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Guy Chatiliez - La force généreuse
Guy Chatiliez - La force généreuse
Guy Chatiliez - La force généreuse
Livre électronique535 pages6 heures

Guy Chatiliez - La force généreuse

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À propos de ce livre électronique

Lors de la campagne des élections législatives de mars 1978, Maurice Decroix, journaliste à Nord Éclair utilisa, concernant Guy Chatiliez, l’expression « Force tranquille ». Trois ans plus tard, un célèbre publicitaire en fit le slogan de la campagne présidentielle victorieuse de François Mitterrand…
Pourtant, plus que la « tranquillité », c’est la « générosité » qui caractérise la personnalité de celui qui fut maire de Tourcoing de mars 1977 à juillet 1979 après plus de trente ans d’engagement au service des plus démunis.
On connaît le candidat d’abord social-chrétien avant d’être socialiste, l’élu, aussi « opiniâtre que chaleureux »…
Sans doute fallait-il également faire revivre le petit garçon découvrant l’alpage de ses grands-parents maternels, le jeune jociste d’avant-guerre, le « déporté du travail » STO incarcéré pour faits de résistance en Allemagne, le journaliste de terrain, le militant de la lutte contre la lèpre, le citoyen du monde que fut Guy Chatiliez. De même que l’homme qui se battit jusqu’au bout de ses forces contre la maladie qui l’emporta finalement à 56 ans.
C’est chose faite avec cette biographie, à mi-chemin entre le récit d’une existence et le reflet des époques vécues par Guy Chatiliez, fondée notamment sur les témoignages de ceux qui ont connu l’homme dans toutes ses dimensions (familiales aussi bien que publiques)
Il ressort de ce parcours de vie l’image d’un homme droit, juste, engagé, exigeant, profondément humain. Une « force généreuse »
LangueFrançais
Date de sortie9 mars 2016
ISBN9782312042374
Guy Chatiliez - La force généreuse

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    Aperçu du livre

    Guy Chatiliez - La force généreuse - Jean-François Roussel

    Balduyck

    Remerciements

    J’exprime ma gratitude à celles et ceux sans qui cet ouvrage n’aurait pu exister.

    Et tout d’abord, à son « parrain » : Jean-Pierre Balduyck, qui n’hésita pas une seconde à croire en ce projet et à lui apporter sa caution enthousiaste tout autant que sa contribution essentielle.

    Dans un ordre alphabétique, cher aux candidats du PSU aux municipales de 1971 (plaisanterie bienveillante et amicale), je remercie avec chaleur celles et ceux qui m’ont transmis leur témoignage sur « le » Guy qu’ils ont connu. Sans leur apport, ce livre n’aurait eu de source que documentaire. La dimension humaine, si chère à Guy Chatiliez, en eut sévèrement pâti.

    – Patrick Bernard, Conseiller municipal (1979-1983)

    – Mauricette Blondeau, Secrétaire de Guy Chatiliez en mairie

    – Christian Cassette, Journaliste et chef d’édition à Nord Éclair

    – Guy Chatiliez, Fils de Guy Chatiliez

    – Patrick Chatiliez, Fils de Guy Chatiliez

    – Annie et Pierre Chatiliez, Belle-sœur et frère de Guy Chatiliez

    – Jean Clame, Directeur de cabinet de Guy Chatiliez

    – André Dailly, Conseiller municipal puis Adjoint au maire de Tourcoing (1977-1983)

    – Michel Deblauwe, Adjoint au maire de Tourcoing (1977-1983)

    – Maurice Decroix, Journaliste à Nord Éclair

    – Bernard Delebecque, Adjoint puis Premier Adjoint au maire de Tourcoing (1977-1983)

    – Francis Deremaux, Conseiller municipal (1977-1983)

    – Jean-Pierre Desquiens, Adjoint au maire de Tourcoing (1977-1983)

    – Maurice Devloo, Premier adjoint puis maire de Tourcoing (1979-1983)

    – Alain Faugaret, Maire de Wattrelos (depuis 1971)

    – Jean-Pierre Kucheida, Conseiller Régional (1974-1983)

    – Christian Maes, Adjoint au maire de Tourcoing (1977-1983)

    – Rémi Mogenet, Membre associé de l’Académie de Savoie

    – Christian Odoux, Adjoint au maire de Tourcoing (1977-1983)

    – Marie-Agnès et Joël Prouvost, Fonctionnaire territoriale et Chauffeur de Guy Chatiliez en mairie (1977-1979)

    – Jocelyne Samyn-Chatiliez, Fille de Guy Chatiliez

    NB : les mandats électifs attribués à certaines personnes mentionnées ne concernent que la période touchant le mandat municipal de Guy Chatiliez (1977-1979) et de la municipalité jusque 1983.

