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Clandestine 70
Clandestine 70
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Livre électronique764 pages6 heures

Clandestine 70

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À propos de ce livre électronique

Clandestine 70 est le Journal de mon année 1970.
Une année où j’ai rencontré des gens exceptionnels, de l’abbé Pierre à Michel Polac, en passant par Jacqueline Kennedy-Onassis.
Une année où j’ai publié mes premiers articles dans la revue Esprit, fait mes premières émissions de télé à Post-Scriptum.
Une année où j’ai commencé mon unique roman de jeunesse, Aquamarina, devenu Aquamarine 67.
Une année de voyages en Bretagne, en Italie, en Angleterre, autour de la France. L’année du Festival de musique de Wight 70 et du Tour Auto 70.
Une année d’études, de travail et de fêtes dans des milieux très différents. Un tourbillon qui ne s’arrêtait que lorsque j’étais terrassée par des crises d’asthme.
Je tenais mon Journal pour faire le point, analyser ce que j’observais, croquer les gens de rencontre, prendre du recul, engranger des réflexions, imaginer l’avenir.
Clandestine 70 est le récit littéraire, poétique, à la précision presque scientifique, de cette année d’exception dans l’ambiance d’une faculté d’avant-garde : le Centre Universitaire Expérimental de Vincennes qui a aidé à former ma personnalité.
Vous voulez savoir comment vivait une étudiante parisienne en 1970 ?
Voici mon témoignage cinquante ans plus tard.
Embarquement.
Bon vent !

Gaelle Kermen

LangueFrançais
Date de sortie19 déc. 2020
ISBN9791091577465
Clandestine 70
Auteur

Gaelle Kermen

Née le 3 mars 1946, étudiante à Paris dans les années 60-70, diplômée de la Sorbonne et de l'université Paris 8-Vincennes (Philosophie, Droit-Sciences Po, Sociologie).Sur Mac depuis 1992, sur Internet dès 95, webmaster en 97, blogueuse.Auteur-éditeur depuis 2010, elle publie en numérique les cahiers de son Journal, tenu à son arrivée de Bretagne à Paris en septembre 1960.Conseil en gestion du temps, elle cherche toujours des méthodes pour simplifier la vie.Scrivener user, fan et evangelist, elle publie un guide francophone "Scrivener plus simple".Elle restaure elle-même sa chaumière en Bretagne et son domaine en tenant un cahier de chantier.Gaelle Kermen écrit sur la vie, le temps, la nature, le rythme des saisons, la littérature, la musique, la peinture, la politique, l'histoire du monde, les technologies, le jardin, le travail du bois ou du chanvre, la sculpture du paysage, pour la construction d'un cadre de vie permettant l'épanouissement de chacun en harmonie avec le monde qui le porte.Concept de vie : marcher dans la beauté.

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    Aperçu du livre

    Clandestine 70 - Gaelle Kermen

    Aux étudiantes et étudiants de l’année 2020

    En 1970, nos vies n’étaient pas toujours faciles,

    mais, dans nos têtes, nous nous sentions libres.

    En 2020, le confinement politique vous coupe les ailes

    et vous musèle dans la solitude et le désespoir.

    Pour vous tenir sages,

    par peur du ferment révolutionnaire

    que représente la jeunesse de toute éternité.

    En cette période anormale,

    allez au fond de vos propres ressources.

    Cultivez vos talents, ce sont vos richesses.

    Ne comptez que sur vous-même.

    Rêvez votre vie.

    Un jour, vos rêves prendront forme réelle.

    Le rêve est créateur.

    Je peux vous l’affirmer avec le recul de cinquante ans.

    Haut les cœurs, camarades !

    Avec toute ma compassion,

    Gaelle Kermen

    Kerantorec

    21 décembre 2020

    Année 1970

    Clandestine 70 est le Journal de mon année 1970.

    Une année où j’ai rencontré des gens exceptionnels, de l’abbé Pierre à Michel Polac, en passant par Jacqueline Kennedy-Onassis.

    Une année où j’ai publié mes premiers articles dans la revue Esprit , fait mes premières émissions de télé à Post-Scriptum .

    Une année où j’ai commencé mon unique roman de jeunesse, Aquamarina, devenu Aquamarine 67 .

    Une année de voyages en Bretagne, en Italie, en Angleterre, autour de la France. L’année du Festival de musique de Wight 70 et du Tour Auto 70.

    Une année d’études, de travail et de fêtes dans des milieux très différents. Un tourbillon qui ne s’arrêtait que lorsque j’étais terrassée par des crises d’asthme.

    Je tenais mon Journal pour faire le point, analyser ce que j’observais, croquer les gens de rencontre, prendre du recul, engranger des réflexions, imaginer l’avenir.

    Clandestine 70 est le récit littéraire, poétique, à la précision presque scientifique, de cette année d’exception dans l’ambiance d’une faculté d’avant-garde : le Centre Universitaire Expérimental de Vincennes qui a aidé à former ma personnalité.

