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Amadeo de Souza-Cardoso
Amadeo de Souza-Cardoso
Amadeo de Souza-Cardoso
Livre électronique271 pages2 heures

Amadeo de Souza-Cardoso

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À propos de ce livre électronique

Pionnier au Portugal, son pays d’origine, Amadeo de Souza-Cardoso (1887-1918), fut aussi bien in fluencé par l’impressionnisme que par le fauvisme, l’expressionnisme et le futurisme. C’est en côtoyant des artistes tels qu’Amedeo Modigliani, Diego Rivera et Gaudí avec qui il se lia d’amitié qu’il développa son propre style, mêlant tradition et modernité. Emporté prématurément par la maladie, cet artiste avant- gardiste encore peu connu laissa quelque cent-cinquante toiles et reste considéré comme l’un des plus grands artistes portugais de sa génération.
LangueFrançais
Date de sortie4 avr. 2016
ISBN9781785257582
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    Aperçu du livre

    Amadeo de Souza-Cardoso - Pedro Lapa

    Notes

    Introduction

    Particularité et universalité d’Amadeo

    Dans le Paris du xxe siècle naissant, à l’époque où émergent les avant-gardistes venus du monde entier ou après le début de la Grande guerre, dans la maison familiale de Manhufe au nord du Portugal, Amadeo de Souza-Cardoso, pour donner forme à son œuvre, rencontre les plus grands artistes et s’inspire des principaux mouvements sans jamais appartenir à aucun. Il participera aux côtés des précurseurs du cubisme au Salon des indépendants en 1911 et 1912, et au Salon d’automne la même année. Il sera l’un des trois cents artistes exposés à l’« Armory Show », la première grande exposition d’art moderne organisée à New-York en 1913 et sera, la même année, sélectionné par le très influent magazine Der Sturm pour accrocher quelques toiles au cours du prestigieux Erster Deutscher Herbstsalon de Berlin.

    Amadeo de Souza-Cardoso s’installe à Paris en 1906 pour étudier l’architecture qu’il abandonne rapidement pour se consacrer exclusivement à l’illustration, puis la peinture. À Montparnasse, il devient un ami proche de Modigliani, avec qui il partagera un atelier. Il compte alors parmi ses fréquentations quelques-uns des plus grands artistes de l’époque parmi lesquels Brancusi et Archipenko. En 1911, sa rencontre avec Sonia et Robert Delaunay, marque un véritable tournant dans le développement de sa peinture. D’un cubisme initial, ses œuvres gagnent en maturité et se rapprochent du simultanéisme et de l’abstraction avec de premiers résultats concluants en 1913. Les phases suivantes de son travail sont les plus complexes et le préservent d’une filiation directe avec les avant-gardes dominantes de la scène artistique parisienne que sont le cubisme, le futurisme et le simultanéisme. Malgré une plus grande proximité avec cette dernière, en incorporant le collage et le trompe-l’œil d’estampes, des éléments mécaniques à côté d’un chromatisme basé sur des contrastes simultanés, sa peinture opère une transposition entre les différentes assertions de la notion de simultanéité, dont ces avant-gardes se réclament.

    Le passage d’une visualité pure, expérimentée en 1913 avec l’abstraction, à un domaine attentif à la circulation des signes de la peinture et de la nouvelle culture visuelle, marque ce que l’on pourrait appeler la maturité de son travail, à partir de 1915-1916. En transformant et en déplaçant les aspects de ces mouvements au contact desquels il s’est formé, Amadeo, partant de leurs significations d’origine, peut très tôt en élargir la portée par le biais de sa propre expérience sensible et des relations qu’il établit entre eux, complexifiant ou écourtant certaines de leurs prétentions. Par ailleurs, l’articulation avec une nouvelle imagerie de la culture de masse vient impliquer le langage des formes modernistes dans la structure des relations du monde moderne et, dans ce sens, chercher les effets de leur rencontre, de leurs possibilités et impossibilités, par une approche ironique. Ce langage fait d’éloignements, de mélanges et d’intervalles, hérité du collage cubiste, exprime une non-conformité généralisée avec les modèles avant-gardistes en cours d’institutionnalisation, raison pour laquelle il y a une valeur de commentaire implicite dans le jeu de références et de déplacements de la peinture d’Amadeo.

    Paradoxalement, c’est au nord du Portugal que la majeure partie de cette production est élaborée, lorsque, empêché par la Première Guerre mondiale de retourner à Paris, il y séjourne et y est rejoint par les Delaunay fuyant le conflit. Un ensemble de projets enthousiastes naît alors de cette proximité et de la volonté de combler l’interrègne. Tout au long de son parcours, initialement mimétique, multiforme et hybride, Amadeo aura progressivement cherché à cultiver une distance à même de préserver un espace de ré-articulation autour de sa peinture, à travers son expérience sensible et d’une compréhension constructive, susceptibles de donner forme à un travail spécifique. Les peintures finales de 1917 sont de magnifiques réalisations de cette relation, de cette tension et de son désaccord implicite. Consciente et critique de certaines prétentions idéalistes du modernisme, sa peinture, en réalisant ce travail de réorganisation, destitue les prétentions universalistes assumées par ces mouvements et consignées par l’histoire de l’art moderne. Sa mort prématurée en 1918, à trente ans, interrompt la poursuite de son projet. Il laisse tout de même un ensemble suffisamment large et significatif pour donner corps à une œuvre unique et nous faire admirer ses réalisations.

