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Deux soeurs et un pompier
Deux soeurs et un pompier
Deux soeurs et un pompier
Livre électronique429 pages5 heures

Deux soeurs et un pompier

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À propos de ce livre électronique

Morgane, aide-bibliothécaire discrète, mène une existence rangée tout en rêvant de devenir écrivaine et de trouver le grand amour. Lorsqu'elle s'inscrit sur un site de rencontre, elle est donc enchantée de faire la connaissance de Jayden, pompier intrépide et vif d'esprit, qui lui plaît instantanément. Dès le début, leurs échanges se déroulent à merveille, et la perspective d'un tête-à-tête en chair et en os se précise rapidement.

Petit bémol : la jeune femme, craignant que son quotidien paraisse trop terne aux yeux de son prétendant, a emprunté la vie de sa jumelle le temps des conversations à distance. Après tout, Krystal, confiante et extravertie, chante dans un piano-bar et jouit d'une indéniable popularité auprès des hommes. La situation se complique quand Morgane, toujours anxieuse à l'idée de décevoir le beau pompier, panique et demande à sa soeur de prendre sa place lors de leur premier rendez-vous.

Revenant à la raison, elle se présente elle-même à la deuxième rencontre. Mais dans l'appartement de sa soeur ! Pourra-t-elle maintenir encore longtemps ce subterfuge ? Lorsqu'on joue double jeu – surtout avec un pompier – , on risque fort de se brûler !
LangueFrançais
ÉditeurLes Éditeurs réunis
Date de sortie10 mai 2017
ISBN9782895858874
Deux soeurs et un pompier
Auteur

Mélanie Cousineau

Auteure aux multiples talents, Mélanie Cousineau nous offre un roman riche en émotions dans lequel les personnages sont dépeints avec grande habileté. L'auteure a su y mettre en scène avec une justesse désarmante la souffrance et la détresse des jeunes adultes qui vivent un deuil éprouvant.

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    Aperçu du livre

    Deux soeurs et un pompier - Mélanie Cousineau

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    À papa, à maman, à Martin et à Dominic. Vous êtes ma famille, mon port d’attache, mon roc. Je vous aime tant…

    PROLOGUE

    Il est plus de vingt-deux heures et le petit pub est bondé en ce chaud samedi de juillet. La musique crachée par les haut-parleurs est excellente et plusieurs personnes se déhanchent au rythme endiablé de la guitare électrique. Venues à Ottawa expressément pour faire une petite virée entre sœurs et fêter leur vingt-huitième anniversaire de naissance, Morgane et Krystal Vallée sont installées à une petite table bistro, juchées sur de hauts tabourets.

    — Je commence à avoir vraiment mal au dos, se plaint Morgane, l’aînée des jumelles, gigotant sur son siège, à la recherche d’une position plus confortable. En plus, je suis tellement petite que mes pieds pendent dans le vide. Ça aurait été préférable qu’on soit sur une des banquettes là-bas !

    À l’autre extrémité de la pièce se trouvent effectivement de beaux sièges rembourrés, mais ils étaient malheureusement occupés à leur arrivée.

    — Arrête donc de te plaindre, la vieille ! la taquine Krystal, sirotant sa bière et zieutant les environs à la recherche de spécimens masculins intéressants. Profite plutôt de la musique et des beaux mâles !

    — Je déteste être assise au centre d’une pièce comme ça. J’ai l’impression que tout le monde me dévisage. Tu sais comme je ne supporte pas d’être le centre d’attention !

    Comme par hasard, au même moment, le couple qui occupait l’espace tant convoité se lève et se dirige vers la sortie.

    — Oh, ils s’en vont ! Allez, Krystal, viens-t’en, on va prendre leur place. Vite ! Arrive !

    Saisissant son verre et faisant un signe à la serveuse pour lui indiquer qu’elles changent d’endroit, Morgane marche d’un pas rapide vers la table du fond, sa sœur la suivant distraitement, le cou tordu dans la direction opposée. Hum ! Voilà une paire de fesses extraordinaire, pense rêveusement la cadette des sœurs. Au passage, elles se heurtent à quelques danseurs, s’excusant furtivement avant de poursuivre leur chemin. Une fois bien installée, Morgane pousse un long soupir, le cœur battant trop fort pour le peu d’énergie que ce déplacement leur a demandé. Enfin, elle est prête à se détendre.