    Vous voulez savoir comment vivait une étudiante parisienne en 1970 ?

    Voici mon témoignage cinquante ans plus tard.

    Embarquement.

    Bon vent !

    Gaelle Kermen

    Personnages principaux

    Les noms des célébrités rencontrées sont dans le chapitre Repérages 70 en fin d’ouvrage.

    Les noms de certaines personnes proches ont été modifiés pour en faire des personnages dignes d’un roman.

    Famille proche

    Marine, Gaelle ou Marie, la narratrice, 24 ans, étudiante en droit-science politique et sociologie.

    Anne, sa sœur, de six ans son aînée, l’héberge au 10 boulevard Poissonnière, Paris, 9e, depuis l’époque du Pot de Fer et du Buci (voir cahiers précédents des années 60 et le roman Aquamarine 67).

    Youennig, le frère aîné, dirige le Centre Emmaüs d’Esteville avec son épouse Rosa. Naissance du bébé Sophie.

    Philibert, le jeune frère, 19 ans, étudiant.

    Bruno, le petit frère, 12 ans, collégien.

    La mère et le père habitent la maison de Saint-Leu-la-forêt avec Bruno.

    Voisins de Saint-Leu-la-forêt

    Christian et Joséphine Bloch, dite Madame Bloch.

    Famille étendue

    L’oncle Francis, les cousins Simon, Gabriel et Jakez Morpain (au festival de Wight 70).

    Les personnages d’ Aquamarine Voir le Journal 60 et Aquamarine 67.

    Hélène, Jean, Brendan, Ava, Élise, Benoit, Christine, Pierre le Malgache, Yannis, César, Jane.

    Les camarades de Vincennes

    Didier, Michel Lecalot, Michel Doumerc, Hélène 2, Valérie Coquerel-Jeanneau, Myriam, Luc, Christian Duc, Rémy Kolpa-Kopoul, Philippe Houzé, Patrick Mulquin, Alain Schuller, Marc Jeannot et Catherine, Paul le Savoyard et Monique, camarades de grève de la faim en décembre 1969, Nicole Hantcherian, Ulla, Alita.

    Les amants

    Pierre le Malgache dit ensuite Pierre 1, Bébé, Jan, Fern, Don, Manuel, Platon Karataev, Pierre 2, Jean-François J., Michel Polac.

    Les professeurs de Vincennes

    Casamayor, Madame Savonnet, Platon Karataev, Manuel, Pierre-Henri Dubois, Mikis Demetrios, Nikos Poulantzas, Grossein, Larrère.

    Maison de couture Louis Féraud

    Kiki Féraud, Yves Sunhill, Louis Féraud, Zizi Féraud.

    Fin 1969/début 1970

    sur la grève de la faim

    fin décembre 1969

    cette grève de la faim a été dure et pénible

    mais enrichissante

    mentalement j'étais prête

    j'aurais pu tenir longtemps

    je connais mieux mon corps

    ses limites comme ses possibilités

    j'ai perdu presque 4 kilos

    mais si c'était à refaire je le referais

    le deuxième jour a été le plus pénible

    lourdeur du corps qui ne répond plus

    le troisième jour j'ai eu envie d'aller à la messe

    j'avais retrouvé l’âme de brendan mon ami mystique du pot de fer et du buci

    la veille j'avais reconnu lanza del vasto à la radio et mon esprit désincarné retrouvait les réminiscences des expériences de jeûne à l’arche de bolène

    gandhi

    m'avait demandé la charmante madame savonnet notre prof de droit constitutionnel qui s'inquiétait pour moi

    oui les histoires non-violentes de gandhi ont bercé mes dernières années de lycée par les bouches de maman et de shantidas

    je ne suis pas allée à la messe

    j'étais trop fatiguée quand même

    je n'ai pas su prier non plus

    j'ai pu lire le nouvel observateur et je me suis demandée si je n'allais pas enfin prendre la décision de m'inscrire au p s u

    j'avais oublié yves sunhill et le design

    le fric et l'exploitation

    j'ai lu l'article sur bernard thareau le renard dans le poulailler

    j'ai su aussi que c'est là que j'irais

    vers la campagne

    irréversiblement

    même si maintenant ça fait encore rire quand j'en parle

    j'aurais aimé méditer

    mais le calme était impossible

    mon ami michel d est venu comme promis le lundi midi

    l'esprit s'aiguisait

    mais nous ne pouvions plus lire

    on lisait pif le chien

    et on ne comprenait pas tout

    impossibilité d'écrire aussi

    attendre la fin

    méprendre la faim

    j'ai su que mes problèmes ne s'arrangeraient pas de sitôt

    que la grève de la faim n'était qu'un trompe-l'œil

    michel l venait me voir

    il avait faim

    michel d passait

    discret

    mon ventre se creusait

    le problème

    trouver l'essentiel

    ne pas gaspiller ses forces

    être non-violente jusqu'au bout

    ne pas se laisser dominer par l'agressivité vis-à-vis des autres

    la fatigue des discussions pseudo-politiques

    l'anar contre le situa

    l'anar et le situa contre le marxiste-léniniste

    les dissensions stupides

    mais le plaisir du premier repas pris ensemble

    la douceur de la pomme de terre cuite à l'eau

    resteront longtemps dans ma mémoire

    la grève de la faim je l'ai faite parce que j'en avais ras le bol des discussions des palabres des engueulades interminables de groupuscules débiles en arrêt devant l'hypothétique volonté d'action sur l'extérieur

