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Une mission pour Annabel
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Livre électronique281 pages4 heures

Une mission pour Annabel

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À propos de ce livre électronique

Après ses études à Paris, Jérémy rentre au Ghana pour mettre en œuvre son projet humanitaire d’aide au développement. Dès son arrivée, il apprend que sa sœur est atteinte d’une maladie incurable. Pour l’aider à lutter contre ce mal, Jérémy l’impliquera dans sa mission. Plongé au cœur de la culture ghanéenne, il vivra des évènements tout à fait inattendus qui changeront le cours de sa vie.


À PROPOS DE L'AUTRICE

À la suite d’une carrière remplie pour un organisme de protection sociale, Claudine Rekawiecki s’adonne à ses deux passions : le dessin et l’écriture. En 2020, elle publie aux éditions Vérone une nouvelle intitulée "Un vol pour Dag", dont le récit se situe dans les Pyrénées. Avec "Une mission pour Annabel", elle récidive et nous fait voyager jusqu’au Ghana.
LangueFrançais
Date de sortie5 mars 2024
ISBN9791042217129
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    Une mission pour Annabel - Claudine Rekawiecki

    Claudine Rekawiecki

    Une mission pour Annabel

    Roman

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    © Lys Bleu Éditions – Claudine Rekawiecki

    ISBN : 979-10-422-1712-9

    Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    Chapitre 1

    Par le hublot, Jérémy aperçut les lumières d’Accra. Son cœur se serra. Il était à la fois heureux et stressé. Cela faisait cinq ans qu’il avait dû quitter son pays natal pour aller faire ses études en France. À présent, il était de retour chez lui.

    Jérémy est né à Accra, d’une mère française et d’un père anglais. Ralph et Leslie Hudges sont arrivés au Ghana alors qu’ils n’avaient que trente ans. Ralph Hudges s’était promis de faire de florissantes affaires dans l’import-export. Leslie Hudges l’avait suivi par amour, après avoir terminé ses études de médecine. Jérémy a grandi au Ghana et il aime cette terre de tout son être. Il revient avec tout ce qu’il a appris durant ces cinq années et il compte bien s’investir pour donner à son pays tout ce qu’il a engrangé comme techniques pour améliorer la vie des Ghanéens. Pour commencer, il s’occupera d’apporter un peu de mieux-être aux habitants d’un petit village situé non loin de la Volta, ce fleuve si précieux pour le pays.

    Après s’être soumis aux différents contrôles qui s’imposent lors d’une arrivée à l’aéroport d’Accra, Jérémy se jeta dans les bras de sa mère. Comme à son habitude, elle était habillée sobrement, mais très élégante. Les cheveux relevés, elle portait une robe de lin kaki qui rehaussait son teint. Il la trouva très belle et cela ajouta à sa joie de retrouver définitivement son univers. Celle-ci l’attendait également avec un cœur réjoui à l’idée de retrouver son fils, qu’elle avait vu si peu ces dernières années. Il faut dire que le départ de Jérémy ne s’était pas déroulé dans le calme et durant ces cinq années passées, cela n’avait pas pu s’arranger. C’est le moins que l’on puisse dire. À chaque fois qu’il revenait pour un court séjour, il ne réussissait jamais à faire la paix avec son père et son frère et la plupart du temps, il partait en mission humanitaire loin d’Accra.

    L’année de son baccalauréat, Jérémy n’avait nullement envisagé de partir en France pour poursuivre ses études. Mais Ralph Hudges, son père, ne l’entendait pas ainsi. Son fils devait faire ses études supérieures en Europe, à Londres ou à Paris. Ralph Hudges avait espéré que son fils ferait des études de commerce international pour prendre la suite de son entreprise, mais très vite il comprit que son vœu ne serait pas exaucé. Pour autant, il n’en démordrait pas, Jérémy devait faire des études supérieures, quelles qu’elles soient, et en Europe obligatoirement. Ralph Hudges ne jurait que par la qualité des études dispensées à Oxford, là où il était allé lui-même. Mais à défaut, il accepterait l’idée d’une université française.

