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La Cirnéide: Poëme épique en douze chants
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Livre électronique395 pages3 heures

La Cirnéide: Poëme épique en douze chants

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À propos de ce livre électronique

DigiCat vous présente cette édition spéciale de «La Cirnéide» (Poëme épique en douze chants), de Lucien Bonaparte. Pour notre maison d'édition, chaque trace écrite appartient au patrimoine de l'humanité. Tous les livres DigiCat ont été soigneusement reproduits, puis réédités dans un nouveau format moderne. Les ouvrages vous sont proposés sous forme imprimée et sous forme électronique. DigiCat espère que vous accorderez à cette oeuvre la reconnaissance et l'enthousiasme qu'elle mérite en tant que classique de la littérature mondiale.
LangueFrançais
ÉditeurDigiCat
Date de sortie6 déc. 2022
ISBN8596547437499
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    La Cirnéide - Lucien Bonaparte

    Lucien Bonaparte

    La Cirnéide

    Poëme épique en douze chants

    EAN 8596547437499

    DigiCat, 2022

    Contact: DigiCat@okpublishing.info

    Table des matières

    PRÉFACE.

    ARGUMENTS DES DOUZE CHANTS.

    CHANT PREMIER

    CHANT SECOND.

    CHANT TROISIÈME.

    CHANT QUATRIÈME.

    CHANT CINQUIÈME.

    CHANT SIXIÈME.

    CHANT SEPTIÈME.

    CHANT HUITIÈME

    CHANT NEUVIÈME

    CHANT DIXIÈME.

    CHANT ONZIÈME.

    CHANT DOUZIÈME.

    00003.jpg

    PRÉFACE.

    Table des matières

    LES Maures, dans le VIIIe siècle, après avoir menacé l’Europe, s’établirent dans les îles de la Méditerranée: ils abordèrent en Corse au port d’Aléria en 739, et cherchèrent à pénétrer dans l’intérieur. Recevant fréquemment de nouveaux renforts des rois maures d’Espagne et d’Afrique, ils parvinrent à subjuguer la partie septentrionale de l’île. La ville d’Aléria et la province Nebbio furent le siège de leur domination pendant soixante-dix ans. Dans cet intervalle ils eurent six rois qui se transmirent de père en fils leur puissance souvent attaquée par les insulaires et par les princes chrétiens de l’Europe.

    Charles Martel aborda lui-même en Corse, remporta trois victoires en trois jours sur les Maures, et les obligea de fuir en Afrique. Isolier, l’ami fidèle de Carloman, et l’un des héros de l’Église délivrée, était fils du chef corse qui avait reçu Charles Martel sous son toit.

    On transcrit ici les strophes 19, 20, 21 et 22 du VIIIe chant de Charlemagne, et la note 4. Le poëte fait le dénombrement des paladins qui suivaient Charlemagne sur le sommet du mont Jow dans les Alpes:

    19.

    On voit au premier rang Alphonse, Egbert, Monclart:

    Fiers des honneurs récents de la chevalerie,

    Brûlant de rencontrer, de combattre l’impie,

    Ils pressent le monarque, et suivent Éginard.

    Isolier, dont Mainfroi chérissait la prouesse,

    Naquit loin de Lutèce,

    Dans une île féconde en généreux guerriers;

    Son père, illustre chef de la cité d’Ajace,

    Reçut le grand Martel au sein de ses foyers,

    Quand des Maures vaincus le Franc suivait la trace.

    20.

    Martel les atteignit aux mers cirnésiennes:

    Sur l’onde, sans repos, les martelant trois jours,

    Il accomplit alors la victoire de Tours,

    Et rejeta l’impie aux plages africaines.

    Le chef ajacien, le père d’Isolier,

    Du toit hospitalier

    Offrit au conquérant le secourable asyle;

    Pour les vaisseaux brisés dépouillant ses forêts,

    Et les chargeant des fruits de sa terre fertile,

    Il prodigua ses soins au prince des Français.

    21.

