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Esthétique du mur géopolitique
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Livre électronique337 pages3 heures

Esthétique du mur géopolitique

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À propos de ce livre électronique

Des années après la chute du mur de Berlin, à l’heure de la mondialisation et du libre-échange, une cinquantaine de murs sont toujours érigés dans le monde, notamment autour du territoire d’Israël et à la frontière du Mexique et des États-Unis, où des barrières d’environ 500 km de long se dressent. Si les justifications énoncées par les États sont multiples – immigration clandestine, terrorisme, contrebande, etc. –, l’élévation d’une barrière de séparation semble reprendre une formule ancestrale de rejet de l’autre-étranger et transgresse le principe d’universalité. Sa matérialité archaïque entrant en conflit avec l’image d’un monde postmoderne et technologique, le mur cristallise un malaise qui se doit d’être élucidé par l’art. Sa visibilité et son sensationnalisme en font littéralement l’affiche d’un événement géopolitique, que les artistes investissent.

Qu’est-ce qui intéresse les artistes si le mur est conjoncturellement éphémère ? Est-ce ses métamorphoses ou bien son cadre spatiotemporel ? L’auteure de cet ouvrage compare trois murs – le mur de Berlin, la barrière de séparation entre Israël et l’auto­rité palestinienne et la frontière sécurisée entre le Mexique et les États-Unis – selon leur esthétique développée par trois artistes phares : Joseph Beuys, Banksy et Frida Kahlo. L’étude des contextes, enjeux et missions géopolitiques, appliquée à chaque barrière de séparation, rend compte des failles et des défaillances de systèmes a priori bien huilés. Car si le mur renvoie généralement à l’idée d’être chez soi et protégé, il peut aussi être synonyme d’isolement, que ce soit voulu ou non. Il est la structure physique et symbolique d’une dynamique carcérale.
LangueFrançais
Date de sortie18 nov. 2015
ISBN9782760543560
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    Aperçu du livre

    Esthétique du mur géopolitique - Elisa Ganivet

    Presses de l’Université du Québec
Le Delta I, 2875, boulevard Laurier, bureau 450, Québec (Québec) G1V 2M2 Téléphone : 418 657-4399 Télécopieur : 418 657-2096 Courriel : puq@puq.ca Internet : www.puq.ca

    Diffusion / Distribution :

    Canada

    Prologue inc.,

    1650, boulevard Lionel-Bertrand, Boisbriand (Québec) J7H 1N7 Tél. : 450 434-0306 / 1 800 363-2864

    France

    AFPU-D – Association française des Presses d’universitéSodis

    ,

    128, avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny, 77403 Lagny, France – Tél. : 01 60 07 82 99

    Belgique

    Patrimoine SPRL, avenue Milcamps 119, 1030 Bruxelles, Belgique – Tél. : 02 7366847

    Suisse

    Servidis SA, Chemin des Chalets 7, 1279 Chavannes-de-Bogis, Suisse – Tél. : 022 960.95.32

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Ganivet, Elisa, 1982-

    Esthétique du mur géopolitique

    (Enjeux contemporains ; 12)

    Comprend des références bibliographiques.

    ISBN 978-2-7605-4360-7

    1. Frontières dans l’art. 2. Murs dans l’art. 3. Murs de séparation (Politique).I. Titre. II. Collection : Enjeux contemporains (Presses de l’Universitédu Québec) ; 12.

    N8217.B63G36 2015 709 C2015-941622-1

    Conception graphique Michèle Blondeau

    Photographie de couverture Kai Wiedenhöfer

    Mise en pages Interscript

    Conversion au format EPUB Samiha Hazgui

    Dépôt légal : 4e trimestre 2015

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque et Archives Canada

    © 2015 – Presses de l’Université du QuébecTous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés

    Préface

    À la chute du mur de Berlin, le monde paraissait avoir changé. La foule en liesse dansait porte de Brandebourg, l’Allemagne allait être réunifiée, le monde sortait de la grande noirceur de la guerre froide. La décennie des années 1990 amenait avec elle l’idée d’une paix durable, d’un monde pacifié, d’un village planétaire. La communauté internationale portait des valeurs novatrices articulées autour du droit/devoir d’ingérence, de la sécurité humaine, de la responsabilité de protéger et des dividendes de la paix. L’heure était à un monde sans frontières, au dépassement des souverainetés, obsolètes, à un village planétaire porté par la mondialisation. Mais le

    xxi

    e siècle a déjoué le monde. Et le 11 septembre 2001 a sonné le glas de ces ambitions, encastelant les États dans des châsses de plus en plus étanches, et en sanctuarisant les territoires.