    Mes remerciements s’adressent également à celles et ceux qui m’ont apporté avec professionnalisme (et patience !) un appui logistique et méthodologique essentiel :

    – le service des archives municipales de Tourcoing

    – le service des archives nationales

    – l’Institut du monde du travail de Roubaix

    – le personnel de la médiathèque de Tourcoing

    – … Et encore une fois, Jean-Pierre Desquiens, véritable archiviste amateur, disposant d’une impressionnante collection de journaux, lettres, notes, tracts, etc. rigoureusement classés et qu’il a mis généreusement à ma disposition

    Mille mercis aux proches qui m’ont rendu le précieux service de relire avec vigilance le manuscrit et me faire part de leurs observations

    Je souhaite enfin adresser mes plus affectueuses pensées à la famille de Guy Chatiliez, dont chacun des membres que j’ai eu le plaisir de rencontrer d’une façon ou d’une autre, a su me communiquer informations, documents et surtout l’âme de la relation vécue avec un père ou un frère… Ces témoignages m’ont aidé à donner vie au récit de l’existence d’un homme de chair et de sang.

    Préface

    Guy Chatiliez

    Un idéal toujours efficace

    Le choix déterminant

    Au printemps 1974, Michel Rocard propose aux militants du Parti Socialiste Unifié (P. S. U.) de rejoindre le Nouveau Parti Socialiste. Par l’impulsion de François Mitterrand et de Pierre Mauroy, la S. F. I. O. change de nom, se modernise, communique, s’ancre dans l’Union de la Gauche.

    Les « Assises du Socialisme » relèvent le challenge de fusionner un grand parti de masse avec une formation bien plus modeste en nombre et surtout en élus. Cependant, le P. S. U se composait de militantes et de militants formés, idéalistes, engagés dans l’action syndicale et associative.

    Parmi d’autres, ceux nommés « Chrétiens de Gauche » militent heureux et efficaces dans l’idéalisme incarné par Michel Rocard. Notre génération refusait les guerres coloniales, défrichait l’autogestion, s’inspirait de la laïcité et concevait l’implication des citoyens dans les choix de gestion.

    Pierre Mauroy, plus que François Mitterrand, mettra toute son énergie pour l’accueil de ces « puristes ». De ce jour, nous sommes toujours labellisés « Rocardiens ». Une référence.

    Guy Chatiliez influence le vote local

    La section P. S. U. de Roncq-Tourcoing va donc voter pour ou contre le rapprochement avec le Parti Socialiste issu du Congrès d’Epinay. Nous sommes une cinquantaine d’adhérents capables de débattre avec qualité, respect, et toujours au complet pour distribuer nos tracts et coller proprement nos affiches.

    Le résultat du vote s’analyse sans contestation. Une très large majorité se prononce pour adopter la démarche. Je partage avec Louis Willemetz, militant ouvrier reconnu, le choix de garder le P. S. U. autonome, unitaire, mais garant d’une politique plus à gauche et moderne, ce qui est compatible.

    Bien entendu, la personnalité de Guy Chatiliez favorise largement ce vote massivement favorable. Á Tourcoing, le leader socialiste vivait notre conception de l’engagement citoyen. Partisan du non-cumul, de la concertation, de la parité, chrétien laïque, Guy avait trois années d’avance sur notre choix. Son action bénéficiait du soutien d’Alain Faugaret, maire de Wattrelos et du « prophète » Pierre Mauroy. Dans leur conception, l’élu est un exemple, un militant qui s’interdit tout éloignement et veille à mériter le respect.

    André Diligent aimait me parler de Guy Chatiliez. Il m’apprit que Maurice Schumann et lui-même approuvaient le choix de Guy, mais que pour eux l’Union avec le Parti Communiste arrivait trop vite pour leur génération chrétienne. André Diligent vivait toutefois complicité et respect réciproque avec Émile Duhamel grande figure du communisme Roubaisien.

    Le Maire Militant

    Proche de Guy, je ne constate aucun changement de sa personnalité entre 1974 et 1979. Son élection comme maire de Tourcoing ne modifie en rien sa dimension militante. Sa gentillesse visible ne nuisait pas à sa fermeté courtoise. En politique, comme dans d’autres domaines, la correction ne véhicule pas la faiblesse.

    Aucun aspect de son bilan ne m’étonne : respect des fonctionnaires, reconnaissance de l’opposition, proximité avec les citoyens, travail collectif avec les élus. Á sa demande, je renonce à être sur la liste aux municipales de 1977. Il me charge, en revanche, d’animer une section socialiste indépendante de la gestion municipale avec un Premier Secrétaire indiscutable pour cette ambition. Vous aurez du mal, en 2016, à me citer d’autres exemples.

