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Le village – 1914 : Des sentiers vicinaux au Chemin des Dames
Le village – 1914 : Des sentiers vicinaux au Chemin des Dames
Le village – 1914 : Des sentiers vicinaux au Chemin des Dames
Livre électronique210 pages2 heures

Le village – 1914 : Des sentiers vicinaux au Chemin des Dames

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À propos de ce livre électronique

Dans cette région reculée du Piémont Pyrénéen, la vie s’écoule simplement, respectueuse d’un ordre séculier en ce début de siècle. Tandis que le mécanisme de l’horloge à poids marque la 8ème heure du jour, le tocsin sonne à coups pressés au clocher de l’église. 1914, Mesplède, petit village béarnais s’embrase. Avec la précision d’un observatoire économique et social de la France rurale de l’époque, le récit nous livre l’existence de ces hommes, résignés à leur sort mais profondément vivants. En se jouant de l’alternance des combats menés sur le front et de la misère sévissant à l’arrière, le narrateur nous entraîne dans le tourbillon infernal de la Grande Guerre, dans le sillage de quatre jeunes amis mobilisés. En marge du drame qui se noue, la relation viscérale liant le paysan à la terre est dépeinte sous le masque d’un laboureur à la cupidité avide, faisant son lit dans la tragédie d’une noblesse rurale désargentée. Empreint d’authenticité et de sensibilité à cette terre de Béarn, le récit captivant a la force de la conviction. Dans le reflet bleuté des montagnes et les parfums champêtres du Jer, l’écriture se révèle limpide et musicale.
LangueFrançais
ÉditeurLes Éditions du Net
Date de sortie22 déc. 2015
ISBN9782312002583
Le village – 1914 : Des sentiers vicinaux au Chemin des Dames

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    Aperçu du livre

    Le village – 1914 - Philippe Gassiot

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    Le Village – 1914

    Philippe Gassiot

    Le Village – 1914

    Des sentiers vicinaux au Chemin des Dames

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2015

    ISBN : 978-2-312-00258-3

    Hommage

    Elle était née Comtesse, la Grande Guerre lui aura tout pris, son mari, son honneur, seule la providence et un brin d’audace mettront un terme à son calvaire.

    A Joseph Fesantieu, le grand-père de mon épouse,

    A Jean-Marie Gassiot, mon grand-père,

    A Oscar Dartiguelongue,

    A Romain-Adrien Dubourdieu,

    A eux tous, oubliés de la nation, partis sans drapeau rejoindre leurs frères d’armes.

    PG

    Avant-Propos

    Cette région du Piémont Pyrénéen connaît les derniers instants de bonheur d’un siècle encore naissant. Profondément ancrée dans la tradition paysanne, la vie s’y écoule simplement, respectueuse d’un ordre séculier. Les saisons y rythment le grand ballet des campagnes au théâtre de la nature. Soudain l’orage tonne à nos frontières de l’Est. Mesplède, petit village lové sur une ligne de crête n’échappe pas à la furie des éléments. La foudre, au cœur de l’été, s’abat.

    Inexpérimentés, ignorant les rudiments de l’art militaire, nos béarnais vont faire face et se rendre massivement sur le front. Dans le sillage des enfants du village dépêchés aux confins du pays, le lecteur va appréhender la différence de préparation opposant les deux armées en présence. Nos généraux rêvent encore d’Empire, de manœuvres d’ampleur et d’uniformes flamboyants, tandis que le soldat Allemand a déjà entamé sa longue mutation vers la professionnalisation.

    Tel un observatoire économique et social de la France rurale en ce début de XXe siècle, le récit nous livre l’existence de ces paysans, résignés à leur sort mais profondément vivants. En se jouant de l’alternance des combats menés sur le front et de la misère qui sévit à l’arrière, le narrateur nous entraîne dans le tourbillon infernal de la guerre, dans tout ce qu’elle peut recéler de plus sordide.

    En marge du drame qui se noue, la relation viscérale, liant le paysan à la terre est dépeinte sous le masque d’un laboureur à la cupidité avide. Faisant son lit dans la tragédie d’une noblesse rurale désargentée, ce travailleur de force va connaître une ascension fulgurante dans les fumeroles d’une lutte sociale désuète.