    la grève de la faim c'est un moyen de fermer sa gueule et d'agir efficacement

    et de payer de sa personne comme me l'a écrit ma belle-sœur rosa

    j'ai payé de ma personne

    nous avons obtenu le versement de nos bourses en retard et l'obtention des bourses de l'enseignement supérieur aux étudiants non-bacheliers inscrits à vincennes

    c'est une première dans l'université française

    début d’année 1970

    l undi 5 janvier 1970

    je vais terminer ce cahier noté dans un agenda

    j'ai reçu cet après-midi

    après la sieste impromptue occasionnée par ma crise de ce matin

    un mot de casamayor mon prof de libertés publiques

    très généreux et sensible

    il me serre sur son cœur

    ce soir en quittant la fac j'ai rencontré madame savonnet mon prof de droit constitutionnel

    avant son départ à la montagne elle avait essayé de contacter casamayor pour lui faire savoir que je faisais une grève de la faim dans les locaux de vincennes

    mais elle n'avait pu le joindre

    elle s'inquiétait pour moi

    je l'ai rassurée

    je vais bien

    cette femme a un charme fou un charme qui ne laisse place à aucune critique

    elle est restée envers et contre tous l'enseignant le plus populaire du département droit de l'an dernier

    je l'aime beaucoup

    elle m'a dit

    j'ai toujours pensé gaelle que vous étiez essentiellement mystique qu'au fond vous étiez faite pour une vie monacale et ascétique

    comment le sait-elle

    comme a-t-elle pu me trouver entre deux articles de la constitution de 1958 ou celle des états-unis de 1787

    curieux

    moi qui de plus en plus ai envie d'être moine

    didier est un con

    michel l est un petit con

    j'en ai fini avec ces gamins

    j'ai l'amitié de casa

    c'est beaucoup plus important

    et je n'ai toujours pas le droit de perdre mon temps ni de me perdre

    j'ai à faire

    lettre de casamayor

    adressée 10 boulevard Poissonnière, Paris, 9e

    le 5/1/1970 de la rue Marcadet

    Enveloppe et papier à en-tête de la revue Esprit

    19 rue Jacob, Paris VIe

    Gaelle je vous serre sur mon cœur.

    Votre mot est tellement gentil.

    Je n'étais pas à Paris. Sans quoi je serais venu sans aucun doute.

    Bonne année !

    Je voudrais que vous soyez heureuse

    et que les camarades aussi le soient.

    En tous cas, qu'ils fassent face (ça se lit mieux que ça ne s'entend) avec malice et entêtement.

    Affectueusement à vous tous

    Casa

    fin de l'agenda 69 par gaelle kermen

    Janvier 1970

    début d'année 1970

    dates repères janvier 70 en fin d’ouvrage

    voilà je commence un nouveau cahier bien épais

    le vieux libraire à qui je demandais un bon gros cahier m’a donné celui-ci avec une marge et des grands carreaux des lignes et même des interlignes

    j’ai un peu peur de me lancer dans l’écriture de cette nouvelle année 1970

    mon dernier cahier s’est terminé avec l’année dernière

    c’était l’agenda 1969 et j’étais limitée par le cadre d’une page par date

    évidemment il y avait des jours où je vivais peu et d’autres trop remplis qui m’étriquaient le cerveau sur la feuille pas assez grande pas assez longue

    maintenant je peux écrire autant que je veux

    j’ai trois cents pages devant moi sans numéro

    juste ces carreaux de mon enfance sur lesquels j’ai appris à tracer les majuscules les points et les virgules que je n'utilise plus

    j’ai l’impression d’écrire pour les autres

    est-ce d’avoir reçu hier ce mot tellement gentil de casamayor qui me donne la certitude cette année de me révéler enfin

    je vais tenter de ne plus jamais me gaspiller

    je ne peux pas décevoir mon professeur de libertés publiques de la fac de vincennes

    j’ai envie de blanc

    de murs blancs

    de bottes blanches

    pour me laver de l’angoisse d’hélène ma plus ancienne amie de saint-leu-la-forêt

    j’ai peur pour ce bébé qu’elle attend de yannis

    j’ai peur pour hélène parce que très bientôt nous ne pourrons plus l’aider

    elle refuse les quelques conseils qui nous paraissent évidents

    ne serait-ce que pour son alimentation

    je ne veux pas admettre que l’on puisse faire un bébé entre deux cachets d’amphétamines entre deux paquets de cigarettes et deux nuits blanches à parler parler parler pour essayer de se trouver à défaut de rencontrer l’autre