    — Bon, tu vois ? C’est beaucoup mieux ici, commente-t-elle avant de prendre une petite gorgée de sa liqueur diète.

    — Ouin, disons que le paysage est intéressant…

    Les bras grands ouverts et appuyés contre le dossier de son banc, Krystal ne porte aucune attention à celle qui prend place face à elle. Suivant le regard de sa jumelle, Morgane remarque deux hommes dans la trentaine, attablés non loin d’elles. L’un d’eux est grand et élancé, il a des cheveux bruns bien coiffés et un style vestimentaire de golfeur. L’autre est beaucoup plus petit et affiche un look de dur à cuire avec son crâne rasé et ses tatouages sur les bras. Alors que les filles les observent, ces derniers leur sourient et lèvent leur verre pour trinquer. Elles les imitent avec le plus grand des plaisirs, puis Krystal porte sa bière à ses lèvres.

    — Oh, je t’en prie, cesse de les dévisager comme ça ! lance Morgane à l’intention de sa sœur. Tu me rends mal à l’aise !

    Malgré les remontrances de sa jumelle, Krystal poursuit son manège jusqu’à ce qu’il porte ses fruits. Comme de fait, quelques instants plus tard, les inconnus se lèvent et se dirigent droit vers elles.

    — Bonsoir, mesdames, commence le dur à cuire. Moi, c’est James et lui, c’est Marc.

    — Enchantée, roucoule Krystal, un sourire enjôleur sur les lèvres.

    Le petit groupe termine rapidement les présentations d’usage, puis James et Marc prennent place auprès des filles.

    — Wow ! C’est vraiment spécial d’être assis face à deux copies conformes ! s’étonne James. J’ai déjà vu des jumelles auparavant, mais jamais aussi identiques que vous ! C’est débile, hein, Marc ?

    — Mets-en ! confirme ce dernier, dont le regard passe de l’une à l’autre avec amusement. C’est vraiment fou !

    Effectivement, Morgane et Krystal se ressemblent à s’y méprendre. De petite taille, elles ont de très longs cheveux bruns, des yeux bleu ciel ornés de magnifiques cils et une grande bouche aux lèvres invitantes. Quand elles sourient, de petites fossettes creusent leurs joues, ce qui leur confère un air coquin. Aussi, non seulement sont-elles physiquement identiques, mais il est pratiquement impossible de distinguer leur voix au téléphone. D’ailleurs, elles ont à quelques reprises au cours de leur jeunesse profité de cet avantage exceptionnel pour échanger leur place un moment. À cette époque, elles prenaient un malin plaisir à se vêtir de la même manière, alors cela devenait très difficile pour leur entourage de déceler leur subterfuge. Maintenant, elles ont vieilli et pris de la maturité. Elles assument leurs propres personnalités.

    L’aînée, Morgane, est plutôt calme et réservée. Une vraie petite souris par moments ! Son emploi à la bibliothèque municipale nourrit son amour des livres, passion qui ne cesse de grandir de jour en jour. Derrière les innombrables étalages d’ouvrages variés, elle se sent comme chez elle. Sous le couvert des mots, il ne règne aucune compétition, nul besoin de performer, juste le plaisir de leur donner un sens. Quel bonheur de pouvoir voyager avec eux, de traverser les époques et les styles littéraires en l’espace d’un instant ! D’ailleurs, Morgane a fait des études universitaires en littérature, qu’elle a réussies haut la main, et elle en est sortie, diplôme en main, avec un ardent désir de créer à son tour. Toutefois, la réalité l’a vite rattrapée et elle en a conclu que le métier d’auteure n’était pas la meilleure option pour réussir à mettre du pain sur la table. Elle s’est donc lancée à la recherche d’un emploi et quelle ne fut pas sa surprise de décrocher ce poste qui lui sied à merveille ! Elle travaille à la bibliothèque depuis quelques années maintenant et cette occupation à la limite du loisir lui permet de payer le jumelé qu’elle partage avec son frère, Antonin, dans la petite municipalité de Saint-Césaire, en Montérégie.

