Le renoncement à soi
Par Paul Lautrun
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Paul Lautrun est un écrivain sensible à la question du lyrisme et du beau dans les instruments du langage. Il s’inspire d’une poésie diachronique, référant autant à Guillaume de Machaut qu’à Antonin Artaud, pour explorer les différentes formes du discours à travers les époques.
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Avis sur Le renoncement à soi
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Aperçu du livre
Le renoncement à soi - Paul Lautrun
Livre I
Les fragments d’une confession
ou le prologue au renoncement à soi
Allons donc
Allons donc, mon cœur, puisqu’il faut se confesser, puisqu’il faut, chrétiennement, mener sa vie, la comprendre, l’embrasser, soyons d’une transparence reine et contons de nos errances passées les sujets, les propos et les verbes pour qu’à l’oreille bouchée du profane lutin la voix du repentir parvienne sans atours et témoigne de la perte d’un cœur et d’une âme, en sa décennie d’ivoire, d’une commune idolâtrie de l’intelligence pour les Arts et leurs maux.
Poésie
La poésie provoqua la chute de l’homme de Lettres dans la vanité et le mépris de la Foi. Sinistre erreur ! imputable à la démesure de l’orgueil de ceux qui prétendent ériger système substituable à la magnificence des chants chrétiens. Imbécillité du poète que de s’être pensé maître de sa langue, de sa voix et de son renom, et d’avoir cherché, dans la vacuité sans fin de discours dérisoires, une réponse à la vie, à son cours, à sa sève. Aujourd’hui, je sais que toutes mes tentatives de composition passées furent erreurs, vanité et imperfection ; tant de volonté de se décharger du baptême et de jouir de soi à travers la recomposition de son être dans l’art d’évoquer et de peindre la vie humaine. Pourtant, mes premières écritures aboutirent à l’idée d’une poésie de l’âme, qui ne saurait être sinon par l’ascèse du langage au Verbe créateur.
Je me revois, noyé parmi les noyés, ne rencontrant qu’écueils, remords et échecs, proclamant la Poésie femme de l’homme de cœur, et Versification, parole surnaturelle issue des profondeurs des Lettres. Je me revois, m’essayant à toute idée, à toute forme, et cheminant jusqu’à l’expression d’une renaissance des arts, esthétique et morale. Je me revois, obstiné dans ma négation du baptême, à souffrir de prétentions intimes, à souffrir de se croire possiblement sauvé par ses propres dons, alors que la croix resplendit, vierge de tout forfait, des diverses nuances de la Vérité et du Bonheur.
Aujourd’hui, je demande pardon à la beauté du Ciel pour m’être détourné des destinées épiques et royales, et pour m’être fourvoyé dans l’adoration du corps et de l’esprit, dans la consolation des vices. Je demande pardon aux autres hommes pour mes prétentions, mes frasques et mes doutes, et je prie le Seigneur pour qu’il me dissuade d’une poésie du moi, idolâtre et superficielle ; qu’il me rende conscience et vertu chrétiennes, afin que de son Fils je loue la bonté sans faille.
Avarice
L’avarice, c’est l’amour de l’esclavage, c’est la perte du cœur dans l’usure et le calcul, c’est le retour de la misère là où la prospérité abonde, c’est le crime et le sang du crime dans un havre de paix, c’est l’amour de soi avant l’amour de Dieu.
Que l’avare songe un peu à la hauteur de cœur d’un homme de largesse et d’honneur, de dignité et de Foi, et qu’il prenne le miroir qu’est ce livre, si son aveuglement est tel, pour garder en mémoire la laideur de ses traits, la laideur de ses goûts, la laideur de ses prétentions, la petitesse de sa bâtisse et la crasse de ses ornements. Car, de toutes les abjections que notre monde permet, il en est peu d’aussi convoité, d’aussi sublimé par les tirades marchandes, et d’aussi détesté par notre Seigneur Jésus-Christ que ce désir profond de parterres et de fleurs.
Aussi, plutôt que de convoiter l’objet de notre perte, tournons-nous, charitables, vers la bonté des anges, des saints et des apôtres, et travaillons, dans la miséricorde du Christ ressuscité, au Salut de notre âme.
La paix des âmes
I
Alors que je contemplais les âges monastiques, austères et dévoués, que j’en appréciais les coutumes, que j’en découvrais les espoirs, mon cœur, courroucé d’envie, chercha à atteindre la paix des âmes chrétiennes. Il me semblait, à moi, orgueilleux enfant, que la quiétude devait m’être donnée, qu’elle devait m’être possible, que le Ciel n’avait pu promettre un chemin de ronces aux mouvements de ma vie. Étais-je aveugle ! Les ronces furent les douceurs de la première enquête, d’une décennie de meurtrissures, de thrènes, de déroutes et de fatalité animale à se corrompre de fadaise et de niaiserie poétiques.
Christ, délivrez-moi des spasmes de ce corps ! Offrez-moi votre chapelle, votre couche et vos prières, que je sauve mon âme de l’incertitude du renoncement à soi. Voyez ! Mon visage est gangréné d’un libéral doute et d’un intellectuel sentiment. Je ne sais plus rien. Je ne sais plus penser en dehors de la croyance en une fatalité de jugement – fut-ce là l’erreur ? Je cherche un peu de réconfort, de paix et de sérénité pour sentir, sous la cloche de l’aube, la tiédeur du vent hâlé, l’attrition d’une vie de vertu, de raison et de Foi. Je ne sais plus ce que je suis ni ce que je dois être. Mon monde est clos, contraint par sa propre dispersion, par ses rouages impubères.
J’ai la vision d’un bois rayonnant, paisible et sans orage, d’une terre de feu, de braises et de nuages aux lignes roses et blanches,