Le procès de Jésus devant Pilate: L'enquête
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À propos de ce livre électronique
prend le parti de lire les quatre évangiles comme des sources historiques, comme ils se présentent, de comprendre le projet rédactionnel et les choix de chacun et de replacer le procès dans le contexte juridique et politique du temps. On arrive alors à approcher la réalité et l’importance historique de ce qui s’est passé pendant les six heures de procédure du procès le plus fameux et le plus méconnu de l’histoire. On comprend aussi sa résonance prophétique chez des croyants qui scrutaient le sens des faits autant que des dires. Sujet malgré lui d’un conflit frontal et inédit entre l’autorité de Rome et celle du Temple, Jésus est sacrifié par Pilate au terme d’une négociation pénale houleuse et même violente. Un accord en résulte : la mort de Jésus contre l’exemption totale du préfet. Pour les Juifs attachés à la Torah, pour les païens attachés au droit romain, le procès tourne à la confusion générale des autorités. Ce fiasco sera de sinistre et de durable mémoire en Judée.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Étienne Roulleaux Dugage est né en 1959. Ancien élève de l’École Normale Supérieure, agrégé d’Histoire, il a consacré sa carrière professionnelle aux établissements catholiques. Il a été chef d’établissement à Nancy, à Bordeaux, à Paris, à Rennes et a été responsable de tutelle au sein du Réseau La Salle. Par cet ouvrage il signe un essai de retour à ses deux passions initiales : l’Histoire et la Bible.
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Aperçu du livre
Le procès de Jésus devant Pilate - Étienne Roulleaux Dugage
Page de titre
Étienne Roulleaux-Dugage
Le procès
de Jésus
devant Pilate
L’enquête
Décidace
À Catherine,
À Marie,
fidèles, humbles, heureuses
Citation
I have found that every man is disposed to call the green leaf of the tree a little less green than it is, and the snow of Christmas a little less white than it is ; therefore, I have imagined that the main business of a man, however humble, is defence. I have conceived that a defendant is chiefly required when wordlings despise the world – that a councel for the defence would not have been out of place in that terrible day when the sun was darkened over Calvary and Man was rejected of men.
Gilbert Keith CHESTERTON,
The defendant
Avant-propos
Ce livre n’a pas la prétention d’une thèse exégétique. Il n’en a ni les dimensions, ni l’érudition et il ne s’aventure pas dans les débats considérables qui ont enflammé les experts sur la valeur historique des textes évangéliques. Il est né d’un étonnement d’historien. Plus je lisais les évangiles de la Passion de Jésus-Christ, moins je comprenais le drame qui s’était réellement déroulé un certain vendredi matin, veille de la Pâque juive, devant le prétoire de Ponce Pilate, préfet de Judée. J’ai cherché au hasard de mes lectures une explication historique du procès relaté par les évangiles. Je n’en ai pas trouvé. Pourtant la littérature sur le sujet est extrêmement abondante. J’y ai trouvé des commentaires ou méditations à distance, assez détachés de la lettre des évangiles, des fables complotistes sur le sens occulte du procès, des livres de critique historique qui, à force d’évacuer les apparentes incohérences d’un texte avec un autre, d’un texte avec lui-même, d’un texte avec des sources non-chrétiennes, réduisait à fort peu de choses la matière historique déjà que les évangiles fournissent. J’y ai donc suppléé avec mes moyens.
De quoi est-on absolument certain ? Que ce procès se soit tenu à la demande des dignitaires du Temple et qu’il ait abouti à une condamnation à la crucifixion, aucun historien sérieux ne le mettra en doute. C’est un attesté non seulement par les sources néotestamentaires, mais par d’autres sources non-chrétiennes qui n’ont pas puisé dans la littérature chrétienne. Flavius Josèphe, à la fin du ier siècle, évoque la condamnation à la croix par Ponce Pilate (personnage qu’il présente bien par ailleurs) sur dénonciation des autorités juives. Tacite, au début du iie siècle, fait mention du « supplice » de Jésus ordonné par le « procurateur » Pilate. Là s’arrête sans doute la seule certitude historique que tout un chacun peut tenir sur Jésus, en croisant les sources, quelle que soit la véracité accordée au témoignage évangélique.