    Comment, de nos jours, passer sous silence son opposition viscérale au racisme, à toute atteinte de la dignité humaine ?

    Il aimait Tourcoing au point de vouloir servir sa ville comme maire non sectaire. Des années de vie politique furent consacrées à cette grande ambition.

    Sa santé ne lui accordera réellement que douze mois de force pour gérer. Au cours de l’été 1979, Guy Chatiliez perd son rude combat contre le cancer. Á l’issue d’une année de lutte et, sans aucun doute, de souffrances physiques et morales.

    Je pense souvent à 1983

    J’imagine Guy Chatiliez se représentant, avec son équipe, devant les électrices et les électeurs. Quelle usure du pouvoir après six ans de mandat ?

    Je le vois populaire, respecté, leader incontesté de la gauche, marginalisant les listes de division. Sa gestion aurait façonné une ville capable de réduire les inégalités, de s’opposer au racisme.

    Je le vois sans précaution contre les égoïstes, ceux qui excluent par idéologie.

    Il aurait eu grand besoin de sa formidable pratique d’écoute, de son efficace communication. Éviter le rejet du politique qui fait le lit des extrémistes. Ceux qui perdent leur espérance, écrasés par la misère et le chômage, pensent que les Partis Politiques et leurs élus ne servent à rien, pire que la corruption les touche.

    J’ose affirmer que la République ne vit pas bien de nos jours. La gauche qui gère peut prendre le bilan de Guy Chatiliez comme un repère pour éclairer le chemin de notre responsabilité.

    Je crois que Guy aurait limité dans le temps son investissement d’élu. Militer à la base était pour lui une issue honorable après un parcours de gestion.

    Le livre : un apport judicieux pour l’avenir

    Jean-François Roussel témoigne, avec précision, de l’impact de Guy Chatiliez quand, adolescent, il s’engage dans l’idéalisme d’un chemin politique. Son texte évite une injustice et éclaire l’avenir.

    Vous jugerez comme moi qu’il serait scandaleux qu’un mandat bref éliminât un maire de la liste de ceux qui ont compté à Tourcoing. L’impact humain ne se mesure pas en temps accumulé.

    Où vivent, de nos jours, les jeunes, les adultes qui, généreux, idéalistes rejoindraient le chemin politique si nous étions attractifs ? Serait-il impossible de vivre dans des partis qui respirent l’amitié, la solidarité, mènent des débats de qualité pour la gestion humaine de notre avenir ?

    Il existe aujourd’hui des « Guy Chatiliez en devenir ». Ne laissons pas la politique en dehors de leur espérance d’action.

    Ses valeurs républicaines sont à éclairer, car elles meurent dans la crise, la recherche du bouc émissaire, et le rejet du politique et des élus.

    Jean-Pierre Balduyck

    Maire de Tourcoing de 1989 à 2008

    Député du Nord 1988-1993 ; 1997-2002

    Conseiller général de 1979 à 1985

    Février 2016

    Avant-Propos

    Je me souviens de cette soirée du dimanche 20 mars 1977. Dans le centre-ville de Tourcoing, aux alentours de la mairie, un air de fête, plus que cela, d’allégresse, plane sur le jour tombant. Incrédules et joyeux, des militants, des responsables politiques locaux et des habitants se massent dans le grand hall de l’Hôtel de Ville, attendant la confirmation de la rumeur : l’Union de la gauche remporterait les élections municipales, même ici dans cette commune de droite réputée imprenable. Une vague rose et rouge, celle du « Programme commun », balaie en effet la France en ce printemps 1977 : 155 des 221 villes de plus de 30 000 habitants sont enlevées par la gauche. La crise dure, le giscardisme lasse ; le pays est séduit par la perspective de « changer la vie ». À Tourcoing, les visages incarnant cette promesse et cette espérance sont ceux de Guy Chatiliez pour le Parti Socialiste et de Jacques Coru pour le Parti Communiste Français. Ce sont eux, justement, que la foule acclame après l’annonce des résultats. Une photo de Nord Éclair immortalise un Guy Chatiliez levant les bras de la victoire dans une attitude extravertie que l’on reverra peu. Les jours qui suivent, beaucoup ont le sentiment teinté de fierté, que le grand bâtiment au style un peu lourd, occupé par les partis de droite depuis 1959 est enfin devenu leur « maison » et que c’est bien l’un des leurs qui est aux commandes. Un air de fête que la « résurrection » de la « Franche Foire », fête populaire aux racines profondes, symbolisera et incarnera en mai, dès le premier mandat de la nouvelle municipalité.

