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L'Aiguillon de l'Amour Divin
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L'Aiguillon de l'Amour Divin
Livre électronique282 pages4 heures

L'Aiguillon de l'Amour Divin

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À propos de ce livre électronique

J'ai élevé mon âme vers vous , ô Seigneur. Mon Dieu, j'espère en vous; ne permettez pas que je tombe dans la confusion. Me confiant en votre tendresse pleine de libéralité , attiré par la suavité admirable de votre amour ineffable et de vos parfums, entraîné par le lien indissoluble de votre ardente charité, j'ai levé mes yeux vers vous, dont la demeure est dans les cieux; et illuminé par la splendeur du soleil de justice , provoqué par l'éclat de votre clarté , je cherche avec avidité la beauté radieuse de votre face pleine d'amour.
LangueFrançais
Date de sortie2 oct. 2023
ISBN9781312055025
L'Aiguillon de l'Amour Divin

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    L'Aiguillon de l'Amour Divin - Saint Bonaventure

    PROLOGUE.

    J'ai élevé mon âme vers vous, ô Seigneur. Mon Dieu, j'espère en vous; ne permettez pas que je tombe dans la confusion. Me confiant en votre tendresse pleine de libéralité, attiré par la suavité admirable de votre amour ineffable et de vos parfums, entraîné par le lien indissoluble de votre ardente charité, j'ai levé mes yeux vers vous, dont la demeure est dans les cieux; et illuminé par la splendeur du soleil de justice, provoqué par l'éclat de votre clarté, je cherche avec avidité la beauté radieuse de votre face pleine d'amour. Tout ce qui est en moi me presse de connaître ce que je dois faire pour vous être agréable. Et que peut-il y avoir de plus cher à un serviteur indigne que de savoir comment il doit servir un maître si grand? Poussé par la prière d’un ami j'ai donc élevé mes regards vers votre amour, et excité par l'ardeur de mon âme, j'ose décrire dans quelques méditations avec quel empressement chacun doit vous chercher, comment il peut vous trouver, comment il peut s'approcher de vous et vous presser étroitement dans ses bras. Si dans le cours de cet ouvrage je semble toucher plusieurs cordes, dirigées vers un seul objet elles ne formeront pondes oreilles pures qu'une même mélodie; car, bien qu'un grand nombre de sujets soient énoncés dans les divers chapitres qu'il renferme, rien ne s'y fait entendre que la perfection de l'âme dans l'amour divin. Si donc vous y trouvez quelque autre chose, vous pouvez, lecteur pieux, le corriger sans crainte et le mettre de côté, car de ma part ce n'est pas malice, mais simplicité. Vous rencontrerez, il est vrai, une manière variée, mais je me suis proposé par cette variété de mode et de sujet, d'épargner l'ennui au lecteur, d'illuminer son âme de rayons divers, de la nourrir d'aliments de plusieurs sortes, de l'attirer par des objets sans cesse renouvelés et de l'aider à s'élever avec plus de facilité aux choses célestes.

    Pour vous, mon frère Jean, de l'ordre des frères mineurs, vous qui êtes appelé plein de grâces, recevez ce faible don que votre humilité demanda souvent à mon indignité. Ne dédaignez pas mon ignorance; mais plutôt, comme une tendre mère, donnez un sourire d'encouragement à l'enfant qui balbutie et agite ses bras enfantins. Je sais que vous chérissez la simplicité, et que les aliments les plus communs ont pour vous une saveur attrayante. Votre désir aussi est insatiable, et vous saisissez avec avidité tout ce qui vous est offert. Ouvrez donc votre bouche et faites votre nourriture des écrits que je vous présente, quel que soit d'ailleurs leur peu de grâce: car ils sont un préservatif puissant et ils ont un principe de conservation vitale. Au reste, c'est l'arbre de vie qui me les a fournis. Prenez donc garde que l'arbre de science ne vous éloigne d'un pareil aliment et que vous ne rougissiez de paraître nu en présence de votre Dieu. Prenez garde que ce qui est insipide ne nous semble délicieux, et que ce qui est délicieux ne vous paraisse insipide. L'homme pieux trouvera dans cet écrit la manière de prier, de vivre et de méditer; par lui le juste s'arrachera à ce qui est bas, il se portera à ce qui est intérieur et il s'élèvera avec suavité à ce qu'il y a de plus sublime. Que celui-là donc qui veut croître jusqu'à la vie parfaite, lise et mette en pratique ce que je vais écrire aidé par la grâce de Jésus crucifié.