    Martel à son départ en montant sur sa nef

    Décora son ami d’une armure éclatante,

    Et fixa sur son cœur la genette brillante.

    Ces présents glorieux à la mort du vieux chef

    Passèrent à son fils; une épouse chérie

    Au sein de la patrie

    Ne put point retenir le jeune paladin:

    Carloman l’accueillit à la cour de Provence;

    Le guerrier de Cirnos, cher à ce souverain,

    Devint en peu de jours fameux par sa vaillance.

    22.

    Au roi son bienfaiteur il consacra sa vie;

    Et quand Dieu de ce prince acheva les destins,

    Isolier défendit ses nobles orphelins;

    Il résista long-temps aux seigneurs d’Austrasie

    Qui préférèrent Charle aux fils de Carloman;

    A ce grand changement

    L’insulaire à regret accoutuma son ame.

    Charles conserve encor ce triste souvenir:

    Il connaît que le preux est exempt de tout blâme;

    Mais il prise sa foi sans pouvoir le chérir.

    Le paladin Isolier, après la destruction des Lombards, retourna dans sa patrie où il eut toujours à combattre les Maures qui, depuis leur défaite par Charles Martel, s’étaient de nouveau établis sur les côtes de Corse, d’où ils tâchaient de franchir les montagnes et de se répandre dans le midi de l’île qu’ils n’avaient jamais pu soumettre. Depuis cette époque, les Corses demandèrent plusieurs fois des secours aux Français et aux papes. Pépin, roi d’Italie, et fils de Charlemagne, envoya Adhémard son parent avec une flotte: Adhémard défit les Maures, mais il fut tué à bord de la galère prétoriale près du port d’Aléria; et ce secours insuffisant ne fit qu’accroître l’audace des Africains. Isolier reçut tous les chrétiens de l’île qui fuyaient leurs tyrans; il se fortifia dans sa province d’Ajace, et il envoya son fils demander de nouveaux secours à Charlemagne. L’épopée commence trois mois après le départ du jeune Isolier, et trente ans après la délivrance de Rome par Charlemagne. L’action dure vingt jours.

    Le roi maure était Abdel, fils de Nugolone; Abdel fut le dernier tyran qui régna sur la Corse.

    ARGUMENTS DES DOUZE CHANTS.

    Table des matières

    CHANT I. (Premier jour) Isolier marche au-devant des Sarrasins. Dénombrement des chefs cirnésiens. Le village d’Onane. Érène de Tissant on la justice africaine..... PAGE 1

    CHANT II. (Du second jour à la nuit du troisième.) La tour de Gallane délivrée. Le vieux pâtre. Les chefs réconciliés. Le martyre de Mosole... 33

    CHANT III. (De la nuit du troisième jour au cinquième.) L’apparition de Mosole. Le déguisement d’Isolier. Le foyer de Vivare..... 69

    CHANT IV. (Du cinquième au neuvième jour.) Le camp des captifs chrétiens. Athime dans les murs de Pozole. Flotte d’Abdel. Retour d’Isolier au village d’Onane..... 101

    CHANT V. (Neuvième jour.) Lisimor à Aix-la-Chapelle. Éginard dans le palais. Accueil de Charlemagne. Thermes. Ambassade du calife Aâron. Trophées de la salle impériale. Départ de Lisimor..... 131

    CHANT VI. (Du dixième au douzième jour.) L’avis céleste. L’ile des pêcheurs. La tour et le combat des Sanguinaires. La retraite d’Albufare. La fuite d’Abdel..... 171

    CHANT VII. (Fin du douzième jour.) Les Français abordent à Ajace. Rapsode grec. Ruines du temple d’Hercule. Fuite d’Urcine, fils d’Ajax. Son arrivée à Cirnos. Fondation d’Ajace..... 203

    CHANT VIII. (Du treizième jour à la fin du quatorzième.) Fureur d’Abdel. Péril de Stellina. Harem d’Alérie. Incendie de Pozole..... 229

