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The Curse of Kisanga
The Curse of Kisanga
The Curse of Kisanga
Livre électronique364 pages4 heuresThe Kisanga Curse Chronicles

The Curse of Kisanga

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À propos de ce livre électronique

Beneath a bruised plum sky, the Katanga Copperbelt bleeds crimson with the wealth of its earth. On this land of promise and peril, Isidore Mbemba stakes his claim, his dream woven into the abandoned Kisanga iron mine. He envisions a Congo free from the shackles of exploitation, a future forged by Congolese hands. But Kisanga whispers of a curse, a vengeful spirit guarding its depths.
Isidore’s ambition draws him into a pact with Roy Dunn, an American investor whose charm masks a predatory gaze.  He finds an unlikely ally in Mary Lamb, a Canadian engineer haunted by a past mine’s collapse, who sees in Isidore a shared desire for responsible development.  But Mark Martin, a former miner bearing the scars of Kisanga's past, sees only a pawn in a dangerous game. He believes Dunn's intentions reach far beyond profit, entwined with a shadowy network that thrives on Congo’s instability.
Torn between his family’s conflicting hopes and fears, Isidore navigates a treacherous landscape of permits and promises.  A series of “accidents” plague the mine, fueling whispers of the curse and eroding the community’s trust. Mary’s engineering expertise reveals a sinister pattern—sabotage. Is Dunn the architect of Kisanga's misfortunes, or is something more ancient at play?
As Mark rallies the community against the mine, Isidore confronts the chilling truth: the curse of Kisanga is not supernatural, but a meticulously crafted conspiracy. He’s entangled in a web of deceit, his dream teetering on the precipice of disaster.  With Mary and Mark, he must expose the hidden network pulling the strings before it claims Kisanga and its people, forever binding them to a cycle of exploitation.  Can they break the curse, or will they become its next victims?

LangueFrançais
ÉditeurPublishdrive
Date de sortie6 nov. 2024
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    Aperçu du livre

    The Curse of Kisanga - Anika Jorden

    Prologue

    Le vent, chargé d'une odeur métallique et âcre, s'engouffrait dans les entrailles éventrées de Kisanga, une respiration rauque et saccadée qui semblait émaner du cœur même de la terre blessée. Autour d'Isidore, les carcasses rouillées des excavatrices se dressaient comme des spectres mécaniques, leurs bras métalliques tordus vers le ciel couleur cendre. Des monuments à l'ambition déchue, à la promesse trahie. Il serrait la main de son père, une main large et calleuse qui, d'habitude, rassurait, protégeait. Mais aujourd'hui, cette main tremblait, non pas de peur, mais d'une anticipation fébrile, d'une excitation qui frisait l'inconscience.

    Son père, imposant même au milieu de ce chaos industriel, lui parlait de la montagne qui respirait. Elle est vivante, Isidore, disait-il, sa voix grave résonnant au-dessus du sifflement incessant du vent, elle donne la vie, elle la reprend. Il faut la respecter. Il pointait du doigt les veines rouges qui striaient la terre éventrée, cicatrices béantes d'où jaillissait la richesse de Kisanga, un sang métallique qui avait attiré l'homme blanc, l'avait rendu fou. C'est le sang de la terre, Isidore. N'oublie jamais.

    Isidore, à peine plus haut que les herbes sèches qui s'accrochaient à ses pantalons rapiécés, essayait de comprendre. La montagne qui respirait… Il imaginait des poumons gigantesques, soufflant un air chargé de poussière rouge, un air qui sentait le fer et la sueur, la fatigue et l'espoir. L'espoir d'une vie meilleure, l'espoir que la montagne nourrirait sa famille, lui permettrait d'aller à l'école, de devenir quelqu'un.

    Un grondement sourd, un frisson qui parcourut la terre, fit taire son père. Isidore leva les yeux vers lui, interrogeant son visage buriné. Mais son père ne le regardait pas. Ses yeux étaient fixés sur l'entrée de la mine, dilatés par une horreur indicible. Un cri, un cri déchirant qui n'était pas humain, s'échappa des entrailles de la terre. La montagne avait faim.