    Je me souviens également de cette matinée du 2 août 1979. Ce jour-là, les Tourquennois accompagnent leur maire en cortège depuis l’église Saint Thomas de la ZUP de la Bourgogne où il vivait, jusqu’à l’église Saint Joseph de la Croix Rouge. Après la cérémonie religieuse, ils reprennent leur marche vers le cimetière. Guy Chatiliez n’avait que 56 ans. Et ils le pleurent, car en seulement deux ans de mandat, Guy Chatiliez a su faire apprécier sa personnalité, alliage de rigueur et de simplicité, et donner un sens à l’action de son équipe municipale. Une préfiguration à l’échelon local de ce que pourrait être une politique de gauche au niveau national.

    Triste période que cette fin de décennie. La rupture de l’Union de la gauche, au niveau national, a provoqué l’échec aux élections législatives de mars 1978, pourtant annoncées « imperdables »… Les socialistes se déchirent, depuis, entre rocardiens et mitterrandiens : les élections présidentielles de 1981 se profilent sous de mauvais auspices… Et à Tourcoing, ceux que Guy Chatiliez avait su rassembler derrière lui – les militants de longue date du Nouveau Parti Socialiste, comme les jeunes recrues du PSU – se disputent violemment sa succession.

    Le temps tamise les souvenirs. Les joies comme les peines sont rabotées par la vie ; elles perdent de leur sensibilité, de leurs couleurs et de leurs parfums. Quarante années se sont écoulées depuis ces deux moments d’un passé à la fois lointain et proche. Le moment est donc venu de rafraîchir la mémoire ; comme le fut justement et à plusieurs reprises, la façade de cette mairie de Tourcoing noircie par la poussière du temps…

    C’est à l’homme Guy Chatiliez que je voulais consacrer ce livre en donnant la parole à celles et ceux qui l’ont connu : proches, familiers, camarades, collaborateurs, alliés ou adversaires ; à ceux pour qui il était aussi un ami, un parent, un collègue. Car si la mémoire de Guy Chatiliez est honorée du nom d’un hôpital et d’une galerie d’art, il restait m’a-t-il semblé, à interroger les témoins ; à visiter et mettre à jour à travers leurs souvenirs, les passions de l’homme qu’il fut, nourrissant ses idées et inspirant ses actions ; celles d’un honnête homme, journaliste, militant, candidat, élu, amoureux des alpages, méritant d’être connu par celles et ceux qui ne savent pas ou plus qui il fut ; à revivifier, enfin, l’héritage qu’il a légué. Un Guy Chatiliez bien vivant parmi nous.

    Telle est l’ambition de ce livre.

    Préambule

    « Tout commence »

    Séance d’installation du conseil municipal du 26 mars 1977

    « Une foule enthousiaste »

    Le samedi 26 mars 1977, en fin d’après-midi, moins d’une semaine après le second tour des élections municipales victorieuses pour la liste d’Union de la gauche, le grand hall d’honneur de la mairie de Tourcoing a été aménagé pour la séance d’installation de la nouvelle municipalité. Un millier de personnes – « une foule enthousiaste » titre Nord Éclair – a pris possession des lieux. Des femmes, des hommes, certains âgés, se pressent debout pour accompagner leurs nouveaux élus. Ils sont aussi dans les galeries et les balcons du premier et du second étage. Une estrade a été montée pour accueillir le nouveau conseil municipal : 41 membres, tous issus de la même majorité de gauche comme le veut la loi électorale de l’époque, accordant la totalité des sièges à la liste victorieuse. Au pied de l’estrade, on aperçoit de jeunes enfants riant, les yeux grands ouverts, parfois dans les bras de leurs parents. Partout, règne une atmosphère de « joyeuse kermesse ». Le silence s’installe toutefois lorsque le secrétaire général de la mairie, Jean Lenoir, prend la parole. Il appelle un à un les 40 élus présents. Chaque nom est accueilli par des applaudissements chaleureux. Gaston Villebasse, doyen de l’assemblée, seul rescapé de la dernière municipalité socialiste, 18 ans plus tôt, rend hommage aux pionniers de la gauche à Tourcoing ayant pour noms : Inghels, Paris, Devos, Debesson, Lallemand, Lecres. Puis, il se tourne vers Guy Chatiliez qu’il salue comme l’« artisan de la victoire » à la tête d’une « nouvelle génération d’hommes et de femmes ». Instant solennel, Guy Chatiliez est élu maire par les conseillers municipaux unanimes et proclamé tel sous une immense ovation suivie d’une Marseillaise. Gaston Villebasse lui passe l’écharpe et lui cède la présidence. Des enfants lui apportent des jonquilles tandis qu’on offre un bouquet de roses rouges à Jacqueline Chatiliez que son mari embrasse. Puis, le nouveau maire de Tourcoing prend la parole.