    CHANT IX. (De la nuit du quatorzième jour à la fin du quinzième.) Discorde des chefs. Séparation de Colonne et d’Isolier. La forêt d’Ossiane. Message de Paöle..... 255

    CHANT X. (Du seizième au dix-septième jour.) Les chefs sur le pic d’Erca. Combat de Pozole. Pompe funèbre. Prophétie des descendants d’Isolier. 285

    CHANT XI. (Du dix-septième jour à la fin du dix-huitième.) Réunion des Francs et des Cirnésiens. Retour de Paöle auprès du soudan. Cachots du serrail. Bataille d’Alérie. Vengeance d’Érène..... 325

    CHANT XII. (Du dix-neuvième jour au milieu du vingtième.) Incendie de la flotte dans le port. Supplice des messagers de paix. Abdel fugitif et repoussé. Mort d’Érène. Dernier crime d’Abdel..... 363

    CHANT PREMIER

    Table des matières

    Premier jour.

    ARGUMENT.

    Isolier marche au devant des Sarrasins. Dénombrement des chefs cirnésiens.

    Le village d’Onane. Érène de Tissant, ou la justice africaine.

    1.

    GLOIRE à l’homme puissant, au monarque vainqueur

    Qui, surmontant l’écueil d’une haute fortune,

    Dompte ses passions, d’une ame peu commune,

    Et devant l’Éternel abaisse sa grandeur!

    Sur ma lyre jadis j’ai chanté cette gloire.

    C’est une autre victoire

    Que je prends aujourd’hui pour sujet de mes chants:

    Dompter l’adversité ! Pour servir sa patrie,

    Supporter le fardeau des maux les plus pesants!...

    Telles sont les vertus à qui je sacrifie.

    2.

    Reviens donc animer les cordes de ma lyre,

    O Muse! d’Isolier redis-nous les malheurs.

    Rappelle-nous comment des Maures destructeurs

    S’écroula sur nos bords le sacrilége empire.

    Douze lustres entiers, pour punir nos aïeux,

    La colère des cieux

    Les livre sans relâche aux hordes sarrasines;

    Les revers d’Isolier surpassent ses exploits;

    Mais le croissant pâlit; et du sein des ruines

    Cirnos voit triompher l’étendard de la croix.

    3.

    Chargé d’ans et d’honneurs le puissant Isolier

    Vivait dans les remparts de la cité d’Ajace. ¹

    Malgré soixante hivers ce preux, bouillant d’audace,

    De sa patrie en pleurs était le bouclier.

    Ses vœux des fleurs de lys appelaient la bannière.

    Relevant sa visière,

    Et le fer de sa pique étendu sur les flots,

    Il promettait aux siens les voiles de la France.

    Soudain le cor d’alarme a frappé les échos..... ²

    La rive en retentit: on écoute en silence.

    4.

    C’est un chef: un tissu fait d’une laine obscure,

    Toison de ses brebis, est son seul vêtement.

    Un cimier sans panache, un poignard éclatant,

    Un javelot d’airain, composent son armure.

    De son casque de fer pendent ses longs cheveux.

    Un coursier vigoureux

    Comme un rapide éclair l’entraîne vers la plage.

    Isolier reconnaît son fidèle Frémor:

    C’est lui qui des sommets garde l’étroit passage;

    Il réside au milieu des forêts du Mont-d’Or. ³

    5.

    Dans la main d’Isolier Frémor place sa main.

    Un douloureux soupir s’exhale de son ame.

    «A nos tyrans, dit-il, par un accord infâme,

    «Vivare sur nos monts a frayé le chemin.

    «Abdel avec ce chef vient de faire alliance.

    «Le Musulman s’avance:

    «Déja de Vizzavone il menace la tour;

    «Ses drapeaux de Vivare occupent les villages;

    «Je les ai vus moi-même, aux premiers feux du jour.

    «Gravissant de nos monts les ravines sauvages.

    6.