    AUTRE PROLOGUE.

    O Jésus, mon très-doux Seigneur, transpercez les profondeurs de mon âme de l'aiguillon bienfaisant et plein de suavité de votre amour. Blessez le fond de mon coeur de cette charité véritable, inébranlable et vraiment apostolique, afin qu'il brûle réellement, qu'il languisse et se dissolve sans cesse sous l'action de votre seul amour et du besoin qu'il a de vous. Que mon âme soupire et se sente défaillir en pensant à vos tabernacles; qu'elle désire se fondre et être avec vous. Donnez à cette âme d'avoir uniquement faim de vous, vrai pain de vie descendu du ciel, pain des Anges, nourriture des âmes saintes, notre pain de chaque jour, notre pain par excellence, renfermant toute saveur, toute douceur et tout enivrement de suavité, vous que les Auges désirent contempler.

    Que mon coeur ait toujours faim de vous, qu'il fasse de vous sa nourriture, et que mon âme soit remplie tout entière de la douceur de cette manne divine. Qu'elle ait toujours soif de vous, ô source de la vie éternelle, source de la sagesse, fontaine de la science et de l'éternelle lumière, torrent de volupté, torrent qui portez l'abondance dans la maison du Seigneur. Qu'elle vous désire en tout temps, qu'elle vous cherche, qu'elle vous trouve, qu'elle se porte vers vous, qu'elle arrive jusqu'à vous, qu'elle médite sur vous, qu'elle s'entretienne de vous, qu'elle agisse en tout pour votre louange et la gloire de votre nom, en toute humilité et discrétion, en tout amour et allégresse, en toute promptitude et affection, en toute patience et avec une paix parfaite, en toute longanimité et persévérance jusqu'à la fin. Vous seul soyez en tout temps mon espérance, ma joie, mon bonheur, ma confiance, ma richesse, mon amour, mon repos, ma tranquillité, ma douceur, ma suavité, ma nourriture, ma réfection, ma garde, mon soutien, mon attente, mon refuge, mon secours, mon rafraîchissement, ma patience, ma protection, ma réponse, ma parole, ma méditation, mon action, mon trésor. Qu'en vous seul soient fixés, établis et implantés d'une manière inimitable et pour toujours nies entretiens, ales pensées, ives Oeuvres, nies richesses mon rune et mon coeur. Ainsi soit-il.

    LIVRE I.

    CHAPITRE I. Combien l'homme doit méditer de tout son coeur la Passion de Jésus-Christ.