    Ordre de mobilisation générale

    Dimanche 02 Août 1914, le tocsin sonne à toute volée à Mesplède, petit village blotti dans les premiers ressauts du Béarn. Il est 08H10 à l’horloge de l’église mais depuis plus d’une heure, toute la population accourt et la place du village s’emplit. C’est une belle journée qui s’annonce. Les rais de lumière qui transpercent l’épaisse chevelure des marronniers laissent augurer de bonnes moissons à venir. La cohue gagne peu à peu le cœur du village à la manière d’un jour de foire. La Carrère, rue principale établie sur la ligne de crête, est le siège du manège des voitures hippomobiles. Elles débouchent péniblement, à la file indienne, au sommet de la côte de chez Lapeyre pour déverser leur flot de passagers devant l’église puis repartent en direction de la place de la mairie pour y stationner. Par le Sud l’on vient à pied. Déjà une légère brume bleutée s’élève de la plaine en contrebas, du côté de Sault-de-Navailles. Le tocsin ? La mobilisation générale ? Que cela signifie-t-il ? Vont-ils nous prendre nos maris et nos enfants pour châtier le Teuton ? Ici, dans ce coin de pays, l’on naît paysan ou artisan mais il n’y a pas de soldat. Il existe bien cet Hector Berthaud, un original, capitaine d’aviation dit-on, une espèce de casse-cou qui pratique le vol en aéroplane. Une fois il est passé sur le village en agitant la main dans son étrange machine faite de bois et de toile. Il volait à saute-moutons par dessus les arbres. Il est marié à la Comtesse, murmure-t-on ici avec une pointe d’ironie, Hermance de Beauregard. Une nobliaude désargentée, à laquelle la révolution en a bien rabattu. Il lui reste le château et quelques terres mais sans ce mariage de raison, cela ferait bien longtemps qu’elle serait sur la paille ou aurait tout croqué. Quoiqu’il en soit, ces gens ne se mélangent pas aux villageois et quelque part tant mieux car l’on n’a pas grand-chose à leur dire.

    Ici, la dernière expérience militaire fut la bataille d’Orthez. Elle eut lieu un siècle auparavant, le 27 février 1814. S’inscrivant dans la retraite de l’Armée d’Espagne, ce combat se solda par une défaite napoléonienne. Au soir de la bataille, les troupes françaises, remarquablement organisées, se retirèrent d’Orthez par la route Nord, en direction de Saint-Sever, dans cette plaine aujourd’hui baignée de lumière. Très rapidement débordée par la puissance et le nombre de soldats anglais, la retraite se transforma en fuite effrénée vers Sault-de-Navailles où les sapeurs ne parvinrent à faire sauter le pont de bois enjambant le Luy de Béarn. Ce fut alors le signal de l’hallali. L’intelligence de Wellington associée à la bravoure de Lord Somerset eurent raison des manœuvres de Soult et Harispe. Les conscrits du pays, pour la plupart, morts, blessés ou en fuite ne revinrent pas. Les prisonniers furent acheminés sur les pontons où la grande majorité périt. Ce pays exsangue, épuisé par les levées en masse de recrues de plus en plus jeunes, tarda à se relever. Il n’y avait plus de bras pour la terre, l’économie fut mise à mal, la friche envahit les cultures. Durant quelques temps, les filles furent prénommées « Marie-Louise » en souvenir de ces fils partis trop tôt aux armées et jamais revenus, puis cela s’estompa. Le temps fit son œuvre.

    De 1870, seul persistait le sentiment de vengeance pour l’annexion de l’Alsace et la Lorraine, perdues. Ces deux pays qui étaient nôtres. Mais ici, le sang n’avait point coulé.

    Une pierre gravée, scellée dans le muret de l’ancien cimetière rappelle encore aujourd’hui les combats violents ayant opposé les paysans à l’occupant anglais en Août 1442.

    Voilà exposés les seuls liens de Mesplède aux armées de la France et à la guerre.

    En ce Dimanche matin, chacun y allait de son commentaire. Les paysans continuaient à arriver, se dirigeant naturellement vers la forge du vieux Damien Pédebosc, ouvrant sur le porche de l’église. La guerre est une affaire d’hommes et toutes ces femmes qui cancanaient sur la placette auraient été inspirées de céder leur place à ceux qui savaient, j’entends par-là, les hommes. La cloche continuait à sonner inlassablement, les plus gaillards relevant régulièrement le bedeau.