    Le vieux guerrier se trouble: appuyé sur sa lance,

    L’œil fixé sur les flots, il médite un moment. «Je me flattais, dit-il, de voir à chaque instant

    «Aborder dans nos ports les vaisseaux de la France;

    «Mais déja l’infidèle envahit nos états;

    «A de plus saints combats

    «Charlemagne, sans doute, occupe ses bannières.

    «Mon fils depuis trois mois a volé vers Paris:

    «J’ignore son destin aux rives étrangères;

    «Peut-être que César a méconnu mon fils.

    7.

    «Négligeant les absents dans ses prospérités,

    «Le puissant empereur aujourd’hui nous oublie.

    «Cependant l’Aquitaine, et Rome et la Neustrie

    «M’ont vu jadis combattre et vaincre à ses côtés.

    «Martel était moins lent à prêter assistance!

    «Pour notre indépendance,

    «Noble fils d’Orilant, ne comptons que sur nous;

    «Triomphons sans devoir nos succès à personne;

    «Poussez le cri de guerre, amis, accourez tous:

    «Je serai dans la nuit aux monts de Vizzavone.»

    8.

    Il dit: de ses amis la foule l’environne.

    Dix agiles coursiers traversent les vallons;

    Le cornet des pasteurs sur le sommet des monts

    Résonne en cris aigus: des bords du Liamone

    Jusqu’aux rives du Val, délaissant leurs troupeaux,

    Franchissant les coteaux,

    Les hommes de Cirnos volent au camp d’Asprête.

    Leur nombre n’est pas grand: quarante ans de revers

    Ont peuplé les tombeaux; mais le reste s’apprête

    A combattre, à mourir pour repousser des fers.

    9.

    Frémor de la Gravone a repris le sentier:

    Il court rendre l’espoir aux peuples des montagnes,

    Tandis que de Nasprête inondant les campagnes

    Les habitants d’Ajace entourent Isolier.

    La cloche du tocsin répond au cor d’alarmes.

    Revêtus de leurs armes,

    Les guerriers en tumulte ont quitté les remparts.

    Le Musulman s’approche!..... A ce cri redoutable,

    Les débiles enfants, les femmes, les vieillards,

    Habitent seuls des murs l’enceinte formidable.

    10.

    Tous marchent au combat: devant tous est Pisaure:

    Ce rapide éclaireur vole de tous côtés,

    Et son œil sonde au loin les ravins écartés.

    Dès qu’il voit l’ennemi, de sa bouche sonore

    Du péril aussitôt s’échappe le signal.

    Le clairon pastoral

    Annonce des païens le nombre et la bannière,

    Et sur des tons divers module ses accents:

    A cet avis connu, sur la verte bruyère

    Les chefs pressent le frein des coursiers haletants.

    11.

    Palure, Hercine, Ital, près du noble vieillard,

    Sont ornés des honneurs de la chevalerie:

    Jadis sous Charlemagne ils vainquirent l’impie.

    Dans les mains de Palure est l’auguste étendard

    Qu’Adrien, dans les murs de Rome délivrée,

    Sur la tombe sacrée

    Remit au preux, honneur des rives de Cirnos.

    «Vaillant soldat du Christ, dit le pasteur suprême,

    «Cher Isolier, reçois ce prix de tes travaux;

    «Sois-nous toujours fidèle et digne de toi-même.»

    12.

    Un aigle couronné d’un double diadème

    Vers la sphère des cieux dirigeant son essor,

    Une lyre étoilée, un champ d’abeilles d’or,

    Sont du pieux drapeau le prophétique emblème.

    Le sage Hercine, Ital, ne le quittent jamais:

    Leurs boucliers, leurs traits

    Dans le combat sans cesse environnent Palure.

    Pour sauver leur bannière ils méprisent la mort.

    Cent fois les dards païens ont rougi leur armure

    Sans pouvoir de ces chefs dompter le triple effort.

    13.

    Autour d’eux et sans ordre on voit sur leurs coursiers

    Paraître les guerriers de Nasprète et d’Ajace.

    Chacun d’eux est suivi des hommes de sa race.