    La terre s'ouvrit, une gueule béante et vorace qui avala hommes et machines dans un tourbillon de poussière et de rocs. La main de son père se crispa dans la sienne, puis se déroba, happée par l'obscurité. Des cris, des appels à l'aide, ponctuèrent le fracas de la terre qui s'effondrait, puis furent engloutis par un silence assourdissant. Le monde d'Isidore implosa. La montagne qui respirait, la montagne qui donnait, venait de tout prendre.

    Un vent épais, chargé de poussière rouge et d'une odeur métallique qu'il saurait reconnaître partout, même des années plus tard, lui fouetta le visage. Il se cabra, cherchant à respirer, à voir à travers le voile cramoisi qui l'enveloppait. Il entendit des gémissements, des pleurs étouffés, mais aucun signe de son père. Autour de lui, un paysage lunaire, dévasté, comme si une main géante avait arraché le cœur de la terre.

    Des hommes, couverts de poussière, surgirent de la brume rouge, leurs visages hagards, leurs corps tremblants. Ils portaient des blessés, des corps brisés, des âmes perdues. Isidore chercha son père parmi eux, son cœur battant à se rompre. Mais son père n'était pas là. La terre l'avait avalé, l'avait englouti dans son insatiable faim.

    Le nom de Kisanga, murmuré par le vent, devint un cri silencieux dans le cœur d'Isidore. Ce nom, autrefois synonyme d'espoir, était désormais gravé dans sa chair, une cicatrice invisible plus profonde que n'importe quelle blessure. Kisanga, la montagne qui respirait, la montagne qui tuait. Kisanga, le tombeau de son père, le berceau de sa vengeance.

    Les jours qui suivirent furent un flou de douleur et de confusion. Les visages endeuillés, les pleurs des femmes, les regards vides des enfants, tout témoignait de la tragédie qui avait frappé Kisanga. La montagne avait pris plus qu'un père ce jour-là. Elle avait volé l'innocence d'un enfant, brisé sa confiance dans le monde, transformé l'espoir en une soif inextinguible de justice.

    Isidore, assis près du lit de sa mère malade de chagrin, serrait le nkisi que son père lui avait offert, une petite figurine en bois sculptée, symbole de protection, de lien avec les ancêtres. Il la serrait si fort que ses doigts en blanchissaient. Dans le silence de la petite case en terre battue, il entendait les murmures de Kisanga, les voix des morts qui réclamaient justice. Il fit une promesse silencieuse, une promesse gravée dans son âme, une promesse qu'il porterait avec lui comme un fardeau, comme une flamme inextinguible: il reviendrait à Kisanga. Il dompterait la montagne. Il rendrait justice à son père et à tous ceux que la terre avait engloutis. Ce jour-là, dans la poussière et le sang de Kisanga, l’âme d’un enfant renaissait des cendres de la tragédie.

    Chapter 1: The Weight of Legacy

    Le vent de la savane, aigre et cinglant, portait les échos lointains d'un passé douloureux. Isidore Mbemba, le visage buriné par une décennie de luttes et d'espoirs, contemplait l'horizon rougeoyant où le soleil plongeait dans les entrailles de la terre. Ses doigts, rêches et calleux, effleuraient le papier officiel qui, après des années d'acharnement, lui conférait enfin le droit de réveiller Kisanga de son long sommeil.

    La mine béante s'étendait à ses pieds, gouffre titanesque dont les parois striées de veines minérales scintillaient sous les derniers rayons du jour. Les vestiges rouillés des anciennes exploitations se dressaient tels des sentinelles silencieuses, gardiens d'une histoire que le temps n'avait pu effacer. Isidore inspira profondément, laissant l'air chargé de poussière ocre emplir ses poumons. L'odeur âcre du minerai, mêlée aux effluves de la végétation desséchée, ravivait en lui des souvenirs enfouis.