    O peuples, accourez de toutes parts, et soyez dans l'étonnement en contemplant la charité de Dieu envers vous et la malice et l'aveuglement des hommes à son égard. Si le Fils de Dieu a voulu s'unir d'une manière indissoluble à la nature humaine, combien plus doit être indissoluble l'union de notre âme avec lui? Si le Fils de Dieu, poussé par l'ardeur de sa charité, a voulu s'unir à une poussière aussi vile, avec combien plus d'avidité devons-nous disposer saintement nos coeurs pour le recevoir? Qui dira la folie d'une âme qui néglige ainsi son Sauveur et préfère s'attacher à la boue? Le Fils de Dieu ne s'est pas revêtu de la chair pour quo l'homme mit ses complaisances dans la chair; mais de même qu'uni à la chair il a crucifié la chair, foulé aux pieds les choses de la chair et tenu son âme toujours attachée à Dieu, ainsi l'h om m e doit-il mortifier sa chair, tendre avec une ardeur incessante aux choses divines. O étrange aveuglement de l'homme, qui, formé d'un corps et d'une âme, et d'une âme qui l'emporte incomparablement en bonté et en noblesse sur ce corps, consume cependant sa vie entière à satisfaire ce dernier, à s'inquiéter de tous ses désirs! Et cette âme, il la néglige comme si elle n'était rien; il ne s'occupe en aucune façon de lui procurer les soins, la nourriture et le repos qu'elle cherche en son Créateur suprême! Cependant peut-il se rencontrer pour lui rien de plus doux, de plus suave, de plus délectable, de plus avantageux? Dieu s'offre perpétuellement à l'homme, et en retour de son amour il ne demande de nous que le souvenir de la mort de son Fils. Les choses terrestres nous échappent sans cesse, et malgré nos inquiétudes, nos efforts et nos tourments, nous ne saurions les posséder véritablement en cette vie que par le mépris réel que nous en faisons. Mais ce qu'il y a d'étrange en cette façon d'agir de l'âme, c'est qu'elle se soumet à la chair, sans y être contrainte par un entraînement invincible, mais sur une simple et faible manifestation de ses désirs. Au contraire, tandis que de plein gré elle accepte ainsi le joug de la chair et s'efforce de satisfaire ses caprices, elle secoue le joug de son Dieu malgré les exhortations de tout genre, malgré le souvenir des bienfaits reçus, malgré la voix qui lui parle intérieurement, et au mépris de son propre avantage, de son bien réel et véritable, elle se refuse à faire la volonté du Seigneur.

    Sans doute si l'âme ne descendait pas au-dessous de l'animal privé de raison, elle devrait aimer par-dessus tout ce Dieu à l'image duquel elle a été formée et ne s'attacher à rien autre chose. Mais puisque vous voulez aimer la chair, ô âme, aimez au moins la chair de Jésus-Christ. Ailliez-la uniquement, car c'est pour votre salut, pour le salut de tout le genre humain qu'elle a été offerte sur l'autel de la croix, et repassez tous les jours sa passion dans votre mémoire: cette méditation continuelle de la Passion de Jésus-Christ élèvera vos pensées, elle vous enseignera ce que vous devez faire, les projets que vous devez former, les connaissances que vous devez acquérir, le jugement que vous devez porter de chaque chose; elle vous enflammera pour ce qui est difficile, elle vous apprendra à vous abaisser à vos propres yeux, à vous mépriser vous-même, à vous plonger dans la douleur; enfin elle sera un frein puissant à vos affections désordonnées, un frein que vous sentirez dans vos pensées, dans vos paroles, dans vos actions.

    O passion désirable! ô mort admirable! quoi de plus admirable, en effet, qu'une mort qui vivifie, des blessures qui apportent la guérison, un sang qui purifie et fait refleurir l'innocence, une douleur amère qui répand une indicible douceur, enfin l'ouverture de ce côté qui unit si intimement nos coeurs au coeur de Jésus? Mais ne bornez pas votre admiration à voir le soleil obscurci jeter un plus vif éclat, le feu éteint brûler davantage, une peine ignominieuse devenir la source de la gloire. Il y a encore d'autres merveilles dignes d'attirer nos regards: sur la croix, Jésus, consulté par la soif, est pour nous une cause d'ivresse; nu et dépouillé, il nous couvre du vêtement brillant des vertus; ses mains cruellement attachées brisent nos chaînes; ses pieds transpercés et immobiles nous aident à courir, et le cri par lequel il abandonne la vie est une invitation à la céleste félicité.