    Pour sa part, Krystal est à mille lieues de sa jumelle, notamment en raison de sa personnalité très extravertie. Ses aptitudes musicales étant très développées grâce à son père musicien, elle chante dans un populaire piano-bar de Granby, ville où elle habite. Puisque son contrat n’exige en général d’elle que trois soirs par semaine, elle arrondit ses fins de mois en donnant des leçons particulières de chant. Pour Krystal, le besoin de s’épanouir et d’en mettre plein la vue est aussi essentiel à sa vie que celui de se nourrir. Grâce à la reconnaissance des gens pour son talent, elle se sent vivante, adulée, aimée. De se faire aborder par ses admirateurs alors qu’elle est à l’épicerie ou au centre commercial lui apporte une dose d’adrénaline incroyable. Cela la pousse à aller encore plus loin, à se dépasser. À ce jour, elle a un album jazz à son actif et elle travaille actuellement à de nouvelles chansons. Ce rêve de devenir connue, elle le caresse depuis bien longtemps et elle est persuadée qu’un jour sa carrière prendra de l’ampleur et l’amènera vers de nouveaux sommets. Toutefois, pour l’instant, elle se contente de ce qu’elle a et profite de la vie.

    Alors, voilà donc que James et Marc sont toujours aussi ébahis devant les beautés qu’ils ont sous les yeux et ils les questionnent sans gêne afin de tout connaître à leur sujet.

    — Si vous êtes de Granby et de… euh…, hésite James.

    — Saint-Césaire ! complète Krystal en pouffant de rire. C’est creux ça, hein, Morgane ?

    — Arrête ! grogne celle-ci. C’est un magnifique endroit.

    — Bon, bon, bon, reprend James après avoir avalé une longue rasade de sa bière. Alors, si vous êtes de Granby et de Saint-Césaire, voulez-vous bien me dire ce que vous faites à Ottawa ? On s’entend que ce n’est pas à la porte pour vous !

    Les deux sœurs se regardent avec amusement avant de répondre à la question.

    — Eh bien, on avait tout simplement envie de sortir, commence prudemment Morgane, comme si une balade de près de trois heures était tout ce qu’il y a de plus normal quand on a envie d’aller se promener.

    Devant ces deux inconnus, elle est si mal à l’aise que c’est à croire qu’elle ne s’est jamais fait draguer par un homme avant. Le simple fait d’avoir participé à la conversation a suffi à la faire rougir jusqu’aux oreilles, ce qui n’est pas sans la rendre encore plus désirable. Heureusement, le faible éclairage du pub joue en sa faveur et dissimule cette trace de gêne.

    — Et alors, il n’y a pas de bars dans votre coin de pays ? poursuit James, bien décidé à découvrir la vraie raison de leur virée en Ontario.

    — Oui, il y en a, mais on avait envie de faire différent. Je suis un peu tannée de fréquenter les mêmes lieux, de croiser les mêmes gens. Ici, on ne connaît personne. À part ça, ce n’est pas tous les jours qu’on a vingt-huit ans, n’est-ce pas, Morgane ?

    — Quoi ! C’est votre anniversaire ? s’exclame Marc, heureux de découvrir un élément supplémentaire à propos des deux beautés.

    — Non, c’est celui de ma sœur seulement, répond Krystal avec malice, guettant la réaction des deux hommes.

    Comme elle s’y attendait, un grand point d’interrogation se dessine sur leur visage, signe évident qu’ils ne comprennent rien. Amusée de la situation, la jeune femme attend quelques secondes avant de les éclairer.

    — On est peut-être jumelles, mais, étonnamment, on n’a pas la même date de fête. Ma sœur est née à 23 h 51 le 22 juillet et, moi, je me suis pointé le bout du nez à 0 h 10 le lendemain ! C’est cool, hein ?

    — Et non seulement on n’a pas la même date de naissance, mais, en plus, on est de signes astrologiques différents !

    James et Marc sont captivés. C’est sans contredit la première fois qu’ils entendent une histoire aussi saugrenue.

    — Pff, lance James, arrêtez de nous niaiser, les filles ! On n’est pas si tatas que ça quand même !

    — Non, non, je vous assure que c’est la vérité, les rassure Morgane, mal à l’aise de passer pour une menteuse.

    Les deux hommes se regardent sans rien dire, puis un large sourire finit par apparaître sur leurs lèvres et ils éclatent de rire.

    — Wow ! Incroyable ! commente James avant de lever son verre. Dans ce cas, bonne fête, les filles ! Moi, je propose qu’on fasse un toast à votre histoire à dormir debout ! Cheers !