    Il ferma les yeux un instant, submergé par une vague de sensations. Le rire grave de son père résonnait dans sa mémoire, accompagné du tintement métallique des pioches contre la roche. Il revoyait les visages des mineurs, leurs regards emplis d'une détermination farouche malgré la fatigue. Et puis, comme un coup de tonnerre dans un ciel d'azur, le grondement sourd de la catastrophe qui avait tout englouti.

    Isidore rouvrit les yeux, chassant ces ombres du passé. Le présent l'appelait, urgent et impérieux. Il déplia soigneusement le permis d'exploitation, relisant une énième fois les lignes qui allaient changer le destin de Kisanga. Chaque mot semblait vibrer d'une énergie propre, promesse d'un avenir où les richesses de la terre ne seraient plus synonymes de malédiction.

    Cette fois, ce sera différent, murmura-t-il, sa voix à peine audible dans le silence du crépuscule. Je te le jure, Papa. Kisanga renaîtra, mais pas pour enrichir des étrangers. Ce sera notre renaissance, notre victoire.

    Le soleil disparut finalement derrière l'horizon, plongeant la savane dans une pénombre violacée. Isidore replia le document et le glissa dans la poche intérieure de sa veste, près de son cœur. Il était temps de rentrer, de partager cette victoire avec ceux qui avaient cru en lui malgré les obstacles.

    Le chemin du retour serpentait à travers la brousse, chaque pas soulevant un nuage de poussière. Les premières étoiles piquetaient le ciel quand Isidore aperçut enfin les lumières vacillantes du village. La silhouette familière de la maison familiale se détachait dans l'obscurité, havre de paix au milieu du tumulte de ses pensées.

    À peine eut-il franchi le seuil que l'arôme envoûtant du maboke l'enveloppa, mélange subtil de poisson, de feuilles de manioc et d'épices. Mama Abena s'affairait près du foyer, ses gestes empreints d'une grâce que les années n'avaient pu altérer. Elle leva les yeux à son entrée, son visage s'illuminant d'un sourire qui effaça momentanément les rides creusées par les épreuves.

    Isidore, mon fils, dit-elle doucement, s'essuyant les mains sur son pagne coloré. Je vois dans tes yeux que les nouvelles sont bonnes.

    Il s'approcha d'elle, la serrant dans ses bras avec une tendresse mêlée de respect. Oui, Mama. Nous l'avons obtenu. Le permis est à nous.

    Mama Abena ferma les yeux, murmurant une prière de gratitude. Quand elle les rouvrit, ils brillaient de larmes contenues. Ton père serait si fier, Isidore. Si fier de voir l'homme que tu es devenu.

    Ces mots, simples mais chargés d'émotion, firent vaciller la détermination d'Isidore. Il s'assit lourdement sur le tabouret près du feu, sortant le précieux document de sa poche. J'espère être à la hauteur, Mama. Il y a tant à faire, tant de promesses à tenir.

    Mama Abena s'agenouilla près de lui, posant une main ridée sur son genou. Tu n'es pas seul, mon fils. La force de tes ancêtres coule dans tes veines. Et nous sommes là, ta famille, ta communauté. Ensemble, nous ferons de Kisanga un lieu de prospérité et de paix.

    Isidore hocha la tête, reconnaissant pour ces paroles de réconfort. Il commença à lui raconter les détails de sa longue quête, les obstacles surmontés, les compromis négociés. Mama Abena l'écoutait attentivement, ponctuant son récit de questions pertinentes qui révélaient une compréhension aiguë des enjeux.

    Leur conversation fut interrompue par l'arrivée tourbillonnante de Néné, la sœur cadette d'Isidore. Elle entra dans la pièce comme une bourrasque, son énergie contrastant avec l'atmosphère paisible qui régnait jusqu'alors.

    Alors, grand frère, lança-t-elle sans préambule, on dirait que tu as réussi ton coup ?