    O passion admirable, qui change de telle sorte celui qui la inédite en tout temps, qu'elle le rend non-seulement semblable aux Anges, mais en quelque sorte divin. En effet, celui dont la pensée demeure fixée sur les tourments de Jésus-Christ, cesse de se considérer lui-même et ne voit plus que son Seigneur immolé. Il veut avec lui porter la croix, compter pour rien à cause de lui et les biens et les maux, et ainsi il porte dans son coeur Celui qui tient en ses mains le ciel et la terre. Avec lui il veut être couronné d'épines, et l'espérance de la gloire devient sa couronne. Avec lui il veut, sur la croix, souffrir sans vêtements les rigueurs de la saison, et le feu du divin amour consume son âme de célestes ardeurs. Avec Jésus il veut goûter le fiel et le vinaigre, et un vin d'une inénarrable douceur lui est offert en breuvage. Sur la croix il s'abandonne avec lui aux insultes et aux moqueries, et les Anges s'inclinent pour l'honorer, et la Vierge bienheureuse l'adopte pour son Fils. Il veut s'attrister avec son Sauveur, et il se trouve comblé de joie; il cherche à se remplir de son affliction, et il est inondé de consolations et d'allégresse. Enfin il veut demeurer suspendu avec Jésus sur la croix, et Jésus le presse avec une douceur inexprimable entre ses bras; tandis qu'il se dispose à incliner son front couvert des frayeurs de la mort, Jésus élève sa tête et lui donne le baiser de la paix. O mort admirable! ô mort pleine de délices! oh! que ne m'a-t-il été donné de tenir la place de cette croix! Mes mains et mes pieds eussent été percés des clous de mon Sauveur. J'aurais crié à Joseph: Ne m'enlève pas mon Jésus, mais ensevelis-moi avec lui dans le tombeau, car il ne m'est plus possible de m'en séparer. Mais si maintenant je ne puis plus le faire de corps, je veux au moins le faire en esprit. Il m'est bon d'être avec lui; en lui je veux faire trois tentes: une dans ses mains, une dans ses pieds, et une qui sera ma demeure habituelle, dans son côté. C'est là que je veux me reposer, prendre mon sommeil, me réveiller, boire, manger, lire et prier, enfin traiter toutes les affaires de cette vie. Là je parlerai à son coeur et j'en obtiendrai tout ce que j'aurai voulu. En agissant ainsi, je marcherai sur les traces de sa très-douce Mère, dont l'âme a été percée du glaive des souffrances de son Fils. Couvert des blessures de Jésus, je m'adresserai sans crainte à sa Mère et je l'amènerai à condescendre à tous mes désirs. Et non-seulement j'apparaîtrai crucifié avec son Fils, mais je reviendrai à la crèche, et là, petit enfant, je vagirai avec lui, afin de mériter d'avoir part aux douceurs que Marie lui prodigue. Ainsi je mêlerai le lait de la crèche au sang de la croix, et je m'en ferai un breuvage plein de douceur.

    Oh! de combien d'amour abondent les blessures de Jésus-Christ Notre-Seigneur? Un jour je pénétrai jusqu'à ces blessures. Mes yeux, jusqu'alors accessibles à la lumière, furent remplis de sang. Aucun autre objet ne venant me frapper, je m'avançai de plus en plus, en me servant de nies mains pour me guider, jusqu'à ce que je parvinsse à l'endroit le plus intime de sa charité. Alors je me sentis environné de toutes parts, et il me fut impossible de revenir sur mes pas. Aussi est-ce là que j'ai établi ma demeure, que je me nourris de la nourriture de mon Sauveur, que je m'enivre de son breuvage. Là je me trouve dans une telle abondance de douceur, que je suis impuissant à en donner une idée. Celui qui demeura autrefois pour les pécheurs dans le sein d'une Vierge a daigné me recevoir dans son coeur, moi son pauvre serviteur. Mais je crains vivement que ne vienne le jour où il me faudra en sortir, comme l'enfant sort du sein de sa mère, et qu'alors je me sois sevré des délices dont il me fait jouir. Cependant, s'il me force à reparaître au jour, j'en ai la confiance, comme une tendre mère il me nourrira de son lait, il me soutiendra de ses mains, il me portera dans ses bras, il me couvrira de ses baisers, il me réchauffera dans son sein; ou bien je sais ce que je ferai. Oui, qu'il me force de reparaître au jour autant de fois qu'il le voudra: j'ai vu que ses blessures sont toujours ouvertes; par elles j'entrerai dans son cœur, et j'y rentrerai sans me lasser jusqu'à ce que je lui sois inséparablement unis.