    Ce n’était un secret pour personne. Depuis la veille, Monsieur le Préfet des Basses-Pyrénées avait fait acheminer vers Orthez, le chef-lieu, l’avis à placarder dès le lendemain, portant « Ordre de mobilisation générale ». Qui allait partir ? Quand ? Pour combien de temps ? Les autres pays, plus proches de la frontière allemande ne pouvaient-ils pas s’y rendre sans nous, au moins pour débuter les combats, le temps des moissons ? L’instituteur Alexandre Castagnous était arrivé dans un costume sombre, l’air grave, engoncé dans son rôle de « Hussard noir de la République » comme les appellera plus tard Charles Péguy. Le savoir étant rare en ces temps, il comptait ses mots, réservant la finesse de son analyse pour plus tard dans la journée, protocole oblige. En compagnie du Docteur Bonaventure, il s’était rapproché de Fernand qui, en plus de son métier de maréchal-ferrant, occupait la fonction de garde-champêtre et actuellement la plus haute marche conduisant au porche. Monsieur le Maire parvint de la mairie, ceint de son écharpe tricolore, d’un pas pressé, rajoutant à la solennité de l’instant. Amédée Diogène, c’était son nom, avait le teint cramoisi un peu par l’effort, un peu par l’émotion et beaucoup par la bonne chère. Les éclats de voix qui avaient envahi les lieux diminuèrent pour se fondre en un sourd chuchotement. La foule se fendit devant lui et il gagna prestement la dernière marche du porche. Il avait forcit avec ses responsabilités et son costume paraissait étriqué. On héla le sonneur. Le marteau vint battre encore deux fois, puis hésita en un long gémissement qui déclencha des hurlements de chiens. Enfin le tocsin se tut pour laisser place à un roulement de tambour. Fernand aimait cela. Un avis de Monsieur le Maire, un rappel à la population ou aux braconniers, il n’avait pas d’égal pour faire vibrer la peau de son tambour. Casquette vissée sur la tête, il s’immobilisa. Un chien, encore à portée de sabots, s’éloigna de la foule dans des aboiements aigus de douleur.

    D’un ton grave, Monsieur le Maire fit lecture du placard confirmant la Mobilisation Générale à compter de ce jour, Dimanche 02 Août 1914. Sa verve naturelle l’inclina à commenter l’événement. Ainsi l’assassinat de l’archiduc d’Autriche François Ferdinand et de son épouse Sophie à Sarajevo fut retracé, puis la Triplice et enfin la mort de Jaurès. Les personnes concernées étaient tous les hommes âgés de 20 à 45 ans, déclarées aptes par le Médecin-major des Armées lors du Conseil de Révision. L’on ignorait encore que la mobilisation porterait l’âge du recrutement à 48 ans dans quelques mois. Toutes les familles étaient concernées. Chaque ferme, chaque maison abritait en son sein un homme de cette tranche d’âge. Pour l’heure, mobilisation ne signifiait pas entrée en guerre mais il fallait s’y préparer. Les premiers jeunes hommes à partir seraient les conscrits de l’année puis viendraient les autres classes. L’heure était grave. La vengeance avait sonné. En fait, il ne faudra pas attendre très longtemps : le 03 Août l’Allemagne nous déclarera la guerre. La voix d’Amédée Diogène disparaissait, submergée par la lame de fond qui remontait de la place. Il fit donner du tambour une dernière fois et le tocsin reprit. La place ne désemplit pas, la population migrant simplement vers l’auberge du Barricot, tenue par un certain Tounet.