    Isidore se leva pour l'accueillir, mais fut déconcerté par la froideur de son regard. Néné, oui, nous avons obtenu le permis. C'est une grande victoire pour Kisanga, pour notre communauté.

    Néné émit un rire sec, dénué de joie. Une victoire ? Pour qui exactement, Isidore ? Pour les investisseurs étrangers qui vont s'enrichir sur notre dos ? Pour les politiciens corrompus qui ont monnayé leur signature ?

    Néné, intervint Mama Abena d'une voix douce mais ferme, ton frère a travaillé dur pour ce jour. Ne peux-tu pas te réjouir avec nous ?

    La jeune femme secoua la tête, ses tresses claquant dans l'air. Me réjouir de quoi, Mama ? De voir notre terre à nouveau pillée ? De voir notre peuple réduit à l'esclavage moderne dans ces mines maudites ?

    Isidore sentit la colère monter en lui, mais s'efforça de garder son calme. Tu te trompes, Néné. Ce projet est différent. J'ai veillé personnellement à ce que les intérêts de notre communauté soient protégés. Nous aurons un contrôle majoritaire, des garanties environnementales, des programmes de formation...

    Des mots, toujours des mots, coupa Néné avec véhémence. Combien de fois avons-nous entendu ces belles promesses ? Combien de fois avons-nous vu ces accords bafoués dès que l'or et le cuivre commencent à couler ?

    Le silence tomba dans la petite pièce, lourd de non-dits et de tensions accumulées. Mama Abena, sentant le besoin d'apaiser les esprits, se leva pour servir le repas. L'odeur alléchante du maboke emplit à nouveau l'espace, rappelant à chacun les liens qui les unissaient malgré leurs différends.

    Ils s'installèrent autour de la table basse, le repas se déroulant dans une ambiance tendue. Isidore tentait d'expliquer les détails du projet, les garanties obtenues, sa vision d'un développement durable et équitable. Néné l'écoutait d'une oreille sceptique, ponctuant son discours de remarques acerbes sur la naïveté de croire aux bonnes intentions des multinationales.

    Au fil de la conversation, Isidore réalisa que le fossé qui le séparait de sa sœur était plus profond qu'il ne l'avait imaginé. Néné, avec sa fougue d'activiste et ses idéaux révolutionnaires, voyait le monde en noir et blanc. Pour elle, toute collaboration avec le système établi était une forme de trahison.

    Tu ne comprends pas, Néné, dit-il finalement, la frustration perçant dans sa voix. Nous ne pouvons pas rester en marge éternellement. Si nous voulons changer les choses, nous devons agir de l'intérieur, utiliser les outils du système pour le transformer.

    Néné le fixa intensément, ses yeux brillant d'une flamme qui rappelait à Isidore leur père. Et si c'était toi qui ne comprenais pas, grand frère ? Si, à force de compromis et de concessions, tu perdais de vue l'essentiel ? La liberté, la dignité de notre peuple ne se négocient pas sur un contrat.

    Mama Abena, qui était restée silencieuse pendant l'échange, prit alors la parole. Sa voix, douce mais empreinte d'une sagesse ancestrale, captiva immédiatement l'attention de ses enfants.

    Mes enfants, commença-t-elle, vous portez tous deux en vous la force et la passion de votre père. Mais vous l'exprimez différemment. Isidore, tu cherches à construire des ponts, à trouver un chemin vers l'avenir sans renier notre passé. Néné, tu es la gardienne de notre mémoire, la voix qui nous rappelle d'où nous venons et ce que nous ne devons jamais oublier.

    Elle fit une pause, son regard allant de l'un à l'autre. Vous avez besoin l'un de l'autre. Kisanga a besoin de vous deux. La sagesse réside dans l'équilibre, dans la capacité à avancer tout en restant fidèle à ses racines.