    Et ils entrechoquent leur verre ensemble avant de prendre une gorgée de leur boisson respective.

    — Dites-moi, les jolies, on danse pour souligner ça ? questionne l’homme tatoué au crâne rasé avant de se lever et de s’emparer de la main de Krystal, la traînant sur la piste.

    Trop heureuse, celle-ci se laisse guider sans rechigner. Depuis qu’elle a aperçu cet homme à l’allure sauvage, elle meurt d’envie de se retrouver dans ses bras. Krystal a toujours eu un faible pour les hommes qui ont un petit côté mauvais garçon, et James, ici présent, est ce genre de prospect. Voyant son ami se déhancher vigoureusement avec sa compagne du moment, Marc pose un regard soutenu sur Morgane qui, si elle le pouvait, disparaîtrait sous la banquette. Elle a soudainement très chaud, malgré l’air conditionné qui fonctionne à plein régime.

    — On va les rejoindre ? questionne-t-il, priant secrètement pour que la belle brune accepte.

    — Euh… oui, d’accord.

    Même si elle avait voulu refuser, aucune raison valable ne lui serait venue à l’esprit. Dans ce cas, plutôt accepter que de créer un malaise. Ils se lèvent donc d’un bond et se dirigent au centre du plancher de danse, là où leurs comparses s’en donnent déjà à cœur joie. Le petit groupe s’amuse ainsi durant un bon moment, jusqu’à ce que le sommeil commence à les gagner.

    * * *

    Le lendemain midi, alors qu’elles sont sur le chemin du retour, Krystal et Morgane commentent leur agréable soirée de la veille.

    — Et puis, c’était vraiment l’fun au pub hier, hein ? questionne Krystal, derrière le volant, les yeux rivés sur la route. En tout cas, moi, James, je le trouve pas mal de mon goût. Quel look d’enfer il a ! En plein mon genre d’homme, ça. Et je pense que tu es tombée dans l’œil de Marc, tu sais ? Il n’arrêtait pas de se coller sur toi en dansant ! Morgane ? Tu m’écoutes ?

    Jetant un œil à sa sœur demeurée silencieuse, Krystal voit celle-ci la dévisager en affichant un air impénétrable.

    — Ben quoi ? Pourquoi tu me regardes comme ça ?

    — Franchement, Krystal, je trouve que tu fais plutôt fille facile avec les hommes ! Est-ce que c’était vraiment nécessaire de passer la nuit avec James ? Tu n’aurais pas pu laisser tes hormones de côté pour une fois ? Tu le connais à peine, ce gars-là, et voilà qu’en l’espace de quelques heures tu te retrouves dans son lit ! Et dire que tu t’attendais à ce que je fasse de même avec Marc ! Tu le sais que c’est pas moi, ça.

    — Bah, tu vas bien finir par te dérider un jour ! Ce n’est pas parce que ça n’a pas fonctionné avec Sébastien que les hommes sont tous des crétins, tu sais. Tôt ou tard, tu devras donner la chance au coureur à nouveau. À part ça, c’est notre anniversaire, alors on a bien le droit de se gâter un peu !

    — Ben, parle pour toi, OK ? Moi, je n’ai pas besoin de baiser avec le premier venu pour célébrer. Et pour ton information, quand je rencontrerai le bon gars, alors là et seulement là, je me dériderai, comme tu le dis si bien. Maintenant, concentre-toi sur la route plutôt que sur ma vie sexuelle, tu veux bien ?

    Gardant le silence quelques instants, Krystal reporte son attention sur l’autoroute et le paysage qui défile sous ses yeux rêveurs. Dans son esprit, une seule image prend toute la place : celle de James, nu et bandé comme pas un, n’attendant que son accord pour lui faire sauvagement l’amour. Soudain, elle est frappée par un éclair de génie.

    — J’ai une idée, Morgane ! Tu devrais t’inscrire sur un site de rencontre !

    — Quoi ? Moi, sur un site de rencontre ? T’es pas sérieuse, j’espère ! s’insurge l’aînée, le visage tordu en une grimace de dégoût.

    Exaspérée, Krystal se mord les lèvres pour ne pas lancer au visage de sa sœur tout ce que lui inspire son petit personnage de sainte nitouche. Elle retravaille mentalement son intervention avant de la dire tout haut.

