouverte, cœur manquant. Un cercle de cendres et des vèvès autour du corps.
Des vèvès? Tu es sûr?
Oh oui. Je t'ai envoyé les photos, mais il faut voir ça en vrai. C'est... précis. Presque beau, si on oublie le cadavre au milieu.
Marcus sortit son téléphone et consulta les images. Malgré la qualité de l'appareil, les symboles tracés
autour du corps étaient d'une netteté frappante: lignes
géométriques, croix, étoiles, spirales, et au centre, un cœur stylisé traversé par une flèche.
Comme en 2018,
murmura-t-il.
Exactement pareil,
confirma Rafael. Sauf que cette fois, c'est chez nous que ça se passe.
Ils roulaient maintenant dans les rues encombrées de Port-au-Prince. Marcus observait la ville à travers la vitre: les façades colorées, les marchés débordant de fruits et légumes, les tap-taps bariolés qui servaient de bus, les enfants en uniforme scolaire. Une ville pleine de vie, où la mort avait toujours eu sa place privilégiée.
Tu sais ce que dit la rumeur?
demanda Rafael en négociant un virage serré.
Non, mais je sens que tu vas me le dire.
Que c'est Baron Samedi lui-même qui a arraché le cœur de Lefèvre. Pour punir les riches qui exploitent l'île.
Marcus secoua la tête.
Baron Samedi n'existe pas. Les loas n'existent pas.
Rafael lui jeta un regard en coin.
"Pour un Haïtien, tu parles comme un parfait Américain, mi amigo."
Je suis un parfait Américain. Je n'ai rien d'un Haïtien à part le nom.
C'est ce que tu crois,
répondit Rafael. Mais ici, les noms ont du pouvoir. Et le tien... ton nom porte une histoire que tu ne peux pas effacer.
Marcus ne répondit pas. La Jeep s'engageait maintenant dans une allée bordée de murs blancs: l'entrée du cimetière.
Au loin, un petit attroupement de policiers et de badauds s'était formé. Des rubans jaunes délimitaient la scène de crime. Le soleil était haut maintenant, implacable.
Prêt à affronter tes démons?
demanda Rafael en arrêtant le véhicule.
Marcus sortit, sentant la chaleur s'insinuer sous son costume, et cette autre odeur, plus subtile: terre, herbes, rhum.
Je ne crois pas aux démons,
dit-il en avançant vers la scène de crime.
Rafael sourit mais ne répondit rien. En Haïti, ce n'était pas important de croire aux démons.
Les démons, eux, croyaient en vous.
Chapitre 2
Le cimetière national s'étendait sur plusieurs hectares, une ville blanche dressée pour les morts. Certaines tombes, imposantes, ressemblaient à de petites maisons avec leurs colonnes et leurs toits ornementés. D'autres n'étaient que de simples croix. L'air vibrait de chaleur. Des oiseaux noirs planaient en cercles dans le ciel sans nuages.
Marcus suivit Rafael entre les allées, ses chaussures
italiennes soulevant une fine poussière ocre. Une
quinzaine de personnes s'étaient rassemblées autour d'un périmètre délimité par des rubans jaunes. La plupart portaient des uniformes de police, d'autres des costumes sombres malgré la chaleur.
Un homme d'une soixantaine d'années, aux cheveux gris coupés court et à la peau d'ébène, se détacha du groupe lorsqu'il aperçut Marcus. Son costume bleu marine était impeccable, sa cravate parfaitement nouée.
Commissaire Toussaint,
dit-il en tendant une main ferme. Je suis l'inspecteur Mercier. Bienvenue chez vous.
Marcus serra la main tendue. Je préfère Agent Spécial Toussaint,
corrigea-t-il. Et je ne suis plus chez moi depuis longtemps.
Mercier haussa légèrement les sourcils mais ne releva pas. Nous vous attendions pour examiner la scène de crime.