    Amadeo de Souza-Cardoso, 1907. Photographie.

    Amadeo de Souza-Cardoso, date inconnue. Photographie.

    Amadeo de Souza-Cardoso et Francisco Carneiro à l’atelier de Souza-Cardoso (3, rue du Colonel-Combes), Paris, date inconnue. Photographie.

    I

    Amadeo de Souza-Cardoso,

    peintre moderne du XXe siècle

    Auto-découverte dans les marges de la peinture moderne

    Amadeo de Souza-Cardoso naît le 14 novembre 1887 à Casa do Ribeiro, la maison familiale située à Manhufe, près de la ville d’Amarante au nord du Portugal. Son père, José Emídio de Souza-Cardoso, est un prestigieux producteur de vin. Sa mère, Emília Cândida Ferreira Cardoso, élève ses neuf enfants. Il suit ses études au lycée national d’Amarante jusqu’en 1901 avant de partir terminer sa formation secondaire à Coimbra. Son avenir est tout tracé, là-bas, il intègrera l’université de droit la plus célèbre du pays où son frère aîné, Eugénio étudie déjà. Mais c’est sans compter sur le caractère du jeune homme. En 1903, Amadeo abandonne ses études pour travailler chez Camisaria Confiança, le magasin de confections que son parrain possède à Porto.

    Le jeune Amadeo cherche sa voie et si, jusqu’alors, rien ne le rapproche du milieu intellectuel, l’été 1904 bouleverse la donne. En vacances dans la maison que ses parents possèdent à Espinho, une station balnéaire au sud de Porto, Amadeo fait la connaissance de Manuel Laranjeira (1877-1912), un médecin poète, dramaturge et essayiste, lié au symbolisme et au décadentisme littéraire. L’homme est un ami du peintre António Carneiro (1872-1930), du poète Teixeira de Pascoaes (1877-1952) et du poète et philosophe espagnol Miguel de Unamuno (1864-1936) qu’Amadeo rencontrera en 1908. Immédiatement, le jeune homme et Laranjeira se lient d’une amitié profonde et stimulante qu’ils entretiendront jusqu’au suicide de celui-ci durant l’hiver 1912. La correspondance des deux hommes est nourrie par l’immense culture littéraire et artistique du médecin, et éveille Amadeo à de nouvelles réalités. Manuel Laranjeira avait visité le musée du Prado à Madrid en 1903, et ses connaissances artistiques, comme littéraires, constituent une première source d’information pour Amadeo de Souza-Cardoso.

    À cette influence, s’ajoute la protection que son oncle maternel, Francisco Cardoso, exerce auprès de la famille. Celle-ci permet à Amadeo de se détourner des carrières dites conventionnelles pour se tourner vers sa nouvelle passion, l’art.

    Ainsi, en octobre 1905, Amadeo rejoint l’Académie Royale des Beaux-Arts de Lisbonne (dans l’intention de poursuivre des études d’architecture. Il y rencontre Emmerico Nunes, Alberto Cardoso et Armando Lucena, futurs artistes de sa génération, qui s’affirmeront par leurs prises de positions très différentes du modernisme. Pour la première fois de sa vie, Amadeo côtoie les milieux artistiques et plus que l’architecture, c’est surtout la caricature qui l’intéresse. Cette première année à Lisbonne ne semble guère l’enthousiasmer. Il s’en plaint dans une lettre à Manuel Laranjeira, dont le pessimisme confirme et complexifie les craintes d’Amadeo, que son « seul espoir reste Paris, le monde où les gens vivent, sentent, pensent, travaillent »[1]. Cette position défaitiste à l’égard de la réalité nationale est transversale à la pensée portugaise de la fin du xixe siècle qui a vu beaucoup de grands intellectuels se suicider et dont Manuel Laranjeira est alors l’héritier. Si ce sentiment n’a à proprement parler pas d’influence significative sur la pensée et les perspectives intellectuelles qu’Amadeo commence alors à forger, il suscite cependant chez le jeune homme un besoin impérieux de prendre ses distances vis-à-vis du contexte culturel portugais et de ses impasses. Une vision que le jeune homme manifestera plus ouvertement lors de son départ pour Paris, et surtout dans les jugements sommaires qu’il prononcera sur la réalité culturelle de son pays.