    — Bon, c’est quoi le problème encore ? Je ne te demande pas de plonger à pieds joints dans une relation avec le premier venu ! Tu peux prendre le temps de magasiner un peu et de choisir le meilleur prospect pour toi, non ?

    — Ben oui, c’est ça ! C’est super simple comme méthode et ça ne comporte aucun danger, n’est-ce pas ? Après tout, il ne s’agit que d’inviter un pur inconnu chez soi. Je ne vois pas ce qu’il y a de dangereux là-dedans ! poursuit Morgane, sarcastique.

    — Mo, calme-toi, veux-tu ? la supplie Krystal, dépassée par l’ampleur de la réaction de sa sœur. C’est fou, tu tournes tout au drame ! Ce n’est pas toi de réagir ainsi, il me semble. Tu sauras qu’il existe des endroits publics où tu peux rencontrer les candidats et quand tu te sens en confiance, alors là, tu les invites chez toi. Il y a plein de gens qui se sont rencontrés comme ça et, aujourd’hui, ils sont super heureux ensemble. Penses-y !

    Réfléchissant à la proposition de sa sœur, Morgane trouve qu’au fond l’idée n’est pas si saugrenue que ça. Oui, il y a certains risques à fréquenter des gens rencontrés sur Internet, mais si elle est prudente, ça peut aussi bien se dérouler. Et si jamais c’était LE moyen qui lui permettrait de trouver le grand amour ? Ça vaut au moins la peine d’essayer, non ? Ouin, peut-être…

    1

    Six mois plus tard…

    En ce vendredi soir glacial de la mi-janvier, les enfants Vallée sont réunis à Saint-Césaire pour un petit souper familial. L’extérieur du jumelé que Morgane habite avec son frère, Antonin, arbore encore fièrement sa guirlande de flocons de neige lumineux, alors que le sapin de Noël trône toujours au centre du petit salon déjà bien exigu.

    — Il me semble que le temps serait venu de ranger vos décorations, non ? s’exclame Krystal, découragée. Moi, le 26 décembre, tout ça avait déjà repris le chemin du hangar !

    — Ne t’inquiète pas, sœurette, je m’en occuperai dès demain, répond distraitement Antonin depuis la cuisine, poursuivant avec attention la préparation du repas.

    — J’espère ! ajoute la cadette de la famille. Je passe mon temps à critiquer les gens qui tardent à retirer leurs lumières de Noël. Constater que mon frère et ma sœur sont du lot, c’est une vraie honte !

    — N’importe quoi ! fait nonchalamment Morgane en roulant des yeux, habituée aux semonces de sa sœur à propos de tout et de rien.

    Antonin leur ayant interdit l’accès à la cuisine, les deux filles s’installent au salon et prennent place dans les vieux fauteuils dépareillés qui s’y trouvent. L’un est tout beige et parsemé de taches accumulées au fil des années, alors que l’autre est recouvert d’un tissu rugueux à motifs fleuris et ne s’harmonise pas du tout avec le reste du décor ni l’âge des propriétaires. Chaque fois qu’elle pose une fesse sur le divan duquel les ressorts saillent affreusement, Krystal se retient de péter un plomb, sachant pertinemment que, dès que Morgane et Antonin auront le budget nécessaire, cette pièce sera la première à être remise au goût du jour. Les murs sont toujours vert pâle, vestige des anciens propriétaires âgés d’au moins soixante-dix ans, et on y retrouve divers meubles et accessoires récupérés à gauche et à droite afin de créer un tout à peu près fonctionnel. Les maîtres des lieux n’étant pas des personnes très à l’affût de la mode, la décoration de leur petite maison est le dernier de leurs soucis et ils préfèrent de loin se consacrer à leur passion pour les livres et les bandes dessinées plutôt que de se plonger le nez dans des revues sur l’aménagement intérieur. D’ailleurs, sur le long mur du fond de la pièce se trouve une immense bibliothèque allant du plancher au plafond et ses étagères croulent sous les innombrables ouvrages d’une valeur inestimable.

    Grand amateur de cuisine en plus d’adorer son métier de bédéiste, Antonin a proposé avec entrain de préparer sa spé-cialité pour le repas, c’est-à-dire des pizzas «  spécial Tony ». Celles-ci ont une croûte faite maison et elles sont garnies de prosciutto, de roquette, de noix de pin, de parmesan et d’huile d’olive. À tout coup, c’est un vrai délice.