Marcus passa sous le ruban jaune. Il y avait une odeur
forte de désinfectant – quelqu'un avait vaporisé un produit pour masquer l'odeur de la putréfaction qui
commençait dans la chaleur. Au centre du périmètre se trouvait une tombe plate sur laquelle était allongé le corps d'un homme. Autour de la tombe, un cercle parfait de cendres grises. À l'intérieur du cercle, des symboles complexes.
Un homme mince, aux cheveux grisonnants, était
accroupi près du corps. Il se releva en voyant Marcus
approcher.
Dr. Laurent Dubois, médecin légiste,
se présenta-t-il.
Agent Spécial Toussaint, FBI.
Monsieur Toussaint a grandi à Port-au-Prince,
précisa Mercier. Mais il a choisi une autre voie.
Il y avait une nuance de reproche dans sa voix que Marcus choisit d'ignorer. Il se concentra sur le corps. L'homme était habillé en costume noir, chemise blanche maintenant souillée de sang séché autour de la large ouverture dans sa poitrine. Le thorax avait été ouvert avec précision, les côtes écartées comme les pétales d'une fleur macabre.
Heure du décès?
demanda Marcus.
Entre minuit et trois heures du matin,
répondit Dubois. La rigidité cadavérique est bien installée.
Cause de la mort?
L'ablation du cœur, je dirais. Bien que l'autopsie complète confirmera.
Marcus s'accroupit pour examiner les symboles tracés
dans la cendre. Des cercles, des étoiles, des croix, et des formes plus complexes, certaines qu'il reconnaissait, d'autres non. Le tout formait un ensemble cohérent et
précis. Rien de hasardeux.
Ces dessins,
dit-il sans lever les yeux, ce sont des vèvès, n'est-ce pas?
Oui,
confirma Rafael qui s'était approché. Des symboles vaudou. Celui au centre représente Baron Samedi.
Marcus le regarda plus attentivement: une croix stylisée surmontée d'un cercle, avec des traits qui évoquaient un crâne.
J'ai vu ces mêmes symboles à Miami,
dit-il. Dans les trois affaires de 2018.
Il se releva, sortit son téléphone et prit plusieurs photos de la scène.
Qui a découvert le corps?
Le gardien du cimetière,
répondit Mercier. Joseph Belizaire. Il fait sa ronde tous les matins à six heures.
Je veux lui parler.
Il vous attend au poste. Il refusait de rester ici.
Marcus regarda autour de lui. Les spectateurs, maintenus à distance, observaient la scène avec un mélange de curiosité et de crainte. Certains faisaient des signes de croix. D'autres murmuraient entre eux.
Qu'est-ce qu'on dit en ville?
demanda-t-il à Rafael.
Que c'est l'œuvre d'un bokor. Un sorcier noir.
Et pas le premier meurtre de ce genre,
ajouta Mercier. Il y a eu deux cas similaires l'année dernière, à Jacmel. Votre bureau n'a pas été informé?
Marcus fronça les sourcils. Non. Aucun rapport n'est remonté jusqu'à moi.
Le gouvernement haïtien préfère gérer ces affaires discrètement,
dit Mercier avec un sourire sans joie. Les touristes n'aiment pas entendre parler de sacrifices humains. Mauvais pour l'économie.
Marcus se tourna vers le corps, puis vers Dubois. Vous avez trouvé quelque chose de particulier?
Le médecin légiste hésita, regardant Mercier comme pour demander une autorisation. Le commissaire hocha imperceptiblement la tête.
Une poudre grise sous ses ongles,
dit Dubois. Et une substance blanche dans sa bouche, sous sa langue. J'ai prélevé des échantillons pour analyse.
Les ongles de toutes les victimes de Miami avaient aussi cette poudre,
dit Marcus. Les analyses n'ont rien donné de concluant. Un mélange d'os broyés, de plantes et de minéraux non identifiés.
Il se tourna vers le médecin légiste. Ne laissez pas le corps sans surveillance jusqu'à l'autopsie. Pas même une minute.
Dubois haussa un sourcil. Vous craignez qu'il ne disparaisse?
Je crains que quelqu'un ne vienne terminer ce qu'il a commencé.