    Tous les chefs de famille ont quitté leurs foyers.

    Séron, dont les troupeaux blanchissent la prairie

    De la verte Alissie,

    Compte cinq fils armés du glaive et du pavois;

    Et les fils de ses fils environnent leurs pères:

    Jeunes, vieux, hommes faits, ils volent à-la-fois

    Agitant, pleins d’ardeur, leurs armes meurtrières.

    14.

    Le riche possesseur des collines d’Icage ¹⁰

    Où croissent sans effort des forêts d’orangers,

    Ulète, délaissant ses fertiles vergers,

    Vient des sanglants combats faire l’apprentissage.

    A la fleur de ses ans se trouvant orphelin,

    Il demanda la main

    De la jeune beauté qu’Ajace en vain regrette,

    Et qui depuis dix mois porte les fers d’Abdel.

    Dans le sang musulman tu voudrais, noble Ulète,

    De l’enfant d’Isolier venger le sort cruel!

    15.

    Avec lui marche Isar: la plage des sept Nefs ¹¹

    Voit une antique tour qui domine les plaines:

    Là du vaillant Isar sont les vastes domaines.

    Isar dans ses forêts donnait la fête aux chefs;

    Ils poursuivaient au loin le sanglier sauvage,

    Lorsque sur le rivage

    Abdel pendant la nuit descend près de la tour,

    Et ravit les enfants et les femmes chrétiennes.

    Isolier vit Stelline à la clarté du jour

    Tendre vers lui ses bras chargés d’indignes chaînes.

    16.

    C’est en vain que le preux sur une barque agile,

    Rugissant de courroux, suivit les ravisseurs.

    Abdel, de l’océan perçant les profondeurs,

    Pour regagner les murs qui lui servaient d’asyle

    Aux regards des chrétiens disparut sur les flots.

    C’est avec sept vaisseaux

    Que le Maure aborda ces plages délaissées:

    Elles portent le nom de ce nombre fatal.

    Au sommet de la tour plusieurs piques dressées

    De la guerre et du deuil arborent le signal.

    17.

    Vêtus d’habits divers, armés différemment,

    Quels sont ces chefs suivis d’une troupe guerrière?

    L’un d’eux enveloppé d’une mante étrangère

    Porte un glaive enrichi d’un ivoire éclatant.

    L’or et l’argent tissus décorent sa ceinture;

    Et sur sa chevelure

    S’élève teint de pourpre un bonnet phrygien

    Qu’entourent le corail et la perle arrondie.

    De quels climats, comment, au bord cirnésien

    Casil a-t-il porté ce vain luxe d’Asie?

    18.

    Casil passe ses jours sur le liquide empire.

    Le commerce, à son art prodiguant ses bienfaits,

    Dès ses plus jeunes ans, au gré de ses souhaits

    Dirige sur les mers son rapide navire.

    Tantôt du sein des rocs qui soutiennent Cirnos ¹²

    Par d’assidus travaux

    Il ravit le corail à ses tiges profondes.

    Tantôt des Phocéens visitant les neveux, ¹³

    Il franchit comme un trait l’immensité des ondes,

    Et retourne chargé de trésors précieux.

    19.

    Il commande aux marins; et le fils d’Isolier

    Fut porté par sa nef aux rives de la France.

    Sur tous ses compagnons versant sa bienfaisance.

    Et fier de leur ouvrir son toit hospitalier,

    Sans effort il exerce une entière puissance.

    A sa voix, pour la lance

    Toujours prêts à quitter la rame ou le timon,

    Les amis de Casil embrassent sa querelle.

    Si le luxe étranger éclate sur leur front,

    Aux vertus de Cirnos leur cœur reste fidèle.

    20.

    Habitués ensemble à défier l’orage,

    Moins fougueux, plus constants que les autres guerriers,

    Dociles à leur chef, ces mille nautonniers

    Sur les deux éléments ont le même courage;

    Soit que se confiant à leurs faibles bateaux,

    Ils osent sur les flots

    Attaquer les païens dans leurs nefs formidables;

    Soit qu’armés de la lance et du pesant pavois,

    Dans la plaine rangés, fantassins redoutables,

    Ils couvrent de leurs corps l’étendard de la croix.