    Ces paroles semblèrent apaiser momentanément les tensions. Isidore et Néné échangèrent un regard, une compréhension mutuelle passant entre eux malgré leurs désaccords. Le reste du repas se déroula dans un silence plus confortable, chacun méditant sur les mots de Mama Abena.

    Plus tard dans la soirée, alors que Néné s'était retirée et que Mama Abena préparait le thé, Isidore sortit prendre l'air. La nuit était tombée, enveloppant le village d'un manteau d'obscurité piqueté d'étoiles. Au loin, la silhouette massive de Kisanga se découpait sur le ciel nocturne, présence muette mais imposante.

    Isidore laissa son esprit vagabonder, repensant au chemin parcouru depuis ce jour fatidique où la montagne avait englouti son père et tant d'autres. Il avait juré de transformer la malédiction en bénédiction, de faire de Kisanga un symbole de renaissance plutôt que de destruction. Mais les doutes semés par Néné germaient dans son esprit, se mêlant à ses propres inquiétudes refoulées.

    Le bruit de pas derrière lui le tira de sa rêverie. Mama Abena s'approcha, lui tendant une tasse de thé fumant.

    À quoi penses-tu, mon fils ? demanda-t-elle doucement.

    Isidore prit une gorgée du breuvage brûlant avant de répondre. Je me demande si je fais le bon choix, Mama. Si je ne suis pas en train de répéter les erreurs du passé.

    Mama Abena resta silencieuse un moment, son regard perdu dans l'obscurité. Puis elle dit : Tu te souviens de l'histoire que ton père te racontait, celle du chasseur et du lion ?

    Isidore hocha la tête, un sourire nostalgique aux lèvres. Le chasseur qui, à force de traquer le lion, finit par devenir lui-même un lion.

    Exactement, acquiesça Mama Abena. Ton père disait toujours que le vrai défi n'était pas de vaincre ses ennemis, mais de ne pas devenir comme eux dans le processus.

    Elle posa une main sur l'épaule de son fils. Tu portes un lourd fardeau, Isidore. Le poids de notre histoire, de nos espoirs. Mais n'oublie jamais qui tu es, d'où tu viens. Tant que tu garderas cela à l'esprit, tu ne t'égareras pas.

    Isidore sentit une boule se former dans sa gorge. Il attira sa mère dans une étreinte, puisant force et réconfort dans sa présence.

    Merci, Mama, murmura-t-il. Je ferai de mon mieux pour honorer notre héritage, pour construire un avenir dont nous pourrons être fiers.

    Ils restèrent ainsi un moment, unis dans le silence de la nuit africaine. Puis, Mama Abena se dégagea doucement.

    Il est tard, mon fils. Demain sera une longue journée. Va te reposer.

    Isidore acquiesça, mais ne rentra pas immédiatement. Il avait besoin de quelques instants de solitude pour mettre de l'ordre dans ses pensées. Alors que sa mère disparaissait dans la maison, il se dirigea vers le grand baobab qui trônait au centre du village.

    L'arbre centenaire, témoin silencieux de générations d'histoires et de secrets, semblait l'appeler. Isidore posa sa main sur l'écorce rugueuse, fermant les yeux pour mieux sentir l'énergie qui pulsait sous ses doigts. Il se remémora les cérémonies auxquelles il avait assisté enfant, les anciens invoquant la sagesse des ancêtres sous ces mêmes branches.

    Guidez-moi, murmura-t-il dans la nuit. Montrez-moi le chemin pour honorer votre mémoire tout en bâtissant notre futur.

    Seul le bruissement des feuilles lui répondit, mais Isidore sentit une paix l'envahir. Quels que soient les défis à venir, il n'était pas seul. La force de sa communauté, la sagesse de ses ancêtres l'accompagneraient.

    Revigoré par cette pensée, il se dirigea vers sa chambre. Le sommeil tardait à venir, son esprit bouillonnant de plans et d'idées pour les jours à venir. Il savait que le véritable travail ne faisait que commencer. Obtenir le permis n'était que la première étape d'un long voyage.