    Après de nombreux échanges et bien des disputes, Jérémy présenta à son père son projet. Il avait décidé d’opter pour un master professionnel en management de l’environnement, des collectivités et des entreprises, à l’université Paris VII. Son rêve était de pouvoir participer au développement des zones rurales du Ghana. Ralph n’ignorait pas que son fils nourrissait cet espoir d’œuvrer dans ce sens. De nombreuses fois, ils avaient entamé des discussions qui finissaient toujours par des points de vue très différents. Le père, PDG de l’entreprise d’import-export qu’il avait créée de ses propres mains, était loin des préoccupations de développement rural et encore plus de développement durable. Le fils, depuis sa plus tendre enfance, avait posé un regard effaré sur le monde si différent qui l’entourait. Autant de pauvreté, alors que lui vivait dans le luxe, cela lui paraissait inconcevable. Petit à petit, il s’était forgé ses convictions, en lisant, en observant, en échangeant parfois, plus ou moins secrètement avec des Ghanéens. Ralph avait longuement entendu les arguments de son fils, et après tout, il acceptait de faire des études supérieures et de les faire en Europe. Ralph savait que son fils était intelligent et il avait aussi perçu à la fois la rigueur d’un projet bien construit et une grande détermination. Il valait mieux ne pas pousser Jérémy dans des retranchements qui ne le mèneraient à rien. Puis, quelque part, cela faisait écho à sa fibre de chef d’entreprise. Son fils savait ce qu’il voulait. Il finit donc par donner son accord à ce projet et à le financer.

    Chaque été, Jérémy était rentré pour mener des missions dans différents villages. Il a participé à l’installation d’une bibliothèque, accompagné une équipe pour construire des sanitaires, rejoint un groupe qui a fait un bilan sur les pollutions subies par la mangrove et s’est, tout particulièrement, investi dans une classe d’éducation culturelle et sportive de jeunes enfants. Son objectif était surtout de s’imprégner des besoins et des données à respecter pour aider au mieux les gens de ces villages éloignés des centres urbains. Ses différentes missions lui ont également permis de se créer des contacts précieux.

    Aujourd’hui, Jérémy revenait plus mûr, avec un bagage de techniques éprouvées, toujours aussi enthousiaste, mais plus prudent, plus réfléchi.

    Assis dans le salon, il se remémorait son parcours depuis son départ et se disait secrètement qu’il devrait d’une manière ou d’une autre remercier son père de l’avoir poussé à faire ses études. Il se sentait mieux armé, plus sûr de lui, même s’il était bien conscient d’avoir encore beaucoup à apprendre lorsqu’il serait sur le terrain.

    Jérémy se laissait aller, en redécouvrant cette belle demeure. Le salon était peint d’un vert rafraîchissant avec des fauteuils et des canapés de cuir blanc. Ici et là des objets d’art africain créaient un contraste élégant. Il y avait en particulier une collection d’éléphants que son père avait constituée pour le plus grand plaisir de sa mère. Son père avait été jusqu’à acquérir une pièce en marbre blanc de la taille d’un éléphanteau. Assurément magnifique, se disait Jérémy. Il y avait aussi des volatiles en verre, comme une cigogne blanche, un canard pilet, des masques rapportés des nombreux pays que son père visitait au cours de ses déplacements professionnels. Des objets choisis pour leur beauté, leur raffinement, qui traduisaient le luxe, l’argent, le confort de vie de ses parents. Une mezzanine, conduisant aux chambres, surplombait le salon et la salle à manger avec une décoration tout aussi raffinée qu’au rez-de-chaussée. Un escalier en marbre, très large et légèrement incurvé, menait à l’étage. Nombre de visiteurs restaient ébahis par la splendeur de cette architecture intérieure.

    Son père avait fait installer un système de rafraîchissement de haute qualité, bien entendu. Un luxe, mais aussi un réel confort dans un pays où la température oscille souvent entre 25° et 35° selon que l’on soit en saison sèche ou en saison des pluies. L’atmosphère était donc agréable. À l’étage, il savait qu’il allait retrouver sa chambre meublée avec une grande sobriété, mais également avec un goût très assuré. Sa mère l’avait aidé à concevoir son espace tel qu’il l’avait souhaité.

    Cette demeure représentait la réussite de son père et de sa mère. Il était conscient de tout le travail accompli et de tous les sacrifices qu’il avait fallu faire pour en arriver là. En observant tout cela, il éprouvait du respect pour ses parents, ce qui n’avait pas toujours été le cas, dans sa jeunesse.

    J’étais un peu fou et pas très futé, se dit-il. Mes paroles ont souvent été au-delà de l’acceptable.

    Mais aujourd’hui il avait une autre appréciation des choses.

    Le monde est ainsi fait et chacun doit choisir sa voie en fonction de ses convictions, se dit-il pour se conforter.