    Désormais, les frontières ne sont ni souples ni poreuses, mais dures et agressives ; étanches, elles sont également pixellisées, s’étirant loin de la ligne de démarcation jusque dans les zones frontalières et aéroportuaires d’autres États souverains. Fortifiées, elles sont de plus en plus souvent ceintes de clôtures, de barbelés tranchants, de murs, de chemins de garde et de miradors, de capteurs et de senseurs, de caméras infrarouges et de dispositifs d’éclairage.

    Dans ce nouvel agencement planétaire, les frontières n’ont plus vocation de canaliser les flux, mais de les bloquer. Ainsi, les murs qui, à une époque, servaient à établir une frontière de fait, à geler une ligne de front comme cela a été le cas entre les deux Corées, à Chypre ou entre l’Inde et le Pakistan, se font rares. À l’inverse, les murs « modernes » visent à prévenir des menaces, réelles ou sublimées : flux migratoires, incursion de groupes terroristes, trafic de drogue ou traite d’êtres humains. Devant leur propagation quasi pandémique, il faut se rendre à l’évidence. Le mur est devenu une manière pour les États d’agir et de réagir – pratiquement une nouvelle norme des relations internationales –, car comme l’explique fort bien Elisa Ganivet, il « cristallise un malaise », une relation dyadique dont le mal-être est palpable. Le mur va alors servir de multiples objectifs : en Arabie Saoudite, pour enrayer la progression de l’État islamique, en Turquie, pour limiter la contagion de la rébellion syrienne, dans les pays baltes et en Ukraine, pour freiner l’impérialisme russe, en Europe de l’Est, pour pallier les déficiences de la convention de Dublin.

    Dès lors, ce qui relevait d’enjeux somme toute classiques, locaux, et de basse intensité appartient désormais au registre de la sécurité nationale et glisse ostensiblement vers le domaine du militaire. Cela est manifeste quand, en dehors de toute situation de conflit, les forces militaires patrouillent de plus en plus autour des frontières. Il n’est d’ailleurs pas anodin qu’aux États-Unis, les vétérans des guerres d’Irak et d’Afghanistan représentent près de 29 % de la Border Patrol, en raison de l’existence d’une procédure de recrutement privilégiée. En conséquence, ce qui ne devrait être « que » de la police frontalière est de plus en plus conçu en termes de défense du pays, porté par des acteurs (ex-)militaires « non reconvertis ». Ce glissement n’est pas seulement humain et touche également les infrastructures frontalières, qui se militarisent : la zone frontalière est de plus en plus blindée, de plus en plus bardée de haute technologie, elle devient un lieu d’expérimentation du contrôle, de la détention et de la surveillance. Ce faisant, parce qu’elles sont plus technologiques, les frontières coûtent de plus en plus cher, tant en construction qu’en entretien. C’est ce qui explique la présence de gros consortiums liés à l’armement et à la défense sur un marché frontalier mondial de plus de 20 milliards de dollars (14 milliards d’euros) en 2015. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que l’on retrouve cette dimension à travers la lecture qu’en font les médias, de Fox News qui évoque l’idée d’un « troisième front » (après l’Irak et l’Afghanistan) au National Geographic Channel qui évoque des « guerres frontalières » (border wars).