    O aveuglement des enfants d'Adam, qui ne savent point entrer en Jésus-Christ par ses blessures! Ils se consument inutilement par un travail au-dessus de leurs forces, et à côté d'eux plusieurs portes sont ouvertes au repos. Ignorez-vous donc que Jésus-Christ, est la joie des bienheureux? Pourquoi tardez-vous d'entrer, par les blessures de son corps, dans ce bonheur? Insensés, la félicité des anges est devant vous; elle vous environne; le mur qui vous en séparait est détruit, et vous négligez d'y entrer! Croiriez-vous peut-être que votre âme ne saurait, dans le temps, trouver son repos en Jésus-Christ, et qu'il faut, pour cela, que votre corps soit détruit? Ah! croyez-moi; si vous vous efforcez, par la porte étroite de ses plaies, de vous introduire en lui, non-seulement votre âme, mais votre corps aussi y goûtera une paix et un bonheur au-dessus de toute expression. Ce qui est chair en vous, ce qui tend aux choses de la chair, deviendra, par le contact de ces blessures sacrées, tellement spirituel, que toutes délices seront réputés un néant en comparaison de celles qui y sont renfermées. Bien plus, il arrivera même que votre âme, en vue de l'obéissance et de la nécessité, dira qu'il faut s'éloigner pour un temps, et votre corps, attiré par cette douceur céleste, criera qu'il fait bon d'être ici.

    Mais s'il en est ainsi du corps, de quelle suavité sera rassasiée l'âme qui, par ces mêmes plaies, s'unit au cour de Jésus? Assurément, je ne saurais l'exprimer; mais faites-en l'épreuve sans retard. Devant vous est ouverte une demeure remplie d'aromates de tout genre, abondante en remèdes d'une vertu infaillible. Entrez donc par l'ouverture de ces blessures, et vous y trouverez un potion salutaire qui vous rendra la santé, réparera vos forces, vous préservera de nouvelles chutes, vous conservera plein de vigueur. Dans cette demeure le choix est abandonné à votre volonté; vos désirs les plus difficiles trouveront de quoi se satisfaire.

    Voulez-vous goûter toute la douceur d'un parfum de suavité? Ne dédaignez pas d'y arriver par ces blessures. Voilà que devant vous s'est ouverte la porte du paradis de délices, et la lance du soldat a éloigné de son entrée le glaive flamboyant. L'arbre de vie a été percé dans ses rameaux et dans son tronc, et c'est en reposant vos pieds, c'est-à-dire vos affections, dans ses cavités que vous pourrez seulement en cueillir les fruits. Voilà qu'en votre présence se découvre le trésor de la sagesse divine et de l'éternelle charité. Entrez donc par la porte de ces blessures et vous comprendrez et vous goûterez les délices qui y sont cachées. Oh! que bienheureuse est la lance, bienheureux sont les clous qui ont pu nous créer une entrée semblable. Oh! si j'eusse été à la place de cette lance, jamais je n'aurais consenti à sortir du côté de Jésus-Christ; mais je me serais écrié: « C'est ici le lieu de mon repos pour l'éternité; c'est ici que j'habiterai, car c'est la demeure que je me suis choisie. »

    O coeurs insensés et appesantis qui vous élancez à la poursuite des vanités par des issues incertaines d'où le plus souvent il n'est plus en votre pouvoir de revenir! quand il s'agit de posséder le Fils de Dieu, le bien suprême, la beauté, la splendeur éternelle, vous refusez d'entrer par la voie si facile de ses plaies!