    Aux premières lueurs de l'aube, Isidore était déjà debout. Il quitta silencieusement la maison, désireux de retourner à la mine avant que la chaleur du jour ne devienne étouffante. Le village s'éveillait doucement, les premiers chants des coqs se mêlant aux voix étouffées des femmes préparant le petit-déjeuner.

    Le chemin vers Kisanga lui semblait différent ce matin-là. Chaque détail du paysage prenait une nouvelle signification, comme s'il le voyait pour la première fois. Les hautes herbes de la savane ondulaient sous la brise matinale, leur danse hypnotique évoquant le flux et le reflux du temps. Au loin, un troupeau d'antilopes traversait la plaine, rappelant à Isidore la fragilité de l'équilibre naturel qu'il devrait préserver.

    Arrivé au bord du cratère, il s'arrêta un instant pour contempler l'étendue des travaux à venir. La lumière rasante du soleil levant accentuait chaque relief, chaque cicatrice de la terre martyrisée. Pourtant, au milieu de cette désolation, Isidore aperçut des signes d'espoir. Ici et là, de timides pousses vertes perçaient à travers la terre rouge, témoignant de la résilience de la nature.

    Il descendit prudemment dans la mine, ses pas soulevant de petits nuages de poussière. Le silence était presque surnaturel, brisé seulement par le crissement de ses semelles sur les graviers et le battement sourd de son cœur. Isidore s'approcha d'une ancienne galerie, son entrée à moitié effondrée semblant le mettre au défi de raviver ses secrets.

    Soudain, un mouvement furtif attira son attention. Une silhouette se faufilait entre les décombres, visiblement surprise d'être découverte. Isidore sentit son corps se tendre, tous ses sens en alerte.

    Qui est là ? lança-t-il d'une voix qu'il voulait assurée.

    Après un moment d'hésitation, la silhouette émergea de l'ombre. C'était un vieil homme, le dos voûté par les années, mais le regard vif et perçant. Isidore le reconnut immédiatement : Mukamba, l'ancien chef des mineurs, celui que beaucoup considéraient comme le gardien des secrets de Kisanga.

    Mukamba, dit Isidore, la surprise et le respect se mêlant dans sa voix. Je ne m'attendais pas à vous trouver ici.

    Le vieil homme s'approcha lentement, s'appuyant sur un bâton noueux. Un sourire énigmatique flottait sur ses lèvres.

    C'est plutôt moi qui devrais être surpris, jeune Mbemba, répondit-il de sa voix rocailleuse. Que vient faire le fils du défunt Kabongo dans ces galeries maudites ?

    Isidore hésita un instant, pesant ses mots. Il savait que Mukamba était respecté dans la communauté, que sa voix portait du poids. Il ne pouvait se permettre de l'aliéner.

    Je suis venu... prendre la mesure de la tâche qui nous attend, dit-il finalement. Nous avons obtenu le permis pour rouvrir la mine, Mukamba. Mais je voulais d'abord venir seul, pour... pour demander la bénédiction des anciens.

    Mukamba l'observa longuement, son regard semblant sonder les profondeurs de son âme. Puis il hocha lentement la tête.

    Tu as bien fait de venir, fils. Les esprits de Kisanga ne dorment jamais. Ils attendent, ils observent. Ils jugent nos intentions.

    Il fit un geste englobant la mine. Tu crois pouvoir dompter cette terre, Isidore Mbemba ? Tu crois pouvoir lui arracher ses richesses sans payer le prix ?

    Isidore sentit un frisson parcourir son échine. Les paroles de Mukamba faisaient écho aux avertissements de Néné, aux doutes qui le rongeaient.

    Je ne veux pas la dompter, Mukamba, répondit-il avec sincérité. Je veux... je veux trouver un équilibre. Utiliser les richesses de Kisanga pour le bien de notre communauté, tout en respectant la terre et les esprits qui y résident.