    Or l’évolution vers cette vision de la frontière amène une violence croissante, « une violence que le mur en béton cristallise », comme l’écrit justement Elisa Ganivet, et qui se traduit d’abord par la normalisation de l’arbitraire douanier. Les témoignages à la frontière, par exemple sur le flanc méridional des États-Unis, ou encore aux frontières de l’Europe (au Maroc, autour de Ceuta et Melilla, en Grèce, en Hongrie ou en Bulgarie), rendent compte de cette violence qui s’inscrit dans la définition d’un espace placé dans une zone de droit dérogatoire, voire de non-droit qui déborde largement la ligne frontalière pour embrasser des bandes de terre plus ou moins larges de part et d’autre du mur. Ensuite, la violence de la frontière est visible à travers l’augmentation fulgurante du nombre de morts aux frontières, que ce soit parce que les migrants choisissent des trajectoires plus dangereuses (mer, désert) ou parce que les gardes frontaliers utilisent davantage la force contre eux. Il suffit de mentionner à ce titre que le Parlement hongrois vient d’autoriser les militaires à tirer sur les migrants.

    Ce faisant, si le mur paraît redonner du sens à l’État, il fait perdre à la frontière son acception classique d’interface entre deux univers, deux ordres juridiques distincts, deux souverainetés, deux peuples. Et paradoxalement, la murer accroît l’insécurité de ceux qui la fréquentent – pour la traverser ou parce qu’ils vivent à proximité. En effet, d’un côté, les murs créent des goulots d’étranglement qui accroissent le temps de franchissement des postes frontaliers, réduisent la fluidité des échanges licites et deviennent souvent synonymes de désertion des villes frontalières, victimes d’un taux de chômage élevé, d’une économie moribonde et d’une criminalité accrue. Et de l’autre côté, faute d’empêcher véritablement les flux, les murs les détournent. Les migrants vont, au prix exorbitant de l’équivalent d’un billet en classe affaires sur la même trajectoire, recourir aux passeurs : l’effet contre-productif le plus évident des murs est de favoriser l’essor de l’économie souterraine et des groupes criminels organisés, rendant le franchissement de la frontière plus difficile à contrôler.

    La banalisation de la « solution murée » est donc paradoxale, d’autant que les murs ne sont pas là pour durer : ils finissent toujours par tomber physiquement ou symboliquement. Et le blindage de la frontière ne consacre pas son étanchéité, tant s’en faut.

    Dès lors, pourquoi construire des murs ? Face à des populations à l’épiderme sensible aux risques que sous-tend la mondialisation, il est aisé de brandir une solution prête à construire, qui, même si elle siphonne les finances publiques, montre que le gouvernement agit : à court terme, cette stratégie électoraliste peut être efficace. Or, écrit fort justement Elisa Ganivet, « le mur a une propension à l’engouement médiatique. Il est fantasmé et provoque la transgression […] exhibé telle une bête immonde ». Ainsi, de Joseph Beuys à Berlin, à Banksy le long de la barrière de séparation entre Israël et l’autorité palestinienne, à Frida Khalo sur la frontière mexicano-américaine, Elisa Ganivet explore l’esthétique du mur, qui s’illustre par sa « matérialité archaïque » en conflit avec l’image du monde post-moderne et technologique de notre quotidien. Elle tente de comprendre comment le mur-frontière stimule la production artistique et alimente la réflexion esthétique, alors que les artistes cherchent à le figer, à jouer sur les mobilités de cette immobilité, en le détournant, qu’ils l’instrumentalisent ou l’immortalisent, avec des objectifs qui diffèrent selon leur propre point de départ. En ce sens, elle explique que « [s]i la cartographie est un outil initialement militaire, le champ artistique peut s’employer à le transcender » et jouer sur les représentations de l’espace pour le dépasser.

    En effet, à plus long terme, les murs ne constituent qu’une solution temporaire et occultent le différentiel économique qui est un facteur d’instabilité prévalent pour expliquer la construction du mur. En ce sens, les murs frontaliers ne sont qu’une réponse vaine à une mondialisation mal maîtrisée et, selon Elisa Ganivet, « une forme d’exutoire […] créant par là même une zone de transgression du principe d’universalité ». En ce sens, le mur-frontière se pose en paravent d’une réalité, en écran devant l’absence d’engagement international dans la résolution de problèmes dont la dimension se situe bien au-delà des frontières étatiques, et c’est probablement à travers l’esthétique que, paradoxalement, le mur peut être ramené à ce qu’il est fondamentalement : un artefact éphémère.