    Les conversations allaient bon train. On fit et refit les comptes. On rappela Monsieur le Maire pour se faire confirmer l’ordre de rappel sous les drapeaux. Dans toutes les têtes régnait la confusion. Dans ce petit village, quatre hommes étaient partis au service militaire. Le temps des obligations était alors établi à trois ans. Il s’agissait de Jean Tounet, fils de l’aubergiste, incorporé en 1912 puis Emilien Testemale, Aristide Capdepont et Georges Cauhapey partis l’année suivante. Certainement seraient-ils réquisitionnés en priorité pour faire barrage à l’Allemand, en cas de besoin. On les savait tous fantassins dans le 18e Corps d’Armée de Bordeaux. Vingt-sept hommes étaient éligibles à la mobilisation exceptionnelle. Quatre très jeunes rejoindraient le front probablement assez rapidement, Joseph Fesantieu, Albert Ducasse, Beñat Irrigoyhen de chez les basques et Oscar Darigrand. A peine auraient-ils 20 ans dans l’année. Ils avaient été déclarés « bons pour le service » par le Médecin-major des Armées en avril dernier lors du Conseil de Révision. La visite médicale avait eu lieu selon les instructions du Ministère de la Guerre dans le bâtiment de l’école communale des garçons. A ceux-là, il fallait en ajouter vingt-trois, plus âgés, mariés pour la plupart, actuellement versés en réserve de l’Armée d’active, exceptés Canguilhem, Pelloy et Capsuzat relégués dans la Territoriale en raison de leur âge avancé. Le village comptait uniquement 162 âmes. Les hommes burent des petits coups de vin blanc, en grand nombre. Le blanc d’ici, pas de la grande récolte mais bon pour vous réchauffer le cœur et vous mettre le feu au pantalon. La fière cité de Monein, célèbre pour son Jurançon moelleux, au goût avéré de pierre à fusil, n’est qu’à une quinzaine de kilomètres à vol d’oiseau. Mais, ici, l’automne ne suffit pas à conférer ses lettres de noblesse à la vigne, quand bien même la couvre-t-il de vermeil. A mesure que l’ivresse gagnait les têtes, infliger une correction aux Teutons devenait un impérieux besoin, une évidence. Les verres quittaient le comptoir en une longue procession vers la place puis revenaient vides, parfois tombaient-ils au sol, sur cette terre béarnaise, lourde, riche qui buvait les dernières gouttes de suc comme les terres d’Argonne, de Champagne et de Somme absorberaient, bientôt, le sang de ses fils. Les femmes se mêlaient à la conversation, moins enthousiastes. L’instinct maternel les inclinait à une passion modérée pour la revanche. Elles jetaient des coups d’œil furtifs, à la dérobée, sur leurs petits. Et leurs hommes… ces gaillards savaient manier la faux ou le brabant, attraper le lièvre au lacet ou la palombe au filet mais face au Teuton, que deviendraient-ils ? Faisait-il froid là-bas ? Que mangeraient-ils ? Et la lessive, qui leur ferait la lessive ? Le Boche était-il toujours un combattant aguerri ? On se souvenait malgré tout avoir pris une raclée en 70. Certaines regardaient déjà du coté de Silvère Baunemet, ajourné quant à lui, en Commission de Réforme, il y a quatre ans, au motif qu’il avait les pieds plats. S’il avait bénéficié d’une telle mesure, peut-être d’autres pourraient-ils en profiter. Elles se souvenaient des moqueries essuyées par le conscrit à son retour de la caserne de Pau, l’exemption étant vécue comme une honte. « Cap-Pellat » comme on le surnommait car il présentait une calvitie avancée malgré son jeune âge, s’était un peu désocialisé. Il était malin le cuistre, comme son père. Avare, fourbe, dur en affaire, il avait en permanence une rancœur contre la vie. On disait de lui qu’il était franc comme un Pottock qui recule, par comparaison au caractère ombrageux de ce petit cheval basque. Il possédait des terres du côté exposé aux Pyrénées, là où la pente se charge de cailloux. Pour autant, son avidité le poussait à proposer ses services à chacun lorsque venait le temps des grands travaux. Cet altruisme n’avait pour socle la philanthropie, puisant sa motivation dans la cupidité. Sans bruit, il prospérait.

    Le soleil tendait au zénith, la place tournait dans les têtes alors Ferdinand Brousticot, le facteur à vélocipède, sortit son accordéon. Dans une folle sarabande, les jeunes s’encanaillaient, les plus petits dansant avec leurs aînés. Les conscrits s’enhardissaient, ragaillardis par l’importance qu’ils venaient de prendre, eux, les heureux élus, appelés au sauvetage de la France. Cette ivresse était communicative, à présent les couples mariés esquissaient quelques pas aux accents de l’accordéon. Cette guerre, si elle avait lieu, ne durerait pas longtemps. Le trio de notables, formé du Maire, de l’Instituteur et du Médecin fût rejoint par Monsieur le Curé, directement revenu à pied d’Arthez de Béarn. Cette guerre était inévitable, la question n’était pas de savoir si elle aurait lieu. La question était : Quand aurait-elle lieu ? Quoi qu’il en soit, elle ne serait pas longue, fort heureusement car les moissons n’attendraient pas et les plus experts connaissaient l’existence des permissions de moissons accordées aux soldats paysans. Ernest Testegute n’en avait-il pas bénéficié il y a deux ans, juste avant les orages qui s’abattirent avec violence sur le canton ? fit remarquer fort justement le Docteur Bonaventure. Simplement, nul n’imaginait à cet instant que toute la paysannerie se donnerait rendez-vous sur le front à la même heure. Alexandre Castagnous, dans un cours de géographie improvisé à la hâte, rappela le contour de nos frontières, définit les Balkans où il

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