    « L’aspiration à un socialisme de la liberté et de la responsabilité »

    Il est des moments de grâce collective qui sont aussi des instants révélateurs d’une personnalité. Celle-ci, par des gestes et des mots, signifie alors l’essentiel de ce qui l’habite tout en incarnant l’élan commun. François Mitterrand l’avait bien compris, qui déposa ses roses au Panthéon le jour de son investiture. Alors qu’il s’apprête à prendre la parole pour la première fois en tant que maire, Guy Chatiliez a sans aucun doute conscience que son discours relève de ce type de circonstances. 

    Il souhaite manifestement exprimer ce qui constitue la colonne vertébrale de son engagement politique. La voix qui s’élève alors dans le grand hall de l’Hôtel de Ville de Tourcoing est celle de la force généreuse.

    Que dit cette voix ? D’abord, naturellement, la fierté d’une victoire « si belle et si claire » s’inscrivant dans le « puissant mouvement populaire qui, dans ce pays, traduit l’aspiration des Hommes vers un socialisme de la liberté et de la responsabilité ». Et plus que tout aux yeux du nouveau maire, « la fierté de faire entrer à la direction des affaires de notre cité, une nouvelle génération d’hommes et de femmes, venus du monde du travail dont quelques-uns n’ont pas trente ans ». Puis très vite, la marque de respect au maire sortant, René Lecocq auquel Guy Chatiliez rend hommage pour sa « gentillesse, le courage physique avec lequel, dans l’épreuve qu’a été pour lui la mort récente de sa compagne, il a accompli son mandat jusqu’au bout ». Et d’annoncer la décision du conseil municipal de lui accorder le titre de « Maire honoraire de la Ville de Tourcoing ». Mais le changement de climat politique ne se limite pas à cette décision symbolique. Guy Chatiliez le martèle : « L’arrivée de l’Union de la gauche à la mairie représente une avancée vers l’établissement d’une véritable démocratie locale » en commençant par une libre utilisation des salles municipales par les formations politiques et syndicales et toutes les formes de l’activité culturelle, afin de « voir passer sur notre cité un grand souffle de joie, de fête et de liberté ». Et ce geste fort en direction d’une opposition écartée de toute représentation au sein de l’assemblée municipale « par le jeu d’une loi qui n’est pas la nôtre, qui est une mauvaise loi que nous avons dénoncée » : la mise à disposition d’un local pour y tenir des permanences, de même qu’une représentation dans le cadre des « commissions extra-municipales » qui seront mises en place. Guy Chatiliez anticipe ainsi ce que la gauche au pouvoir national inscrira dans les lois de décentralisation de 1982 et celles qui suivront, relatives à la démocratie locale. Le nouveau maire socialiste veut également « rejeter toutes les exclusions politiques et raciales ». Aux 15 000 Tourquennois venus de l’étranger (Maghreb, Asie ou Amérique du Sud), il adresse son « salut fraternel » en affirmant « je suis aussi leur maire ». Se plaçant sur le terrain économique et social, Guy Chatiliez exprime ses inquiétudes pour l’avenir économique de la ville et, malgré les limites des pouvoirs d’une municipalité, affirme sa volonté de tout faire pour « défendre l’emploi ». Avec vigueur, il dénonce, muni de sa nouvelle légitimité et autorité de premier magistrat, « les opérations de démantèlement industriel décidées dans des états-majors lointains », assurant que « tous les travailleurs comme tous les chômeurs de cette ville trouveront toujours la municipalité de gauche et donc le maire à leurs côtés ». Guy Chatiliez ne veut pourtant pas en rester aux effets de tribune et à ce qu’il qualifie d’« attitude défensive » ; le bâtisseur, l’homme d’action, l’élu qu’il est désormais affirme ainsi son projet de mettre en œuvre, avec les villes voisines de Roubaix et de Wattrelos ainsi que Mouscron et Courtrai, un « plan de développement et de conversion industrielle ». Gérer autrement la ville constitue un autre axe du véritable programme de travail que le maire développe devant une salle attentive mais ponctuant d’applaudissements fréquents et prolongés les points forts de ce que même « La Voix du Nord », journal peu réputé pour sa complaisance envers la gauche, qualifiera de « fort beau discours ». Le maire insiste sur la nécessité de « travailler en liaison étroite avec la population et décentraliser la vie municipale ». Et d’annoncer « le glas de toutes les formes de paternalisme » en direction des plus démunis qui ont d’abord des droits : le droit au logement, le droit à l’emploi, le droit d’être bien éduqué, le droit d’être bien soigné », concluant ce chapitre par cette affirmation aux accents hugoliens : « Chaque homme, chaque femme de cette ville ont droit qu’on n’attente jamais à leur fierté en raison qu’ils n’ont pas été visités par la fortune et la richesse. » Guy Chatiliez évoque donc des droits concrets : être bien soigné et non « une politique de santé publique » ; des droits auxquels les politiques ont la responsabilité de répondre et non de « prendre en considération ». C’est sans doute cette volonté généreuse d’agir, ce sont probablement ces mots simples, directs et fraternels qui suscitent l’adhésion chaleureuse de ceux qui l’écoutent et peut-être aussi l’émotion qui emplit le grand hall de la mairie. Guy Chatiliez incarne alors la gauche en action. La conclusion approche. C’est à présent le patron garant de la cohérence de la nouvelle municipalité qui s’exprime. Il évoque l’esprit d’équipe ayant conduit à la victoire et qui doit se prolonger dans « la plus parfaite cohésion » dans la gestion municipale. Sans oublier de souhaiter au personnel municipal de travailler dans un « très bon climat, détendu, où chacun se sente heureux, dans l’initiative et la responsabilité partagées, de participer à une grande œuvre commune ».