    Élisabeth Vallet

    Professeure associée au Département de géographie

    Directrice de l’Observatoire de géopolitique – Chaire Raoul-Dandurand

    Université du Québec à Montréal

    Table des matières

    Préface

    Avant-propos

    Chapitre 1

    Esthétique historique du mur-frontière

    1. Dogme

    2. Mythe

    3. Défense

    Partie 1

    Esthétiqueduxxesiècle

    Chapitre 2

    MurdeBerlin

    1. Cadregéopolitique

    2. Solutionde 1961

    3. JosephBeuyscommeartisted’Épinal

    4. Contexteartistique

    4.1 Quelquesdifférences

    4.2 Idéologieetpouvoir

    5. Esthétiquedéveloppée

    5.1 Travailsurl’infrastructure

    5.2 Jeudesperceptions

    6. MurdeBerlin : assisemétaphorique ?

    Partie 2

    Esthétiqueduxxiesiècle

    Chapitre 3

    BarrièredeséparationentreIsraëletl’autoritépalestinienne

    1. Cadregéopolitique

    2. Solutionde 2002

    3. Banksycommeartisted’Épinal

    4. Particularitésduterritoire

    4.1 Problèmedelacarte

    4.2 Fragmentationduterritoire

    4.3 Omnisciencedumur

    5. Dévoilementduterritoire

    5.1 Journalismeetreprésentation

    5.2 Théâtralisation

    5.3 Incarnationduterritoire

    6. Entreengagementetprétexteartistique ?

    Chapitre 4

    FrontièresécuriséeentreleMexiqueetlesÉtats-Unis

    1. Cadregéopolitique

    2. Solutionde 2006

    3. FridaKahlocommeartisted’Épinal

    4. Trilogieenembuscade

    4.1 Travailabusif

    4.2 Narcotrafic

    4.3 Mortirrémédiable

    5. Cartographievécueetfantasmée

    5.1 Objetréel

    5.2 Sujettranscendé

    5.3 Transterritorialitéchicana

    6. Polysémiedelabarrièredeséparation ?

    Conclusion

    Mondialisation ? Au-delàdesmurs

    Bibliographie

    Avant-propos

    Le rapport de l’art à la géopolitique renvoie à celui plus commun de l’art à la politique. On pourrait dessiner cette relation à grands traits. D’une part, le lien fascisant d’une masse à gouverner devient en cela esthétique (Allégorie de la Caverne de Platon, population sur un territoire déterminé, symbolique d’une identité nationale, parades civico-militaires…). Walter Benjamin (2011, p. 316) énonçait même « l’esthétisation de la politique que pratique le fascisme » entendant par là la propagande filmique et donc facilitée du culte de la personnalité. D’autre part, les gouvernements autoritaires tendent systématiquement à contrôler la production artistique. Et insistons logiquement sur le fait que l’art a, de tout temps, constitué l’outil de communication par excellence. On y a eu recours pour la vénération d’une divinité (statuette de Vénus, apprentissage de la vie du Christ dans les fresques des églises…). En fait, l’art a été originellement dirigé par les élites (religieuses et politiques – impériales, royales, puis seigneuriales), c’est-à-dire par ceux qui avaient les moyens et tout intérêt à ce que leurs voix soient entendues et représentées.

    L’histoire iconographique du mur renseigne sur ses principales caractéristiques, l’usage est avant tout religieux et militaire. Il faut y distinguer le culte de la frontière, avec par exemple la protection divine des stèles égyptiennes ou la croyance au dieu romain Terminus. Le mur sert à la narration d’un épisode clé de l’histoire d’une civilisation. Que ce soit pour le développement du commerce, comme l’enseignent les limes de l’Empire romain, ou bien dans un rôle de défense contre l’invasion, comme le montre la Grande Muraille de Chine, son interprétation artistique évoluera considérablement, passant d’un symbole à vénérer jusqu’à son rejet pur et simple. L’architecture des cités forteresses telles que Constantinople permet de relater les Croisades alors que celles de Troie ou de Jéricho alimentent les mythes, par exemple. Le mur est aussi représenté comme symbole à abattre comme le prouvera la Révolution française. Ces spécificités de la représentation historique élaguent le terrain pour la jeune discipline qu’est la géopolitique¹.