Mais pourquoi, comment, à quelles conditions un préfet de Judée en est-il venu, à son corps défendant, à une décision qui détermina, sans exagération aucune, le cours de l’histoire universelle ? Pourquoi l’autorité romaine instruit-elle un procès et sanctionne-t-elle par la flagellation puis par la crucifixion Jésus pour un motif qui, a priori, ne la concernait pas ? Seul le Nouveau Testament peut nous le donner à comprendre : nous n’avons pas d’autres sources sur ce procès. Je m’y suis donc essayé, en suivant de près les récits évangéliques et en les situant dans le contexte juridique et politique du temps. Cet ouvrage est donc un essai de reconstitution et d’interprétation de l’affaire judiciaire « Jésus de Nazareth » et ce n’est que cela. Il ne prétend pas à une certitude mais à la vraisemblance. Je n’exclus nullement que de plus érudits que moi proposent une lecture historiquement mieux informée des récits de la Passion et je l’espère même. J’ai essayé d’assembler les pièces d’un puzzle incomplet et hétérogène pour deviner son dessin d’ensemble et en proposer une interprétation historique en contexte.
Avant de le proposer à un public large, j’ai soumis cet essai à la lecture critique de quelques amis bien plus versés que moi en grec ancien, en exégèse, en histoire antique ou en littérature et à quelques proches qui portaient un regard complètement neuf sur l’exégèse historique. Je me sens tenu par leurs remarques à inviter le lecteur à exercer à son tour son esprit critique ouvert sur certains points qui ne manqueront pas de faire débat.
La première remarque concerne le traitement des évangiles comme documents historiques. Je ne prends pas la précaution, habituelle en exégèse moderne, d’une généalogie des textes néotestamentaires pour en déterminer l’historicité. De ce fait, le présent essai péchera pour certains par défaut d’érudition et trouvera certainement des contradicteurs parmi des biblistes plus chevronnés que moi qui trouveront que ma lecture manque de prudence critique ici ou là. Tel passage, dira-t-on, n’est peut-être de la même couche rédactionnelle que celui qui le suit et n’a peut-être pas la même valeur historique ; tel autre est peut-être à récuser au regard ce que l’on croit savoir de la vie en Judée au ier siècle ; tel, enfin, paraît une parabole introduite dans un récit, comme on en verra un exemple. C’est un choix que j’assume : je prends effectivement le parti, non sans quelques raisons me semble-t-il, de tenir les évangiles pour des sources plutôt homogènes dans leur rédaction et solides d’un point de vue historique, quoique réduits au minimum nécessaire à l’instruction des fidèles, quels que soient le processus et la date de leur rédaction. Je n’en propose certes pas une lecture fondamentaliste comme si chacun était un reportage factuel des événements de la Passion. Ils appellent assurément une lecture critique, ne serait-ce que parce que les évangiles ne donnent pas des témoignages concordants sur le même événement et, sauf Matthieu et Marc, leur regard ne se croisent guère. Mais ils convergent bien sur ce même événement. Ils ont des approches littéraires, historiographiques et théologiques différentes. Mais je pars du principe, que certains contesteront sans doute, que ce sont des documents historiques, chacun à sa façon, qui prétendent nous rapporter les faits, et non nous raconter des histoires, d’autant que ces « histoires » ne sont pas particulièrement conformes à la littérature héroïque du temps. Certes, comme tout document historique, un récit évangélique raconte et interprète en même temps. Il est relecture à distance, dans la foi, de l’histoire de Jésus. Mais de son histoire, pas de sa légende. L’historicité assumée des quatre évangélistes, particulièrement lorsqu’ils évoquent la Passion, fut sans nul doute un critère fort de canonicité dans l’Église. Avant que le canon du Nouveau Testament ne soit fixé dans la deuxième moitié du iie siècle, les évangiles apocryphes les plus anciens qui avaient alors cours faisaient tous l’impasse sur la Passion (sauf l’Évangile de Pierre, qui reprend et étoffe Matthieu) et il a fallu attendre plusieurs siècles, une fois le canon du Nouveau Testament à peu près établi, pour que des textes s’essaient à des suppléments légendaires aux récits de la Passion. L’évangile de Thomas, pour ne parler que de l’apocryphe le plus connu et l’un des plus anciens, gomme l’indigne mort de la croix du Messie pour ne s’intéresser qu’aux maximes qu’il attribue au Maître. Les évangiles canoniques, eux, culminent tous dans le récit de la passion et de la résurrection, car c’est le noyau dur du kérygme. Un évangile, pour être canonique, ne devait rien cacher de la mort et de la résurrection de Jésus. Ceci posé, on pourra toujours me dire que tout n’est pas blanc et noir et que les évangiles peuvent mêler dans leur récit des éléments historiques et légendaires, qu’il ne faut pas prendre tout ce qu’ils racontent au pied de la lettre et qu’il faut faire le tri des informations. Peut-être à la marge, par une forme d’inflation parabolique à la façon d’un midrash juif, mais toujours avec le souci de raconter la vraie vie de Jésus. Sur quels critères fera-t-on le tri, sinon selon des préjugés personnels quant à la véracité du témoignage évangélique ? N’oublions pas que le kérygme chrétien dans les années qui ont suivi immédiatement la mort de Jésus, s’organisait autour d’un récit de faits, comme en attestent et Luc dans les Actes des Apôtres et Paul dans ses premières lettres : conformément aux Écritures, Jésus a été livré à Pilate, a été condamné par lui, est mort sur la croix… et est ressuscité.
En fait, n’est-ce pas là le vrai problème qui peut amener à jeter le doute sur l’historicité des récits de la Passion ? Si l’on considère que la résurrection est un mythe, l’abaissement qui y prélude est fort sujet à caution, et à l’inverse, si la résurrection est tenue pour un mystère réel, c’est l’histoire même de Jésus, dans sa factualité, qui est évangile. Un historien aussi peu suspect de dogmatisme que Jean Delumeau l’avait écrit jadis dans un article du Monde en 1978 : si le Christ n’est pas ressuscité, toute l’histoire chrétienne devient incompréhensible et se perd dans des hypothèses improbables. C’est donc un paradoxe que j’assume : la lecture historique des évangiles suppose que l’on donne crédit à la résurrection, à la réalité inexplicable du tombeau vide, de quelque façon qu’on la comprenne - en conformité avec le dogme, ou non, ceci est un autre débat. Et avec la résurrection, tout ce qui y conduit.
J’accepte toutefois la critique de cette lecture « historiciste » des évangiles, à trois conditions. D’abord que l’objection ne soit pas de nature historico-critique : il ne sert à rien d’opposer hypothèse contre hypothèse sans être d’accord sur des critères communs de véracité, car nous avons tous des préjugés philosophiques ou théologiques qui les déterminent, dans un sens historique d’un côté, anhistorique de l’autre. Il faut savoir le reconnaître en toute tolérance, sans prétendre au consensus historique. Qu’il y ait un point de vue d’observation critique neutre pour examiner l’historicité des évangiles est un postulat épistémologique plus que douteux. Ensuite que l’on reconnaisse que les théories tenant les évangiles pour des concrétions lentes, sur deux générations, de documents et de traditions communautaires de fiabilité historique fragile sont tout aussi hypothétiques et incertaines, que les théories selon lesquelles les évangiles sont des œuvres historiquement documentées par des témoins oculaires. Enfin, s’il tient les récits de la Passion pour légendaires, totalement ou partiellement, que le contradicteur soit en mesure de rendre compte du processus combiné de fabrication et de diffusion d’une légende chrétienne sur une génération, avec le succès que l’on sait, sans l’appui d’aucune autorité constituée et dans la persécution. Autant que la résurrection de Jésus, l’expansion du christianisme est un fait mystérieux dont on peine à trouver la théorie explicative dans ce cadre. Mais pourquoi ne pas essayer.