    Oui, vraiment, un très beau discours et combien révélateur de l’homme : le respect de l’autre qu’il soit adversaire, camarade, collaborateur ; la fermeté des convictions ; l’action concrète au service des plus démunis ; le sens du collectif. Guy Chatiliez a inscrit dans son discours d’installation les valeurs fondamentales de ses engagements et de ses combats : politiques certes et depuis plus de vingt ans pour conquérir la mairie ; mais tout autant ceux de l’éducation populaire, de la lutte contre la lèpre, de la solidarité avec les peuples du Tiers-Monde, du travail journalistique. Sans perdre de vue que l’existence humaine déploie sa cohérence et son unité dans toutes ses dimensions publiques et personnelles.

    Racines

    Tourquennois d’adoption

    La famille Chatiliez arrive à Tourcoing en 1927. Guy a cinq ans. Il est né à Trouville en Normandie, le 24 octobre 1922. Tout comme sa sœur aînée, Jeanne en 1921, son frère Georges décédé à neuf mois en 1924 et sa petite sœur Renée qui a vu le jour en 1925. Le petit frère, Pierre, naîtra quant à lui à Mouscron en juillet 1927 alors que les Chatiliez n’ont pas encore trouvé de logement sur Tourcoing. Les parents sont originaires de la Savoie du côté de la mère, Marie (née Duret en 1897), et de la Lorraine pour le père, Pierre, né à Verdun sur Meuse en septembre 1898.

    Marie, la seule de sa fratrie à avoir fait des études, a connu les dures conditions de vie des institutrices de montagne décrites par Guy Chatiliez : « Son premier poste la conduisit au hameau de Bionnassay à 1 313 mètres d’altitude, au pied du glacier du même nom dans le massif du Mont-Blanc. Le hameau était isolé l’hiver de la vallée des Contamines. Elle logeait à l’école dans l’unique pièce, voisine d’un débarras, qui faisait office de morgue lorsque survenait un accident en montagne. » Son père, grand-père maternel de Guy, Jean-Judith, paysan savoyard que nous retrouverons plus loin, exerçait en hiver l’occupation de colporteur dans le domaine de la bijouterie, ce qui le conduisit jusqu’en Lorraine. Il initia au métier l’un de ses neveux, Jean. Celui-ci ouvrit plusieurs commerces de bijouterie dans l’Est de la France, dont il confia la gestion à chacun de ses propres fils : Verdun à Joseph, Briey à Fernand et Chalons sur Marne à Armand.

    La famille Chatiliez a, quant à elle, laissé des traces à Oye Plage dans le Pas-de-Calais. Un « état des services publics de la famille Chatiliez » dans cette ville en atteste. Ainsi, un certain Pierre-François y a été nommé instituteur, fonction exercée jusqu’en mars 1828. Son fils, Pierre-Philippe a pris le relais jusqu’en 1859, puis son neveu Jules jusqu’en 1887. Pierre et Jules furent ensuite « receveurs-buralistes » à partir de 1895. Le père et ses deux fils ont également exercé les fonctions de secrétaire de la mairie d’Oye. Une photo prise en 1934, témoigne du lien maintenu entre la famille de Guy et cette commune du littoral située entre Dunkerque et Calais. Le père de Pierre, grand-père paternel de Guy, se nomme Jules-Félix (ses liens précis avec la famille des instituteurs-receveurs d’Oye Plage restent à établir) ; sa mère, grand-mère paternelle de Guy, a pour nom Mathilde-Marie Robinet.