    je veux croire qu’un enfant est la plus belle création de la femme la seule création au monde le reste n’est que logorrhées élucubratives

    je veux croire qu’on puisse créer les conditions nécessaires à la bonne conception de l’enfant et à sa gestation

    je ne veux pas admettre qu’on puisse encore faire un enfant par hasard

    ça fait maintenant presque trois ans que je prépare un enfant en moi

    c’est long

    mais je veux le faire

    je sais qu’à force de volonté et de désir j’approche du but

    est-ce parce que je me sens plus forte plus sereine plus équilibrée que j’ai téléphoné à madame bloch notre ancienne voisine de saint-leu

    j’ai ressenti le besoin d’entendre la voix d’une femme épanouie

    je suis plus disponible mentalement pour pouvoir lui parler alors qu’il y a quelques mois je me sentais partir très loin d’elle trop installée dans son confort bourgeois

    bien sûr je vais bientôt commencer la layette du bébé d’hélène

    je suis terriblement fière d’être assez intelligente pour savoir me servir de mes mains

    j’ai rêvé que je retrouvais brendan sur la route et qu’ensemble nous continuions un grand voyage

    brendan mon amour platonique perdu de l’époque du pot de fer

    je dois désormais me lever tôt avant qu’il ne soit trop tard pour vivre

    je regretterai sans doute toujours malgré mon équilibre de femme forte s’affirmant un peu plus chaque jour de n’avoir pas été un homme pour parcourir les routes du monde

    seul

    avec peu de choses en bagage

    et le cœur en bandoulière

    on the road

    j’avais rêvé que je retrouvais brendan

    et c’était un grand bonheur

    une vie nouvelle

    extrêmement lumineuse

    avec des points de fuite

    au loin

    et puis un bébé est né

    notre première nièce

    elle s’appelle sophie

    ce rêve était très beau très pur

    comme les yeux bleu irlandais de brendan

    ma belle-sœur aussi aimait brendan

    tout le monde aimait brendan

    l’abbé pierre à la maternité de rouen

    nous sommes allés voir le bébé à la maternité de rouen

    sophie est adorablement finie

    toute jolie dans les bras de rosa qui n’a jamais été aussi belle aussi heureuse aussi transcendante

    youennig essaie de ne pas avoir l’air trop idiot

    l’abbé pierre est arrivé en fin de visite

    il descendait juste du train de paris

    très beau sourire et crâne très harmonieux au-dessus de la barbe grise

    un peu le genre de crâne de casamayor

    il a eu de très beaux gestes tendres envers rosa et sophie

    il a dit ce qu’aucun de nous n’avait encore pensé

    même moi avec mon mysticisme toujours en latence

    il a dit

    nous devons beaucoup prier

    rosa était très émue

    sophie sérieuse

    en quelque sorte il l’a baptisée

    c’est vraiment la plus belle chose au monde que la maternité

    surtout lorsqu’on a mené la conception la grossesse et l’accouchement de main de maître comme l’a fait rosa

    avec un souci constant de perfection dans la création

    après la visite à la maternité de rouen youennig nous a conduits à la communauté d’emmaüs à esteville qu’il dirige avec rosa

    ils sont bien installés

    sophie a une très jolie chambre décorée avec amour par son papa

    elle ne manquera de rien

    dehors elle verra les arbres et au fond du pré trois moutons avec le poney du shetland que personne n’a jamais monté

    un petit chat

    ce soir nous avons rapporté de saint-leu le petit chat blanc gwenig à taches fauves tout tendre

    anne a mis quatre ans à accepter l’idée d’avoir un être vivant dont elle serait responsable

    grâce à bernard son dernier amour

    le bon peut-être

    gwenig a eu très peur dans la voiture

    surtout des lumières stridentes qu’il n’a jamais vues

    il a eu peur dans l’ascenseur

    mais ici quand je lui ai enlevé son collier

    celui qui avait servi à chloé la chatte siamoise d’hélène la fille de zazie la chatte siamoise de jane notre amie anglaise de l’époque du pot de fer

    il a bondi littéralement de joie

    ronronnant comme un fou avec sa bronchite

    il est émouvant ce chat

    il va manquer à papa qui le préférait à son petit frère tigré

    j’espère ainsi que papa viendra nous voir plus souvent

    kiki m’a appelée ce matin

    histoire de me demander si je connaissais quelqu’un qui saurait tricoter des chaussettes pour la collection louis féraud de l’été prochain

    oui maman sait faire ça

    maman sait tout faire

    kiki appelait peut-être aussi pour renouer le contact

    d’ailleurs j’en suis à me demander pourquoi je ne la vois plus

    elle me manque

    nous n’avons pas eu d’explications

    c’est comme si depuis la grève de la faim une certaine anesthésie s’était abattue non seulement sur moi mais aussi sur eux kiki et yves son mari designer mon dernier patron