    — Et puis, il paraît que le beau Carl n’était pas si fantastique que ça finalement ? interroge Krystal, curieuse de savoir où en est rendue sa sœur dans sa quête du grand amour.

    Au même moment, Antonin se joint à elles, essuyant ses mains graisseuses sur son tablier arborant des dessins de fruits aux couleurs vives. Malgré un peu de farine sur ses joues et son nez, on devine bien les nombreuses taches de rousseur sur son visage. Ses cheveux roux et ses yeux verts viennent compléter le portrait de l’homme de trente et un ans qui joue le rôle de véritable sauveur auprès de ses sœurs. Du haut de ses six pieds et deux pouces, il lui suffit d’enlacer ses sœurs de ses bras pour les rassurer.

    Antonin est maintenant confortablement installé auprès des deux femmes de sa vie, une bière à la main. Pendant que les pizzas cuisent tranquillement au four, quoi de mieux que de potiner ?

    — Ah non ! Je n’ai pas envie de parler de ça ! s’exclame Morgane, visiblement exaspérée par la situation. Si vous saviez comme je suis tannée de tomber sur de pauvres cons ! Quand ils ne sont pas mariés, ils sont tout boutonneux. Quand ils sont beaux, ils habitent encore chez leurs parents. Et quand, enfin, ils semblent parfaits, ils s’aiment tellement que ça enlève tout leur charme. Je n’en peux juste plus ! Je pense sérieusement à tout lâcher. J’ai déjà trop perdu de temps avec toutes ces histoires.

    — C’était quoi le problème avec Carl ? questionne Antonin, curieux de savoir la raison pour laquelle il n’a pas plu à sa sœur.

    — Disons qu’il était très différent de ce qu’il avait décrit dans sa fiche sur le site de rencontre ! Il était supposément grand avec des yeux bleus, alors que, en réalité, il me dépasse à peine, moi qui ne mesure que cinq pieds et deux pouces, et il a des yeux verts !

    Le ton sur lequel la jeune aide-bibliothécaire s’est exprimée ne cache pas son désarroi. En attendant les paroles de leur sœur, Krystal et Antonin échangent un regard interrogateur.

    — Et alors ? commence la cadette, incrédule. Tu ne vas pas le laisser tomber parce qu’il a à peu près ta taille ! C’est quoi cette excuse bidon ?

    Morgane demeure silencieuse, ne relevant pas le commentaire de sa jumelle. Sentant qu’il y a anguille sous roche, Antonin y va avec plus de doigté.

    — Je ne comprends pas très bien, Mo. Vous aviez l’air de bien vous entendre tous les deux, non ? La dernière fois qu’on a parlé de lui, tu semblais emballée à l’idée d’avoir enfin trouvé le bon gars. Je ne saisis pas ce qui a pu te faire changer d’idée aussi rapidement.

    Toujours aucun son ne sort de la bouche de la jeune femme dont le regard est fuyant et sombre. Soudain, elle se lève d’un bond et se rend à la cuisine afin de fouiller dans le réfrigérateur pour se prendre une autre canette de boisson gazeuse. Au même moment, la minuterie du four retentit, ce qui la tire d’embarras, pour un moment du moins.

    — Le souper est prêt ! lance-t-elle en poussant un profond soupir, trop heureuse de s’en tirer aussi facilement.

    À regret, mais n’abandonnant pas la partie tout de suite, Antonin et Krystal rejoignent Morgane à la cuisine, et tout ce petit monde s’installe pour déguster le festin que le chef a préparé avec amour. Durant le repas, le ton est beaucoup plus léger, le grand frère relatant à ses sœurs ses dernières dragues et les péripéties auxquelles il a pensé pour pimenter le tout dernier projet de bande dessinée sur lequel il travaille actuellement. Ayant percé dans le milieu quelques années auparavant, il a maintenant un public envers qui il se sent redevable, et il cher-che toujours à se renouveler et à amener ses lecteurs ailleurs. D’ailleurs, cette attitude semble fonctionner à merveille puisqu’il récolte de nouveaux adeptes à chacun de ses projets. Séduites par les idées originales de leur frère, les deux jumelles s’emballent et l’encouragent avec animation.