Marcus sortit du périmètre et s'adressa à un jeune officier en uniforme. Je veux une copie de tous les rapports concernant les meurtres similaires à Jacmel. Et tout ce que vous avez sur la victime.
Oui, monsieur.
Et maintenant,
dit Rafael, tu veux peut-être te reposer un peu? L'hôtel n'est pas loin.
Marcus secoua la tête. Non. Je veux voir la maison de la victime.
Antoine Lefèvre vivait dans une grande villa sur les hauteurs de Pétion-Ville, quartier aisé surplombant Port-au-Prince. Une maison blanche aux volets bleus, entourée d'un jardin luxuriant où poussaient des flamboyants et des bougainvilliers. Une femme noire d'une quarantaine d'années les attendait devant le portail en fer forgé.
Madame Clerveaux,
la présenta Mercier. Elle était l'employée de maison de Monsieur Lefèvre depuis dix ans.
La femme avait des yeux rougis par les larmes et tenait un mouchoir froissé dans sa main. Elle ouvrit le portail sans un mot, puis les guida le long d'une allée de gravier jusqu'à la maison.
Monsieur Lefèvre était un homme bien,
dit-elle en ouvrant la porte d'entrée. Il payait bien, jamais un mot plus haut que l'autre.
L'intérieur de la villa était frais, décoré avec un mélange de meubles coloniaux et d'art haïtien contemporain. Des masques en bois peint ornaient les murs du salon, à côté de peintures abstraites aux couleurs vives.
Quand avez-vous vu Monsieur Lefèvre pour la dernière fois?
demanda Marcus.
Hier soir, vers huit heures. Il m'a dit qu'il sortait dîner en ville et que je pouvais rentrer chez moi.
Avec qui dînait-il?
Il ne me l'a pas dit. Mais il avait mis son costume noir, celui qu'il réservait pour les occasions importantes.
Avait-il des ennemis?
Madame Clerveaux hésita. Pas à ma connaissance. Mais ces derniers temps, il recevait des coups de téléphone qui le perturbaient. Il parlait à voix basse, en français.
Vous comprenez le français?
demanda Mercier.
Un peu. Pas assez pour suivre une conversation, mais je sais que c'était sérieux. Il avait cette ride, là, entre les sourcils.
Elle indiqua son propre front. Comme quand les affaires allaient mal.
Marcus examinait les objets dans le salon. De nombreux livres sur les étagères, principalement en français. Des biographies, des romans, quelques ouvrages sur l'économie des Caraïbes. Rien sur le vaudou ou l'occulte. Sur une console en acajou, des photos encadrées: Lefèvre en costume devant divers monuments – la Tour Eiffel, le Colisée, la Statue de la Liberté. Toujours seul.
Madame Clerveaux, est-ce que Monsieur Lefèvre s'intéressait au vaudou?
La femme se raidit visiblement. Non, monsieur. Il était catholique. Il allait à la messe tous les dimanches à la cathédrale.
Aucun sanctuaire dans la maison? Pas d'objets rituels?
Non, monsieur.
Son ton était devenu plus froid.
Monsieur Lefèvre était un homme instruit. Pas le genre à croire aux superstitions.
Marcus nota le changement d'attitude mais n'insista pas. Il monta à l'étage, suivi par Rafael. La chambre principale était spacieuse et ordonnée: un grand lit à baldaquin, une commode en acajou, un bureau près de la fenêtre qui donnait sur un balcon avec vue sur la baie de Port-au-Prince.
Rafael ouvrit la penderie: des costumes soigneusement alignés, des chemises repassées, des chaussures cirées. Notre homme aimait l'ordre.
Marcus examinait le bureau. Un ordinateur portable, des dossiers empilés, un agenda en cuir. Il enfila des gants et ouvrit l'agenda. Les pages étaient remplies d'une écriture fine et régulière, principalement des rendez-vous professionnels, des horaires de vol, des noms d'hôtels.
À la date d'hier, une simple note: 22h – Place Sainte-Anne.
La Place Sainte-Anne,
dit Rafael en regardant par-dessus son épaule. C'est près du cimetière.