    elle semblait un peu triste au téléphone

    peut-être m’aime-t-elle plus que je ne le croyais

    à part ça le chat est un amour qui tousse encore un peu trop

    à vincennes

    au cours objet de la science politique j’ai assisté au groupe de madame savonnet qui était assistée de platon karataev

    tous les deux adorables

    je n’avais jamais remarqué avant ce jour le charme touchant de karataev

    une certaine timidité

    les yeux cherchant on ne sait quoi on ne sait qui

    tournés vers un ailleurs invisible

    tous les deux m’ont donné une furieuse envie de travailler et de préciser ma propre pensée

    je peux désormais être moi-même dans mes recherches à la fac

    les profs me connaissent m’estiment et attendent beaucoup de moi

    j’ai enfin la jouissance de pouvoir aller hors des sentiers battus

    hélène 2 mon amie de vincennes au très beau visage p â le entre les cheveux sombres a perdu le bébé qu’elle attendait

    son mari m’a enfin appelée

    j’étais inquiète cette semaine

    c’est affreux comme une fausse couche peut foutre en l’air une femme

    hélène 2 était trop heureuse d’attendre ce deuxième bébé dont je devais être la marraine spirituelle et intellectuelle

    j’avoue être moi aussi déçue

    mais nous sommes fatalistes hélène 2 et moi

    nous voulons croire que c’est mieux ainsi

    passage à paris de mon oncle francis

    hier tonton francis était de passage à paris avant son départ en provence ce matin

    je l’ai appelé à neuilly chez sa belle-sœur l’adorable et merveilleuse tante denise de mes cousins

    pour lui offrir mes vœux et lui annoncer la naissance de la première petite-fille de son frère

    je l’aime terriblement

    je l’aime d’avoir tout le dynamisme que n’a pas eu papa son frère

    mon propre dynamisme je l’ai hérité de maman

    je l’aime d’être sensible

    de s’attacher à des tas de valeurs anciennes que j’ai oubliées dans ma vie mais que j’aime retrouver chez lui

    je l’aime de m’avoir accueillie comme sa fille sans jamais me juger après mon mai 68 à la sorbonne

    je l’aime de m’avoir ouvert des horizons qui m’étaient jusqu’alors insoupçonnés en me faisant connaître bernard lambert dont il était le suppléant à la députation en 1958

    hier il me parlait de rialland le président de la chambre d’agriculture de nantes

    il lui a parlé de moi et de mes travaux

    rialland serait ravi de me rencontrer et de m’entendre

    ce qui m’effraie

    j’ai au contraire tant à apprendre des paysans à la base

    mais tonton francis caresse l’espoir de voir ma signature dans la revue le paysan nantais

    il a raison

    pourquoi pas

    je rêve moi aussi de faire des articles dans des journaux

    et j’y arriverai

    par la bande

    sans avoir fait l’école du journalisme

    sans doute grâce à casamayor qui dit à tout le monde que j’écris merveilleusement bien

    j’espère justement faire des articles sur l’agriculture

    ou alors sur la mode

    le rêve

    pouvoir faire les deux sujets en même temps

    valérie camarade de vincennes

    ce soir j’ai retrouvé ma jolie petite valérie

    maoïste à croquer de vincennes l’an dernier

    nous étions ensemble en sociologie au cours de grossein dans le groupe sur le front populaire et en droit au cours de casamayor sur les libertés publiques

    nous nous sommes aimées tout de suite

    j’aimais son extrême féminité empreinte parfois d’une causticité poignante

    nous riions toujours beaucoup

    ensemble nous étions allées interviewer georges monnet ministre de l’agriculture sous le front populaire un homme charmant au charisme encore fort

    aux beaux jours elle venait bronzer sur la terrasse du sixième étage du boulevard poissonnière en face du rex

    nous parlions souvent de bébés

    elle avait été élevée au parti communiste

    ballottée toute son enfance dès son berceau par ses parents militants de meeting en réunion de cellule

    jusqu’à ce qu’elle devienne maoïste évidemment

    je l’adorais

    eh bien cette salope s’est mariée sans rien nous dire

    enfin je le savais

    mais quand même

    c’est toujours emmerdant de savoir ça

    quand je l’ai revue au moment des inscriptions

    valérie m’avait avoué qu’elle s’ennuyait chez elle

    ben voyons

    on ne la voyait plus à vincennes

    et elle me manquait cette valérie jolie

    nous nous sommes retrouvées ce soir

    dans un café d’enghien

    près de la gare

    comme je sortais avec ma sœur de chez le docteur fleury

    valérie était là avec yves jeanneau son mari très jeune

    ils sont beaux tous les deux

    elle est toujours jolie le visage lisse et les yeux vibrants vers on ne sait quoi

    cherchant quelque chose d’autre

    elle va peut-être entrer au journal elle comme journaliste et elle avait pensé à moi pour l’aider pour la mode et tout le tremblement

    je suis sûre qu’elle plaira beaucoup à ces vieilles putes de la revue elle avec lesquelles je m’entendrais aussi fort bien sans doute