    Une fois la pizza engloutie, Antonin dispose trois grosses parts de gâteau double chocolat dans de petites assiettes, prépare un café instantané à Krystal et ils passent tous au salon pour poursuivre la discussion. En prenant une gorgée de sa boisson, la cadette des jumelles grimace son horreur de ce type de café, puis elle entreprend de cuisiner sa sœur pour lui tirer les vers du nez.

    — Alors, Morgane, tu ne nous as toujours pas raconté ce qui s’est réellement passé avec Carl ! Tu ne t’en tireras pas aussi facilement, tu sais ? Vas-y, on t’écoute, commence-t-elle avant d’engouffrer une bonne part du savoureux dessert.

    Regardant son frère et sa sœur en alternance, Morgane baisse le regard, soudain empreinte d’une grande déception.

    — Il… il… il m’a dit que j’étais plate et sans intérêt. Voilà, c’est dit. Vous êtes contents maintenant ?

    Avant même que les deux autres aient le temps de répliquer quoi que ce soit, bouche bée par la raison saugrenue que le jeune homme a invoquée pour quitter leur sœur, Morgane se lève et va porter son assiette à moitié pleine sur le comptoir, l’appétit l’ayant soudainement quittée. Lorsqu’elle revient au salon, elle écarte son frère et sa sœur assis côte à côte sur le fauteuil fleuri, et se moule dans le minuscule espace maintenant libre entre eux.

    — S’il vous plaît, aidez-moi ! Je ne sais plus quoi faire ! Je me sentais tellement bien avec lui, je pensais qu’il m’aimait pour vrai, mais j’étais complètement dans le champ. En fait, il ne pensait qu’à lui et à son bonheur, et voilà qu’il me quitte en me disant que je suis une fille qui mène une vie ennuyante et sans plaisir. Honnêtement, je pense que c’est la pire insulte qu’on m’ait dite de toute ma vie !

    Se retenant à grand-peine pour ne pas laisser couler les larmes qui lui brûlent les yeux, la jeune femme se serre davantage contre son frère et sa sœur pour y chercher un peu de réconfort.

    — T’en fais pas, sœurette, commence Antonin d’un ton apaisant, tu vas finir par trouver le bon gars. À part ça, pourquoi ne restes-tu pas célibataire comme moi ? C’est tellement plus simple comme ça ! Pas de peine, pas de déchirures, pas de larmes. Que du bon, en fait !

    Horrifiée par les paroles de son frère, Krystal se tourne pour lui faire face et s’opposer vivement à ce qu’il vient de dire.

    — Qu’est-ce que tu racontes là, Antonin ? C’est bien plus l’fun être en couple ! Et tu es très mal placé pour parler, toi qui ne restes jamais seul bien longtemps. Je crois que tu es le gai le plus en demande que je connaisse ! En plus, quand on est tout seul, c’est difficile d’avoir du bon sexe…

    Le bédéiste balaie nonchalamment l’air de sa main droite avant de répondre à son tour.

    — T’inquiète pas pour moi, ma chère, je me débrouille plutôt bien de ce côté-là ! fait-il en gratifiant la belle artiste d’un sourire enjôleur. Bon, ma tendre Morgane, je crois que tu vas avoir besoin de notre aide pour dénicher le candidat idéal. Krystal, qu’en penses-tu ?

    Les yeux de cette dernière s’illuminent d’un éclat malicieux, elle qui a en tête une idée qu’elle croit géniale.

    — Oh que oui !

    Rapidement, elle se lance à la recherche de l’ordinateur portable de sa sœur en fouillant partout pour le dénicher. Plutôt inquiète de la suite des événements, la principale intéressée la rejoint dans sa chambre à coucher, bien décidée à tout mettre sens dessus dessous tant qu’elle n’aura pas trouvé l’objet tant convoité. Heureusement, après à peine plus d’une minute, Krystal sort la tête de sous les couvertures, ordinateur en main.

    — Enfin, je l’ai trouvé ! Tu peux me dire ce qu’il faisait sous ton affreuse douillette bariolée ?

    Exaspérée, Morgane émet un long et bruyant soupir en haussant les épaules.

    — Krystal, ce serait bien que tu arrêtes de tout critiquer chez moi. Ce n’est pas parce que je ne suis pas une fanatique de mode et de décoration intérieure comme toi que mes choses méritent d’être rabaissées ainsi ! C’est insultant à la fin !

    Repentante, la belle artiste bondit hors du lit et fait mine de replacer amoureusement la couverture.

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