La seconde remarque porte sur mon insistance sur ce qui reste une hypothèse assez neuve, à savoir l’antisémitisme de Pilate. Je l’invoque pour expliquer son attitude provocante face aux accusateurs de Jésus et le sort qu’il lui réserve comme « roi des Juifs ». C’est vrai : cela reste une supposition. Mais elle a l’avantage d’être plus vraisemblable que celle communément reçue du « gentil Pilate » des évangiles par opposition au « méchant Pilate » que Philon d’Alexandrie dépeint et elle permet de comprendre à quel jeu – si le terme vaut – se livre Pilate dans l’évangile de Jean, où lui et la foule rivalisent en provocations mutuelles et où Jésus est soumis délibérément et ostensiblement aux pires vexations comme « roi des Juifs ». Tous les évangélistes s’accordent sur ce fait que, jusqu’à sa capitulation finale, Pilate a voulu éviter à Jésus la crucifixion, et c’est ce que Luc retient de son action, dans son évangile comme dans les Actes. Mais rien n’indique que ce soit pour d’autres motifs que politiques, et certainement pas par humanité ou passion de la justice. À lire de près les évangiles, c’est tout le contraire. Ainsi, si je prends le témoignage de Jean, comme je le comprends, Pilate sacrifie Jésus une fois qu’il sait que les autorités du Temple sont prêtes à accepter sa condamnation comme « roi des Juifs ». Qu’il soit innocent du crime d’usurpation, cela devient secondaire. La raison d’État l’emporte : Pilate obtient que l’idée messianique elle-même soit clouée au pilori. La condamnation à la croix de Jésus est la contrepartie d’une renonciation des autorités du Sanhédrin. Car Pilate ne condamne pas un faux Messie, il condamne Jésus comme le Messie et interdit aux Juifs d’en susciter un autre qui serait plus nocif et plus coupable. Il oblige bien les Juifs à sacrifier leur Messie. D’un bout à l’autre du procès tel que nous le rapporte Jean, Pilate se sert de Jésus pour moquer le peuple juif, pour lui faire courber l’échine, pour ridiculiser ses prétentions messianiques. Cette hypothèse d’interprétation a le double avantage d’être parfaitement accordée aux témoignages de Philon et de Josèphe sur une pratique du pouvoir intentionnellement exaspérante et de permettre de décoder le match politique que se livrent Pilate et les accusateurs où Jésus tient lieu de ballon. Sur ce point, au demeurant, je ne suis pas loin du commentaire de Saint Augustin : « Les paroles de Jésus [celui qui m’a livré à toi est coupable d’un plus grand péché
] devaient faire comprendre à Pilate qu’il était loin d’être exempt de faute. » Et Saint Jean Chrysostome précise à son tour : « Ne croyez pas que le Sauveur justifie entièrement la conduite de Pilate ! » Je vais juste plus loin : où est sa faute ? De ne pas arriver à sauver Jésus ? L’impuissance n’est pas une faute. La faute est ailleurs. Si j’ai été trop insistant pour imposer ce qui n’est, après tout, que vraisemblance à mes yeux, c’est par agacement contre la figure du « pauvre et faible Pilate » que l’on a cru deviner, un peu vite, des autres récits et qui me paraissent fausser la compréhension des ressorts du drame. Que l’on veuille me pardonner cette licence affective : Pilate fait pitié, je lui reconnais d’avoir eu la tâche difficile et de ne pas manquer d’intelligence stratégique, mais il ne connaît que le rapport de force avec les Juifs. Qu’on m’excuse quelques emportements : ce militaire brutal, mal dégrossi et arrogant ne m’inspire aucune sympathie.