    Il est également certain que Jérémy avait bien en tête qu’il était revenu avec un diplôme d’ingénieur en poche grâce à l’argent de son père. Toutes ces réflexions défilaient dans sa tête rapidement, lorsque sa mère le rejoignit. Elle sentait que Jérémy était en train de réapprivoiser la maison dont il s’était éloigné depuis cinq ans.

    Leslie commença par meubler un peu le silence laissé par Jérémy. Mais elle craignait que Ralph, son mari, arrive trop vite et qu’il ne lui laisse pas le temps d’échanger avec son fils. Elle voulait que celui-ci lui dise ce qu’il comptait faire à présent, ensuite elle avait une chose importante à confier à Jérémy. Enfin, elle souhaitait tellement que son fils prenne à nouveau le temps de se sentir chez lui dans la maison familiale.

    Leslie n’était pas du genre à palabrer longtemps pour combler le vide ou faire semblant. Aussi se lança-t-elle, sans plus de préalables.

    — Quels sont tes projets maintenant, Jérémy ? Vas-tu prendre un peu de vacances, reprendre contact avec tes amis d’ici ?

    — J’ai peu de temps avant de partir pour le village de Akuraadua. J’ai obtenu la possibilité de mener un projet expérimental pour concevoir un modèle de développement rural pour conduire le village à l’autonomie tout en respectant des règles écologiques. Je dois encore avoir quelques échanges pour fixer les derniers détails, trouver un véhicule, un peu de matériel, et j’y vais. Je serai à seulement cent soixante kilomètres de la maison, Maman.

    — Mais où vas-tu loger ? demanda Leslie.

    — Chez Grayson, répondit Jérémy, l’été dernier nous avons vu le projet ensemble, il est d’accord pour me louer une chambre. Puis, je suis payé pour cette mission Maman. L’université Paris VII m’a octroyé une bourse. Je vais pouvoir subvenir à mes besoins. Ne t’inquiète pas.

    — Je ne m’inquiète pas, je veux seulement savoir où, quand, comment. Tu comprends ? lui dit sa mère.

    — Oui je comprends, rétorqua Jérémy. Mais tu sais aussi que cela est la suite logique de mon projet. Je prends aussi toutes les précautions pour assurer ma santé et ma sécurité. De toute façon le contrat qui me permet de mener à bien cette mission m’a obligé à définir précisément le contexte dans lequel j’escomptais travailler. J’ai beaucoup de chance d’avoir rencontré Grayson, car sans lui je ne sais pas si j’aurais obtenu cette possibilité. Pour moi c’est capital, Maman, si j’arrive à mettre au point un modèle de base sur lequel on pourrait s’appuyer pour engager de nombreux villages sur cette voie ce serait fantastique.

    Jérémy parlait avec conviction et Leslie se sentit malgré tout rassurée.

    — Voilà, je te retrouve bien là avec ta passion, se réjouit Leslie. Je suis contente mon Jérémy malgré mes craintes. Tu peux en être sûr, je suis contente pour toi. Tu réalises ton rêve. De plus, je sens que tu as mûri et je sens bien que tu es sur la voie qui te convient. Maintenant avec ton père…

    — Maman, l’interrompit aussitôt Jérémy, avec Papa, c’est mon affaire, mais ne t’inquiète pas non plus, je n’ai pas envie de recommencer les disputes. Je sais qu’il aura toujours du mal à me comprendre, comme j’ai du mal à le comprendre. Ce n’est pas grave, c’est comme ça, dit-il en souriant. Et où sont Annabel et William ?

    — Ah oui, je ne t’ai pas dit, ta sœur et ton frère seront là pour le dîner, pour t’accueillir. William est rentré, il y a deux jours, il est chez les Sanders. Il avait hâte de retrouver ses amis Loïc et Rebecca et comme ils doivent partir en voyage ce week-end, il voulait les saluer avant leur départ. Annabel est chez le médecin, elle sera là dans une demi-heure, je pense, dit Leslie sur un ton qui traduisait quelque chose d’anormal.

    — Maman, Annabel a des problèmes de santé ? demanda Jérémy inquiet.

    — Non, euh oui, bafouilla la mère. Annabel est malade depuis le début de l’année. Elle n’a pas voulu que l’on t’en parle pour ne pas t’inquiéter. En fait, cela fait trois ans qu’on cherche ce qu’elle peut avoir.

    — Trois ans ! Et vous ne m’avez rien dit ! s’écria Jérémy ahuri.

    — À quoi cela aurait-il servi ? Annabel ne voulait surtout pas t’inquiéter pendant tes études. Puis au début, elle n’avait qu’un peu de fièvre, des douleurs articulaires et musculaires. Au fil du temps, elle a perdu du poids et c’est ce qui nous a le plus inquiété.