    O âme créée à l'image de Dieu, comment pouvez-vous vous contenir encore? Voilà que votre Epoux plein de douceur, couvert de blessures à cause de vous, et maintenant couronné de gloire, désire vous serrer dans ses bras, vous accorder des marques de sa tendresse, et vous dédaignez de vous approcher de lui! L'excès de son amour a ouvert son côté, afin qu'il pût vous donner son coeur; cet amour a percé ses mains et ses pieds, afin qu'arrivant à lui et vos mains pénétrant dans ses mains, vos pieds pénétrant dans ses pieds, votre union fût désormais inséparable. Je vous en supplie donc, éprouvez tout, selon la parole de l'Apôtre; mais surtout faites l'épreuve de ce que je vous annonce, et s'il vous semble bon d'être ici, ne vous en éloignez plus à l'avenir. Et certes, je ne doute pas que, cette expérience une fois tentée, tout ne vous paraisse amertume en comparaison de Jésus. Une fois arrivé là, vous désirerez avec ardeur que ces ouvertures sacrées se referment sur vous, afin qu'il ne vous soit plus possible d'en sortir; vous comprendrez alors avec un étonnement profond et votre aveuglement et celui du reste des hommes sur ce point. Et cependant vous éprouverez une telle abondance de douceur, vous sentirez votre coeur pénétré de telles flammes, que votre âme se répandra en efforts pour s'échapper de sa demeure terrestre et fixer son séjour dans les plaies de Jésus; et enivrée de tant de suavité et d'amour, c'est à peine si cette âme pourra être appliquée à quelque autre objet.

    O blessures qui déchirent les coeurs les plus durs, enflamment les âmes les plus glacées, dissolvent dans l'amour tout ce qui semblait impénétrable! Assurément c'est dans leur douceur que se trouvent notre ie et notre espérance.

    Je n'ai qu'un avis à vous donner: Si, par la méditation de ces souffrances, vous parvenez jusqu'à cette douceur dont je viens de vous parler, ou même à quelque chose de plus admirable, veillez alors sur vous pour ne point vous laisser entraîner à vous occuper de la Passion de Jésus en vue d'un bonheur tout naturel; mais désirez connaître la grandeur du bienfait de votre Créateur afin de vous enflammer de son amour. Et pour cela redites sans cesse la prière suivante:

    « O Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel! En considération de votre charité et de celle de votre Fils, qui, à cause de moi, a souffert les tourments et la mort; en vue de la sainteté très-excellente de sa Mère, des mérites de saint François et de tous les saints; malgré nies péchés et mon indignité parfaite, accordez-moi de n'aimer que vous uniquement, d'être altéré de votre amour, d'avoir continuellement dans mon coeur le souvenir de la Passion de Jésus-Christ, de re-connaître ma misère, de désirer être méprisé et foulé aux pieds de tout le monde, de ne m'attrister de rien en ce monde, si ce n'est du péché. Ainsi soit-il. »

    CHAPITRE II. Comment noms devons nous efforcer de compatir à Jésus crucifié.

    Si vous désirez compatir à Jésus crucifié, efforcez-vous d'abord, autant qu'il est en vous, de vous unir à lui par un amour ardent. Car plus vous l'aimerez vivement, plus vous serez rempli de compassion pour ses souffrances; et plus votre compassion sera grande, plus votre ardeur pour lui s'enflammera. Ainsi l'amour et la compassion se prêteront un secours mutuel pour vous aider à arriver à ce qui est parfait, à moins que quelque misère cachée ne vous empêche d'atteindre jusque-là. Mais surtout appliquez-vous à rejeter loin de vous toute présomption, toute défiance et toute négligence; car c'est avec humilité, confiance et courage, et en même temps avec toute la pureté de coeur dont il est capable, que l'homme doit se porter à une entreprise aussi noble. Bien qu'à ses propres yeux il se juge indigne et pervers, cependant il ne doit concevoir aucun découragement, car c'est pour les pécheurs que Jésus-Christ a été attaché à la croix.

    Commencez donc par vous unir à lui avec une affection telle que votre coeur ne semble plus appartenir qu'à lui seul. Alors comment ne ressentirez-vous pas ses blessures? quelles souffrances pourra-t-il endurer dont votre âme ne soit percée? Efforcez-vous, autant que vous le pouvez, d'introduire totalement votre coeur en Jésus; hors de lui ne vous considérez que comme un néant, et le reste ne vous semblera pas plus digne d'attirer vos regards que s'il n'existait pas. Que toute votre attention se dirige dans le temps sur votre Seigneur immolé. Tout ce que vous êtes est à lui, et vous ne devez rien offrir à d'autres de ce

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