Je ne sous-estime pas du tout un troisième questionnement qui m’a été adressé. Pourquoi dans un essai historique, invité-je le lecteur à comprendre la Passion, et cet épisode particulier du procès, comme un accomplissement des Écritures ? Dans un travail d’historien, lire les faits à la lumière des prophéties a-t-il sa place ? On glisse de l’histoire à la « métahistoire », des faits à leur interprétation dans la foi. Cela peut donner l’impression que je déserte le champ de l’histoire pour m’introduire dans celui de l’apologétique. Je comprends cette gêne et d’une certaine façon je l’ai partagée tout en poursuivant mon dessein. Mais, quand on se pose la question, en historien, des conséquences historiques de la condamnation de Jésus, il est difficile, voire impossible, de faire l’impasse sur son interprétation comme accomplissement des Écritures. En réponse à cette question, on oscille en effet entre deux réponses contradictoires : la condamnation de Jésus a été d’une importance considérable dans l’histoire universelle, parce que la Passion de Jésus Christ est au cœur de la religion qui compte le plus grand nombre de fidèles ; d’un autre côté, les conséquences immédiates ont été quasiment nulles dans l’histoire politique de l’Empire Romain du ier siècle, car la crucifixion de Jésus n’a entraîné aucun trouble, ni social ni politique ni guerrier, et pouvait être considérée, dans une stricte logique de pouvoir, comme un événement insignifiant. Si le christianisme a progressé pendant trois siècles, ce n’est pas en raison de l’appui d’une quelconque autorité. C’est bien parce que l’événement, politiquement insignifiant, a acquis une signification spirituelle énorme auprès de tous ceux qui, Juifs ou païens, étaient renvoyés aux Écritures. La seule autorité qui a appuyé le message chrétien à ses débuts, c’est celle de la Bible. Il était absolument indispensable que Jésus fût proclamé « Christ et Seigneur » conformément aux Écritures et que l’on vît en lui la réalisation exacte des espérances messianiques d’Israël que partageaient les païens qui gravitaient autour des synagogues. A contrario, à Athènes, Paul s’est essayé, en milieu totalement païen, à prêcher Jésus Christ sur l’Aréopage, non comme accomplissement des Écritures mais comme aboutissement d’une quête philosophique. Le discours fut brillant et intéressa l’auditoire. Mais il tourna à l’échec sitôt que Paul évoqua la résurrection de Jésus. Elle n’entrait pas dans les catégories intellectuelles d’un Grec cultivé. Elle était chargée de sens pour les Juifs du temps et leurs sympathisants païens, car ils puisaient la foi en la résurrection des morts au dernier jour dans la méditation des Écritures et dans la tradition des anciens, et elle pouvait en avoir pour les simples païens, plus sensibles à la mythologie qu’à la philosophie. L’assimilation de la culture classique gréco-romaine par le christianisme se fit bien, mais au terme d’un processus fort long. Au début de la prédication apostolique, si l’on ne rapprochait pas les événements de la Passion du Pentateuque, des livres prophétiques, des psaumes et même de la tradition orale, le kérygme ne pouvait pas porter. Jésus est Christ et Seigneur parce qu’il accomplit totalement les Écritures. Il est, pour ses disciples, le Messie d’Israël qui porte le salut d’Israël au monde. En me référant aux prophéties, je ne convoque donc pas des voyants comme témoins anachroniques de la Passion. Les prophètes ne sont pas des devins. Ce sont les interprètes en leur temps de la volonté et des desseins de Dieu pour son peuple. C’est en ce sens que je me réfère aux prophéties de l’Ancien Testament. Pour expliquer l’essor de la foi en Jésus-Christ l’histoire factuelle et la métahistoire prophétique se tiennent par la main. Aussi me fallait-il faire mettre en résonance les récits de la Passion avec le dessein de Dieu sur Israël tel que les Écritures le présentent. Il est vrai que l’on arrive à des convergences frappantes jusque dans les détails, dont les plus significatifs sont mentionnés par les évangiles. Mon intention n’était pas apologétique mais proprement historique : chacun fera de ces rapprochements le cas qu’il voudra et je me soumettrai bien volontiers aux critiques des biblistes, des philologues et des théologiens qui trouveraient que certains rapprochements sont audacieux ou que d’autres manquent. Le choix des textes déborde les rapprochements scripturaires des évangiles, qui abondent surtout au moment de la crucifixion ; j’ai conscience et qu’elles pourraient être encore complétées par d’autres. On sait par ailleurs, et cela ne manquera pas d’être opposé, que les prophéties sont polysémiques et nullement univoques, qu’elles parlent en même temps du présent et des promesses d’avenir, qu’elles renvoient à des figures messianiques sans donner au terme de Messie toute l’ampleur qui lui est donné à l’époque de Jésus, que les interprétations rabbiniques et celles des Chrétiens sont différentes. Tout