    21.

    Leurs seuls rivaux en nombre, en puissance, en valeur,

    Sont ceux qui dans les bois et dans les marécages

    Poursuivent les taureaux et les buffles sauvages ¹⁴.

    Des plus sombres forêts pénétrant l’épaisseur,

    Balançant dans leurs mains une longue courroie,

    Ils lancent sur leur proie

    De ce double tissu le nœud prompt et coulant:

    Si quelquefois le monstre évite cette chaîne,

    L’intrépide chasseur tire un poignard tranchant;

    Et le taureau frappé tombe et meurt sur l’arène.

    22.

    Un cuir épais, velu, dépouille de leur chasse,

    Forme autour de leur corps un étroit vêtement.

    Ils devancent les pas d’un coursier bondissant

    Lorsque des ennemis ils poursuivent la trace.

    Les agrestes bouviers qui guident dans les champs

    Les troupeaux mugissants

    N’ont avec les chasseurs qu’une même bannière.

    Pinel était le chef de ces guerriers unis;

    Disputant à Casil la faveur populaire,

    Pinel marche entouré d’une foule d’amis.

    23.

    Isolier s’avançait le long des flots amers.

    De Nasprête bientôt il touche le rivage.

    Là, de nouveaux guerriers l’attendaient sur la plage.

    Ce sont ceux qui d’Abdel ont évité les fers.

    Pénose, qui jadis régnait dans le Nebbie, ¹⁵

    D’une troupe aguerrie

    Se voit encore aimé malgré tous ses malheurs;

    Dans le sang de son père Abdel plongea sa lance:

    Chassé de ses foyers, aujourd’hui ses douleurs

    Ont fait place à l’espoir d’une prompte vengeance.

    24.

    Frappé d’un coup pareil, le valeureux Brandone

    Du chef des Nebbiens presse le palefroi.

    Le cap Corse jadis a reconnu sa loi.

    C’est le père d’Abdel, le puissant Nugolone, ¹⁶

    Qui porta dans ces lieux le drapeau musulman.

    Le glaive du tyran

    N’épargna dans son cours ni le sexe ni l’âge:

    Cent martyrs de Torrès rougirent le vallon.

    Le cap, depuis ce jour d’horreur et de carnage,

    De promontoire saint reçut l’auguste nom. ¹⁷

    25.

    Le long de la Gravone, un sentier tortueux

    Monte, descend, remonte en des forêts profondes:

    Quand le flambeau du jour s’éclipse au sein des ondes,

    Isolier a gravi ces détours sinueux.

    Il a vu du Mont-d’Or la tête blanchissante.

    Sa bannière éclatante

    Rassemble autour de lui les montagnards charmés:

    Délaissant leurs troupeaux, leurs enfants, leur cabane,

    Les pasteurs, de longs pieux, de javelots armés,

    Volent de toutes parts au village d’Onane. ¹⁸

    26.

    Une épaisse forêt, amphithéâtre immense,

    Du populeux Onane entoure les remparts.

    Mille cris à-la-fois poussés de toutes parts

    Des guerriers du rivage annoncent la présence.

    Des sapins allumés les résineux brandons,

    Dans les ravins profonds

    Répandent par degrés leur tremblante lumière.

    Les femmes, agitant ces mobiles flambeaux,

    S’avancent au devant de la sainte bannière;

    Leur marche et leurs accents réveillent les échos.

    27.

    Sur leurs têtes posés, des voiles éclatants

    En larges plis épais couvrent leurs chevelures.

    «Les voici, les guerriers vengeurs de nos injures,

    «Disaient-elles en chœur dans leurs agrestes chants!

    «Voici de nos foyers les amis tutélaires.

    «Nos pères et nos frères

    «Sont tombés sous les coups du farouche Africain.

    «Dans le creux de la tombe ils

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