    chez le médecin à enghien-les-bains

    dans la salle d’attente du docteur fleury

    une petite vietnamienne asthmatique en crise

    anne et moi la regardons

    fascinées hallucinées

    anne parce qu’elle me revoit au même âge

    moi parce que je me retrouve au même âge

    ses poignets

    ses poignets si frêles qui dépassent de la manche

    ses poignets si maigres sur lesquels elle s’appuie pour s’aider à respirer

    le souffle fort la toux sifflante

    les yeux s’excusent de faire tant de bruit

    je lui ai souri pour ne pas me mettre à pleurer sur mon enfance horrible qui ne serait qu’un mauvais souvenir enterré à jamais si je ne savais que d’autres enfants la vivent toujours

    avec la même force dans la fragilité

    la même virulence dans l’arrachement

    me revoir dans d’autres m’est insupportable

    je ne regrette pourtant pas d’avoir eu cette foutue maladie qui m’a si longtemps fait ressembler à un épouvantail à moineaux

    je m’en suis bien sortie

    intellectuellement surtout

    mystiquement aussi

    c’est ça qui m’effraie peut-être le plus pour les autres

    que l’asthme ne soit pour eux qu’un cauchemar

    et pas une révélation

    je donnerais n’importe quoi

    ma vie si elle était bonne à quelque chose

    pour pouvoir empêcher les crises de philibert en été

    mon asthme je sais le transcender

    mais philibert ne mérite pas cette souffrance

    pas mon propre frère chéri

    cette idée est plus insupportable que la plus grave des crises

    et cette petite fille de même pas dix ans aussi étriquée et ténue que je l’étais non elle ne mérite pas ça non plus

    restaurant dans l’île saint-louis

    nous avons mangé comme des ogres dans l’île saint-louis

    non loin du numéro de la rue saint-louis-en-l’île où j’habitais avec anne il y a encore un an

    non loin de la rue où j’ai passé deux ou trois de mes plus belles nuits d’amour avec don le décorateur à la mode

    j’aimais cette île et la couleur des ciels les matins en traversant le pont vers notre-dame

    en passant dans ce square qui me rappelait brendan mon amour platonique du pot de fer

    je suis loin de tout ça

    je ne regrette rien

    ça fait à peu près un an que je me suis délivrée de pierre le malgache de la rue visconti

    le premier homme avec qui j’ai vécu

    j’essaie d’être et de rester une femme

    à vincennes

    je passe de plus en plus de temps à parler avec mon prof de droit constitutionnel madame savonnet

    elle semble y prendre elle-même beaucoup de plaisir

    j’attends avec une certaine hâte son prochain cours lundi avec platon karataev

    hier un camarade a rencontré casamayor qui me fait une bise

    ça se précise

    je dirais même que c’est l’escalade

    du baisemain en passant par son cœur on en arrive à ma joue

    je comprends trop casa pour que ça me gêne

    j’ai peur et j’en suis furieuse de tomber en amour avec platon

    je suis arrivée en retard au cours

    comme d’habitude

    un peu exprès sans doute

    histoire de ne pas rater mon entrée

    j’avais aujourd’hui mon long manteau de laine brune d’auvergne tricoté par moi-même sur l’ensemble pantalon en jersey rouge signé féraud junior

    j’étais terre et feu

    cette espèce d’abruti que monique appelait nounours qui venait nous voir pendant la grève de la faim le ventre en avant comme s’il venait de manger un porcelet et que monique s’est tapé le dernier soir fallait vraiment qu’elle n’ait rien mangé pendant cinq jours bref nounours ou je ne sais plus comment il s’appelle christian peut-être était assis à côté de platon

    il m’a fait un signe

    platon s’est poussé pour me faire de la place et a eu la politesse de se tourner vers moi pour ne pas me tourner le dos

    j’étais ravie à l’aise

    j’espérais être jolie

    madame savonnet était adorable

    pourtant elle râlait intérieurement contre l’apathie désolante de la salle

    je suis la première à en avoir honte car moi-même j’ai dû dire six mots en tout

    sur ce foutu manifeste de marx que j’étudiais pour la demi-douzaine de fois au moins

    rien

    le vide sidéral le désert intégral

    était-ce platon qui m’impressionnait

    quand il parle c’est toujours brillant et évident

    je ne sais rien ajouter à l’évidence

    surtout lorsque je me sens fondre de maternité devant son regard interrogateur de gosse qui quête un assentiment

    surtout lorsque je surveille avec une presque inquiétude la transpiration qui perle sur son front tant il parle

    surtout lorsque j’observe ses jeans son col roulé beige clair en camaïeu avec sa peau