    Marie Duret et Pierre Chatiliez se sont rencontrés dans l’Est – lieu de convergence des familles Duret et Chatiliez – et se marient le 28 août 1920 à Briey en Meurthe et Moselle. Pierre Chatiliez, le père de Guy, est d’abord monteur électricien et travaille un moment au Havre avant de rejoindre, en tant qu’ingénieur, la Société Breguet à Douai puis la « Société Générale d’Entreprises » implantée rue Jean Jaurès à Flers Breucq (ou Flers-les-Lille), quartier appartenant aujourd’hui à Villeneuve d’Ascq. Bientôt, les Chatiliez s’installent au 148 Chaussée Berthelot sur le nouveau « boulevard industriel » de Tourcoing, dans une maison située face à une grande ferme dont les bâtiments transformés en habitation existent toujours au coin de la rue du Virolois. Les enfants vont à l’école Saint Gabriel de la Croix Rouge. Marie enseigne à l’école Sainte Adèle, boulevard de l’Égalité. En septembre 1933, Guy entre en sixième à l’école Saint Louis de Roubaix. Pierre Chatiliez y est professeur. Son fils collectionne les bons résultats tout au long de sa scolarité s’achevant à l’issue de la classe de seconde. Il est souvent premier de sa classe, au pire quatrième… Ses professeurs observent : « Travaille avec fougue. Plein d’espoir pour l’avenir » ; « Est, et doit être de plus en plus, un chef » (SIC)… Des bémols amusants pourtant : « Le solfège est faible » par exemple… Ou encore : « Facilement râleur » !

    En 1938, Guy s’engage dans l’action collective en adhérant à la JEC (Jeunesse Étudiante Chrétienne) ¹ Il écrit dans le journal de l’école, « Le Trait d’union », rendant compte de l’activité de la « section JEC ». Il évoque ainsi les sujets d’« études », dont celui « si vaste, de la personnalité » : « Chacun s’efforçait de mettre réellement en pratique les conclusions des enquêtes « Éveiller le sens des responsabilités »… ». Il poursuit : « A l’action individuelle, la plus importante, d’où dépend l’avenir de la JEC, se joignirent les manifestations extérieures : meeting à Roubaix, vente du journal, enquête sur la « culture esthétique », messe pour la Paix, distribution d’une pochette pour « la lutte contre le taudis », réunion sur le thème : « Les loisirs et l’épanouissement de notre volonté ». » Et le jeune Guy de conclure : « Mouvement spécialisé d’Action catholique, les jécistes veulent rendre service et en agissant, prendre conscience de leurs responsabilités présentes et futures ».

    En matière d’engagement, Guy dispose d’un exemple familial. Pierre Chatiliez prend en effet des responsabilités dans le mouvement social-chrétien. Syndicaliste à la CFTC, il a contribué en 1927, avec le docteur Delgrange, à la fondation sur Tourcoing du Parti Démocrate Populaire², ancêtre du MRP. Il en sera l’un des candidats aux élections municipales de mai 1935. « C’était un orateur » se souvient son fils Pierre, « et Guy a hérité de ce don. Son rêve était d’être avocat, mais les moyens financiers de la famille ne le permettaient pas ; surtout pendant la période où notre père a été alité ». La vie de Pierre Chatiliez fut longtemps marquée par la souffrance physique. Un jour, il effectue un très mauvais plongeon à la piscine olympique et se brise plusieurs vertèbres lombaires. Il devra rester allongé sur le ventre pendant des semaines, tandis que les aînés des enfants, et tout particulièrement Jeanne, prendront le relais pour subvenir aux besoins de la nombreuse famille. Peut-être faut-il chercher dans cette douleur permanente la cause – ou tout au moins le facteur aggravant – du caractère « rude » de Pierre Chatiliez, selon l’expression de son fils Guy, ou « sévère », d’après sa petite fille Jocelyne.

    Les deux frères – Guy et Pierre – sont, par ailleurs, impliqués dans la vie paroissiale et le patronage qui en assure l’animation familiale. Un jour, l’aîné emmène son cadet à une réunion. À la fin de celle-ci, tandis qu’une discussion entre les « grands » se prolonge, le petit Pierre – onze ans – trempe ses lèvres dans le petit verre de bière qui a été servi… et, y prenant goût, en écluse un second à l’insu de son mentor. Le « petit Pierre » sera, toute sa vie, un peu facétieux…