    — Et maintenant, on sait ce qu’elle a ?

    — Après avoir éliminé un bon nombre d’hypothèses, aujourd’hui un médecin de Paris soupçonne la maladie de Takayasu.

    — Un médecin de Paris, mais elle est venue à Paris ? renchérit Jérémy maîtrisant à peine sa colère.

    Leslie était si mal qu’elle avait du mal à retenir ses larmes. Elle prit sur elle et s’efforça de trouver les mots pour s’apaiser, mais elle s’emporta quelque peu.

    — Jérémy, Annabel voulait que les choses se passent ainsi. Je t’en conjure, essaie de comprendre. Essaie de la comprendre. Évidemment que je t’aurais immédiatement informé si elle avait été d’accord.

    — Mais Maman, ma sœur est dans un état grave, n’est-ce pas ? Et tu m’annonces ça maintenant seulement, et pendant tout ce temps je ne savais pas !

    — Ne penses-tu pas que j’aurais préféré partager cela avec toi ? dit Leslie en élevant la voix plus qu’elle ne l’aurait souhaité. Tu n’imagines pas combien ce secret a été lourd à garder. De plus, je peux te dire que ton père et ton frère ne m’ont pas beaucoup aidée, alors je t’en prie, ne me fais pas de reproches. C’est assez dur comme ça !

    Voyant que sa mère allait craquer, Jérémy s’approcha d’elle et la prit dans ses bras. Tous les deux pleuraient. Le ciel semblait s’effondrer sur eux.

    — C’est grave, Maman ? interrogea-t-il d’un ton plus calme, en espérant peut-être encore avoir mal compris.

    — Oui, c’est très grave. On ne peut pas faire de pronostic, je ne peux pas te dire s’il est question d’années ou de mois, souffla-t-elle. Je sais simplement qu’il faut se préparer dès à présent à vivre des choses douloureuses dans les prochains mois, car la maladie a déjà fait des dégâts et elle progresse irrémédiablement.

    — Il n’y a pas de traitements, des interventions possibles ?

    — On a déjà essayé pas mal de choses, ce qui freine bien sûr l’évolution, mais ce qui est à craindre, c’est que son cœur souffre énormément. C’est le point qui m’inquiète le plus. Combien de temps va-t-il résister aux attaques de cette fichue maladie ? Ta sœur a toujours été d’une constitution fragile, ce qui ne l’aide pas.

    — Mais où a-t-elle attrapé cette maladie ?

    — On ne sait pas d’où vient ce type de maladie. C’est une maladie rare, c’est certain et c’est bien la raison qui fait que l’on n’a pas pu la diagnostiquer plus tôt. À présent, pourquoi Annabel l’a développée, je ne sais pas et aucun spécialiste ne peut nous en dire plus. Des études montrent qu’on la trouve plutôt en Asie du Sud-est, en Inde ou en Amérique du Sud, plus rarement dans le monde occidental.

    — Est-elle d’origine génétique ?

    — Il n’y a pas eu assez de recherche encore pour pouvoir le dire.

    — La grand-mère de papa avait de lointaines origines chinoises, me semble-t-il ?

    — Oui, mais nous ne sommes pas plus avancés. Je sais qu’il y a des programmes de recherche en cours, mais rien qui puisse nous aider directement, ni rapidement. Au début, les traitements de corticoïdes marchaient plutôt bien. Dernièrement, on a ajouté un immunosuppresseur, mais il faut du temps pour en voir les effets. Et ce temps nécessaire est défavorable à Annabel, car elle fatigue beaucoup.

    Tout en essayant de se reprendre, Leslie poursuivit.

    — Jérémy, je t’assure, je me suis mise en quatre pour faire tout ce qu’il fallait pour aider Annabel. J’ai essayé de faire au mieux pour elle, pour toi, pour vous tous, mais…

    — Je n’en doute pas, Maman, bien évidemment, répondit Jérémy avec bienveillance pour rassurer sa mère qui semblait désespérée.

    Leslie fournit à nouveau un effort pour ne pas se laisser aller.

    — Nous devons être forts, Annabel l’est de manière étonnante. Nous n’avons pas le droit de nous montrer effondrés devant elle. Elle se bat et ne veut pas que la vie change autour d’elle. Promets-moi de respecter ses désirs. Elle t’aime tellement et je sais que tu l’aimes aussi. Alors, fais ce qu’elle te demande, fais-lui plaisir, elle en a trop besoin pour mener son combat.