    mais zut

    là il se passe quelque chose

    cette peau que je devine sous la manche

    ce regard brillant

    c’est

    et ça je n’en veux pas je n’en veux plus

    mais c’est pierre le malgache

    merde

    non platon a cette timidité brûlante qui me vrille à vif

    et que pierre n’avait pas

    et puis il ne savait pas vraiment parler au fond

    il gueulait plutôt

    et le problème n’est plus là

    pierre je m’en fous maintenant je l’ai oublié

    je fais gaffe c’est tout

    aux black bastards aux métèques et aux gueules de pâtre grec

    enfin platon a presque réussi à me brûler avec sa cigarette

    dommage j’aurais aimé me faire plaindre et consoler

    il me fascine

    simplement

    j’ai honte de si peu travailler de n’avoir pas encore pu depuis le début de l’année me mettre à ma table avec mes bouquins mes papiers et mon stylo en tirant la langue

    j’ai besoin aussi d’être amoureuse et d’enfin me passionner pour mon travail

    manuel

    deux heures du matin

    il vient de partir

    platon

    non hélas

    mais son collègue manuel

    parce qu’il ressemble à bob dylan enfant

    parce que j’ai envie d’être en amour avec platon

    parce que platon n’était pas là ce soir à l’a g de droit-sciences po

    parce que manuel me parlait de platon

    et je n’osais comprendre qui était platon

    et nous sommes allés dîner rue xavier privas

    marc m’invitait

    je l’aime beaucoup mon camarade

    j’étais entre marc et pierre-henri dubois notre brillant enseignant de sciences politiques en relations internationales

    très sympa

    nous avons fini la soirée chez lui rue de la huchette

    j’ai parlé de madame savonnet pour ne pas parler de karataev

    platon c’était lui

    j’avais pensé à l’ami de pierre bezhoukov qui lui avait tant appris dans guerre et paix

    c’est ainsi que je l’appelle pour moi-même

    manuel m’a dit

    tu es belle

    mais dieu que c’est triste de faire l’amour sans amour surtout lorsqu’on le fait si bien

    j’ai aujourd’hui cette langueur dans les muscles que j’aime tant parce qu’elle me donne une conscience aiguë de mon corps

    la conscience peut-être d’avoir fait du bon boulot

    les problèmes d’après l’amour je n’en fais jamais

    je sais rester discrète

    clandestine

    personne ne sait

    par chance je n’irai pas à vincennes avant trois jours

    j’agis comme un garçon

    je prends

    je donne aussi

    le lendemain je veux oublier

    je veux avoir la paix surtout

    avec un certain remords de m’être gouré de mec

    didier disait chez dubois c’est bien gaelle tu l’auras ton u v

    marc était jaloux

    il a tort je l’aime plus que les autres

    et c’est bien pour ça que je ne ferai jamais l’amour avec lui

    dubois m’a dit au revoir gaelle reviens quand tu voudras

    je veux rester responsable

    manuel lui-même parlait du charme gosse de platon

    et j’avais le ventre noué en l’entendant parler de la femme de platon

    il me regardait fixement en disant qu’elle était belle

    elle aussi

    bien sûr

    pendant le cours j’avais regardé fascinée les lignes bien nettes de la main de platon

    sa ligne de vie rejoignait fermement sa ligne de tête

    comme sur ma main

    je voudrais croire que je me raconte des histoires comme une petite fille et que ça va durer trois semaines

    platoniquement c’est le cas de le dire

    la vie est passionnante

    quand je pense à toutes ces angoisses à toutes les déchirures par lesquelles j’ai dû passer pour en arriver là je me dis que ça valait le coup de ne pas mourir

    terriblement

    savoir que j’ai une place

    quelque part

    entre des gens et des idées

    savoir que je suis bien en moi

    dans ma peau

    dans ma tête

    savoir que je vais faire quelque chose de ma vie

    faire ma vie telle que je la veux

    remo forlani et ses interprètes aphones

    remo forlani nous avait fait dire par nicole du nouveau guide gault-millau qu’il nous attendait vendredi soir au théâtre de la renaissance pour assister à sa nouvelle pièce madame écrite pour et avec barbara

    malheureusement barbara était aphone

    décidément forlani n’a pas de chance

    lors d’une des premières représentations de guerre et paix au café sneffle jean-pierre marielle était aussi aphone

    au moment où son talent devient évident et populaire

    toujours pierre

    ce que je regrette le plus de pierre

    c'était sa façon de dire merci après l’amour

    ça me manque

    alors maintenant c’est moi qui remercie

    sur platon

    j’espère avoir enfin commencé à travailler

    sans doute pour ne pas avoir l’air trop stupide au cours de madame savonnet et karataev

    journée perdue

    soirée jolie

    je m’étais levée tôt et j’avais travaillé toute la matinée

    j’étais à deux heures à vincennes

    je savais qu’il n’y aurait pas cours à cause de l’a g

    dommage

    heures perdues à entendre redire les mêmes choses

    ligne de masse

    luttes de classes

    je ne comprends jamais de quoi il est question c’est trop abstrait

    manuel est là il ne me quitte pas il a l’air de me considérer un peu comme à lui sans trop insister heureusement

    il m’invite à prendre des pots et j’accepte

    j’espère qu’à un moment ou à un autre notre ligne trouvera un point d’intersection avec celle de platon