    Pendant cette période à Lisbonne, Amadeo continue d’exécuter et d’améliorer les caricatures commencées l’année précédente. Dans une lettre datée de la fin mars 1906, Laranjeira dit apprécier son travail. Cependant, le mois suivant[2], face à une caricature plus centrée sur une synthèse de formes plates, brossant un profil féroce de Laranjeira, ce dernier ne manque pas d’émettre quelques critiques. Pour le poète décadentiste qu’est Laranjeira, il manque de pénétration psychologique. Mais cet aspect ne semble pas vraiment intéresser Amadeo, dont l’attention se porte alors vers la surface des formes, leurs conjugaisons et l’exagération d’un quelconque détail physionomique plus contrasté, qui se démarque et produit la caricature. Dans la même lettre, Laranjeira fait également référence au fait que le peintre António Carneiro[3] aurait apprécié une caricature d’Amadeo.

    Au-delà de l’exercice de la caricature, Souza-Cardoso fréquente assidument les milieux culturels lisboètes. Au début de l’été, il achève une première année à l’Académie pour le moins décevante. Ses résultats sont moyens sauf en Dessin de Figure, matière dans laquelle il obtient de bons résultats.

    Après un été passé à Espinho, Amadeo déçu par cette expérience, part s’installer à Paris en compagnie de Francisco Smith (1881-1961), un autre jeune artiste. Nous sommes le 14 novembre, jour de ses dix-neuf ans. Encore une fois, le soutien de son oncle Francisco Cardoso aura été déterminant auprès de la famille. Dans une lettre à sa mère, à la veille de son départ, il affirme en forme de défi pour lui-même : « mes ambitions ne sont bien qu’avec moi. Soit elles me permettent de triompher, soit elles m’écrasent »[4].

    À leur arrivée à Paris, les deux amis sont accueillis par Acácio Lino, un artiste portugais. Quelques jours plus tard, Amadeo s’installe à Montparnasse, rue Denfert-Rochereau, au moment même où le rejoignent à Paris Amedeo Modigliani, Juan Gris et Gino Severini.

    Caricatures dessinées par Amadeo de Souza-Cardoso, 1906.

    Caricature d’« un parisien », dessinée par Amadeo de Souza-Cardoso, 1908.

    Cette même année il s’inscrit à l’Académie Julian, connue comme atelier préparatoire aux Beaux-Arts. Plusieurs témoignages rapportent le désintérêt que ressent vite le jeune homme pour les méthodes de Jean-Paul Laurens, fondées sur le dessin basé sur le plâtre ou le modèle. Selon son collègue Pedro Cruz, Amadeo lui disait : « Laisse tomber les académies. Que diable, tu n’as qu’à faire quelque chose de nouveau, avec ce que tu sais du dessin... » et de fait il abandonne rapidement l’Académie, préférant apprendre par lui-même en lisant et en visitant des expositions[5].

    En décembre, il se voit dans l’obligation de fréquenter l’atelier de Godefroy et Freynet, situé boulevard Raspail. Il est censé y préparer, pendant six mois, l’admission aux Beaux-Arts, où il étudiera l’architecture, à la demande de sa famille qui goûte peu son attrait pour la peinture.

    Durant ces premiers temps à Paris, Souza-Cardoso côtoie principalement des Portugais venus comme lui pour étudier la peinture, l’architecture ou la médecine. On compte parmi eux, Eduardo Viana, Emmerico Nunes, Alves Cardoso, Domingos Rebelo, Francisco Smith ou Manuel Bentes. Ceux qui, quelques années plus tard, allaient proclamer l’art moderne portugais lors de « l’Exposition Libre » organisée en 1911 à Lisbonne. Seul Amadeo ne souhaita pas participer à cette manifestation.

    En 1907, l’artiste en herbe commence à publier ses caricatures au Portugal, tout en continuant à fréquenter, sans trop de conviction, l’atelier préparatoire aux études d’architecture. Manuel Laranjeira l’interroge, dans leurs échanges épistolaires, sur sa vocation réelle, prévoyant un désistement et vante avec ferveur les caricatures reçues au cours de cette première année parisienne. En effet, son intérêt pour les exemples modernes, observés dans L’Assiette au Beurre, Le Rire, Le Courrier Français, La Caricature, commence très vite à se manifester, avec une attention toute particulière pour Steinlen, dont l’influence était évidente dans une caricature d’Alves Cardoso et d’Emmerico Nunes, datée du 3 décembre 1906.

    Plus tard, Jacques Villon, Jeanniot, Juan Gris ou Jossot deviennent la référence. Leurs dessins, faits de grandes taches plates de couleur et de lignes synthétiques, démontrent une préférence déclarée pour les conceptions plus modernisantes de la caricature et du dessin humoristique au détriment d’autres références, également disponibles dans les mêmes publications humoristiques, dont l’héritage du siècle précédent se faisait ressentir dans les clairs-obscurs. Des références désormais dépassées qu’Amadeo de Souza-Cardoso abandonne définitivement cette même année. Au début du xxe siècle, le dessin humoristique est, en

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