    Mukamba émit un son qui pouvait être un rire ou un grognement. De nobles intentions, jeune homme. Mais les intentions ne suffisent pas toujours. Viens, suis-moi. Il y a quelque chose que tu dois voir.

    Intrigué et légèrement inquiet, Isidore emboîta le pas au vieil homme. Ils s'enfoncèrent dans la galerie, l'obscurité les enveloppant progressivement. L'air devenait plus frais, chargé d'une odeur de terre humide et de minéraux. Isidore sentait la présence oppressante de la montagne au-dessus de lui, des millions de tonnes de roche prêtes à l'écraser au moindre faux pas.

    Après ce qui lui sembla une éternité, Mukamba s'arrêta. Il frotta une allumette, dont la flamme vacillante révéla une petite cavité dans la paroi. Le vieil homme y plongea la main et en sortit un objet enveloppé dans un tissu usé.

    Regarde, dit-il en tendant l'objet à Isidore.

    Avec précaution, Isidore défit le tissu. Ses yeux s'écarquillèrent de surprise en découvrant un masque rituel, ses traits grotesques figés dans une expression mi-comique, mi-terrifiante.

    C'est un masque Kifwebe, murmura-t-il, reconnaissant le style caractéristique de ces masques utilisés dans les cérémonies Songye.

    Mukamba acquiesça. Pas n'importe lequel. C'est le masque du Bwadi Bwa Kifwebe, la société secrète qui gardait les mystères de Kisanga. Ton père le portait lors de la cérémonie qui précéda... l'accident.

    Isidore sentit sa gorge se nouer. Il n'avait jamais su que son père faisait partie de cette société secrète. Cette révélation ouvrait tout un pan de mystère sur l'homme qu'il croyait connaître.

    Pourquoi me montrez-vous cela ? demanda-t-il d'une voix rauque.

    Mukamba reprit doucement le masque, le recouvrant du tissu avec révérence. Parce que tu dois comprendre, Isidore. Kisanga n'est pas qu'une mine. C'est un lieu sacré, un pont entre notre monde et celui des esprits. Chaque gramme de minerai extrait est une dette contractée envers les forces qui habitent ces lieux.

    Il fixa Isidore de son regard pénétrant. Ton père le savait. Il cherchait un moyen d'honorer cette dette, de maintenir l'équilibre. Mais les étrangers, avec leur soif de richesse, ont bouleversé cet équilibre. Et tu connais le résultat.

    Isidore sentit le poids de cette révélation s'abattre sur ses épaules. Tout ce qu'il croyait savoir sur la tragédie qui avait emporté son père était remis en question.

    Que dois-je faire, Mukamba ? demanda-t-il, sa voix à peine plus qu'un murmure.

    Le vieil homme posa une main sur son épaule. Continue sur ta voie, jeune Mbemba. Mais n'oublie jamais ce que je t'ai montré aujourd'hui. Respecte les anciennes traditions, honore les esprits de Kisanga. C'est le seul moyen d'éviter que l'histoire ne se répète.

    Ils ressortirent de la galerie en silence, chacun plongé dans ses pensées. La lumière du jour, maintenant éclatante, les éblouit momentanément. Isidore cligna des yeux, ayant l'impression d'émerger d'un rêve étrange.

    Mukamba s'apprêtait à partir quand Isidore le retint par le bras. Attendez... Il y a tant de questions que je voudrais vous poser. Sur mon père, sur la société secrète, sur...

    Le vieil homme secoua doucement la tête. Pas maintenant, fils. Chaque chose en son temps. Les réponses viendront quand tu seras prêt à les entendre. Pour l'instant, concentre-toi sur ta tâche. Kisanga t'observe. Ne la déçois pas.

    Sur ces mots énigmatiques, Mukamba s'éloigna, sa silhouette bientôt avalée par la brume matinale qui s'accrochait encore aux flancs de la montagne. Isidore resta un long moment immobile, tentant d'assimiler tout ce qu'il venait d'apprendre.

    Le soleil était déjà haut

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