    Ici, le choix des trois murs (terminologie générique) n’est pas anodin en ce sens qu’il répond à deux ruptures historiques. Les premières dates de 1989 et 1991 correspondent à la chute du mur de Berlin menant au démantèlement du bloc soviétique, à la fin de la guerre froide et, par conséquent, à une forme de légitimité des Alliés occidentaux. L’autre, celle du 11 septembre 2001, conduira à une logique du tout sécuritaire. On le verra ultérieurement, c’est dans ce cadre que la barrière de Cisjordanie et celle entre le Mexique et les États-Unis s’imposent.

    Ces barrières s’inscrivent dans un contexte plus général a priori paradoxal de mondialisation. Les explications de ces termes sont hétérogènes en fonction des disciplines. Arrêtons-nous sur la définition du dictionnaire Le Petit Robert :

    Mondialisation, nom féminin

    Étymologie 1953 ; de mondial

    Famille étymologique monde.

    * Le fait de devenir mondial, de se répandre dans le monde entier (p. ex., la mondialisation d’un conflit).

    * Phénomène d’ouverture des économies nationales sur un marché mondial libéral, lié aux progrès des communications et des transports, à la libéralisation des échanges, entraînant une interdépendance croissante des pays. globalisation (anglicisme).

    « Les deux mondialisations, la première, qui essaye d’organiser une société sur la base de l’économie, et la seconde, qui part de l’idée que le monde n’est pas une marchandise » (E. Morin).

    Si le terme se diffuse dans la deuxième moitié du xxe siècle², précisons que les échanges économiques, techniques et culturels existent depuis des millénaires et que seules leurs avancées d’un point A à un point B étaient plus lentes (route de la soie, du thé, du papier…). Évidemment la découverte du Nouveau Monde marque un tournant dans l’histoire de l’Humanité, elle remet en question les anciennes croyances et en installe progressivement de nouvelles. Si les intérêts réciproques se trouvent en déséquilibre (économiques, techniques, culturels), le rapport de force se crée (conquête, conflit, guerre), jusqu’à la domination par un profond clivage (colonialisme, esclavage). La notion de mondialisation est également une histoire de violence entre États-nations³.

    Aujourd’hui, l’interdépendance économique, politique, culturelle, humaine entre les pays s’accroît grâce à la technologie, en bouleversant les mentalités et en redéfinissant continuellement le rôle des individus et celui des décisionnaires. C’est sur cette idée d’une lecture parallèle du nouveau mur que nous développons le présent essai.

    Depuis notre perspective, l’art contemporain, comme outil de communication, est donc ici rattaché à l’angle géopolitique. Cette vision nous est facilitée par l’expansion d’une frontière en vogue. Dans l’espace Schengen, l’agence Frontex, dispositif de sécurité pour ses frontières extérieures, renvoie l’image d’une Europe fortifiée que l’on ne peut dissocier des tragédies collatérales des candidats à l’immigration. Or le mur, notre sujet, est ouvertement une frontière d’un nouveau genre qui ne correspond pas forcément aux principes modernes westphaliens⁴, c’est-à-dire ceux qui assignent stricto sensu l’autorité de l’État à un territoire défini, une reconnaissance interne et externe des gouvernements, le monopole de leurs moyens de coercition et une population donnée. Dans le cas inédit des barrières de séparation, la reconnaissance et le respect mutuel entre les États seraient davantage mis en berne. Ces « murs » investissent une autorité qui semble être en parfaite contradiction avec la dynamique de la mondialisation, de son effacement progressif, technique et technologique, des frontières. Au sein de l’étude des frontières (limologie), la teichopolitique⁵, stratégie politique en matière de protection par des frontières fermées, devient une discipline à part entière ; on en compterait actuellement entre 18 000 et 39 692

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