    Le patriarche savoyard

    La voix de Jean-Judith tonne : « Foutez-moi le camp ! Quand on n’est pas capable d’arriver à l’heure, on ne vient pas faire les foins ! » Guy et son cousin Jean-Claude s’enfuient sous les foudres du grand-père maternel, impressionnant patriarche que le petit fils décrira ainsi dans son livre « Alpage de mon enfance »³ au milieu des années soixante-dix : « Jean-Judith est grand, moustachu, autoritaire et inflexible. Il porte gilet gris et bretelles. Dans la poche intérieure du gilet loge le flacon de gnôle qui ne le quitte jamais. » Face à ce personnage, la grand-mère Adélaïde est « petite, douce, soumise, toujours en éveil afin de prévenir les désirs et les volontés de Jean-Judith ». Pour autant, la « Laïde » sait aussi tenir tête au chef de famille. Guy raconte l’avoir vue se dresser « tel un oiseau de proie de ses montagnes aux aguets », lancer « l’invective comme sa tyrolienne, à la face du grand-père surpris par tant d’audace. Il est arrivé que Jean-Judith batte en retraite ». Dans sa préface de la nouvelle édition du livre de Guy Chatiliez, Rémi Mogenet évoque au sujet de Jean-Judith, « Le patriarche des montagnes, représentant un père de famille à l’antique, dont la force émerveille les enfants et qui, même, dispose de mystérieux pouvoirs : tel un roi, son humeur crée celle des autres, il prévoit le temps qu’il fera en regardant le ciel… » De fait, Guy Chatiliez note : « On vivait au rythme de ses attitudes et de ses humeurs : on riait quand il riait, sinon on ne riait pas … »

    C’est en juin 1929, à six ans, que Guy Chatiliez découvre la « Vallée verte » d’où sa mère est originaire. Il accompagne ses parents avec son petit frère Pierre et ses deux sœurs, Jeanne et Renée. A Annemasse, la famille débarque du train en provenance de Tourcoing. Pour rejoindre Habère-Lullin, berceau de la famille maternelle, les Chatiliez s’entassent dans une camionnette assurant les liaisons avec les villages de la Vallée. Guy Chatiliez prend ainsi conscience de ses racines et s’attache à un « pays » auquel il restera fidèle toute sa vie. Dans ces vallées reculées et à l’époque, presque autarciques, ce qui compte avant tout selon Rémi Mogenet, membre de l’Académie de Savoie, ce sont « les liens familiaux : on forme une société, comme dans les temps bibliques… ». Tout autant qu’une très forte harmonie avec la nature, les animaux, les plantes, les éléments, ainsi qu’une « solidarité sans faille lors des moments difficiles ». Et le préfacier d’en déduire : « Il est clair que Guy Chatiliez a vu là l’origine de son propre idéal de fraternité entre tous les Hommes : le mythe des républiques alpines a pu le frapper en profondeur dès le début de sa vie. » Maurice Devloo, en avril 1980, lors de la cérémonie d’installation officielle du portrait de Guy Chatiliez dans la galerie du premier étage de la mairie de Tourcoing, ne dira pas autre chose : « De cette Savoie, il avait conservé le tempérament d’un homme rude, âpre au travail et aimant ce qu’il faisait. Lorsqu’il était acquis à une cause, il s’y donnait entièrement. »

    En attendant, lorsque le jeune Guy débarque avec toute la famille chez ses grands-parents maternels, Jean-Judith est dans une « colère bleue ». Ils sont en retard ! On se met à table et Adélaïde sert la soupe au lard, le cidre et la tomme. Silence absolu puisque le chef de famille ne desserre pas les dents. À la fin du repas, le verre d’absinthe servi à Jean-Judith aidant peut-être, celui-ci prend enfin la parole : « Toi, Guy, tu monteras demain avec moi à la Glappaz. » Rude entrée en matière pour un gamin de six ans. Mais le grand-père, plus bourru que méchant, fera découvrir à son petit-fils toutes les merveilles de l’alpage : ses paysages somptueux, une nature saturée d’odeurs, la complicité virile des paysans, leurs mœurs, leurs problèmes et leurs bonheurs simples. Pierre, le père de Guy, entretient des rapports un peu difficiles avec Jean-Judith. Il est également doté d’un caractère bien trempé et ne prise guère l’autoritarisme du vieil homme. Un jour par exemple, Pierre Chatiliez, passionné par la géologie – il est membre de la société géologique du Nord – ramène d’une expédition une pierre rare portant des traces de fossiles, qu’il dépose innocemment sur un meuble du chalet de l’aïeul. Mal lui en a pris ! Guy raconte : « Jean-Judith explosa à la vue de cailloux sur le meuble (…) prit la pièce rare (qui pour lui n’apparut que sous la forme d’un vulgaire caillou) et rugissant de colère, sortit et le lança loin dans le chemin. « Mettre un caillou sur le buffet, c’est un comble ! »… »

    Guy Chatiliez restera toute sa vie profondément attaché à ses racines savoyardes. En 1962, avec sa femme, il acquiert un vieux chalet délabré qu’ils fréquenteront assidûment avec les enfants. L’affaire se fait sans problème, car Guy est d’abord identifié comme « le fils de la Marie à Jean-Judith » et donc un « pays ». On lui fait d’ailleurs remarquer que, bien qu’il ait épousé une « étrangère » (Jacqueline est originaire de la région parisienne…), il n’a pas « mal réussi » !

    En 1977 il écrit :

    « Je ne regrette pas cette acquisition qui m’avait fait retrouver l’alpage. Les

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