    je le guette platon

    je le cherche

    je l’attends

    je l’espère

    je le suis des yeux

    je le veux

    follement

    je sais qu’il a passé la nuit sur le capital de marx pour nous faire ce cours qui n’a pas eu lieu

    manuel aussi d’ailleurs

    mais j’ai moins envie de l’écouter

    une voiture nous emmène jusqu’à censier

    manuel est près de moi

    je suis derrière platon uniquement préoccupée de lui

    j’ai tort je sais

    a g rasante

    comme toutes les a g

    à censier comme à vincennes

    sortie

    nous sommes une vingtaine à nous étirer sous la pluie pour trouver un coin où bouffer

    finalement nous partons tous les trois manuel platon et moi

    dîner couscous

    platon n’aime pas le couscous

    mais il boit du vin rouge

    il habite avec une nana

    tant pis

    mais il travaille comme un fou

    bien

    passionnément et profondément

    j’ai appris beaucoup de choses sur lui

    il sait faire la cuisine

    il pleure toujours au cinéma

    il adore le vin rouge

    il aime les spaghetti s

    il a un accent pourri de charme et de naïveté apparente

    à athènes il vivait comme un paresseux

    il a quitté la grèce en 1967

    après il est allé aux états-unis c’est pour ça qu’il connaît bien la sociologie américaine et c wright mills en particulier

    il y a quatre ans david l’urbaniste américain qui arpentait paris à pied pour en sentir la structure sous ses semelles m’avait parlé au pot de fer de ce sociologue et m’avait conseillé de lire son livre le plus connu power elite

    platon est en france depuis le mois de mai 1968

    à part ça j’ai aussi appris que manuel connaissait brice lalonde depuis l’âge de quatre ans

    je me disais aussi qu’ils avaient quelque chose de commun tous les deux l’un en face de l’autre à cette a g idiote

    ça m’amuse toujours de voir mes petits amants en présence

    mais brice ne m’émeut plus

    je voudrais être amoureuse de quelqu’un qui sente le chèvrefeuille parce que je ne sais pas ce que c’est

    j’ai été flouée de la révolution malgache

    aurai-je plus de chance avec la révolution grecque

    je suis nietzschéenne dans mes affinités électives

    je tombe toujours sur des chefs

    est-ce une volonté de puissance

    ou le masque de mes carences

    manuel et moi parlions de moto

    platon m’a demandé si c’était par insatisfaction et frustration que je restais à vincennes

    subtile question qui était peut-être une façon de faire remarquer que je montrais trop mon cul

    il m’a demandé si j’avais des problèmes

    peut-être

    si la vie m’avait durcie

    sûrement pas

    et pour cause

    je recommence stupidement à fondre de tendresse et de désir

    ô combien je l’aimerai

    un jour ou l’autre

    demain ou plus tard

    ces moments d’approche sont les plus beaux

    casamayor boulevard poissonnière

    le ciel a des velléités de printemps

    casamayor vient de m’appeler

    il a besoin de moi

    j’ai un peu peur

    je ne sais jamais si je saurais dire quelque chose

    il vient demain soir ici

    pour m’éviter d’aller jusqu’à esprit

    je découvre que je suis peut-être marxiste

    je crois à la faim et au vide des ventres

    ça seul me touche

    c’est ce qui nous sépare hélène et moi

    elle est peut-être sincère quand elle affirme que les problèmes psychologiques sont primordiaux

    les problèmes alimentaires sont secondaires pour elle

    pour moi non

    casa est venu ici

    avec sa chaleur habituelle et sa gentillesse de gentilhomme

    il s’inquiétait pour son ami paul ricœur doyen de nanterre qui vient d’être molesté quelque peu par des étudiants

    je l’ai mis en contact téléphonique avec michel doumerc qui continue à aller en même temps à vincennes et à nanterre

    casa a caressé le chat tout le temps de sa visite

    il trouve que karataev est très bien

    ce qui me ravit

    à vincennes

    j’ai de très belles bottes de cuir fauve qui me donnent une démarche fort martiale

    j’ai enfin touché ma bourse et je me sens nettement mieux

    parce qu’hier ça n’allait plus du tout

    manuel m’énervait

    zut j’aime être libre de mes mouvements

    et puis j’ai eu un cauchemar au cours où manuel avait pris soin de se placer entre platon et moi

    cours intéressant d’ailleurs où j’ai enfin commencé à comprendre la théorie économique marxiste que j’étudie depuis un bout de temps quand même

    à un moment j’ai vu karataev

    sans doute pour se décontracter

    poser ses mains bien ouvertes sur ses cuisses puis se frotter les genoux en remontant

    je l’avais déjà vu faire ça mais jamais je n’avais fait le rapprochement avec pierre mon malgache

    c’était le cauchemar retrouvé

    à en gémir

    à en hurler

    de terreur

    j’ai posé ma tête sur la table

    prête à me répandre

    avec la certitude de devoir retrouver un enfer si je me laissais faire par le charme de la silhouette sombre et brillante de platon

    un camarade

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