    Jérémy était déchiré, mais il promit à sa mère de faire ce qu’Annabel souhaiterait.

    Jérémy encaissa l’annonce de ce diagnostic comme un grand coup au cœur. Il aimait sa sœur et celle-ci le lui rendait bien. En fait, ils étaient très complices et elle avait été la seule à le défendre ouvertement lorsqu’il avait annoncé son désir de se former pour contribuer à développer le milieu rural ghanéen. Il avait été étonné de ne pas la voir à l’aéroport, mais s’était dit qu’après tout, elle avait ses obligations professionnelles et qu’ils se retrouveraient certainement à la maison.

    — Nous aurons de nouveaux résultats dans trois ou quatre jours, je te dirai ce qu’il en est. Voilà, tu sais tout. Si tu veux bien on en reparlera vendredi ou samedi. Annabel ne veut pas que l’on gâche la fête de ton retour. Elle est tellement heureuse de te voir rentrer. D’accord ?

    — Oui, bien sûr, Maman, dit Jérémy abasourdi. Je pars dans quinze jours autour du 15 juillet.

    Je dois passer du temps avec Annabel, se dit-il en réfléchissant à la manière d’adapter son agenda.

    Mais il acceptait volontiers de remettre à plus tard le moment de faire face à une probable situation difficile : parler avec sa sœur de sa maladie.

    — Où est Sabaïna ? demanda-t-il pour reprendre le cours de la conversation sur un autre sujet et surtout pour essayer de se remettre avant qu’Annabel n’arrive.

    — Elle revient exprès pour te préparer le dîner, elle va arriver d’une minute à l’autre.

    Sabaïna était cuisinière et femme de ménage, chez les Hudges depuis vingt-quatre ans. Annabel avait deux ans lorsqu’elle a commencé à travailler pour cette famille. Jérémy puis William sont nés ensuite à deux ans d’intervalle. Annabel et Jérémy sont très attachés à la personne qui a toujours été très présente aux côtés de leur mère pour les élever. William, quant à lui, ne témoigne que de la froideur polie à Sabaïna. Elle fait partie du personnel, semble-t-il lui dire dans son attitude. Jérémy voit son frère comme un égoïste, imbu de sa personne, attiré par le luxe, l’argent et uniquement « son monde d’hommes blancs ». Cela le dégoûte et a créé entre les deux frères un fossé qui paraît impossible à combler.

    En effet, le hasard, et peut-être la volonté de chacun a fait que, les deux frères ne se sont pratiquement pas revus depuis cinq ans. Il faut dire que même s’il savait qu’il causait beaucoup de peine à ses parents, Jérémy n’était jamais revenu pour les fêtes de Noël par exemple. Tout ce passé récent pesait donc très lourdement au moment du retour de Jérémy.

    Sabaïna arriva dans le salon et se jeta, en larmes, dans les bras de son petit Jem’. Des larmes de joie, bien entendu. Elle le serra, le regarda sur toutes les coutures et constata avec bonheur que son petit était devenu un bel homme, solide.

    — Le petit diable blanc est devenu un beau dieu blanc ! dit-elle ravie.

    Enfin, heureusement, Jérémy avait les cheveux de sa mère, brun très foncé, et une peau colorée. Après quelques semaines au soleil, il arriverait à nouveau à passer pour un métis et il s’épargnerait de se faire traiter d’Obroni ou Oburoni. Dans les langues locales, notamment en twi, ce mot signifie étranger ou très exactement « ceux qui viennent de l’horizon ». Pour simplifier, on le traduit par « homme blanc ». Mais pour la plupart des Ghanéens, il désigne toute personne ayant la peau claire ou les cheveux plus droits qu’un Ghanéen à la peau foncée.

    Sabaïna retrouvait son petit Jem’, qu’elle ne considérait d’ailleurs pas comme un Obroni, mais plutôt comme un être cher qu’elle avait porté dans ses bras et chéri comme un fils adoptif. La réciproque était vraie pour Jérémy, cette femme noire était chère à ses yeux et il l’aimait comme une seconde mère. Peut-être, quelque part, voulait-il donner à ce pays tout ce qu’il aurait voulu pour le bien-être de sa chère Sabaïna. Elle était son symbole et l’élan de son cœur était le même pour cette femme et ce pays.

    Un bruit dans la baie vitrée du salon interrompit les effusions de Sabaïna et Jérémy. C’était Akwaaba, l’antilope naine qui venait comme chaque jour chercher quelques friandises. Avait-elle senti que quelqu’un

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