Marcus prit en photo la page de l'agenda, puis ouvrit les tiroirs du bureau. Dans le dernier, il trouva une boîte en bois sculpté. À l'intérieur, une liasse de papiers jaunis par le temps. Des lettres, écrites en français, datant de plusieurs décennies.
Tu lis le français?
demanda-t-il à Rafael.
Assez pour comprendre l'essentiel.
Rafael parcourut les lettres rapidement. C'est une correspondance entre Lefèvre et son père. Il parle d'un héritage familial, d'un secret à protéger. Rien de très précis.
Emporte-les. On les fera traduire complètement.
Marcus continua son inspection, méthodique, ne laissant rien au hasard. La salle de bains – des produits de luxe, une armoire à pharmacie contenant des antiacides et des somnifères. La chambre d'amis – impeccable, comme si personne n'y avait jamais dormi. Le bureau – des documents commerciaux, des contrats, des rapports financiers concernant Caraïbes Transit.
Dans un tiroir fermé à clé (que Rafael ouvrit avec une adresse qui trahissait une certaine habitude), ils trouvèrent un petit carnet noir relié en cuir. À l'intérieur, des noms, des dates, des montants. Certaines entrées étaient suivies de symboles que Marcus reconnut immédiatement: les mêmes que ceux tracés autour du corps de Lefèvre.
Un registre de paiements,
murmura Rafael. Avec des annotations vaudou.
Il feuilleta les pages. Regarde, les trois derniers noms sont marqués d'un X.
Tu peux les identifier?
Celui-ci est un chef d'entreprise local, Mathieu Dumas. Cet autre, Éric Fontaine, possède des hôtels à Jacmel.
Les deux victimes de l'année dernière,
dit Marcus. Et le troisième?
Walter Devane. Un Américain. Homme politique à la Nouvelle-Orléans, je crois.
Marcus sortit son téléphone et googla le nom. Walter Devane apparut: un homme blanc d'une cinquantaine d'années, sourire éclatant, en costume clair. Le site officiel le présentait comme conseiller municipal de la Nouvelle-Orléans, en charge du développement
économique.
Il est encore vivant, celui-là,
dit Rafael. "Pour
l'instant."
Marcus prit des photos du carnet, puis le remit à sa place. Il nous faut un mandat pour saisir tout ça,
dit-il à Mercier qui venait de les rejoindre.
Ça prendra du temps,
répondit le commissaire. La justice avance lentement ici.
Alors postez quelqu'un pour surveiller la maison. Personne n'entre, personne ne sort, rien ne disparaît.
Ils redescendirent au rez-de-chaussée. Madame Clerveaux les attendait dans le salon, toujours aussi nerveuse.
Une dernière question,
lui dit Marcus. Est-ce que Monsieur Lefèvre avait reçu des menaces récemment?
La femme hésita. "Il y a eu ce paquet, la semaine
dernière. Un petit sac en jute noir, laissé devant la porte.
Quand Monsieur l'a ouvert, il est devenu très pâle. Il l'a jeté immédiatement."
Qu'y avait-il dedans?
"Je ne sais pas. Mais ça sentait... ça sentait la terre et les herbes. Et quelque chose d'autre, quelque chose de...
mort."
Marcus sentit un picotement dans sa nuque. L'odeur qu'il avait perçue à Miami, puis à l'aéroport. La même que celle qui imprégnait le garde-corps dans sa poche.
Où a-t-il jeté ce sac?
Dans la poubelle. Les éboueurs sont passés le lendemain.
Marcus remercia Madame Clerveaux et sortit de la villa, inspirant profondément l'air chaud et parfumé du jardin.
Qu'est-ce que tu en penses?
demanda Rafael quand ils furent de retour dans la Jeep.
Je pense que Lefèvre était impliqué dans quelque chose de louche avec les deux victimes précédentes. Quelque chose qui avait peut-être un rapport avec Walter Devane.
Et les symboles vaudou?
Marcus haussa les épaules. De la mise en scène. Pour faire peur, pour brouiller les pistes.
Rafael le regarda, incrédule. "Tu as grandi ici, et tu
